Podcast : Florian Gravier – patineur et fondateur de Flaneurz

Podcast : rencontre avec Florian Talaria Gravier, patineur et cofondateur de la célèbre marque française de patins détachables Flaneurz.

Par alfathor

Podcast : Florian Gravier – patineur et fondateur de Flaneurz
Podcast de Florian Gravier – Flaneurz

Première partie : Florian Gravier et sa pratique du roller quad

Florian Gravier est à la fois patineur et entrepreneur. Fous l’avez peut-être déjà aperçu dans des vidéos de roller dance sur les réseaux sociaux. Il est également possible que vous ayez chaussé l’une de ses paires de patins à roulettes. Danseur sur roulettes et cofondateur de la marque française Flaneurz.

Podcast : entretien avec Florian Gravier, patineur à roulettes, danseur et fondateur de la firme Flaneurz – télécharger le mp3

Bonjour Florian Gravier !

Bonjour Alexandre et merci de me recevoir.

Avec plaisir, ça fait un petit moment qu’on voulait te recevoir également. Après avoir fait l’interview de Sébastien Laffargue et Grégoire Pinto pour FRSKATE qui est aussi une marque de roller française, il y avait du sens aussi de faire un zoom sur toi d’abord et puis ensuite sur Flaneurz…

Je me permets Alexandre, si tu veux bien… C’est vraiment un honneur d’être sur Balado Roller. Je suis un auditeur assidu. Un peu moins quand il y a des sujets inline, mais tous les sujets quad, je les ai poncés ! Il y en a que j’ai écouté plusieurs fois. Des gens qui étaient mes idoles quand j’étais jeune, ça m’a permis de revivre certaines époques, d’apprendre beaucoup de choses. Que ce soit le podcast ou le site rollerenligne.com, que je consulte beaucoup pour toute la partie histoire.En tout cas, bravo pour tout ce que vous faites et pour les passionnés,

C’est vraiment très intéressant. Je sais qu’il y a des gens comme le directeur général de Flaneurz qui écoutent aussi pour faire leur culture roller.

Florian Gravier à Barcelone - © Julie Bruhier
Florian Gravier à Barcelone – © Julie Bruhier

Tu parles de Maxime Duponchel ?

Non, je parle de Pierre. On parlera de Maxime et de Pierre aussi, Maxime est notre président. Pierre est le directeur général. Il fait sa culture roller française et parisienne à travers les podcasts. Et voilà c’est super de pouvoir documenter cette époque ! Le roller tout le monde en a fait mais il y a peu de documentation, il y a peu de gens qui s’intéressent à l’histoire, il n’y a pas de gens qui s’intéressent à la sociologie qu’il peut y avoir autour. Enfin moins qu’à la grande époque inline.

Merci ! Alors bon, aujourd’hui c’est plutôt toi qu’on va essayer de mettre en avant. Je vais commencer par la question traditionnelle. Est-ce que tu peux te présenter s’il te plaît ?

Je m’appelle Florian Gravier. J’ai 43 ans. Je suis un passionné de patins roulettes et je suis à l’origine du projet de l’entreprise Flaneurz, que j’ai cofondé avec d’autres fondateurs dont Arnaud Darut-Giard et Walid Nouh. Aujourd’hui je suis aussi président d’une association qui s’appelle Flaneurz Roller Skating Club. En effet, elle est adossée à l’entreprise. Mais elle a une dimension plus événementielle et culturelle.

Florian Gravier, avant d’aborder Flaneurz à proprement parler, je te propose qu’on fasse un retour sur ta pratique du roller. Alors sportive ou pas sportive parce que le roller ça peut être aussi artistique notamment quand on commence à faire mention de roller dance. Comment tu as découvert le patinage à roulettes ?

Alors, tu sais, j’ai essayé de me souvenir en préparant un petit peu cette interview. Et j’ai pas de premiers jours précis. J’ai plusieurs images, plusieurs lieux, plusieurs patins. Et c’est difficile pour moi. Le premier souvenir c’est une paire de patins à roulettes et je ne crois pas que c’était des lanières. C’était plutôt des straps en plastique un peu comme sur les inline. Donc ça, c’était des patins à roulettes avec une armature en fer et des roues rouges très dures. J’ai l’impression que ce sont mes premiers patins.

Après il y en a eu d’autres. Et pour les spots, il y a ma grand mère qui habitait à Paris. Elle m’emmenait à la piste de patinage du parc Monceau, piste qui existe toujours. Un peu en pente avec une espèce de rambarde au milieu. Et je crois que c’est elle qui m’a emmenée pour la première fois au Trocadéro. J’étais spectateur.

A l’époque, les patineurs n’étaient pas en bas, ils étaient en haut et ils sautaient sur les plans inclinés, Pour moi c’était hyper impressionnant parce qu’il fallait sauter une petite marche pour arriver sur le plan incliné et ensuite avoir une patate de fou parce qu’il était assez long, assez haut. Et ils arrivaient à sauter par dessus des barrières aussi, à atterrir à la hauteur du haut du tremplin. Donc il fallait vraiment être fort pour avoir de l’amplitude sur ces sauts-là. Voilà, mes souvenirs du Trocadéro.

Tu avais quel âge ? C’était en quelle année Florian Gravier ?

Je ne saurais pas dire. Je suis né en 1981, donc c’est assez flou, tu vois. Et je pense que ça doit être fin des années 1980, quand j’y allais en tant qu’enfant. Ma grand-mère m’emmenait le dimanche en balade. Et après, il y a eu une continuité entre la pratique d’enfant, cette espèce de loisir, jouet et ma pratique adulte. Après, j’ai continué d’évoluer forcément avec d’autres patins.

Tu roulais avec quel type de patins à tes débuts ?

Je me souviens d’avoir eu des patins américains, ce n’était pas les Americana. C’était avant ma paire d’Americana, Il s’agissait de patins mous et bleu/blanc/rouge avec les étoiles. Une espèce de patin avec une chaussure très souple, des platines en alu et des roues souvent dures.

Puis après j’ai le souvenir des Americana sur platine Rollet. Mon grand frère en avait, ou plutôt, des platines assez exclusives, car elles s’agrandissaient. Tu pouvais dévisser ta chaussure, agrandir la platine qui pouvait suivre ta croissance jusqu’à un certain point. Quand tu avais vraiment des grands pieds, ça pouvait céder sur la partie du milieu.

Je me souviens aussi d’autres paires d’Adidas toujours montées sur platine Rollet. D’autre part, je crois que ça s’achetait chez Courir à l’époque. Je me souviens du modèle de cette Adidas, Walid saurait nous dire le nom. Elle était blanche et violette. Et donc, après mes parents se sont séparés. Mon père a vécu avec une femme qui avait des enfants. Tous les soirs, dans la cité de Villiers-le-Bel, on allait rouler. Donc c’était vraiment une pratique tu vois, avec mon grand frère. Et donc de l’autre côté de ma mère avec ses enfants. Il y avait tout le temps du patin en famille. Je n’ai pas de souvenirs précis, pleins de souvenirs flous. C’est arrivé de tous les côtés. Ensuite, je ne saurais pas te dire comment, mais je me suis retrouvé à la Défense.

Florian Gravier enfant à Balard et à la Défense
Florian Gravier enfant à Balard et à la Défense

A quel moment tu commences à aller vers le freestyle ou des pratiques un peu différentes de la balade ?

Le roller c’était un moyen d’explorer la ville. On sautait des marches, on faisait du slalom. Je n’avais pas de pratique en bas de chez moi, en tous cas, pas vraiment une pratique définie. On essayait de tout faire : on jouait à chat, on faisait un peu de tout.

Et puis après, je pense que c’est autour de 14-15 ans, je dirais en 1993-94, je ne sais pas comment, que je me suis retrouvé à la Défense. Et là j’y suis allé tous les week-ends. A l’époque il y avait Désiré Diboundou, Michel Fize en encadrant on va dire. Michel Fize que j’ai considéré comme un entraîneur. C’était lui qui s’occupait de la partie administrative pour cotiser, avoir sa licence, récupérer le sweat. Parce que la Défense, le truc c’est que tu avais le sweat ASICS. Je crois que ça a d’abord été Nike, puis ASICS. Mais je crois que ça a beaucoup séduit d’avoir son t-shirt avec le logo de la Défense.

Cela jouait beaucoup pour moi dans l’attrait que j’avais pour le club. C’est peut-être un peu futile mais en tout cas voilà. J’ai toujours d’ailleurs ce sweat. Et quand je le mets et que je croise des anciens ça fait toujours son effet.

Pour remettre un petit peu dans le contexte quand même, 1993, premier contest national de roller à la Défense, donc c’est vraiment la période où la Dalle vient de se construire et où le club a pris ses marques. Cela va devenir un haut lieu de la pratique à Paris, donc toi tu pratiques quelle discipline à ce moment là ?

Moi c’était principalement le saut. Et là j’avais une paire de Fiberlite. A l’époque on portait des baskets montantes. Et je jouais un petit peu basket aussi. Dès qu’une paire de basket était morte, je la mettais sur ma paire de Fiberlite. Sachant qu’à l’époque, il ne fallait pas avoir des pompes neuves, ce n’était pas cool. Si tu venais rouler avec une paire toute neuve, il fallait voir l’endroit où les chaussures frottaient quand on amortissait nos sauts, ça c’était aussi un signe de reconnaissance entre les patineurs.

Et puis moi j’ai vite abandonné le « Shoegoo » pour utiliser du plastique fondu. Je faisais fondre des sacs en plastique et les gouttes remplaçaient le Shoegoo. Je les ai brûlés, je mettais les gouttes là-dessus, j’ai du m’intoxiquer à respirer les vapeurs. Mais , ça coûtait moins cher que le Shoegoo. Et comme on frottait tout le temps nos pieds, il fallait renouveler souvent cette protection de chaussures. Sinon t’arrivais à frotter tes pieds, pas plus les chaussures mais tes pieds et donc, oui, moi c’était c’est le saut qui m’attirait le plus. Et forcément on faisait un peu de slalom avec les plots dans la descente, on allait aussi faire des éperviers, des chasse à l’homme, le dimanche quand le centre commercial était fermé, dans le parking, etc.

Florian Gravier en saut (karaté) - photo : Christophe Pallot
Florian Gravier en saut (karaté) – photo : Christophe Pallot

Quelles étaient les figures et les compétences à maîtriser au spot de la Défense ?

Mais la discipline qui m’attirait le plus c’était le saut. Et à travers le slalom, chose assez rigolote, j’ai appris à faire le crazy leg. Le crazy leg c’est un pas de danse en roller qui n’est pas le plus simple. Aujourd’hui les débutants veulent faire des crazy leg mais il y a plein d’autres choses à maîtriser avant. Mais quand on était à la Défense, il fallait savoir faire le Crazy Leg, sauter une barre de CRS, faire un croisé arrière dans les plots et un sac à dos catch sur le saut. Le Crazy Leg faisait partie du kit de base du patineur parisien de cette époque.

Après la Défense j’y suis resté je ne saurais pas dire combien d’années… A un moment donné Michel Fize est parti. Je fais une toute petite parenthèse sur Michel Fize peut-être qu’il nous entend peut-être que vous aurez l’occasion de l’interviewer…

Oui, on espère l’avoir un jour oui au micro…

A travers Balado Roller, j’ai entendu plein d’autres choses sur lui et je l’ai découvert. Parce que pour moi, c’était notre entraîneur, ça m’étonnait qu’il ne patinait pas. Mais je n’avais pas du tout conscience du fait qu’il était sociologue, qu’il était là aussi à la fois pour nous apporter et nous encadrer. Ce qu’il a fait avec la création du club. Je crois qu’il a aussi participé aussi à la création de la Commission Roller Acrobatique etc. Donc beaucoup de choses pour nous, pour le sport.

Après j’ai vu qu’il était dans un questionnaire qui était soumis à la jeunesse dans les années fin 1990, en tant que sociologue. Et ce questionnaire était un peu mal vu par la jeunesse, parce qu’on trouvait que les questions étaient cons et que de toute manière les institutionnels ne nous comprendraient pas. En tout cas c’était comme ça que je le voyais.

Et j’ai eu un sujet en fac de sociologie, j’ai eu un sujet de Michel Fize. Et en fait, quand j’ai découvert ça, j’ai eu une sensation qui n’était pas forcément justifiée mais j’avais l’impression d’avoir été trahi. D’avoir été un objet d’étude sans le savoir. Et depuis j’en ai parlé un peu avec toi, avec Walid, avec d’autres gens. J’ai croisé Lamine il n’y a pas longtemps, on en a reparlé aussi. Lamine Fathi, que vous avez interviewé. Lamine m’a dit qu’ils savaient tous qu’il était sociologue. Il était clean. Il a fait plein de trucs cool et non il ne s’est pas servi de moi. C’est juste que moi, j’étais un petit à la Défense.

Quels autres spots fréquentais-tu à cette période ?

On allait aussi sauter à Notre-Dame et au Trocadéro. Forcément on faisait des descentes des Champs-Elysées. En fait, on allait un petit peu partout. Mais j’étais un petit, donc je n’étais pas le meilleur. Je n’ai jamais été le meilleur en patin, donc j’étais peut-être moins remarqué, moins remarquable forcément.

A l’époque, ceux qu’on remarquait le plus c’était ceux qui avaient du niveau, ceux qui étaient incroyables. Je sais pas si c’était des jumeaux, mais Sylvain et Alban, les beaux gosses torse nu aux cheveux gras dans le vent, Ohm, Francis, Hakim Benjelloun, Désiré en slalom, Roy Collet, Wilfried Rossignol, Cyrille Proux qui patine toujours beaucoup.

Francis slalom au pied de l'Arche de la Défense
Francis slalom au pied de l’Arche de la Défense

Il faut faire attention, Cyrille est très vigilant ! Cyrille si tu entends des bêtises, tu nous sollicites…

Corrige-nous, il n’y a pas de soucis, je dis sûrement des bêtises. Parce que mes souvenirs restent flous. A l’époque c’était moins marqué, puisque c’était une passion, et que je ne savais pas que ça allait être ma vie, etc. Et puis surtout que j’ai arrêté un peu à un moment donné. Cela a un peu brouillé certains souvenirs.

Puis arrive le roller en ligne. Et moi je suis pas du tout dans le roller en ligne, parce que j’ai trop d’affect pour la basket. Et quand même cette grande période Défense, Trocadéro, Notre-Dame, du saut, du roller agressif, elle est contemporaine, c’était en même temps qu’un événement dans le monde de la sneaker qui s’appelait la sneaker war. C’était en fait la bataille des géants de la sneaker. Ils étaient plus nombreux à l’époque qu’aujourd’hui. Pour faire les meilleures chaussures pour jouer au basket, on a tous connu les Pump, on m’avait vendu une paire de languettes de Pump, que je mettais sous ma languette. A l’époque c’était des Adidas, pour patiner, il fallait avoir un patin qui soit assez fat. Il fallait aussi serrer les lacets pour être maintenu, mais il fallait que ça ait l’air assez fat. Puis, il y avait aussi des LA Gear, Adidas bien sûr, Nike, New Balance, Puma, il y avait plein d’autres marques, Patrick Ewing etc.

Il est clair qu’il y a une relation profonde entre la pratique du roller quad et les baskets…

Et moi j’étais trop amoureux de ça. Je n’avais pas forcément les moyens de me payer toutes ces chaussures. Mais vu que je jouais au basket, je regardais les chaussures qu’avaient les joueurs. J’ai touché la Redoute. Je regardais les chaussures à 1000 francs etc. Donc je n’ai pas été sensible au inline.

 » Ce que je trouvais intéressant et que je vois maintenant plus a posteriori et que je rencontre souvent quand je suis en contact avec les gens du monde de la sneaker c’est qu’on a développé à cette époque là une culture sneaker qui était la nôtre. C’est à dire que les paires les plus cotées dans le monde du patin, n’était pas forcément les plus cotées sur les terrains de basket ou dans la rue ou dans les clips. »

Florian Gravier

Par exemple, la Adidas Streetball, toutes ses versions, et une version particulièrement, la #3 grise et noire m’avait vraiment marqué. Ce n’était pas une paire hype. Tu vois, aujourd’hui elles n’est toujours pas ressortie. Il n’y a pas eu de hype autour de ça, mais pourtant pour nous c’était la meilleure paire. Et je trouve ça hyper intéressant d’avoir su développer cette culture-là. Et en plus à cette époque là, je crois qu’il y a beaucoup de gens qui sont passés par ces spots, Troca, La Défense, etc.

Cites-nous quelques personnes emblématiques des lieux…

Alors forcément on connait Taïg Khris, Ohm et Francis pour ce qu’ils ont fait. Dans une moindre mesure moi, pour avoir fait Flaneurz aussi étant issu de cette époque, Seb même s’il n’était pas accro sur ces spots là et qu’il était je crois plutôt à Jussieu ou dans d’autres endroits, mais il vient quand même de cette époque là, les débuts du breakdance. J’ai appris que Joey Starr avait découvert le hip hop parce qu’il venait faire du roller au Trocadéo et c’est comme ça qu’il a vu les premiers breakdancers aussi.

Donc il y avait une espèce d’émulation hyper forte et je crois qu’il y a beaucoup de gens qui sont passés par là. Que ce soit les gens du voisinage, plutôt bourgeois, ou moi qui venais de la banlieue nord, plutôt populaire ou d’autres gens. Il y avait une vraie mixité, ça brassait. Cependant, il y avait un peu de filles. Mais il y avait des gens de toutes les origines, hyper bienveillants.

 » On était un peu des ados rebelles et la pratique nous aidait, mais on n’était pas des bad boys. Et je pense même que ça a dû empêcher certains de faire des conneries parce qu’ils avaient leur groupe de potes, leur passion, etc. »

Florian Gravier

Il y avait vraiment une spécificité de la pratique du roller en France à ce moment-là ?

Oui, c’est vraiment une époque qui m’a marqué moi, je pense qui a marqué le monde du roller. C’est le saut, le slalom tel qu’on le faisait, ça ne s’est fait nulle part ailleurs. Et aujourd’hui ça se fait nulle part ailleurs. Et le niveau de street qu’on a, c’est dommage ça s’est perdu. Mais on était les meilleurs dans le monde. Même si moi je ne me classe pas dans cette catégorie-là, je me débrouillais. Tu vois quand j’écoutais l’autre interview, les mecs qui descendait à Lausanne en arrière, easy, en quad, et qui tracait tout le monde, c’était les mecs de Reims, de Paris, de Toulouse. Je crois qu’ils étaient assez chauds aussi.

Voilà la culture de la basket. Je me demande aussi : qui a pensé à mettre la première fois une plaque en Dural dans sur ses quads ? Le premier, moi je veux savoir ça. Toi l’historien du roller tu arriveras à me le dire avant. Mais bref, on a développé une discipline des produits, du matériel, avec Eric Gros de Hawaii Surf qui a suivi avec la platine Lazer et la Monolith aussi. On a fait un truc qui est unique au monde, qui est exclusif, qui ne se reverra plus.

Platine roller street Monolith
Platine roller street Monolith

Voilà, aujourd’hui, les anglais sont très forts en street, en arrière et tout. Mais nous nous accrochions aux voitures, nous faisions du saut dans l’eau… Il y a des trucs qui se refont plus et qui étaient vraiment propres à cette époque.

S’il y a quelque chose que je vois en filigrane dans tes propos, c’est vraiment la place de la basket. Elle est effectivement centrale dans la culture du quad. Et finalement, elle est déjà très présente à l’époque. Nous allons donc déborder un petit peu sur la partie Flaneurz mais finalement il y a une certaine continuité aujourd’hui dans la culture et l’appétit que vous avez pour des paires de chaussures et des belles paires de chaussures. J’imagine que cette période là elle t’a beaucoup servi pour après, pour maintenant même je dirais ?

J’en savais rien mais quand je me suis mis sur le projet Flaneurz et que je suis allé sur Internet, je suis tombé sur Rollerquad.net avec tous les montages. C’est donc le site de Walid. Là j’ai pu replonger dedans, etc. et me rendre compte que quand nous étions dedans, on ne se rendait pas forcément de ce côté unique et nouveau. Moi je n’avais pas forcément la conscience de l’impact que ça pouvait avoir. Tu vois, aujourd’hui j’en vis et j’en mange au quotidien. Étant de Villiers-le-Bel, ça rejoint aussi la culture hip-hop. Il y a des liens entre le hip-hop et le roller aussi, en France, aux Etats-Unis.

Donc pour moi, il y a une cohérence entre cette époque là avec ce que je fais aujourd’hui. A un moment donné, je voulais avoir des Bauer sur mes quads parce qu’il y avait Ohm qui en avait. Mais je n’ai jamais passé le pas. Et si on revient rapidement à la pratique, le inline arrive. Mon frère récupère une paire en provenance des Etats-Unis, une paire avant les Lightning. C’est à dire que c’était sans les lacets. Donc une paire de Rollerblade noire et jaune fluo. Elles avaient un strap ou une espèce de truc pour serrer qui n’était pas des lacets.

Parles-nous de la Défense et des sports sur lesquels tu allais Florian Gravier…

Avec mon pote Mehdi de Villiers-le-Bel, on allait à la Défense. On était les petits et on suivait les grands. Donc mon frère qui avait toujours un peu patiné récupère cette paire. On commence à savoir que ça roule dans des rampes. Peut être que la défense a commencé à passer de mode. Le inline a changé cette pratique. Et donc on est allé sur les rampes. C’est là que j’ai fait l’acquisition d’une paire de grinder, qu’un mec qui était passé au inline m’avait refourgué. Elles avaient des grosses barres en acier intordable.

Ainsi, nous avons commencé à faire de la rampe à Boutroux, à Balard et un peu au skatepark couvert de Versailles. Il y avait une middle aussi sur les hauteurs d’Ivry, pas très loin de Hawaï Surf. Je ne sais plus où c’était. Et là, il y avait Bruno. Je me souviens de deux Bruno, un peu petit et plutôt costaud et un autre. J’ai du mal à me souvenir des prénoms. Mais je me souviens qu’un jour à Boutroux je vois un mec débarquer avec une paire de Riedell, aujourd’hui pompe de vitesse ou de derby et des grinders dessous. Et il roule en aigle : c’est Taïg, je crois qu’il a arrêté à un moment donné.

Il y afait quelques sessions. Après, il était en Roces Impala. Si tu parles d’Impala aujourd’hui, c’est un autre délire. Ce n’est plus la même marque.

Effectivement historiquement, Roces avait un modèle qui s’appelait Impala, qui n’a absolument rien à voir avec la marque de quad qu’il y a aujourd’hui…

La marque Impala d’aujourd’hui appartient à une marque de Skate Globe.

Donc, j’ai vu Taïg Khris débuter en inline en rampe. Et puis après je l’ai vu à la télé.Donc c’était rigolo. J’essaie donc la rampe, mais c’est dur, ce n’est pas facile de sortir de la big ramp à 1m ou 1m50. J’arrive à faire un « invert », mais je m’éclate. Il y a Bercy qui passe à la télé. Je me dis qu’un jour je ferai le meilleur aussi. Et en fait je n’y arrive jamais, parce que ce soit le roller agressif, le saut ou pas, ou la rampe, quand tu tapes 1h30 de transport pour aller rouler, ce n’est pas efficace. On roulait peut-être pas assez. A un moment donné, j’avais construit un tremplin qu’on mettait en bas du bâtiment à Villiers-le-Bel. Mais là, il n’y avait plus l’émulation d’être avec tout le monde. Le niveau et peut-être pas assez d’entraînement et peut-être que j’étais pas fait forcément pour être le meilleur. Mais ça m’a fait rêver un moment de devenir le meilleur.

Et c’est vrai que j’ai mis deux fois mes pieds dans des inline. Je trouve ça magnifique quand je vois des inlineurs qui en font et je n’y suis pas du tout opposé. Je trouve ça hyper complémentaire au quad. Mais par contre, moi en tant que pratiquant quad, ça ne m’a jamais attiré.

A quel moment tu as fait ta rencontre avec la danse en roller ?

Alors, jusqu’à l’âge de 16-17 ans, donc pendant 2 ou 3 ans, je me bute à la rampe. On va à Bourges, dès que je fais un voyage en famille, on part en vacances, et j’essaie de savoir où est-ce qu’il y a des skateparks. Je ne sais pas comment on arrive à trouver ça, peut-être par les magazines.

Ensuite, je deviens lycéen. Les fêtes, des nouveaux potes, les filles, et j’arrête un peu de roller. J’ai toujours ma paire de Lazer, une paire de quad basket et ma paire de skatepark. Je mets de temps en temps mes quad basket pour me déplacer mais c’est plutôt un truc pratique. Mais ce n’est plus très régulier. Et puis après je fais un peu des études et puis je commence à bourlinguer. J’ai vécu sur la route pendant 6-7 ans où j’ai voyagé en Asie. J’ai vécu en Inde, puis j’ai vécu un peu en Thaïlande, etc. Là je ne fais pas de roller. Après je voyage en Amérique du Sud et je me pose à New York.

Qu’est-ce qui te fait bouger comme ça? C’est le boulot ou c’est l’envie ?

Au début j’avais fait des études, j’avais un master 1 à la fac. On appelait ça une maîtrise à l’époque, de conception de projet culturel. Je bosse un peu là-dedans et je me retrouve à bosser pour une asso qui emmenait des artistes contemporains à Hong-Kong et en Chine. Nous allions dans les foires d’art contemporain et je trouve que c’est cool. Je me rends compte de la valeur du passeport français : on peut aller partout ! Ce qui n’est pas le cas de tous les détenteurs de passeport. Déjà on en a un facilement accessible et en plus toutes les portes s’ouvrent. Tous les pays s’ouvrent à nous, donc je trouve ça cool.

Et puis parler un peu perso ça n’a rien à voir avec le roller. Mais en voyage, ça t’oblige à sortir un peu de qui tu es, à être inventif, à être ouvert, à être moins timide, à être plus communiquant. Et donc je trouve que ça me fait grandir. En plus de découvrir plein de choses. Pendant ce temps-là je reviens en France. Puis je bosse un peu et je repars. A un moment donné je reviens en France, je fais un CAP de cuisine. Donc reconversion. Ensuite, je vais bosser un peu en Suisse. J’obtiens un permis de travail en Suisse, je mets de la thune de côté. Là, je pars en Amérique du Sud. Après je vais à New York où je bosse en cuisine aussi en tant que travailleur immigré avec des faux papiers, etc.

Tu as vraiment beaucoup bougé à cette période Florian Gravier…

Enfin, un peu en bordel. J’ai un peu fait le con avec ça. Mais je me suis jamais fait chopper. Franchir la frontière mexicaine… Enfin bref, des histoires. Et là je suis à New York et je dis à ma mère de venir me voir. Et je lui de ramener ma paire de roller à New York. Je pense que ça va être cool. Je vais pouvoir me déplacer avec et tout. Elle me ramène mes rollers et là je me déplace, je vais au boulot en roller et tous les gens à New York hallucinent. Ils appellent ça « Sneakers and Wheels » parce qu’eux ils ont vraiment la culture de la bottine. Pas du patinage de rue. Là vraiment je vois un attrait.

Puis, je découvre l’association de Central Park. Il y ades sessions tous les samedis et les dimanches avec DJ et musique. En plus, ils viennent de refaire le sol. Ces dernières années, c’était devenu vraiment graton. Mais là, c’est un goudron, je pense qu’on appelle ça un enrobé qui est assez cool. Pour les auditeurs, si vous passez à New-York un samedi ou un dimanche, allez au coeur de Central Park. Et là vous allez voir des bons danseurs, même si c’est un peu folklore et un peu les anciens. Mais moi je m’éclate, je sais faire le crazy leg. Il est toujours là ! Je tourne, je saute, je fais un peu le foufou et je commence à tisser des liens.

Oui, le roller, c’est vraiment un moyen de faire des rencontres…

Et comme tu le sais, quand tu as des rollers aux pieds, tu te fais plus facilement des amis qui ont des rollers aux pieds que si tu n’en as pas. Ainsi, je commence donc à tisser des liens avec des locaux. C’est sympa. J’habite dans une coloc et je commence à monter des patins aussi pour les gens. Moi je m’étais racheté une paire de Dunks là-bas et je m’étais remonté ça. J’avais une paire blanche et violette. Et j’avais des roues blanches et violettes, j’avais fait un truc joli. Alors, je commence à louer une perceuse, j’achète un peu de matos et je fais deux trois montages pour des gens. Et puis je pratique, je pratique… Avant de revenir en France, je vais vivre en Italie, où je me déplace aussi en roller.

A quel endroit en Italie ?

Je vis à Venise, et je suis serveur près du Rialto. Avant ça, j’avais été serveur aussi à New York, je travaillais entre la cuisine et la salle.

 » Une fois, j’avais oublié mes pompes. Puisque je venais en roller, j’avais oublié mes chaussures à la maison, et donc j’avais dit à mon patron :  » soit tu me laisses une heure, je vais chercher mes pompes, soit tu me laisses bosser en roller. » Et il m’avait laissé faire un service en roller, c’était cool, c’était un bon souvenir. »

Florian Gravier

Je vais alors prendre des cours d’italien au centre social catholique je crois, avec tous les travailleurs immigrés. Et un jour, je roule place Saint-Marc et je me fais arrêter par les flics. Ils me ramènent au poste, ils me confisquent mes patins. Je n’ai pas de pièce d’identité, donc ils me disent :  » Les patins on les garde, tu rentres et tu nous ramènes ta pièce d’identité et on te rend tes patins. J’ai du rentrer en chaussettes !

Oui, c’est un peu pareil en France dans les magasins et les transports en commun…

Oui, je vous passe toutes les fois où on a croisé les contrôleurs dans le métro et on a dû déchausser, être en chaussettes. Quand on voulait acheter un truc dans un magasin; que le vigile ne me laissait pas passer. Je n’avais jamais une deuxième paire de chaussures. Je sais qu’il y en a qui prennent des petits tongs, des trucs légers et tout, mais moi une fois j’ai ramené une paire de chaussures, ma paire de Jordan toute neuve que j’avais eu pour la rentrée en solde… Et j’ai mis mon sac à dos derrière le tremplin de la Défense et on m’a volé mon sac à dos !

C’est de là que vient l’idée de la chaussure détachable ?

En fait, à Venise, je m’étais dit que j’allais monter ma boîte. Quand je vivais au Mexique, j’avais commencé à me renseigner pour ouvrir une crêperie. Un jour, avec mon ex, Mikaela, et un copain, Amédéo, on rentre à Venise. On avait ramené de la famille une bouteille de grappa. On le boit dans le train. Et là, ça parle et c’est là où vient l’idée que je me dis qu’il faut que ce soit détachable. Voilà, on pourrait faire un truc, les patins c’est cool, les gens me demandent, des montages basket. Mais il faudrait que ça puisse être détachable.

Donc là nous sommes en 2010/2011, quelque chose comme ça. Et puisque j’étais dans un milieu assez étudiant à Venise, je rencontre des étudiants ingénieurs. On commence à gratter quelques idées de concepts, de systèmes mécaniques. C’est à ce moment-là que je me dis :  » Vas-y, c’est ça que je veux faire. » Et donc, je pars en Suisse travailler pendant 8 mois en intérim. Je prenais 2 ou 3 missions d’intérim d’affilée. Le plus long que j’ai fait c’est 23 heures de travail d’affilée. Et j’ét’ais payé 21€ net. donc au bout de 23 heures, ça fait tout de suite un petit billet. En tout cas à mon époque. Pour moi c’était de l’argent vraiment gros.

Et j’ai habité chez mon oncle et ma tante qui habitaient de l’autre côté de la frontière. , merci à eux. Ainsi, j’ai pu mettre 15.000 euros de côté en 8 mois. Puis, je suis rentré. J’ai fait une formation qui s’appelle « Créa Jeune » qui n’existe plus. Elle était dispensée par l’ADIE, l’Association pour le Droit d’Initiative Economique. Ils font du micro crédit et des choses comme ça.

En fait, tu viens avec ton idée et tu sors avec un business plan. D’accord…

Mais c’est toi qui dois le faire, tu vois. Mais tu apprends ce que c’est que l’entreprenariat sur la base de ton idée.

Donc déjà, tu as la fibre entrepreneuriale, l’envie en tout cas d’être à ton compte parce que ce que tu nous disais dans ton parcours, tu avais un master en conception et organisation d’événements et un CAP de cuisine. C’est un peu éloigné de Flaneurz…

Les événements ça rejoint un peu maintenant. Un peu plus sur la partie associative. Si on fait la petite parenthèse, la restauration c’est hyper… déjà tu te tapes dedans. Tu ne te fais pas toujours payer tes heures sup’ et il y a une vraie rigueur. Il y a du vocabulaire militaire d’ailleurs. Et il y a plein de choses que je peux retirer. Aujourd’hui, quand j’ai des stagiaires ou des jeunes en formation, en cuisine, ce que j’apprenais, c’était que tu avais fini ta mission quand ton poste de travail était rangé. On t’a dit de faire la recette et d’envoyer X couverts, mais tu n’as pas fini tant que ce n’est pas rangé et nettoyé. Donc cette rigueur-là m’a vachement servi par la suite et je la transmets aussi.

Et par exemple on y reviendra mais Arnaud, qui a été l’ingénieur qui a inventé le système, quand j’ai vu son CV il avait bossé au McDo. Et moi je trouvais ça cool parce qu’il était en école d’ingénieur mais déjà il avait bossé au McDo. Donc pour moi, il avait mis les mains dans le cambouis. Il savait ce que c’était que la « vraie vie » entre guillemets et il m’avait dit :  » Tu vas voir, la production, on va la faire comme au McDo. »

En quoi la culture de McDonald a influencé votre organisation ?

Il fallait que ça tourne, que ce soit réglé… Comme au McDo ! ça m’avait séduit. Je rentre donc en France avec un petit peu d’argent, je fais cette formation et je me demande qui va accepter mon projet. En effet, les ingénieurs font des vaisseaux spatiaux, des trucs de fous… Alors faire en sorte qu’une basket se détache d’une platine, forcément c’est possible.

k2 phenomen
K2 Phenomen

Et l’idée dès le début c’était de pouvoir le faire sur n’importe quel type de basket. Je me renseigne donc sur ce qui existe. Je découvre le K2 Phenomen. La ligne de quad de K2 n’est pas sortie au bon moment. Ils l’ont sortie alors que c’était le grand moment du inline. Des beaux patins, ils avaient de la gueule ! c’était un montage « hilo » si je ne me trompe pas, avec des petites roues à l’avant et un peu plus grosses à l’arrière. La platine à nu avec un design assez moderne

Oui futuriste même…

Avec des chaussures basse Nike Cortez. C’est dommage car les autres avaient des chaussures de la même taille. Les chaussures qu’ils avaient mis sur les autres quads étaient montantes. Et là ils ont fait le choix de mettre une chaussure pas du tout flexible au niveau de la semelle. Donc très rigide. je les défonce, je regarde ce qu’il y a à l’intérieur et je vais voir un ingénieur. Je ne sais pas ce que c’est qu’un ingénieur à l’époque, la mécanique, etc.

Donc, je suis complètement éloigné de Powerpoint, Excel etc. j’étais en CAP donc ça faisait longtemps que j’avais lâché les ordinateurs. Ainsi, je faisais juste des emails. Je découvre tout ça, parce qu’un business plan c’est de l’écrit, même chose pour les études de marché. Et puis après il y a toute la traduction financière. Tout cela, je le découvre. C’est une réalité hyper importante.

Je cherche des cabinets d’ingénierie classiques mais ils me demandent 1000 euros par jour ! En plus, ils me demandent de leur filer le projet et de revenir les voir plus tard. Bien sûr, je refuse. Il me faut quelque chose de plus. Il faut que je participe parce qu’ils connaissent quoi au roller ? Rien ! Moi j’ai une connaissance empirique. Et donc je cherche qui va pouvoir faire ça. Je sais bien qu’avec mes 15.000 balles, si je vais voir les cabinets d’ingénierie à 1000 euros par jour, je vais ressortir avec rien du tout.

Et c’est pour cela que tu te tournes vers les écoles d’ingénieur ?

Oui, je me dis qu’il y a bien des étudiants. Nous sommes en France. Parce qu’à un moment donné je me suis dit : est-ce que je vais le faire aux Etats-Unis ? Parce qu’un business comme ça, peut-être qu’il faut le faire aux Etats-Unis. Mais après je me suis dit que je n’avais aucune connexion aux Etats-Unis. L’argent privé, les levées de fonds ça se fait à fond mais il faut être connecté. Alors je me suis dit qu’en France, au contraire, il y a toutes les aides et qu’on allait gratter toutes les aides possible. Ainsi, je découvre l’existence des « junior entreprise »

Qu’est-ce que c’est Florian Gravier ?

Il s’agit d’associations d’élèves qui font des prestations dont leur école enseigne la spécialité. Il y a notamment la senior entreprise de l’école des arts et métiers. Une école d’ingénierie mécanique à ne pas confondre avec le Conservatoire des Arts et Métiers qui est au métro « Arts et Métiers ». Là, c’est à Place d’Italie.

Et je vais voir cette association d’élèves. Eux, ça leur fait un petit boulot, ça leur fait de l’argent et puis en même temps ça les forme sur leur futur métier. Là, je leur soumets le projet. Je demande une cotation et à ce qu’ils mettent un chef de projet. Et c’est Arnaud qui ressort. Je vois son CV. Petite parenthèse, il a fait son stage de 3ème chez Vertical Line, un ancien magasin de roller de Paris. Il avait passé tous les prix de franc en euros si je ne me trompe pas.

Oui, pour le rappel c’était un des 10 ou 15 magasins qu’il y avait à Paris au début des années 2000 Vertical Line…

Et je paye l’association. Ça m’a coûté 6000 €. Et après on a rajouté 2000 € environ, un truc comme ça, pour faire la conception en CAO (Conception Assistée par Ordinateur), puis en prototype réalisé dans les ateliers de prototypage de cette école. Et c’est comme ça qu’on fait ça. Petit retour en arrière : le Noël juste avant, j’avais épluché le forum de rollerquad.net, je ne le connaissais pas, pour essayer de voir tout ce qu’il y avait sur le détachable etc.

Comment se fait la rencontre avec Walid Nouh ?

Et je me dis que Walid c’est « Maître Yoda », c’est son surnom je crois. est un influenceur avant l’heure. C’était un rider pluridisciplinaire qui connaissaitt tout le matos et tout le monde le connaît. Donc je vais voir Walid et je l’invite à dîner un jour. Alors, je lui montre une paire que j’avais monté et je lui montre les quelques croquis que j’avais déjà, etc. Il me dit :  » Vas-y, c’est marrant ton truc, tiens-moi au courant, si tu fais quelque chose, pourquoi pas. »

Donc quand je rencontre Arnaud et qu’on fait les premiers prototypes, je tiens Walid informé. Ainsi, Arnaud et Walid se rencontrent. Et entre temps, petit à petit, je découvre que Walid est aussi un entrepreneur, puisqu’il a des billes dans une boîte d’informatique et qu’il est ingénieur informatique. Je ne me rends pas compte à l’époque à quel point c’est primordial dans une entreprise d’avoir une ossature informatique importante. Moi j’avais complètement sous-estimé ce besoin-là.

Et en fait Walid que j’avais pris pour le côté patin, c’était très cool et très crédibilisant de l’avoir dans l’entreprise… Mais je pense que ce qu’il a le plus apporté, c’est toute la structuration et toute son expérience qu’il pouvait avoir déjà dans ses autres boîtes et tout ce qu’il nous a apporté sur ses compétences informatiques.

Vous avez fait divers prototypes, quelles ont été les étapes et les difficultés rencontrées Florian Gravier ?

Au bout de deux ou trois prototypes je crois… Le premier je le casse, il était en bois massif. Je vais au 104, je roule un tout petit peu et paf ! Il se fend. Après nous avons fait des contreplaqués en bouleau, des châssis. On a fait un contreplaqué en peuplier, qui était super dense, mais qui tenait bien. Cependant, il était vraiment très lourd. Après on a fait en bouleau, mais il s’est éclaté en quelques secondes. Et puis on avait montré ça à Eric Gros de Hawaii Surf, merci à Lui ! On y était allé avec Walid. Il nous avait dit :

 » Les mecs, arrêtez avec le bois, c’est n’importe quoi, faites-nous du plastique propre. Là vous allez vous faire chier, ça ne tient pas dans le temps avec l’humidité. Il faut mettre du vernis… C’est cool votre truc. »

Eric Gros, Hawaii Surf

Il nous avait donné 2-3 conseils bien sentis. On avait passé 1h30 avec lui. On les a appliqués, et après, par la suite, nous avons travaillé un peu avec lui aussi. Et c’était vraiment cool. Et voilà, je monte à l’étage chez Hawaii après avoir passé des après-midi à lorgner sur les platines Lazer. C’était un honneur aussi de monter au bureau.

Chez Hawaï Surf, effectivement tout le monde connaissait un petit peu le rez-de-chaussée avec le magasin à proprement parler. Mais derrière tu avais les bureaux des graphistes, la gestion des envois. En haut il y avait le bureau d’Eric. En bas y’avait la cave. Et quand tu allais soit en haut, soit en bas t’étais privilégié…

On a fait un tour à la cave aussi mais ça c’est encore une fois c’est Walid qui m’a ouvert les portes.

Ouais je pense qu’Eric; même s’il ne me connaissait pas, il aurait été ouvert. Mais l’aura de Walid a facilité grandement les choses. Et voilà, petite parenthèse, Walid ne fait pas mon interview parce qu’il voulait éviter d’être juge et partie. Walid n’est plus dans chez Flaneurz. Il a laissé ses parts en 2019. Je crois qu’il est parti en 2020 ou 2021, mais ça a été une grande aventure humaine. Je suis vraiment très content de ce qu’on a pu faire ensemble pour ces patins détachables. Pour en revenir, on fait 2-3 prototypes, et j’arrive au bout du cursus de porteur de projet. Parce qu’à un moment donné il faut se structurer, avoir une entité juridique pour les étapes suivantes.

Comment avez-vous lancé la société Flaneurz ?

On intègre l’incubateur des Arts et Métiers et on commence à aller chercher de l’argent. Ce qu’on appelle les prêts d’honneur. Ce sont des prêts à 0% pour des partenaires de projet. On te prête de l’argent et tu commences à rembourser longtemps après, genre un an après à 0%. Vraiment, quand je parlais de toutes les aides en France, même si là on ne te le donne pas l’argent, on te le prête à taux zéro. Il y a tout l’accompagnement pour créer ton dossier, pour aller chercher cet argent. Tu as un dossier que tu peux donner à un banquier, parce qu’il est bien fait. Et si tu as eu un prêt d’honneur, les banquiers vont te prêter plus facilement de l’argent. Donc on a réussi à emprunter je crois jusqu’à 350.000 euros.

Bien évidemment ça s’est pas fait en seule une fois. Il a fallu plusieurs prêts. Et puis en 2015, on sort notre première vidéo.

Arnaud Darut-Giard et Florian Gravier - Flaneurz
Arnaud Darut-Giard et Florian Gravier – Flaneurz

Alors attend, on va remettre dans le contexte. Il y a la fondation de la société Flaneurz, la marque voit le jour, de mémoire ça devait être le 19 décembre 2014. Elle s’est constituée avec 4 associés, il y a toi Florian Gravier, Arnaud, David Brun et Walid. C’est le quatuor des débuts. A partir de là, la société est constituée. Vous avez un siège social. Vous êtes basé où ?

Alors pour revenir à Arnaud, j’en ai parlé, quand je l’ai rencontré, il était chef de projet pour le développement de ce produit dans la junior entreprise des Arts et Métiers. Il terminait sa formation d’ingénieur mécanique. Ensemble, on a fait les premiers prototypes. Et après Yves Saint Laurent a sorti une paire, pas très longtemps après, à 890 €. Au même moment, il y avait le roller derby qui commençait à pointer sévèrement son nez. D’abord avec le film Bliss et puis après toutes les ligues en France. Le derby commence à être à la télé.

On était alors dans le début du retour du roller quad, qui n’a jamais disparu. Les rayons dans les magasins ont toujours été là, quelques quadeurs aussi… Mais c’est vrai que les rayons de nos magasins parisiens étaient devenus très pauvres en quad. Il n’y avait plus beaucoup de matériel. Et le roller derby a relancé ça. J’avais fait une autre étude de marché avec une autre junior entreprise de l’ESSEC. J’étais aussi allé poser des questions à la randonnée roller du vendredi et du dimanche en montrant mes protos. Et Arnaud a accepté qu’on s’associe, tout comme Walid. Donc Arnaud l’ingénieur mécanique, Walid l’ingénieur informatique. Moi la volonté et la capacité d’apprendre un peu tout.

Et puis le troisième c’est un pote d’enfance qui s’appelle David, un pote de Sarcelles, qui a investi 2000 balles je crois, quelque chose comme ça. Et il trouvait ça rigolo. Au début, Walid et David étaient passifs. C’est à dire qu’ils travaillaient pas… David n’a jamais travaillé pour Flaneurz. Et Walid ce n’est qu’en 2018 qu’il est venu bosser. Alors il venait le weekend pour nous aider. On faisait des réunions ensemble mais ils n’étaient pas là au quotidien

Donc tu disais qu’en 2015, il y a un virage ?

En 2015, on se dit qu’il y a des prototypes qui commencent à être vraiment satisfaisants. On a mis du temps à développer ce qui était dans la chaussure, notre semelle technique qui permet d’être souple quand on marche et rigide quand on est clipsé, ça on l’a fait avec l’Institut National de Podologie un petit peu après. De la même manière, on est allé voir des étudiants qui ont fait leur mémoire de fin d’études sur une chaussure avec le système Flaneurz. Une chaussure sans la flexion. La résistance, c’était vraiment intéressant. Les podologues ont créé les formes des pièces mécaniques qui sont dans nos chaussures.

J’ai souvenir que vous aviez lancé une campagne de financement participatif qui avait plutôt bien marché, non ?

Oui, on découvre aussi l’existence de ce qu’on appelle le crowdfunding. Donc c’est un financement participatif. Il faut s’avoir qu’il y a plusieurs types de crowdfunding. Celui qui nous intéresse c’est le « reward based », donc du crowdfunding avec contrepartie, où tu peux faire une pré-vente en fait.

Après, on apprend que Kickstarter va se lancer en France. Donc Kickstarter, c’était la plateforme la plus connue et à l’époque. Il fallait une entité juridique aux Etats-Unis, un compte en dollars pour pouvoir être sur Kickstarter. Mais on apprend qu’au mois de juin, ça se lance en France. En plus on a un peu de retard. Donc on avait annoncé une première date en sortant notre première vidéo. Elle avait fait 120.000 vues en quelques jours sur Facebook. A l’époque c’était incroyable. Des mecs qui commandent, qui zooment et font des captures d’écran pour dire :  » Regarde, c’est comme ça le système. » On sent un intérêt vraiment assez fort.

Comment en avez-vous fait la promotion ?

Je crois que toutes les semaines on sort des vidéos. On reprenait des éléments, des vidéos existantes de roller, on faisait des compilations. On a lancé un teaser de pré-vente sur Kickstarter le jour où Kickstarter s’est lancé en France. Le 2 juin 2015, je crois. Et là, on fait un mois de pré-vente et on fait 100.000 euros de chiffre d’affaires, à peu près. Je ne sais plus exactement.

Pour remettre un petit peu dans les chiffres du moment, effectivement ça démarre vers le 2 juin 2015. La campagne vous a permis de récolter 30.000 euros en moins de 8 jeures. Et six jours après, vous étiez à 70.000 euros. Après ça se calme un peu, ça a duré 3 semaines à l’heure et on n’a pas réussi à atteindre les 100.000 mais cela a vraiment montré l’engouement. Dans le monde du business, on va appeler ça une preuve de concept. Après c’est de la pré-vente donc le plus gros nous attend.

Où étiez-vous basés à ces débuts ?

Quand on a fait tout ça, on était à l’incubateur des Arts et Métiers. Mais on avait domicilié la société à la pépinière d’entreprise de la Courneuve. Aux 4000, pas très loin de chez moi, où j’ai évolué un peu mon coin. Et puis parce qu’on savait qu’il y allait y avoir des aides, on savait que c’était aussi un endroit où on pouvait avoir un bureau mais aussi de l’air comprimé, du triphasé, etc. Donc on pouvait avoir ce qu’on appelait des ateliers mixtes. A la fois avoir de la production et des bureau pas cher.

Quand tu portes un projet, tu passes par les couveuses et les pépinières. Ce sont un peu les structures qui vont t’accompagner au fur et à mesure de l’évolution de ton projet. Et voilà et donc post kickstarter, en juillet 2015, on déménage là-bas. Maintenant, on doit passer du prototype au produit fini. Et nous, on ne sous-traitit pas, on fabriquait absolument tout.

 » On avait dit aux gens qu’on livrerait en octobre, novembre et on a commencé à livrer en juillet 2016 ! On a eu beaucoup de retard et c’était difficile pour les gens qui avaient mis de l’argent à l’époque. Il y avait des prix qui étaient vraiment des prix d’appel. Mais c’était difficile, les gens se disaient : Putain, j’ai mis 300 balles, ils sont où ? Vous avez 6 mois de retard, 8 mois de retard. »

Comment les avez-vous rassurés ?

On leur écrivait toutes les semaines une newsletter, où on leur partageait toutes les avancées. « On a galéré là-dessus. Là on a résolu ce problème, on a reçu une livraison, etc. » On a donc commencé à livrer en juillet. Puis, on a ouvert notre site internet de vente en juin 2016, où on proposait des patins à l’achat.

Les gens ne pouvaient pas encore nous envoyer leurs chaussures, mais on avait différents modèles.

Florian Gravier, avec quelles marques vous avez travaillé à vos débuts ?

La première marque qui nous a fait confiance et je les remercie c’est Veja. Et après sinon on trouvait des paires en déstockage. On a notamment travaillé avec Fila, mais ça ne marchait pas très bien. A ce jour, on est revendeur de Veja, Doc Martens qui revient en printemps et Puma. On est aussi distributeur officiel de Puma.

En 2016, vous avez aussi la médiatisation de la société qui est quand même assez présente, vous êtes bien visible dans les médias, notamment parce que vous décrochez le titre de lauréat national de Talent de cités…

Oui, 2016 c’est l’année des concours. Je crois qu’on en a gagné 7 ou 8 ! Et c’est vrai qu’il y a ce côté où à la fois il y a le côté start-up nation, Kickstarter, etc. Donc on a du média grâce à ça. Les start-up, le finançement participatif c’était assez nouveau. Il y avait quelques licornes qui sortaient. Il y avait le côté  » ça roule à la Courneuve », le côté entrepreneur de banlieue, etc. Les journalistes sont venus nous voir là-dessus.

 » Nous on vendait des patins, qu’on soit de banlieue ou de 16e on voyait pas forcément la différence. Mais après nous le but c’était qu’on parle de nous. »

Florian Gravier

Mais moi je mettais toujours au moins des clips dans la vidéo ou dans le reportage. Ils voulaient montrer ma tête, mais moi j’essayais de montrer mes pieds. Et après je te cache pas que j’ai de l’ego et ça me fait très plaisir de passer à la télé ou d’avoir des portraits dans certains journaux. Un ego assumé, c’est cool.

J’en ai revu un juste avant l’interview avec Konbini notamment…

Ouais voilà, Konbini ça fait plaisir. Et tu vois Konbini pour la petite histoire, là c’est du publi-reportage. Parce qu’aujourd’hui les médias ils te font beaucoup payer pour être diffusé. Et tu sais que Konbini, c’est toujours lié à Talents des Cités et à la banque publique d’investissement, la BPI. En effet, dans le cadre de son programme entrepreneurial pour tous, c’est la BPI qui a payé Konbini pour faire des portraits d’entrepreneurs issus de quartiers populaires ou de la diversité. Donc le sujet Konbini que tu vois là, c’est 20.000 balles que la BPI a payé pour nous ! Merci la BPI.

C’est vrai qu’on a toujours surfé sur cette médiatisation, parce que l’ambition de l’ambition de Flaneurz est double. La plus évidente c’est de pouvoir proposer aux gens qui roulent de pouvoir marcher, sans avoir une deuxième paire de pompes et de reproduire un peu ce qu’a été le patin pendant longtemps puisque le patin il a été détachable pendant 200 ans. Mais à cette époque là on pouvait pas rouler dans la rue parce qu’il n’y avait pas les bonnes roues. Et il n’y avait pas les bonnes rues. Ensuite, on a attaché les patins aux pieds pour plus de performances. On a vissé les chaussures aux patins.

Puis sont arrivés les bonnes roues et les bonnes rues. Mais il n’y avait pas de système. Il y a eu K2 avec des patins roulettes détachables, mais il n’y avait pas de système qui permettait vraiment d’être performant, d’avoir autant de choix de basket qu’à l’époque où on vissait.

Souviens toi que j’ai trouvé avec Christophe Audoire une chaussure du début du siècle, dans l’esprit du concept Flaneurz. Le concept de patin détachable…

C’est l’essence du patin en fait ! Si tu regardes toute l’histoire du patin, toutes les premières paires étaient détachables. On n’envisageait pas la chaussure et le patin comme un ensemble, comme un tout. Si je me souviens bien dans le livre de Sam Nieswizski, « Rollermania« , que je conseille à tous ceux qui s’intéressent au roller, je crois qu’il dit que c’est début 20e qu’on a vissé les chaussures sur les patins.

Alexandre : Oui, alors même un petit peu avant, un des premiers ça a été le patineur à glace Jackson Haines qui lui a fixé assez tôt ses patins, ses chaussures et ses lames. Et c’est vrai que Christophe Audoire a un patin détachable façon Flaneurz.

Florian Gravier : Mais la chaussure et la platine sont faites pour aller ensemble. On ne peut pas changer la platine. Et après ce système-là, c’est une bottine. On ne pourrait pas le reproduire sur une chaussure à semelle souple comme aujourd’hui. A l’avant elle est enserrée, et parce qu’elle est rigide en largeur. La semelle est en cuir ou en bois, et ce serait difficilement reproducible. Et je pense que ces patins là n’étaient pas faits particulièrement pour le déplacement. Peut être que les gens marchaient pour aller jusqu’à la patinoire, mais ils patinaient dans les patinoires, à cette époque là, les roues ou les sols ne permettaient pas le déplacement.

Les premiers déplacements hors des salles et des intérieurs c’est 1789. C’est un patineur qui relie Scheveningen à la Haye, aux Pays-Bas, ça fait à peu près 4 ou 5 kilomètres. En 1789 il fait le premier « raid roller » entre guillemets en extérieur…

Il roule avec quoi?

Des patins très basiques avec trois roues alignées, il roule sur les chemins de halage, à priori quelque chose comme ça…

Force à lui ! Tu vois, nous le système flaneurz, il y a plein de gens qui nous disent que c’est une révolution. Alors oui le système mécanique est unique et il n’y a personne qui l’avait fait avant. Mais le concept de rouler ou marcher est aussi vieux que le patin. Donc moi vraiment, parler d’ego, on peut parler d’humilité aussi. Quand les gens nous disaient que c’était truc de fou, je disais que c’était juste une continuité de quelque chose qui a déjà existé mais qui s’adapte aux chaussures d’aujourd’hui, avec un besoin d’aujourd’hui.

Et quand les gens disent que trop nul et que ça a déjà existé, je leur répond que tu ne pouvais pas mettre n’importe quelle paire de baskets à l’époque.

 » Donc tu vois, à la fois Flaneurz reprend un concept qui existait mais en même temps on l’adapte au goût du jour et aux performances et au matériel actuel Et avec une simplification du système qui était quand même pas négligeable. »

Florian Gravier

Comment fonctionnait le système de K2 sur les Phenonen ?

Le système K2 marchait bien. Nous, on a fait une clé pour que le châssis se détache parce qu’on ne voulait pas qu’il y ait une action extérieure qui risque de détacher le train roulant. J’ai appris qu’il y a des gens qui avaient un peu déclipsé, si tu te prenais un truc, ça pouvait réactionner le système. Nous voulions que ça s’adapte à toutes les chaussures. Et ça c’est quelque chose qu’on a réussi à faire. Je crois qu’en 2017 on a commencé à permettre aux gens d’envoyer leurs propres paires de chaussures. On l’avait fait aussi pendant Kickstarter

Mais après c’était compliqué en termes de gestion informatique et de stock et tout. Donc pour revenir à ce que tu disais, en 2016 : en effet, on a fait le Grand Prix Talent des Cités. On a d’abord été lauréats des régionales, ensuite des nationales et après on a eu le grand prix. Donc on a touché quelques de 3000 euros et surtout on avait un spot sur toutes les chaînes de France Télévisions deux fois par jour pendant deux semaines. On a gagné aussi cette même année une campagne d’affichage de 250 affiches dans Paris. C’était avec Clear Channel, dans le cadre d’un concours sur la communication.

Et donc cette année-là on a gagné pas mal de concours.

Quels ont été les les principaux soutiens que vous avez eu à ce moment-là ? On a parlé de la BPI tout à l’heure, qui est-ce qu’il y a eu d’autre ?

Un organisme de prêt d’honneur dans l’innovation et l’industrie nous a soutenu. Tout comme la pépinière de la Courneuve qui est gérée par une association. Donc, tu as des permanences auprès d’avocats, d’experts, de comptables etc. Je remercie aussi Eric Gros, parce qu’il a toujours été bienveillant avec nous. Et dès qu’on a eu des trucs à vendre, on a fait notre première collaboration avec lui. Il nous avait fourni des paires de Vans et des platines. Il nous avait passé de quoi faire un patin vissé et nous lui avions rendu les patins équipés avec notre système. Et il les avait vendus,

Voilà donc des institutions de financeurs, d’accompagnement à l’entrepreneuriat quel qu’il soit… Au début, on a mis du temps à se payer. Et j’allais un mois en Suisse tous les trimestres pour continuer à financer ma vie. Après on y reviendra, il y a eu aussi, au début de Flaneurz la danse qui finançait le frigo.

J’ai rejoint un groupe de danse et où ça me permettait de vivre. Mais ça on pourra peut-être y revenir un peu plus tard. Donc oui, 2016. Les concours, on commence à vendre, ça vend pas mal mais c’est pas non plus encore rentable. En 2017, on fait une collab avec Veja. Au début, on avait juste fait une paire pour eux pour un shooting. Et puis ils nous ont dit :

 » Tout le bureau est devenu fou, les gens en veulent. »

Veja

Ils avaient eu un super accueil pour ce truc. A la base, on pensait faire juste un produit rigolo pour faire des photos et finalement on a fait 250 paires pour eux. Là, ce qui était assez fou, c’est qu’ils les ont vendus à leur réseau de distribution. Donc c’était en vente dans les grands concept stores dans 10 pays.

Oui, d’ailleurs, je me souviens que tu avais une anecdote par rapport à un concept store Florian Gravier…

Oui, je me souviens d’être allé dans un truc concept, assez branchouille avec mes bases roulantes sur un leash à mon épaule. Je vais voir les patins en rayon. La fierté de voir ces produits vendus dans une enseigne assez prestigieuse. Ils sont présentés clipsés. Et il y a une vendeuse qui passe et qui me dit :  » Ah, mais les vôtres ils se détachent ? « 

Et donc je lui dis :  » Mais les vôtres, à 475 euros, vous pouvez aussi les détacher ! « 

Colette avait accepté que je leur fasse une formation vendeur mais pas Merci. Et Colette avait bien capté. Ils vendaient des chaussures en plus. Donc, ils nous ont appelés dans la journée :

 » Là, on a vendu une paire de la collab’ déjà mais le mec il veut prendre une paire d’Air Force One de Jordan qu’on a en plus. Est-ce qu’il peut vous l’envoyer pour y installer le système ? Ouais ouais vas-y. « 

Ainsi, ils avaient bien compris qu’ils pouvaient faire des ventes additionnelles. Donc j’ai fait la formation chez Merci et ils ont fini par tout vendre. Et voilà, cette collab c’était vraiment cool, parce que ça nous a permis des articles dans Cosmopolitan. Et puis la campagne d’affichage dans Paris. On avait mis cette collab-là. On n’avait pas le droit de mettre les autres puisqu’on ne bossait pas avec eux. Donc, de toute manière on n’avait pas le choix, sinon on serait fait rattraper par la patrouille. Mais voilà, ça c’était cool…

Et Roll Line ?

Oui, tu parlais de partenaire, Roll’ Line c’est un vrai partenaire aussi, parce qu’ils nous ont ouvert un compte dès le début. Ils nous ont permis aussi de vendre à la fois du matos artistique et de derby, alors que normalement les comptes sont vraiment séparés et que tu ne vends pas les deux. Ils nous ont fait des roues avec notre logo et leur logo.

Une autre collab’ aussi, assez vite, par l’intermédiaire de Walid. Nous nous sommes rapprochés de Seba, Universkate. Universkate c’est le nom de l’entreprise qui distribue Seba. Seba est une marque qu’ils ont créé puis qu’ils ont dû céder depuis. Et maintenant leur marque est FR Skates. Ils distribuent d’autres marques comme Them Skates ou autres. Nous avons toujours échangé et ils sont devenus nos fournisseurs,

Quelle est votre relation avec FR Skates ?

Ils nous ont vendu des roues, des roulements. Aujourd’hui ils nous vendent des platines, parce qu’ils ont eu pied en Chine. Ce que nous n’avons pas du tout. Ainsi, ils ont été aussi facilitateurs et conseils. Je les considère, même si je ne n’ai pas roulé avec eux… Je les considère un peu comme nos grands frères, parce que ce sont des passionnés de patins. Ils ont fait le patin dont ils avaient envie et c’est plus ou moins ce qu’on a fait nous aussi. Et ils ont réussi et eux pour le coup ils sont toujours tous les deux Grégoire Pinto et Sébastien Laffargue et ils ont trouvé leur marché. C’est une réussite je crois.

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontré avec Flaneurz ? Tout à l’heure on parlait d’abord des débuts où vous avez un petit peu tâtonné sur les matériaux. Après j’imagine que pour toute l’organisation de la production, la chaîne logistique, le ravitaillement, il y a quand même dû y avoir un petit peu de boulot…

Oui, comme tu dis, il y a toute la phase produit, la R&D, passer du proto à la ligne de production… Cela n’a rien à voir. Là on est dans le concret. Donc un projet hardware avec des produits physiques; pas une application ou un service. Donc oui, le stock, l’investissement que ça demande, la chaîne de production, la rationalisation.

 » Tu as envie d’offrir des milliards de possibilités de personnalisation, de faire des trucs de fou mais en fait c’est pas ce qui rapporte de l’argent. Donc il faut sélectionner ce qui rapporte de l’argent. »

Florian Gravier

Je pense qu’on avait un bon trio, Walid pour l’informatique, Arnaud l’ingénieur mécanique, et moi un peu de tout. Avec le recul, je pense qu’un financier n’aurait pas été de trop pour nous raisonner : « Attendez les mecs vous voulez faire ça ? Mais ça coûte combien ? Et ça rapporte combien ? «  Parce qu’on a fait des trucs qui coûtaient hyper cher et qui n’ont rien rapporté.

C’était les difficultés : vendre un produit sur internet fait à partir d’une chaussure qu’une personne t’envoie. En termes de flux logistique et flux informatique derrière, il fallait passer des tableurs Excel à un ERP, Enteeprise Ressource Planning, qui est un peu l’ossature informatique de toute boite. C’est hyper lourd, hyper coûteux, ça n’apporte rien au client, en tous cas rien de visible. Si tu peux mettre plus d’offres sur ton site et mieux gérer et moins te planter sur les envois c’est bien. Mais c’est tout cela qui a été assez lourd. Et ça a amené plein de défis qu’on a dû relever.

Donc en 2014, vous créez la boîte. Pendant 5 ans, vous êtes aux 4000 ?

Oui. Et ensuite, à partir de 2019 on déménage… Alors en 2018, déjà, on se disait :  » bon, on a un truc, on est en train de faire une collab avec une célèbre marque de luxe qui est une cellerie parisienne. Je n’ai pas le droit de dire le nom parce que c’est en marque blanche, mais on sort des patins à 3.800 euros avec un châssis en bois. Ils viennent nous chercher et on arrive à être au standard de production d’une des plus grandes maisons de luxe française. On fait même passer quelques pièces avec défaut pour voir si vraiment ils ont un contrôle qualité si drastique. Et oui, ils ont un contrôle qualité drastique parce qu’ils les voient et qu’ils nous les renvoient. On arrive à bosser avec eux et c’est super. On se que malgré tout, boîte est à peine rentable. Puis, Walid nous a rejoint en 2018. Il était alors au chômage donc il n’était pas payé. Il est mandataire social donc il a le droit de bosser sans être payé.

 » Arnaud et moi avons fait la moyenne : entre le début de l’aventure et 2018, j’ai touché 400€ par mois et Arnaud 600€, entre les mois où tu te payes et les mois où tu ne peux pas. Parce que quand tu commences à avoir des salariés, tu ne peux pas déconner, il faut les payer à la fin du mois. »

Florian Gravier

Florian Gravier, quelles ressources avais-tu pour te payer et financer Flaneurz ?

Les salariés, ce n’est pas leur boîte, ils s’en foutent. Moi des fois, je faisais des prestations de roller-dance et je les facturais avec Flaneurz. Mais je ne me reversais pas la thune. Donc les presta’ de danse, des fois, servaient à payer les salariés. Bref toujours un équilibre un petit peu précaire. Enfin plutôt un équilibre qui n’existait pas encore. On faisait ça à la petite semaine.

Au début, on pensait que le business allait financer le développement. Mais en fait ça ne marchait pas. A un moment, on s’est dit qu’il fallait investir dans un outil industriel et on créer un produit moins cher, plus « mass market » pour faire du volume et faire des vrais sous. Et donc là, pour faire ça il fallait qu’on s’associe à d’autres marques marques. Donc on va voir à l’ISPO et on fait le tour de la place. On va voir Rollerblade, Riedell, Roller Derby, STD, Rossignol, Rispo, Edea, Atom… On va voir tout le monde et on va leur montrer notre produit pour les inciter à investir. Le roller en ligne, à l’époque c’était pas la teuf. On n’avait pas encore eu le boom du COVID19.

Quelles autres solutions essayez-vous de mettre en oeuvre pour trouver des financements ?

A coté de ça, on essayait aussi de faire une levée de fonds traditionnelle, avec business-plan, en mode start-up… Mais les investisseurs disent que notre produit est un truc de niche. Cela ne leur plait pas. Et on essaie aussi de lever de fonds avec des business angels. Donc là, il s’agit de particuliers qui prennent des parts. On cherchait 500.000 balles et on avait 300.000 euros de dons, dont pas mal de clients qui étaient prêts à mettre entre 10 et 100.000 euros.

Et en parallèle, je me suis marié à Najete Kada qui est dix fois championne de France de patinage artistique sur roulettes, donc un autre monde. Ce sont des patineurs qui peuvent envoyer des triple sauts, etc. Moi, complètement amoureux, je découvre cette discipline. Et c’est quelque chose que je te dis là mais que j’ai jamais raconté mais je pense que sur Balado Roller c’est vraiment l’endroit où on peut raconter des choses exclusives.. et parce qu’on est un peu entre nous (rires) et je souhaite qu’on soit plus entre nous et qu’il y ait des fois, qu’il y ait bientôt des milliers et des milliers d’écoutes sur tous les podcasts…

Tu veux évoquer l’arrivée de Portalp dans l’aventure Flaneurz ?

Mais voilà je cherchais un investisseur et il y a ce pote de Najete qui est vice-président d’une entreprise plutôt dans le monde du bâtiment qui s’appelle Portalp. Cette société est experte dans les portes automatiques. Donc dès que vous rentrez dans une banque, dans un hôpital ou quoi, regardez le petit moteur au dessus, c’est souvent un moteur Portalp ou un détecteur Portalp. Ils posent les portes et ils font la maintenance aussi.

Et Maxime est arrivée dans la société parce que c’est son père qui a monté cette boîte. Il a racheté cette boîte alors qu’il était poseur de portes à la base. Il était tout en bas, il a racheté la boîte et après il l’a développé de fou. Puis, quand Maxime est arrivé, son père lui a dit :  » Tu vas développer un nouveau truc, tu vas pas reprendre mon poste, tu vas développer un autre truc. » Et il a développé un marché, ce sont les portes sur les quais de métro. Et lui est vice-champion du monde de pâtisserie. Je vais juste remettre le pari un petit peu de contexte. On parle de la famille Duponchel avec Maxime.

Dis-nous quelques mots sur eux s’il te plaît Florian Gravier…

C’est une famille qui est un peu connue dans le patinage artistique sur roulettes parce que Maxime a effectivement évolué au plus haut niveau. Pour parler de Portalp et donner une idée de la taille de la structure : En 2020, c’était un groupe avec 1200 salariés et 106 millions d’euros de chiffre d’affaires. Donc ça fait déjà un beau bébé. Et 10-15 filiales, 10-15 entreprises.

Et à cette époque là, donc c’est à peu près en 2019, ils rachètent les parts de Walid, Arnaud et de David, un petit peu des miennes. Il ne faut pas croire qu’on s’est mis bien. En gros, pour Arnaud, ça fait comme s’il avait été payé depuis le début un salaire d’ingénieur. Donc Walid, ça ne lui fait pas énorme non plus. On s’est arrangé pour que tout le monde soit content. J’ai dû leur donner un peu d’actions. Eux étaient contents de cette porte de sortie aussi parce qu’on a un peu galéré. Cela faisait un an et demi qu’on cherchait des investisseurs.

Comment Maxime Duponchel a-t-il découvert la marque Flaneurz ?

Maxime, lui, était patineur donc en fait, Najete, ma femme lui a offert une paire de Flaneurz pour son mariage. C’est comme ça qu’il a eu sa première paire. Et il trouvait ça marrant, d’être en diversification de son activité. Comme il pose des portes sur les quais de métro, il y a un lien avec la mobilité aussi.

Etant donné qu’on a fait Hermès, on a fait la marque de luxe, donc on était crédibles. Et il trouvait ça intéressant d’avoir ce côté humain en plus. Mais clairement, c’est l’occasion qui fait l’avance. C’est un truc de réseau. Et si j’avais eu zéro réseau, on n’aurait pas réussi en fait. On aurait dû arrêter ou réduire la voilure et avoir un petit écho.

Il y a un point qu’il me semble important d’aborder à ce moment-là, c’est quel est le poids de Flaneurz. Qu’est ce que la marque représente en termes de business ? Flaneurz produit combien de paires et réalise quel chiffre d’affaires entre 2014 et 2020 ?

Alors les paires je ne saurais pas dire, mais on tourne à 500.000 euros de chiffre d’affaires… Et on a fait plus 48 euros de résultats et avec un salaire quasiment inexistant pour les fondateurs. Ce qui explique le résultat positif.

Parce que justement, en 2020, je trouve un chiffre d’affaires de 532.000 euros pour Flaneurz…

Oui, mais l’année 2020 est particulière parce juste avant il y avait 495.000 €. Après il n’y a plus qu’un exercice, on clôturé en mars et on s’est mis sur le groupe. Donc il y a un exercice qui ne fait que 8 mois.

D’accord…

Je crois que c’est 2020 d’ailleurs, et oui je crois que ça fait dans les 1000 paires.

Ouais cette année 2018, ça doit être quelque chose comme ça. On avait fait des paires pour Reebok et pour Puma pour des événements. Ce n’était pas des collabs où ils vendaient les produits, mais c’était cool tu vois. Et 1000 paires, je crois que c’est déjà pas mal. C’était prometteur on va dire. Puis, on s’est associé avec Portalp. Moi j’ai gardé des actions. Quand les investisseurs viennent dans une boîte, en général, ils mettent des mécanismes en place pour être sûrs de pouvoir tout récupérer à un moment donné, c’est une bonne guerre.

Tu es donc passé salarié…

Et moi j’étais super content. En 2019, j’avais un salaire, c’était déjà super. Et surtout Maxime disait qu’on allait investir et développer un outil industriel pour faire un produit plus mass market.

Et donc c’est là où on a commencé à travailler sur le projet de Slades, qui a failli s’appeler Macadam et même porter d’autres noms. Le but était de créer notre propre paire de chaussures qui intègre le système mécanique de fabrication avec un objectif à 200 euros. On voulait que ça coûte 200 euros prix public. Donc l’objectif de que ce soit plus accessible en termes de prix et que ce soit plus accessible aussi géographiquement puisque Flaneurz ne dégage pas assez de marge pour que ce soit revendu à des magasins.

En plus on n’a pas le droit de revendre, même si on bosse avec Veja, on a le droit de les vendre à des particuliers mais pas à des entreprises. Ce modèle-là n’est pas possible en B2B hors collab’, hors des marques qui viennent avec leurs chaussures pour faire ça. Et donc si on crée notre propre marque de chaussures, on peut la vendre en magasin.

Patin Slades déclipsé avec sa partie roulante - photo : Slades
Patin Slades déclipsé avec sa partie roulante – photo : Slades

Avec Slades, Le but c’était d’arriver avec un produit qui ait un coût de revient bien moindre et qui soit produit en plus grande quantité. Donc on a investi dans un outil industriel, plusieurs centaines de milliers d’euros dans des moules d’injection pour les semelles, dans des outils à suivre pour les pièces mécaniques, etc. Dans l’ERP aussi, puisqu’on a rejoint le ERP du groupe Portalp. On est passé sur Business Central, une grosse usine à gaz mais c’est bien mieux que nos tableurs où on gérait toute la production auparavant. Et on a fait Slade.

Vous êtes arrivé dans une approche qui était un petit peu plus industrielle…

Oui, on maîtrise la chaîne de production, on voulait que ce soit compatible et on est toujours très fier de voir des gens qui arrivent avec leur père de l’époque du kickstarter et qui se reprennent des nouvelles chaussures etc. Là on parle de business. Dans notre modèle économique, il y a la référence que les gens reviennent nous voir pour avoir des nouvelles chaussures. C’est important dans le business que les gens reviennent.

C’est vrai qu’il y a un point que nous n’avons pas encore abordé et qui est quand même hyper important par rapport à Flaneurz, ce sont les valeurs. J’ai souvenir de la communication de la marque, comme quoi il s’agit d’un produit fabriqué en France pour l’essentiel ou avec des pièces européennes. J’ai aussi souvenir de mentions de l’entrepreneuriat social avec des personnes soit en réintégration, soit en difficulté, soit avec un handicap. Ces choses étaient donc importantes pour vous ?

C’était important, oui. C’est vrai q’uon essaye de tendre vers cela. Après, je vais nuancer un petit peu parce que sur Slades ou sur Flaneurz, il y avait de la roue Krypto. Aujourd’hui on a nos roues Flaneurz qui sont faites aussi par Bravo Sport en Thaïlande. On a du roulement chinois également. Donc toutes les pièces mécaniques sont faites en France, comme la transformation de chaussures c’est fait en France. Slades, c’est fait au Portugal. Mais toutes les pièces mécaniques viennent de France. Après les roues, les roulements et les platines, ça vient du même fournisseur que Riedell ou PowerSlide en Chine. En effet, il y a une contrainte de le prix derrière. Si tu fais un patin 100% européen, tu vas mettre des roues qui coûtent 8 euros pièce, et alors c’est difficile d’avoir quelque chose d’accessible.

Après sur l’aspect des embauches, on a embauché des gens issus de l’école de la deuxième chance. Un parcours pour retrouver le monde professionnel. Mais on n’est pas non plus un chantier d’insertion. Et la réalité, il y a un peu de discrimination positive. Mais voilà, nous recherchons des compétences et quand il nous faut un ingénieur, hé bien il y a plein d’ingénieurs qui sont nés à la Courneuve. Mais une fois qu’ils sont devenus ingénieurs, ils se barrent. Quand tu as l’obligation d’avoir une cohérence business, le business limite parfois un petit peu le côté valeur. Et je vais te dire que quand 50% de nos produits partent aux Etats-Unis, ils partent en avion. On ne va pas envoyer nos produits Flaneurz en bateau.

Et pour Slades, Florian Gravier ?

Quand c’est distribué, les Slades qui partent et qui sont vendus par les magasins aux Etats-Unis peuvent être envoyés en bateau s’il y a de la quantité. Mais quand un magasin prend cinq paires, je vais pas les envoyer en bateau. Donc tu vois, il y a certaines limites quand même à ça. Après Slades, légalement parlant c’est du made in Europe parce que parce que Portugal parce que France parce que tout ça et que la partie qui vient d’Asie est suffisamment minime pour qu’on ait un made in Europe mais il faut il ya une réalité business quand même qui parfois peut rentrer en collusion avec les collusions avec le côté valeur. Mais on a essayé de communiquer dessus, de communiquer sur notre savoir-faire, notre innovation et j’espère sans trop se la raconter et nous montrer plus beau qu’on était.

En 2021 le chiffre d’affaires de Flaneurz décolle, il passe à 1.120.000 €…

Ça c’est pareil on n’a jamais communiqué dessus !

Les chiffres sont publics, ils viennent de société.com si fouillent un peu.

A l’époque si tu regardes normalement les exercices précédents, je faisais en sorte qu’ils ne soient pas publics. Tu peux payer le greffe du tribunal pour pas que ce soit public mais depuis qu’il y a Portalp, c’est différent. C’est une vraie croissance là si tu veux… Donc ça double. Cette année, on va terminer à 2 millions d’euros. Et c’est top, mais je te cache pas qu’au niveau de la rentabilité, c’est toujours compliqué. Parce qu’il y a tout ce qu’on appelle les amortissements. C’est à dire que quand tu as dépensé 400.000 euros une année pour investir dans un outil industriel et bien tu as un amortissement sur 10 ans. Donc chaque année tu vas payer comptablement une partie de ça. Et même si on tend de plus en plus on tend à l’équilibre.

Cette année, il y a eu plein de cycles. Et là c’est aussi une grande réalisation, on a fait notre plus grosse collab, entre temps en 2020 ou 2021, avec Flippers, une patinoire à roulettes. Avec eux, on a failli monter une filiale aux Etats-Unis. Mais ça ne s’est pas fait finalement et tant mieux. Mais on a quand même fait 200 paires pour les 30 ans de l’album de Docteur Dré, The Chronique, 30 paires d’Airforce customisées qu’il nous avait fournies, avec un grip, avec des roues couleur weed, avec le logo Flippers. Et ça c’était une super réalisation.

Il y a eu d’autres collaboration dont tu peux parler Florian Gravier ?

En 2021, on a fait une collab’ avec une autre célèbre marque de luxe toujours en marque blanche donc j’ai pas le droit de dire le nom. Mais si vous regardez un petit peu, il y a quelque part sur rollerenligne.com, Alexandre a tout deviné parce qu’on reconnait le système Flaneurz. Donc ceux qui nous connaissent, visuellement, il y a des signes qui ne trompent pas. Là, ce qui est super, c’est qu’on a reproduit la technologie de Slades, donc le fait d’injecter les semelles autour de notre système et non pas d’intégrer notre système une fois que la chaussure est fabriquée. Donc en fait on a reproduit notre outil, notre méthode de production industrielle avec un partenaire.

Vanessa Paradis sur la couverture du Harper's Bazaar France n°8
Vanessa Paradis sur la couverture du Harper’s Bazaar France n°8 le 25 octobre 2023

Quelle serait la prochaine étape ?

On se dit que l’étape suivante ce n’est pas faire 1200 paires comme avec eux mais d’en faire 100 fois plus avec un grand nombre de snickers puisqu’on sait faire maintenant industriellement. Ainsi, on peut aller dans les usines de semelles pour leur apprendre à faire à mettre des systèmes mécaniques dans leur semelles. Donc ça c’est super et c’est un aboutissement pour moi de l’accompagnement de Portalp. J’espère qu’on fera plein plein d’autres choses encore ensemble. Ils nous ont amené des sous mais aussi l’industrialisation.

Donc là, votre chiffre d’affaires a augmenté : 1.100.000 € en 2021. Je cite les chiffres parce que c’est important de voir que ça a progressé avec 1.778.000 en 2022, ça fait une hausse de 24%, c’est pas mal !

Et là on va finir à 2 millions d’euros à peu près. Et 2 millions d’euros pour 2023 ce serait une super année.

Tu parlais de l’équilibre financier. J’ai souvenir d’avoir visité vos locaux à deux reprises. D’abord dans les tout premiers à la Courneuve et ensuite dans ceux que vous aviez eus après. Votre nombre de salariés avait explosé. Et en particulier sur la partie communication où vous aviez mis le paquet. Flaneurz en terme de com’ c’était une équipe de fou !

Ouais, peut-être trop ! Pierre notre directeur général, nous a rejoint en 2022. A un moment donné, moi je suis passionné, Walid et Arnaud étaient plus avec moi. On avait fait des super choix ensemble mais parfois des mauvais choix aussi. Et à un moment donné, emmener des troupes, motiver les gens, convaincre des investisseurs, des financiers, des partenaires, ça je sais le faire.

 » Avoir une gestion rationnelle d’une entreprise, c’est plus compliqué. On s’en fout que tu vendes des cacahuètes ou des patins à roulettes. A un moment donné il faut que le budget communication soit rationnel avec tes ventes, et avec ta politique. »

Florian Gravier

Donc on a un directeur général dont la mission c’est aussi ça : arriver à nous amener avec tout le potentiel qu’on a à continuer notre croissance. On y est presque. Cette année nous nous approchons de l’un équilibre. Et aussi peut-être de rationaliser le nombre de personnes dans la société par rapport aux ventes. Et ça, au bout d’un moment c’est devenu lourd pour moi, même si j’ai pu apprendre plein de choses, c’est devenu un peu trop gros pour moi, un peu trop complexe peut-être.

Donc là, Flaneurz à l’heure actuelle, ça représente combien de paires de patins vendues chaque années ? Déjà vous avez multiplié par 12 par rapport à la dernière fois où on en a parlé…

Oui, mais bien sûr ça progresse. Et je t’avoue qu’avec le Covid19, il y a eu le boom du roller, On l’a senti en France, aux Etats-Unis, dans le monde entier ! En 2021, tous les marchands de roller ont explosé les scores. Mais si tu échanges un peu avec eux, tu verras que la deuxième partie de 2023 a été dure.

En ce moment, le marché est moins dynamique. Je pense qu’il y a toujours plein de pratiquants et plus de pratiquantes. Mais il y a eu tellement de patins, il y en a tellement d’occasions. Je ne devrais pas le dire, mais on est entre nous… Si tu veux une paire de Flaneurz va sur Vinted, tu vas trouver des trucs neufs, moins cher. Moi perso, J’en ai deux des paires de Flaneurz, ils tournent bien. Mais effectivement, pour les auditeurs vous en trouverez peut-être sur les sites de vente. On a fait une petite braderie aussi, il n’y a pas longtemps. On a vendu des prototypes, des paires d’essais. C’était cool ! On a ressorti plein de trucs des placards qui n’étaient pas vendables neufs. Mais il y a plein de gens qui ont pu faire l’achat de trucs qui étaient tout à fait fonctionnels, juste avec une petite trace du jour.

Et c’est ça le coeur de votre produit…

Tu peux faire un peu de saut, un peu de danse mais ce n’est pas un patin en sport, c’est un patin loisir. C’est un patin déplacement. Je ne te dis pas la première fois, avec Arnaud, quand on a croisé notre premier client ! Et je ne te parle pas dans une roller party qu’on a organisé nous, ça c’était de la triche… Mais le premier client que tu croises dans la rue avec ton produit, t’as une fierté de fou ! Et là je peux te dire que maintenant au moment où on fait l’interview et au moment où le mec il va écouter ton interview, il y a quelqu’un qui est en train de se la kiffer dans le monde avec une paire de Flaneurz et qui va déclipser devant un vigile devant un magasin. Et le mec il va faire : « Waouh mais c’est super ce truc ! « 

Je l’ai fait pendant de très nombreux mois sur les stations de tram à Bordeaux et c’est vrai qu’une fois sur deux tu te fais alpaguer par quelqu’un qui vient de dire ça. C’est souvent l’occasion d’engager la conversation.

Moi je vais te dire, le matin je vais en Vélib au boulot, je vais pas te mentir. C’est le soir quand je vais chercher ma fille que je fais du roller poussette, du déplacement urbain. Je m’en sers tous les jours s’il peut pas, mais pas au lever.

C’est aussi utile pour ne pas rater des avions dans les aéroports. Je l’ai fait aussi avec la valise derrière. C’est cool, tu vois, d’avoir toutes les histoires de gens qui te racontent ce qu’ils font avec leurs produits ! De voir les gens qui déclipsent complètemen t ou qui déclipsent complètement de manière pas académique. Et nous, on essaye de leur apprendre une manière qui nous est propre… Mais eux ont inventé une autre manière de le faire. C’est hyper satisfaisant de voir la manière dont les gens se l’approprient.

Oui, ils se l’approprient…

Il y a plein de gens qui nous disent :  » C’était mon rêve de gamin » . Et c’est hyper valorisant quand on entend ça, quelqu’un dire qu’on a réalisé son rêve de gamin. J’avais le même rêve et on était plein à l’avoir.

 » Voir que les gens s’approprient ton concept, l’utilisent, te témoignent leur plaisir d’aller au boulot, de gagner du temps, ou les rencontres qu’ils ont fait avec. Pour le coup, pour moi, le business est hyper important mais ça fait 12 ans qu’on court après cette rentabilité. Mais à côté de ça il y a plein d’autres objets de satisfaction. Et le fait d’avoir des gens qui patinent avec, c’est vraiment un kiff. « 

Florian Gravier

Des fois, tu reçois aussi des chaussures incroyables que les gens t’envoient. Elles te plaisent beaucoup. Le panel des chaussures qu’on a fait est à l’image des pratiquants du roller.

Donc que ce soit pour un mec qui met un fuseau pour aller faire de la vitesse, une fille qui fait du derby, un mec qui fait du skatepark ou quelqu’un qui fait de la danse ou encore quelqu’un qui va juste mettre une perruque pour aller dans une roller disco une fois par an, le spectre des nos clients est hyper large. On arrive à les toucher un peu tous.

Votre client type, il ressemble à qui alors ? Un garçon, une fille ? 30 – 35 ans ?

Je crois que c’est plutôt une femme de 30 à 35 ans. Nous ne savons pas exactement à qui nous vendons. On voit ça par les tailles, les pointures : notre client chausse du 39. Nous regardons aussi les réseaux sociaux pour voir qui utilise nos produits. Instagram c’est 70% de followeuses. C’est toute cette mouvance derby avec la danse qui a suivi, qui a amené beaucoup plus de filles que quand j’étais ado et qu’on débutait à la Défense ou au Trocadéro. On faisait du saut.

Il y avait des filles mais elles étaient beaucoup moins nombreuses et elles étaient souvent très fortes parce que c’était aussi un moyen d’exister et de se faire respecter, c’était le niveau.

Comment tu vois l’avenir de la marque Florian Gravier ?

Je pense que tout le monde en parlait. Nous avons créé une solution de mobilité pour des acteurs qui sont pas dans la mobilité. Quand on fait des marques de luxe, quand on fait Veja, quand on fait ces trucs là, grâce à nous, ils peuvent avoir un autre marché. On leur propose quelque chose d’innovant. Et donc de dupliquer la technologie de Slades avec une grosse marque de chaussures, je pense que c’est quelque chose qu’on essaie de faire. Après on a d’autres projets avec d’autres marques de roller, donc des collaborations C’est quelque chose qui est hyper important. Par exemple, on a deux projets en ce moment avec une marque américaine et une marque française, des produits qui sont en développement, toujours dans le détachable.

Mais pourquoi pas pour diversifier un peu l’offre, les collab’…

Quel est votre objectif ?

Notre objectif est d’augmenter notre réseau de distribution, donc plus de pays, dans plus de magasins. Là, on sort un nouveau modèle qui sera en pré-vente en février. Mais on va essayer d’avoir des nouveaux modèles régulièrement. Les gens renouvellent leure paire. Et puis, pour créer de la nouveauté, ,nous aimerions que nos patins déclipsable continuent de séduire d’autres clients tels que des inliners qui viennent au quad par notre biais. Ils connaissent les marques Doop et Xsjado qui sont plus contraignantes à enlever.

 » Aujourd’hui, on arrive à toucher un spectre large. L’objectif final c’est de faire rouler les gens qui marchent. Il y a l’apprentissage du patin, ce n’est pas si évident. »

Florian Gravier

On essaye de réfléchir aussi à des choses avec l’IA pour essayer d’accompagner l’apprentissage plus facilement. Donc voilà : continuer à démocratiser cette pratique et si on fait une grosse collab avec une grosse marque, on arrive à sortir des prix vraiment compétitifs, accessibles, ça nous permettra d’avoir encore plus de produits aux gens qui roulent et qui marchent.

Florian Gravier, je te propose de clore le chapitre Flaneurz et de consacrer les 5-10 minutes qui nous restent à la partie associative. En parallèle de Flaneurz, vous avez créé une association avec laquelle notamment vous organisez des soirées, mais il n’y a pas que ça j’imagine ?

Non, il n’y a pas que ça. Je sais que je parle beaucoup, désolé tu vas devoir faire un gros montage mais je suis passionné donc j’y vais. Je vais juste revenir un tout petit peu en arrière. Il y a New York, je recommence à patiner, je découvre Central Park, les danseurs. Après, je rentre en France avec ce projet de monter l’entreprise. Et puis j’ai envie de danser. Après avoir fait du saut et de la rampe, c’est la pratique qui me plaît, parce que j’aime danser à pied aussi. Je me rapproche de Gossip Skate, parce qu’à l’époque, ils étaient à la Main Jaune. Ils avaient rouvert l’endroit avec le collectif La Main.

Et donc je vais prendre des cours avec Jean-Marc Gravier, qui a le même nom de famille que moi. Il y a eu des rumeurs qui couraient que nous étions mariés. Non, ce n’est ni mon frère, ni mon mari. C’est quelqu’un qui m’a mis le pied à l’étrier de la danse et envers qui je suis extrêmement reconnaissant. Parce qu’il m’a appris beaucoup de technique. Il m’a fait découvrir les événements rollers, la deuxième édition de Barcelone.

A quoi ressemblait Skate Love Barcelona au début ?

Ce n’était même pas le festival encore. C’était une rencontre de patineurs. Donc la deuxième année, c’est Jean-Marc qui m’a emmené là-bas. C’est lui qui m’a vraiment introduit dans ce milieu-là. Laurence Sabas qui nous a rejoint aussi.

Je prends un ou deux cours avec Jean-Marc et il me dit que ce n’est pas nécessaire que je continue. Donc ma carte de 10 cours de Gossip, Marjorie, si tu peux me la rembourser parce que j’en ai pris deux ! Sinon on considère ça comme un don à l’association. Et après j’ai rejoint la troupe SkateXpress avec Jean-Marc, Laurence, un peu avec Marjo… Avec Chloé Seyrès aussi. J’étais avec la crème de la crème quand même !

Donc là je remets un petit peu le contexte. Ce sont des personnes qu’on a déjà eu au micro, hormis Jean-Marc…

Oui, donc voilà, le groupe SkateXpress avec ses personnages. Le groupe SkateXpress, comme je disais sur la partie Flaneurz, ça me fait bouffer et des fois ça me permet aussi de payer les salariés de l’entreprise Flaneurz. Donc je ne mets pas tous mes œufs dans le même panier.

Et puis avec Flaneurz, on commence à organiser des roller parties pour promouvoir le produit. En 2016, on fait la première dans un hôtel cinq étoiles à Paris, l’hôtel Renaissance Avenue Wagram. Cela fait partie des partenariats que nous arrivons à tisser. Et on en fait plusieurs, toujours pour promouvoir nos produits. Ainsi, on commence à être vu comme des experts en organisation de roller party. Nous faisons donc l’acquisition, petit à petit, d’un stock de patins de prêt. Donc on commence à organiser des événements depuis 2016 avec nos premières roller parties. Mais en 2017-2018, on commence à en faire pour des comités d’entreprise, des boîtes de communication, etc.

Est-ce que l’association se diversifie dans d’autres axes que les soirées roller ?

Oui, en parallèle, on a plein de clients qui nous disent vouloir des cours. Et en même temps, on a ce côté entreprise. Et on n’en a pas parlé dans les valeurs, mais on finançait, parce que ça fait quelques temps qu’on n’a pas fait notre chèque, on finançait, ça y est le nom me sort de l’esprit, une asso qui fait de la cartographie pour l’accessibilité des villes pour les gens à mobilité urbaine, à mobilité réduite et qui en plus fait des balades rollers à mobile en ville

Mobile en ville ?

Donc il y avait ça mais on avait ce côté où nous aussi on voulait avoir notre dimension culturelle, sociale, loisir etc. Donc à la fois moi je n’avais pas le temps de m’occuper de toutes les demandes d’événements qu’on avait. On voulait mettre en place des cours. On voulait avoir des actions un peu plus sociales et culturelles.

Et pendant le Covid, ma femme, ancienne sportive de haut niveau et championne de France et entraîneur de patinage artistique, était au chômage partiel. Elle bossait à 10% pendant le Covid. Elle avait donc du temps et on s’est dit qu’on allait monter l’association Flaneurz Roller Skating Club, adossée à l’entreprise. C’était un peu en vase communiquant parce que l’entreprise sert l’asso et l’asso sert l’entreprise. La crédibilité de l’entreprise sert l’association quand on fait des roller parties pour L’Oréal ou Adidas, Gucci ou Arte ou d’autres structures comme ça. Et en même temps, les événements faits par l’association servent l’entreprise.

Mais on a pu mettre en place des cours qui se conduisent toutes les semaines, notamment à Pantin. Cette année, il faut que je communique dessus mais on a enfin un lieu. Ce sera dans le 18e. On n’a pas réussi à avoir de gymnase pour développer des cours d’artistique mais on n’en démord pas. Et on a aussi un événement qui s’appelle « Rendez-vous in Paris », qui est un festival. Mais les roller parties aux Etats-Unis s’appellent plutôt National Skate Party.

Comment ça se déroule ?

Donc c’est 3 jours, entre 3 et 5 jours où il y a des roller parties, des workshops. On fait venir des profs des Etats-Unis, d’Angleterre et d’ailleurs, mais aussi des DJ qu’on fait venir pareil, des Etats-Unis, d’Angleterre, de Dubaï aussi, on fait une conférence aussi chaque année, à laquelle j’espère que tu participeras à celle de cette année. Cela a lieu au mois de juin.

On essaye de faire en sorte que ce soit des tout petits prix comparé aux autres événements. Mais je trouve super que d’autres événements en roller soient chers, parce que ça veut dire qu’il y a un marché, que les gens sont prêts à dépenser de l’argent. Nous on essaye de garder quelque chose d’accessible parce qu’on est dans un modèle économique plus de partenariat avec les lieux qui nous accueillent et parce qu’il n’y a que des bénévoles à l’association à part Najete qui s’occupe de tous les événements privés et qui est rémunérée pour son travail. C’est normal, elle fait ça super bien en plus.

Et voilà, quand on fait des trucs à Pantin c’est gratuit pour les Pantinois. Quand on fait des trucs à la Courneuve, c’est gratuit pour les gens de la Courneuve. Donc là, on va faire une action aussi avec une autre association qui fait du reconditionnement de sneakers pour fabriquer et pour reconditionner des patins, dans les quartiers à Noisy-le-Sec.

Un équilibre fragile entre la nécessité d’un équilibre économique et l’envie de développer la pratique ?

Donc voilà, on arrive à avoir quelque chose de plus. Avec une dimension humaine plus forte encore que le côté entreprise. Nous avons quand même des contraintes financières qui sont bien moins et que les événements « privés » entre guillemets, quand on fait des roller party qu’on fait payer pour les clients. Ces événements payants nous permettent de financer des choses qui rapportent pas d’argent voire en coûte. Je pense à certaines roller parties et festivals. Là on va avoir deux fois par mois des roller parties dans les anciennes galeries Lafayette à Montparnasse sur 3000 m². C’est un sol en bois. On en a fait une au mois de décembre, on va en faire d’autres. Donc là, c’est cool, ce sont des événements récurrents.

Tu as beaucoup bougé avec ta pratique du roller Florian Gravier…

A côté de ça, moi, développant ce goût pour la danse en roller, en effet, j’ai pas mal voyagé. Notamment dans des National Skate Parties aux Etats-Unis. SkateAThon, qui est à Atlanta, Soul Skate Detroit. Je vais aussi dans les patinoires à roulettes. On étend un peu cette discipline de danse en roller. Et je vais faire mon chieur avec un petit point vocabulaire : « roller dance », ça commence à peine à venir. Mais en fait, les américains ne disent pas « roller dance », « roller » ça veut dire « rouleau ». Et donc c’est vrai que les français, ou Rollerblade ont cassé le vocabulaire.

Mais moi quand j’ai mes quads / patins roulettes, les gens me disent que je fais du roller pour désigner les patins en ligne. Quand tu dis « skate » en France ça veut dire « patin », mais pour les gens c’est du skateboard. « Roller skate » c’est « patin rouleau », « inline skate c’est « patin en ligne », « ice skate » correspond à « patin à glace ». Moi je dis « roller danSe », avec un S comme en français. Parce qu’aux Etats-Unis ils appellent ça du « rhythm skating ».

On a l’impression d’utiliser un mot anglophone mais qui n’est pas utilisé par les anglophones…

Oui mais encore une fois comme tu vois comme je l’ai dit « roller » pour les gens ça veut dire « inline », « patin » ça veut dire « quad », « skate » ça veut dire « skateboard ». De toute manière en France on n’est pas copains avec le vocabulaire. On a réinventé les mots. Voilàn c’est mon petit point geek !

Et pour terminer sur l’association, l’ambition c’est d’avoir un lieu dédié à la danse en patins. On y travaille. Qu’elle soit artistique ou fun, loisir, et on espère pouvoir avoir ça.

L’économie des patinoires à roulettes, c’est quelque chose de compliqué parce qu’il faut avoir de l’espace, pour que ce soit pas cher et pas loin des villes…

C’est un peu compliqué d’avoir des loyer pas cher près des villes avec des grands espaces. Mais il faut trouver, tu vois. En France, il y a toutes les aides pour accompagner les entrepreneurs. Parce qu’on a aussi eu des subventions, on nous a donné de l’argent pour faire une entreprise, ce qui est quand même assez agréable. On a fait des gros dossiers pour les avoir.

Mais je me dis que pour accompagner cette pratique, en France il y a un écosystème pour les gens qui ont des initiatives, à vocation sportive, culturelle, loisirs, fun. C’est hyper sain. Les danseurs, que ce soit à pied ou en roller. C’est hyper bienveillant quand tu vas dans une roller party. T’as des gens qui sont super bons. Et si t’es pas bon, personne ne va t’embêter. Au contraire, on va être ravi que tu sois là parce que plus on est fou, plus on rit. On a besoin de nouveaux. Donc tu vas avoir des gens qui vont t’aider.

Et voilà, c’est pas non plus le pays des bisounours, il y a toujours des inimitiés, des clashs, et j’en sais quelque chose. Mais , je pense qu’il y a quelque chose à faire pour développer cette pratique. Il y a certaines patinoires aux Etats-Unis qui sont des patinoires sur des modèles économiques type piscine. Elles ne sont pas forcément hyper rentables. Mais elles rendent service à la communauté. Et je pense qu’il y a quelque chose à faire. C’est là où il y a l’ambition de l’association pour pouvoir faire une petite école de champions du 93 et de faire des roller party cool. Puis d’avoir toutes les stars qui viennent puisqu’il y a plein de stars aux Etats-Unis qui patinent et qui trouvent ça cool.

Oui, il y avait l’ancien boxeur Floyd Mayweather qui avait racheté un skating rink à Las Vegas…

Oui, j’y suis allé plusieurs fois. Il n’a pas super presse. Il a quelques casseroles, mais en effet il patine. Usher sera au Superbowl. il y aura du roller au Superbowl ! C’est quand même l’événement majeur au niveau mondial avec la coupe du monde. Un des événements les plus médiatisés au monde. Les danseurs sont venus à une petite session qu’on a fait d’ailleurs sur Paris dans un parking.

Et voilà, il est super beau. Et le patin, à chaque fois qu’il refait son show, parce qu’il le fait tout le temps évoluer, il prend de plus en plus de place. Aux débuts, ils étaient sur deux chansons. Maintenant ils sont quasiment tout le temps sur les patins. Et j’ai l’impression que la danse en roller ou le rhythm skating, aujourd’hui, est la discipline qui a le plus de médiatisation.

Usher au Superbowl 2024
Usher au Superbowl 2024

Oui, clairement, oui. Depuis le confinement, depuis le Covid…

C’est ça qui fait le plus de vues. Je sais qu’il y a eu une battle de danse où il y a Red Bull qui a commencé à participer à Atlanta en septembre dernier. Donc on va voir comment ça évolue. autrefois le roller a été aux X-Games avec le skatepark. Après ça a été le derby. Maintenant c’est la danse. Quand on était jeunes c’était le saut et le slalom. Il y a tellement de formes au patin, on n’a pas parlé des latins qui sont fans de rink hockey.

Est-ce que je peux considérer cela comme ta tribune libre Florian Gravier ?

Ma tribune libre c’est qu’il y a plein de formes de patinage à roulettes. Le patin a 300 ans avec des vagues de popularité, des vagues de déclin, mais il est toujours là. Il renaît toujours de ses cendres, soit en réinventant des formes passées, soit en créant de nouvelles disciplines.

J’ai appris cela par toi et par Sam Nieswizski qui a écrit le livre Rollermania. Les premiers patins ont été créés pour imiter le patin à glace, et le patin à glace ça existe depuis la préhistoire. Donc en fait pour moi le mouvement du patineur est ancré dans le patrimoine génétique humain. On n’a pas les dates précises, y’a pas de photos ou de vidéos pour en témoigner, mais on va patiner jusqu’au bout. Certains peuvent trouver ça ringard, mais à chaque fois ça renaît, que ce soit sous une forme de Heelys, ou sous forme de patins électriques. Je ne sais pas si tu as vu, il y a un truc qui casse la baraque en ce moment, « Moonwalker » je crois. Ce n’est pas le geste du patineur pour le coup mais ce sont des roues sous les pieds. L’important, c’est de glisser, de rouler, ça l’est depuis toujours et je crois que ça le sera toujours.

Quand j’ai commencé Flaneurz, qui eut cru que le derby aurait connu ça ? Qui eut cru que la Covid19 allait générer une vague de retour de quad incroyable comme celle-ci ? Il y aura un nouveau déclin mais ça reviendra encore… Et voilà. Tous les fondus se foutent des déclins. Ils continuent de patiner. Nous sommes libres et nous n’avons pas besoin d’avoir de milliards pour se la kiffer. On a juste besoin de roulements qui fonctionnent à peu près, d’une surface lisse et c’est parti.

Bon, cela me paraît être une bonne conclusion. Donc si c’est bon pour toi Florian Gravier… ce sera le mot de la fin.

C’est bon pour moi. Merci encore !

Pour aller plus loin

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Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Alexandre Chartier est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

2 responses to “Podcast : Florian Gravier – patineur et fondateur de Flaneurz”

  1. eagleman
    4 mars 2024 at 13 h 48 min
    Comme toujours, interview au top. Merci à Flo pour son récit. (FYI Pas de bêtise remarquée les gars, c'est tout bon ^^)
  2. Christophe Blachier
    1 mars 2024 at 8 h 21 min
    J'ai écouté tout le podcast malgré le fait que la durée affichée m'a un peu effrayé au départ. J'ai écouté ça en plusieurs fois et j'ai adoré Encore merci à vous et à Florian pour son authenticité et sa franchise.

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