Podcast : Francis (1/2)

Par | Publié le 26 mai 2023 | Mis à jour le 1 juillet 2023 | Catégories : francis tom shanon roller team la défense roller team 340 podcast roller podcast | Sous-catégories : Toutes pratiques Roller slalom | 2019
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Francis est à la fois une légende et inconnu de la plupart des patineurs. Pourtant il était au début du club du Trocadéro, le 3.4.0, et fondateur du roller team La Défense.
Son histoire se mêle intimement à celle de son personnage de scène : Tom Shanon. Toutefois, avant le showman, nous vous racontons l’histoire du rider et de ses débuts en roller. Premier volet de notre podcast…

Wall ride sur un mur de la Défense
Illustration Podcast Francis P1 pour les plateformes
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Podcast : Francis (1/2)
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Rencontre : les débuts de Francis, avant Tom Shanon

L’équipe de rollerenligne.com et Balado Roller a eu le plaisir de recevoir un patineur exceptionnel. Si vous n’êtes pas un patineur parisien des années 1980 ou 1990, il y a peu de chance que vous connaissiez Francis. Et pourtant, comme vous l’entendrez dans cette entrevue en deux parties, Francis a une vie rolleristique bien remplie.

C’est tout d’abord l’un des meilleurs patineurs que nous ayons eu la chance de rencontrer. C’est un rider hors pair, avec un style très fluide. Il est aussi un excellent sauteur et un patineur de rue très engagé. Il a grandi en roulant avec trois autres patineurs parisiens de légende, Hom NGuyen, Philippe Dussol alias « Tony Boy » et Taïg Khris. Francis nous expliquera notamment les raisons qui l’ont amenées à totalement changer sa pratique et à tourner le dos au roller de rue pour devenir un artiste de music-hall renommé sous le nom de Tom Shanon.

Francis, enfant, au parc de Nanterre
Francis, enfant, au parc de Nanterre

Le mot de Walid à propos de Francis

Francis et moi nous sommes côtoyés dans les années 2000. Et même si j’avais entendu parler de lui et si j’avais vu des vidéos de slalom et de catch sur le périphérique, le rencontrer et discuter avec lui était une expérience en soi. J’ai essayé à plusieurs reprises de l’interviewer à l’époque, mais il a toujours refusé. D’ailleurs, il n’a jamais donné d’interview sur son passé roller jusqu’à présent. C’est donc un grand honneur et une exclusivité de recevoir Francis dans ce podcast Balado Roller.

Francis, tout d’abord, merci et bienvenue sur le podcast et j’espère que tu vas bien…

Oui, je vais très très bien. En fait, je suis content que pour la première fois, nous fassions cette interview ensemble.

Par rapport à ce que je viens de dire, est-ce que tu as des choses en plus que tu voudrais ajouter pour te présenter auprès de nos auditeurs qui, pour la plupart ne te connaissent pas ?

En fait, les patineurs me connaissent sous le nom de Francis. De 1976 à 1992, j’ai patiné dans la rue. Je faisais du slalom, du saut et de la danse. Puis, en 1992, j’ai décidé totalement de quitter le monde de la rue pour me lancer dans le music-hall, dans le spectacle. C’était un choix assez clivant, c’était un risque que j’ai pris et c’est vrai que je regrette pas. Mais on en reparlera dans les détails plus tard.

Francis, comment est-ce que tu es venu au roller ?

Alors ce qui est étonnant c’est que la première fois que j’ai fait du roller, ça m’a semblé extrêmement difficile. Je me souviens j’avais eu mes premiers patins à roulettes en 1976 et je m’accrochais au bras de mon père et ça me semblait vraiment impossible.

Je pense que deux ou trois mois après, j’ai réessayé. Et j’ai commencé à sentir le plaisir de patiner. A partir de ce moment-là, je n’ai plus jamais arrêté. Alors j’ai aimé beaucoup la course en tant qu’amateur, mais pas en tant que licencié.

Bien que j’ai été licencié à une époque, je n’ai pas du tout aimé l’atmosphère qu’il y avait dans le club. Après j’ai fait tout de suite du slalom, et ça, c’était vraiment ma discipline phare. En même temps j’ai fait du saut, j’ai fait de la danse. Mais je ne me suis jamais considéré comme un danseur. En fait je me suis considéré comme un patineur. C’est pas parce que tu fais des pirouettes que tu es forcément un danseur. Donc je faisais des pirouettes, je faisais des pirouettes assises sur les jambes, des pirouettes sur les pieds… Mais je ne me suis jamais considéré comme un danseur. En fait, je me considère comme un patineur qui, quand il patine, essaie de chercher un maximum d’émotion.

Alors après, si ça ressemble à de la danse, ça ressemble à de la danse. Donc, course, slalom, saut, danse, j’ai fait de tout en fait.

Quelle était l’ambiance du milieu du roller à cette période ?

Quand je commence, on va dire dans les années 1980, l’ère du temps était totalement différente. D’abord, il n’y avait pas beaucoup de patineurs dans la rue. On trouvait très peu. En tout cas, moi j’habitais à Saint-Germain-en-Laye, donc à peu près à 45 minutes de Paris. Je ne trouvais pas de patineurs. Et quand j’en croisais un, c’est qu’il y avait un air de liberté et moins de restrictions. Il y avait des choses qu’on pouvait faire avant, de manière très naturelle, qu’on ne pourrait pas faire aujourd’hui.

Alors j’ai une anecdote : Dans les années 1980, à Saint-Germain-en-Laye, j’avais un voisin qui était le chauffeur du bus scolaire. De temps en temps, il me disait :  » Francis, est-ce que tu veux t’accrocher ?  »

Bon, le bus était vide… et je m’accrochais. C’est quelque chose d’absolument inenvisageable aujourd’hui ! Ça c’est juste pour qu’on puisse mesurer un petit peu l’ère du temps. Que les choses ont changé. Enfin je n’imagine pas la même personne aujourd’hui me proposer : « Francis, est-ce que tu veux t’accrocher au bus ? Je t’emmène en ville. »

C’est un petit peu pour que les auditeurs comprennent un petit peu comment était l’air du temps. Il y avait vraiment un sentiment de liberté.

Donc là au départ, Francis, tu commences à rouler à Saint-Germain-en-Laye. Le roller en ligne n’existe pas, donc dans tu roules en quad. Tu es plus ou moins tout seul ou tu commences à rencontrer des gens dès le départ ? Comment ça se passe en fait les premiers temps que tu fais du patin ?

Alors je suis tout seul. Mais vraiment quand je dis tout seul, c’est que je suis tout seul. Après j’expliquerai pourquoi ça a été une chance d’être tout seul. Déjà, franchement, on n’est pas à Paris, je ne suis même pas adolescent, je suis enfant. Je dis ça, parce qu’adolescent ou adulte, tes parents te permettent d’aller à Paris et de prendre le RER.

Mais moi, enfant, mes parents ne me le permettaient pas. Donc je devais rester à Saint-Germain. Alors oui, j’ai converti quelques amis patineurs à venir patiner avec moi et me rejoindre. Mais je patinais tout seul. J’avais alors la chance d’avoir mon collège en face de chez moi. Et c’était quasiment comme une piste de slalom, comme celle du Trocadéro.

Tu t’es donc beaucoup concentré sur le slalom…

Le dimanche, le soir, les jours de vacances, je m’entraînais au slalom. A l’époque j’utilisais des cailloux, puis après c’était des plots. Là je m’entraînais intensément à slalomer. Alors, il faut quand même savoir que quand j’étais petit, j’étais allé une fois au Trocadéro et que j’y avais vu pour la première fois du slalom. Je devais avoir peut-être 13 ans. Et j’avais vu des gars faire du slalom en skate et en roller aussi. Et à partir de ce moment-là, je me suis dit « tiens, je vais apprendre ce truc-là, ça a l’air vachement sympa ». Et il y avait une piste parfaite.

Donc petit à petit, je me suis amélioré. De temps en temps, je faisais du slalom à la sortie du collège. Et là, il y avait tous les copains qui me regardaient. Et sans me rendre compte, en fait, je faisais une démonstration pour mes copains et copines du collège. Et là j’ai appris à faire du salom.

A quel moment as-tu débuté le saut Francis ?

Alors le saut, à la même époque. J’allais dans les caves, je cherchais des planches, des portes, des parpaings, et j’improvisais un tremplin. Et là j’étais quasiment tout seul, bien que comme je t’ai dit, il y avait quand même quelques copains que j’avais convertis et qui voulaient absolument faire du saut et du slalom avec moi.

Oui, parce que forcément c’est séduisant quand tu vois que tes copains à la sortie du collège qui sont en admiration devant un slalom ou un saut. Et alors tes potes veulent acheter des rollers.

Francis à la fête du sport d'Epinay
Francis à la fête du sport d’Epinay

Pendant combien de temps roules-tu à Saint-Germain-en-Laye ? Et à partir de quand vas-tu commencer à explorer un peu plus loin que Saint-Germain en roller ?

Très longtemps après. J’ai commencé le roller en 1976 et plus intensément de 1978 à 1984. Je roule donc intensément tout seul à Saint-Germain. Je connaissais toute la ville et même les flics me connaissaient et le chauffeur du bus. Ils me connaissaient. Ils avaient confiance parce que bon, que j’étais pas un voyou et que je voulais juste m’amuser. Et à l’adolescence, à peu près vers 15-16 ans, je commençais à avoir l’autorisation de mes parents pour aller à Paris.

Et c’était génial pour moi, parce que là je pouvais enfin rencontrer des bons patineurs, même des meilleurs patineurs que moi. Là j’apprends. J’apprends vraiment. Quand je vois des grands de 20 ans qui font des trucs que je trouve extraordinaires, alors que moi j’avais 14 ans, je me suis dit :  » Waouh, enfin, voilà, il y a de la rivalité. « 

Et j’adore ça. La compétition, c’est bon enfant.

Quels étaient tes spots à l’époque ?

Alors, il y avait Montparnasse, j’y allais de temps en temps. Mais pas souvent parce que c’était très loin de chez moi. Et le Troca, vraiment le Troca, c’était le spot. Il y avait aussi la Défense, mais pas telle que vous la connaissez, c’était vraiment très différent.

D’ailleurs moi j’avais pas connu la patinoire de la Défense, il y avait une patinoire. Pour moi il y avait le Trocadéro et Montparnasse, il n’y avait pas Notre-Dame. Alors, il faut savoir quand même qu’à Saint-Germain, ça peut être intéressant pour la petite histoire, à défaut de skatepark, je faisais de la rampe, on va dire ça comme ça, sur les escalators du RER de Saint-Germain. Ça a été une longue période pour moi, ça a duré deux ans.

A Paris sur Roulettes
A Paris sur Roulettes

Tu peux nous expliquer ?

J’avais même squatté carrément la sortie du RER avec la sono et tout ça. Là je fais une élipse de temps, je crois que c’était en 1988-1989. J’allais de temps en temps au Trocadéro. J’avais 18 ans et Eric Forestier avait entendu parler de moi. Je pense, je sais pas comment, que je l’ai invité à venir voir ce que je faisais dans le RER. Il n’avait jamais vu ça. Je partais d’en bas de l’escalator du RER, je prenais de la vitesse et de l’élan, puis, avec la vitesse et l’inertie, j’arrivais à monter vraiment suffisamment haut, genre 10 mètres on va dire, et je faisais une figure en haut. Puis je redescendais et à la sortie je faisais une autre figure.

Oui je vois le principe, entre les deux escalators en fait, sur la partie métallique…

C’est ça. C’est comme un toboggan. Et ça a été une partie de ma vie qui a duré à peu près deux ans. Et Eric était venu me voir . A partir de ce moment-là, il voyait aussi du saut et du salom quand je venais au Trocadéro. Et puis je suis rentré dans sa team un certain temps. Ensuite, j’en suis parti.

Donc tu roules avec des gens qui sont plus âgés que toi, qui ont la vingtaine. Comment tu décrirais en quelques mots l’ambiance qu’il y avait au Trocadéro à l’époque ?

Extraordinaire. Franchement, ça te convertissait n’importe qui au roller. C’était vraiment extraordinaire. Ça avait un air un peu… Alors, en sachant que je ne connaissais pas, je rêvais d’y aller, ça avait un air de Californie. T’avais des breakdancers avec leur poste, de la musique, des danseurs, des patineurs, des sauteurs, des slalomeurs. Il y avait du monde, énormément de monde. C’était vraiment extraordinaire.

Et j’ai même l’impression que c’était la plus belle période du Troca. Alors je n’ai pas assez de recul. Moi j’ai connu le troca, mes débuts au troca, j’étais adolescent quand mes parents voulaient bien que j’y aille ou m’emmener. J’avais 14 ans, j’avais croisé quelques patineurs qui ont patiné en très longtemps, comme Hom, Taïg. On ne se côtoyait pas trop, mais moi je les observais. C’était fantastique, surtout en été. Il y avait des batailles d’eau, c’était bon enfant. Ça donnait envie de faire du roller. Tu avais des patineuses comme Stella.

Peux-tu nous parler d’elle ?

C’était un modèle. Elle était un peu plus âgée que moi. Elle était souvent en trocadéro. Elle slalomait très bien et ça me donnait envie d’être meilleur. J’avais tout le temps envie de progresser. J’avais un carnet avec mes propres records et j’allais au Trocadéro dès que je pouvais. Je souligne qu’Éric Forestier n’était pas encore là à cette époque. C’était avant sa venue.

J’allais te poser la question parce que tu faisais du slalom et du saut au Trocadéro… Le Trocadéro, c’est quand même aussi le club du 3-4-0. Je voulais savoir si, à cette époque-là, tu sautais déjà là-bas, et si oui avec qui tu sautais ?

Je sautais, je slalomais, parce qu’il faut comprendre le contexte de l’époque. Ou tu étais sauteur et tu étais en haut, ou tu étais slalomeur et tu étais en bas… ou danseur et tu étais en bas aussi. Il n’y avait pas de patineur qui faisaient les trois. C’était l’un ou l’autre.

Et moi, comme je faisais les trois, en tout cas des sauts et du slalom, je m’amusais à monter et à faire du saut.

Alors, qui est-ce qu’il y avait sur place Francis ?

Il y avait Alex, à l’époque, avant qu’il aille à la Défense. Il y avait Hom. Il y avait Taïg. Je ne croisais pas beaucoup Taïg. Je l’avais aperçu une ou deux fois avec son frère Lino. Il y avait Philippe Dussol. Il y avait JP, ça c’était un de mes meilleurs rivaux avec JP et Hom. J’adorais, c’était génial de se lancer des défis. Puis évidemment Philippe aussi. Taïg, alors il était un tout petit, un peu plus jeune. Et comme je ne venais pas tout le temps au Trocadéro, je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de patiner avec lui. Après, plus tard, j’ai eu l’occasion de patiner avec lui lorsqu’on était aux 340 ensemble. Y’avait Benji et le grand Manu. Je sais pas s’il se souvient de moi. Là, nous sommes aux environs de 1986. Il y avait les Breakdancers, et c’était avant l’arrivée d’Eric Forestier.

En 1986, il n’y a pas encore la Défense telle qu’on la connaît ? Avec la belle descente et avec le club ?

Pas du tout. Je te raconterai l’histoire de la Défense après. Il y a Eric Forestier. Moi j’observais qu’il était le manager du 340. Il n’y avait qu’un premier membre, je crois que c’était Philippe Dussol. Et moi je n’avais pas tout de suite envie d’y rentrer. En effet, j’observais ça à l’extérieur. Et donc, comme je te l’ai dit tout à l’heure, Éric Forestier est venu me voir à Saint-Germain-en-Laye. Il a vu ce que je faisais sur les escalators du RER. Je suis revenu au Trocadéro et là on s’est mis d’accord. Il m’a dit :  » écoute Francis, nous on fait des démonstrations, viens avec nous. »

J’étais très content de venir parce que j’avais envie de patiner avec des bons. Et ils étaient de bons patineurs. Mais j’étais toujours frustré, parce qu’à chaque fois qu’on me disait :  » Francis, bientôt, le mois prochain, il y a un grand événement, il y aura la télé, ou il y aura un autre média… » Peu importe, j’étais toujours déçu.

J’ai jamais considéré cela comme un grand événement.

Francis slalom au pied de l'Arche de la Défense
Francis slalom au pied de l’Arche de la Défense

Alors qu’est-ce qu’on appelle un grand événement à cette époque ?

C’était quatre barrières de police. Enfin on va dire 20 barrières de police, t’es dans la rue, tu fais ta démo, et les gens qui veulent bien s’arrêter pour regarder, s’arrêtent pour regarder. Non, c’était des démonstrations à l’arrache. J’étais frustré. Je m’attendais à vraiment quelque chose de bien organisé. C’est vrai que je suis un petit peu perfectionniste. Et je comprenais pas qu’on me dise qu’il y aura un grand événement alors qu’il y a quatre barrières de police. Enfin globalement on protège les passants, et puis on saute, on slalome, et c’est à l’arrache.

Et les gens sont pas venus nous voir faire du saut ou du slalom. Ce sont juste des passants. Donc, moi comme j’avais déjà cette ambition de me professionnaliser, en 1988/1989, je vais très vite quitter le Roller Team 340 et de faire mon bout de chemin tout seul. Que je sois de Saint-Germain, que je sois du Troca ou de la Défense ou aux États-Unis, je te parlerai tout à l’heure des États-Unis, j’ai pas de clan.

« Je comprends pas pourquoi il y a des patineurs qui se revendiquent d’un clan. D’ailleurs je suis plutôt un patineur solitaire, un loup blanc. Voilà, je patine là où il fait bon patiner, là où ça donne envie de patiner, Là où il y a une âme, il y a une atmosphère. »

Francis

Et donc à ce moment-là, Trocadéro c’était super. Mais j’étais frustré parce que ce n’était jamais professionnel. Je n’ai jamais trouvé ça pro. Je m’étais dit :  » Je vais devenir pro et je vais réussir à vivre du roller. »

Qu’as-tu fait pour aller vers cette démarche professionnelle Francis ?

Alors c’était totalement inconscient, je veux bien le concevoir :  » Je vais réussir à vivre du roller. » Et j’avais déjà en tête un plan que je m’étais fait à moyen terme et à très long terme. Déjà il fallait que j’investisse, que je mette de l’argent de côté. Et ce que j’ai fait. J’ai fait un repérage de tous les endroits de Paris et autour de Paris où je pouvais mettre une piste de slalom et faire la quête tout seul. Alors j’avais ma copine de l’époque qui était avec moi et qui me soutenait. Donc j’ai quitté le Trocadéro, et j’ai fait un repérage. J’ai notamment vu le jardin de l’acclimatation, j’ai payé mon billet et en fait j’ai trouvé là-bas, une piste parfaite.

J’y allais de manière clandestine. Normalement, c’est un endroit privé. je n’ai pas le droit de faire du slalom ni de faire la quête. Mais Je l’ai fait. Ceux qui vont au jardin d’acclimatation, si la structure n’a pas changé, dans la rue principale, il y a une route parfaite pour faire du slalom. En effet, ça descend légèrement. Et donc de manière clandestine, j’ai slalomé. J’étais culotté quand même. J’ai pris mon billet, j’ai sorti mes plots, à base carrée de 10 cm sur 10 cm, et d’une hauteur de 20 cm à 25 cm. Vraiment c’était comme une opération commando ! J’ai placé mes plots et j’ai fait à peu près une heure de slalom. J’ai fait la quête et j’ai vraiment eu plein d’argent. Ma copine, elle faisait la quête, on mettait l’argent dans le sac à dos.

Et tu as pu continuer longtemps sur ce spot ?

Le lendemain ou le week-end d’après, je ne sais plus, il y a tellement de temps, je reviens. On fait la quête et j’ai vraiment un sac plein d’argent… mais je me fais virer. Forcément, je n’avais pas le droit. Je comprends, je ne fais pas de résistance. Je sors. Alors pour la petite anecdote, le père de ma copine de l’époque était ingénieur, et quand il voyait le poids du sac à dos, il me disait « Non mais c’est pas possible, combien vous avez ? ».

Bon j’avais à peu près 250 francs, quelque chose comme ça, pour une heure et demi de slalom. C’était énorme, il était épaté, il disait « Waouh, c’est ce que je vais faire maintenant ».

Wall ride sur un mur de la Défense
Wall ride sur un mur de la Défense

Ça se faisait beaucoup à l’époque la quête ? Nous on la faisait dans les années 1990…

Non, j’ai jamais connu quelqu’un faire la quête. Oui, ça a dû exister évidemment. Mais je ne m’étais pas reposé sur d’autres exemples de personnes qui avaient fait la quête en roller, non. Et je me fais virer, et je me dis :  » Merde, c’était vraiment intéressant. »

J’aurais pu gagner pas mal d’argent et mettre de l’argent de côté. Parce que j’avais une idée, un plan de créer un spectacle et de mettre de l’argent de côté. Je n’ai plus d’endroit, et je cherche encore dans Paris. Je fais un repérage, et je vois alors un truc extraordinaire. Attention, à cette époque-là, c’était encore en chantier, il y a des barrières tout autour : la construction de l’Arche de la Défense. Et je vois la pente de l’Arche de la Défense, la fameuse descente au pied de l’Arche. Je me dis : « C’est là que je vais faire mes démos et que je vais faire la quête. »

Et donc j’attends parce qu’en fait je n’y avais pas accès. En effet, ce n’était pas encore inauguré par François Mitterrand. Il fallait attendre encore quelques mois. Je venais observer à chaque fois. Et je me suis dit : « C’est l’endroit parfait ».

Puis François Mitterrand inaugure l’Arche de la Défense et il n’y a plus de barrières. Je prends mes plots, je fais du salon sur la descente. Mais je me dégonfle, je n’osais pas faire la quête. J’ai mis mes plots, j’étais le premier slalomeur. Il n’y avait pas de patineurs.

Francis, comment réagissaient les passants ?

En tout cas il y avait vraiment beaucoup de monde. En fait les gens des tours, les passants qui allaient au Quatre Temps. Finalement c’était un passage obligé. Donc j’allais là tous les weekends. Et petit à petit, j’ai ramené des patineurs. Il s’est passé du temps, peut-être trois ou quatre mois avant que les patineurs me rejoignent. Et je crois que l’un des premiers qui m’a rejoint, c’est Kat, je sais pas si tu vois qui est Kat.

Moi je le connais pas…

Avec son frère. À un moment donné, ils allaient aussi à Notre-Dame. Hakim Ben Geloune ne patinait pas. Je l’ai vu commencer. Il était venu peut-être dix mois après. Et je le voyais très intrigué, il venait à pied. Je me rappellerai toujours d’ailleurs. On en plaisante encore lui et moi. Je pense qu’il était intimidé. Quand tu vois une bande de plots bien alignée, droite (j’étais très perfectionniste)… En fait il n’y avait pas de patineur qui avait mon niveau en slalom, Le slalom était vraiment ma première spécialité.

« Je pense même que là où j’étais le plus fort c’était peut-être en slalom et ça les intimidait. »

Francis

Et donc Hakim, j’en rigole avec lui, mais je le voyais, il passait, il venait, il passait, il venait, jusqu’au jour où il s’est décidé à venir avec une paire de rollers. Il a commencé à apprendre à slalomer, il a atteint un niveau extraordinaire. Il y a beaucoup de patineurs qui ne le savent pas mais Hakim était un slalomeur super bon et un bon sauteur aussi. Et donc il s’est passé pas mal de temps…

Il n’y a toujours pas Michel Fize ?

Non, Michel Fize n’est toujours pas là. Nous en parlerons plus tard…

Là tu patines tout seul et ensuite d’autres gens viennent patiner avec toi. Ils commencent à s’intéresser au lieu et te rejoignent. Comment en arrive-t-on au Roller Team de la Défense ? J’aimerais comprendre la naissance de ce club iconique pour les gens de ma génération qu’est le Roller Team la Défense…

Ça s’est passé même assez vite. Il faut que je revienne un tout petit peu en arrière pour t’expliquer. Quand j’étais au Roller Team 340, j’étais frustré parce que j’étais jamais satisfait du professionnalisme qu’on me proposait pour faire des démonstrations. Donc j’ai essayé de devenir pro. Mais en même temps j’avais le rêve fou que le roller soit un sport reconnu auprès de la fédération. J’avais même une ambition olympique. Ça c’était très important dans mon histoire.

Je traînais ça, je souffrais même on va dire du fait qu’à chaque fois qu’on me demandait « mais t’es champion de quoi? » je répondais : « Bah, je suis champion de rien, je peux pas dire que je suis champion » parce qu’il n’y avait pas de compétition à mon époque. Et c’est vrai que j’ai rêvé longtemps de championnats du monde, de compétitions olympiques. Et donc, un jour, je reviens à la Défense, il y a un gars qui se pointe avec son collègue, Eric. Il s’agit de Michel Fize qui se pointent à la défense, mais je ne suis pas là.

Qui est Michel Fize, pour les auditeurs qui nous écoutent ?

Eric et Michel, étaient sociologues. Ils le sont toujours je pense, mais à la retraite maintenant. Et Eric était venu voir à la Défense parce qu’on lui avait dit qu’à la Défense des gens faisaient du skateboard. Et en fait, ils viennent tous les deux et ne voient pas de skateboarders, mais ils voient des patineurs comme Désirée et Hakim. Donc ils sont restés à discuter avec eux.

On leur a dit :  » Ecoutez, revenez peut-être le week-end prochain, Francis viendra. Parce que c’est lui qu’il faut voir, et il viendra. » Parce que moi j’avais des plots, j’avais du matériel…

Je sais pas, il s’est passé peut-être deux ou trois semaines et je suis venu. Ainsi, j’ai rencontré Michel Fise? Et nous avons fait connaissance. Il écoute mon discours, se présente à moi en tant que sociologue au CNRS. Et je commence à lui expliquer quelles sont mes ambitions. Je ne parle pas de mes ambitions artistiques mais de mes ambitions pour faire en sorte que le roller devienne un sport reconnu par la fédération, et peut-être olympique.

Quels ont été vos échanges ?

Et en fait, il a totalement accroché. Mon discours lui a plu. Ainsi, à chaque fois que je venais, il me demandait :  » Francis, je ne veux pas qu’on arrête. Bon t’as patiné pas mal là, viens on va discuter. Alors il m’a emmené au McDo, parce que le McDo était juste à côté. Juste lui et moi, on allait au McDo, boire un verre, manger un petit truc. Il me disait :  » Vas-y, je t’écoute ». Et c’est vrai qu’à cette époque là, j’étais à fond pour faire en sorte que le roller soit reconnu comme un sport officiel.

Et j’avais un plan très simple en fait. Je lui ai dit qu’on allait faire des démonstrations. C’est très simple, bien qu’il n’y avait pas beaucoup de sport fun à l’époque. Ce n’était pas comme aujourd’hui, où t’as l’embarras du choix. Cependant, le roller c’était marginal.

Je lui ai dit que pour se faire accepter, nous allions faire des démonstrations, de ville en ville. Et en plus, à cette époque, c’était le début de la banalisation des caméras vidéo. Avant cette époque, c’était très dur d’avoir des caméras. Les caméras étaient soit des caméras professionnelles soit des caméras amateurs, mais de très mauvaise qualité. Et il y a eu l’arrivée des caméras H8, cela a commencé à devenir banal.

Et je lui ai dit :

« Voilà, le plan c’est comme ça, on va faire des démonstrations de ville en ville, on va filmer nos démonstrations, les médias vont venir. Ils vont certainement être curieux de savoir ce qu’il se passe. On va partager nos vidéos, ça va créer un engouement »

Francis

Et comment cela s’est passé alors ?

L’avantage de Michel Fise, c’est son talent pour présenter un sujet donné. Et donc c’était le porte-parole. Il s’est imposé comme le porte-parole naturel, et moi je me suis imposé comme le leader et le technicien. Ainsi, grâce à sa qualité d’orateur et à sa diplomatie, il avait la capacité de convaincre les gens. Il savait convaincre la fédération. Et ça a commencé comme ça.

Donc un jour il vient vers moi et il dit :  » Ok Francis c’est décidé, on crée une association. Toi, tu seras le directeur technique et moi le directeur. »

Et, alors ça je m’en souviendrai toujours, parce qu’il fallait parler technique. Et donc je lui ai dit, alors dans ces cas-là, si on crée des compétitions, il faut créer un règlement. Et j’ai écrit le premier règlement ayant jamais existé, le premier de tous les règlements, et je lui ai signé.

Il en a peut-être gardé un exemplaire. Moi j’en ai gardé un exemplaire dans mon garage. J’avais mis du temps à le rédiger. Un réglement pour le slalom et pour le saut. Les années passent. Je décide de quitter le club de La Défense. Je pourrais l’expliquer après. Et même de quitter carrément le milieu de la rue, le slalom, le saut et passer à une autre étape de la vie. On va dire qu’au moment où il y a la création du Roller Team La Défense, vers les débuts des années 90, il commence à y avoir les premières compétitions et les premiers clubs. Je pense en particulier aux clubs de Laon, au club de Reims. Je ne pas si Rollermania existe encore, mais il y avait déjà un embryon de quelques clubs.

Francis saute un muret à La Défense
Francis saute un muret à La Défense

Qui rencontrais-tu à l’époque ? Vous avez commencé à discuter de ce qui allait devenir plus tard la commission nationale de roller acrobatique finalement…

En fait, à ce moment-là, je suis déjà parti. Je suis parti en 1992. En effet, j’ai décidé de quitter la rue et je suis parti. Evidemment, de temps en temps, je revenais patiner à paris et ses endroits extraordinaires, il y a une âme dans l’atmosphère. Avec mes écouteurs, je venais patiner. Mais quand je dis que je suis parti, je suis vraiment parti. Je suis parti au point où je n’avais plus envie qu’on me voit patiner.

Avec quel matos roules-tu à ce moment-là Francis ? En roller quad ? Moi, je t’ai toujours connu avec tes platines Roll’Line. Mais je suis sûr qu’avant, tu n’avais pas ce matos-là…

Ah non, pas du tout. Je patinais avec des coques Bauer Turbo. Mais j’avais coupé le haut, la partie de la cheville, j’avais coupé à peu près de moitié. J’ai eu aussi des bottines à un moment donné mais je n’aimais pas. Et comme platine, j’avais des Lazer de Hawaii Surf, ainsi que des roues Kryptos et des roulements à billes de précision SW, j’en cherche. Si quelqu’un a des SW à me vendre, je les prends !

Coque Bauer Turbo
Coque Bauer Turbo – source : http://terrytibbs.hubpages.com

Donc t’avais des platines Lazer ?

Voilà, des platines Lazer et des coques Bauer. J’ai patiné très longtemps avec de matériel. D’ailleurs, j’ai usé deux paires de Bauer.
Les Lazer étaient vraiment de bonnes platines, je les ai encore dans mon garage.

Tu me disais qu’il y avait d’autres clubs de roller qui faisaient du slalom un petit peu partout en France…

En fait, là, j’étais déjà parti, parce que ce qui s’est passé, je suis parti en 1992. Mais avant, on doit être peut-être en 1991, moi qui avais tant espéré rendre le slalom et le saut olympiques, j’ai eu un désaccord, un vrai désaccord avec Michel Fize. C’est là qu’il y a eu un vrai tournant dans le slalom.

Avant, le slalom, à la Défense, c’était un espacement de 1,50 m entre les cones. Et Michel Fize, qui a apporté énormément au roller par ailleurs, a voulu réduire l’espace. Je tiens à le dire, que sans lui je pense qu’il y aurait plein de choses qui n’auraient pas été faites. Mais là j’ai eu un vrai désaccord avec lui.

En fait il me disait :  » Francis, de temps en temps, on fait des démonstrations, et les mairies, les communes, ne nous proposent pas toujours une descente. Parfois on a pas le choix, on fait du slalom sur du plat. Donc pour que ce soit plus impressionnant, Francis, je te propose qu’on réduise la distance de moitié, qu’on mette l’espacement à 75 cm au lieu de 1,50 m. »

Donc cela a créé un désaccord entre vous…

Oui, là, je suis en désaccord avec lui. Je lui dis : « Si tu fais ça, le potentiel olympique du slalom diminuera. Parce que ce qu’il oubliait, c’est qu’il y a une scénographie autour du slalom. Quand tu vas au Trocadéro, quand tu montes en haut de la tour Eiffel, tu vois le slalom du Trocadéro, tu vois les plots oranges de loin. Avec un espacement de 75 cm, c’est riquiqui, tu ne vois plus l’écart. Les gars de la tour de la Défense, ils voient de loin le slalom quand il est à 1,50 m et pas quand il est espacé de 75 cm.« 

Qu’on ne dise pas que ça empêcherait le slalom de devenir olympique de ne pas trouver des descentes. Quand on va bien en montagne pour faire du salom en ski. Eux, ils ont réussi à rendre le ski grandiose, un sport reconnu, olympique. Et nous, avec tout le potentiel du roller, on pourrait pas réussir à faire comme le ski ?

Pour moi, le salom, c’était un mix de ski et de natation. Pourquoi la natation ? Parce qu’à la natation, t’as différentes nages. Donc en salom tu as différentes figures. Et voilà, et là on a eu un tel désaccord, que je lui ai dit oui, évidemment, bien sûr, ça marchera un jour le mini slalom, mais ça va prendre une autre tournure.

Et là on voit d’ailleurs, ça marche très bien, tu vas sur internet, ça a beaucoup de succès le mini slalom, Mais qui aurait connu la version grand slalom, aujourd’hui ? Qui sait ce qu’il serait devenu avec les réseaux sociaux? Ça on peut pas le savoir.

Expliques-nous en quoi le grand slalom est plus spectaculaire selon toi Francis…

Parce que tu sais, quand tu présentes, et ça c’est un truc très important qu’il faut comprendre, c’est le spectacle qui m’a appelé ça : ce qui compte ce n’est pas seulement la technique. C’est que le mini-slalom était principalement une épreuve technique. En grand slalom, il y a aussi une scénographie. Et comme je disais, le grand slalom, de loin, il a du charisme. Et quand tu vois un gars qui descend très vite sur un slalom à la Défense, c’est spectaculaire.

J’avais un record à la défense. Et vraiment c’est surtout la vitesse qui impressionne. Quand tu vois un gars qui fait, je crois qu’il y avait 28 plots, à 1,50 m en moins de 3,50 secondes ou en moins de 3 secondes… Alors je dis ça parce que c’est chronomètre à la main, ce n’étais pas un chronomètre laser, c’était très artisanal. Mais c’était tout le temps en dessous de 3 secondes, et avec des plots bien alignés, c’est un spectacle que les gens des tours de la Défense voyaient.

Et ça, on a perdu ça forcément, puisque le mini-slalom propose une autre version du slalom.

Tu quittes donc complètement le monde du roller, de la rue, du slalom, du saut et tout. Donc c’est ça qui fait que tu changes de voie en fait ?

Ah totalement. Principalement. Et puis parce que je voulais vivre du roller. Alors ça semble incroyable comme ça, d’autant plus que si on se remet dans le contexte de l’époque, c’est un truc de fou. Et je me suis dit à cette époque, il y a deux solutions pour vivre du roller. Ou c’est dans le sport, donc tu deviens un champion, champion du monde ou champion, ou tu te débrouilles, tu crées un spectacle. Mais quel spectacle après ? C’était toute une histoire. Donc il y avait ou le sport, mais c’était un sport tellement marginal. Il n’y avait pas d’argent à cette époque dans le sport et il fallait que j’oublie… ou le spectacle. Et j’ai décidé de m’orienter vers le spectacle.

Et là ma vie a changé et je pense que j’ai vraiment fait le bon choix. Parce que bon, j’étais trop vieux pour la compétition en fait.

C’est la fin de ce premier épisode consacré à la vie de Francis. Nous espérons que vous avez aimé cet épisode. Si c’est le cas, n’hésitez pas à en parler autour de vous et à partager sur les réseaux sociaux. Et nous vous donnons rendez-vous dans quelques jours pour la suite et fin de son interview. A bientôt.

Pour aller plus loin

Tom Shanon sur thescretofpros.com

Lire l’article sur le Syndrome de l’Expert par Tom Shanon

Auteur

Walid NOUH

''Wawa''

Walid patine depuis la fin des années 80. Il a fait du roller freestyle et aggressif. Fondateur du site RollerFR.net dans les années 2000, il fût par la suite webmaster du site Rollerquad.net et co-fondateur de la marque de patins à roulettes détachables Flaneurz. Il est intéressé par la conservation et transmission du patrimoine rolleristique.

Une réponse pour “Podcast : Francis (1/2)

  1. Thanos

    Je me souviens de lui a saint germain en laye. Il descendait l’avenue du général leclerc depuis la place royale derrière le 3E (Ligne de bus de saint germain en laye de l’époque), il sautait les escaliers du centre commercial du bel-air « la dalle » (ce surnom n’existait même pas à l’époque où il performait) et quelques fois devant les marches de l’église de saint ger. C’était une legende. On était gamins et quand on le voyait faire ses tricks c’était comme voir Michael Jackson défier la gravité dans son clip smooth criminal. Nous étions d’autant plus fier car le gars était de chez nous. Quelle époque…

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