Entretien avec Gabrielle Denis, fondatrice du magazine Crazy Roller
Pour ce nouvel épisode de Balad'O Roller, l'équipe de REL vous invite à rencontrer Gabrielle Denis, ancienne rédactrice en chef adjointe du magazine de street Crazy Roller. Un titre emblématique de la fin des années 1990. Entretien en podcast...
Par Walid NOUH

Gabrielle Denis : une vie sous le signe du roller
Pour ce nouvel épisode de Balad’O Roller, l’équipe de rollerenligne.com est partie à la rencontre de Gabrielle Denis, l’une des fondatrices du célèbre magazine de roller street des années 1990 et 2000 : Crazy Roller.
Le mot de Walid à propos de Gabrielle Denis
Gabrielle et moi avons roulé ensemble quelques années au Trocadéro quand nous faisions du slalom. Je ne l’avais pas revue depuis 1998. J’ai retrouvé sa trace sur LinkedIn et je l’ai contactée, elle était d’accord pour partager avec nous son incroyable expérience avec Crazy Roller. C’est pourquoi il me tenait à cœur de réaliser cette interview.

Bonjour Gabrielle, peux-tu te présenter ?
Oui, bonjour, je m’appelle Gabrielle Denis, je fais du roller depuis 1978 quand j’avais 7 ans, avec des patins à roulettes en fer et avec des courroies en cuir. Je suis né en 1971, j’ai 51 ans. Je suis allé apprendre toute seule dans le jardin du Luxembourg, au kiosque à musique. Il y avait peu de monde à l’époque qui patinait. J’ai commencé à faire du roller (des quads avec les chaussures accrochées) quand j’avais 10 ans.
Puis je suis allé à la Dalle Montparnasse dans les années 1980. Nous faisions des chats, des déli-délos, des foots en roller. J’ai rencontré des gens comme Gzu, j’ai appris petit à petit. J’ai commencé le slalom, je n’osais pas aller au Trocadéro dans un premier temps, le niveau était trop impressionnant. J’allais donc du côté du Musée d’Orsay, sur le pont de Notre-Dame. Après, quand je me suis senti plus à l’aise, je suis allé au Trocadéro le dimanche matin, c’était plus calme et moins impressionnant.
C’est là-bas que j’ai rencontré l’association Rollermania, puis des personnages comme Roy Collet ou encore Sébastien Laffargue, le team La Défense, le team 340. Je me souviens de Hakim, super danseur, d’Agnès qui faisait du slalom avec moi…
Si on revient au départ de la Dalle Montparnasse, tu as connu les débuts…
Oui, elle était accessible, nous faisions des jeux, des chats, pas de saut, pas de slalom, pas de street. Il y avait bien un peu de hockey, c’était assez viril. Je préférais le côté virevoltant. La Dalle avait une ambiance bon enfant, très collective. J’aimais les balades dans Paris avec des patineurs comme Serge Rodriguez. Nous partions notamment de la place d’Italie. Je prenais les rollers quand il faisait nuit, je sortais dans paris, nous rencontrions des gens, nous faisions des balades, nous nous accrochions aux voitures et aux bus.
C’était un mode de vie pour toi…
J’allais à l’école en classe avec mes rollers. Je venais d’un milieu favorisé. Cela m’a permis d’aller dans la rue, de m’ouvrir l’esprit à plein de gens de toutes les origines. Je n’avais pas du tout cela dans mon milieu.
Le roller était un moment de liberté incroyable. J’avais un sentiment de force, d’impunité. C’était impossible de me rattraper. Je n’ai jamais ressenti cela ailleurs.
Gabrielle Denis
C’était une pratique masculine ou un peu mixte ?
Surtout masculine. Le slalom a permis de faire rentrer quelques filles. Nous n’étions pas nombreuses. Je me souviens d’avoir monté un stage saut/slalom pour les femmes avec la Commission Nationale de Roller Acrobatique, en janvier 1996, à Saint-Jean-d’Angély ou Saint-Jean-de-Liversay. Nous n’étions pas nombreuses.
A Montparnasse, c’est plutôt un milieu assez inclusif. C’était pareil au Trocadéro ?
Il y avait une ambiance très pédagogique le dimanche matin. Je donnais des cours gratos. C’était bien avant RSI et Adeline Le Men. Nous faisions nos premiers exercices comme le « citron » ou « monter des marches ». C’était un peu fait avec le soutien de Rollermania, dans les années 1990. Je faisais mes études en parallèle, c’était un moment de respiration.
La première compétition à laquelle j’ai participé, en 1991, c’était à la Défense. Il y avait Michel Fise, le sociologue. La pratique commençait à se structurer. J’avais été surprise de réussir, d’être sur le podium. J’ai rencontré plein de gens. Cela a été le démarrage des compétitions. En 1993, a eu lieu le premier contest national de roller acrobatique. Il y avait une euphorie. Personne ne connaissait le niveau général, chacun cachait des figures, travaillait dans son coin avant de présenter ses figures. En slalom, certains faisaient le pied arrière, d’autres des tranches, d’autre du royal, d’autre de l’impérial. Les noms apparaissaient et nous structurions la pratique.

Le slalom a beaucoup évolué à cette époque Gabrielle Denis, beaucoup de figures sont arrivées.
Oui, la nouvelle génération a fait des wheelings, des tranches, des grabs, des catchs. Cela poussait à travailler. En slalom, on travaille beaucoup les transitions entre les figures, pour que cela soit fluide. On tombait et on inventait les figures au fur et à mesure.
Le DTN de la fédération à ce moment-là avait fondé la première équipe de France de femmes ; j’en faisais partie avec Agnès. Ensuite, avec Adeline Le Men, nous avons structuré les figures, les notations. Je me souviens d’avoir déposé une figure : la théière, variante de la cafetière.
A cette époque, en 1993/1994 et jusqu’en 1996, le quad est omniprésent. Puis arrive le line…
Oui, le premier que j’ai vu en roller en ligne doit être Sébastien Laffargue avec des Roces Impala. Il roulait avec des patins étranges. Les gens trouvaient ça bizarre. Nous roulions avec lui. Nous étions en quad et lui en line. C’était LA personne qui a commencé le roller en ligne. Le passage pour moi s’est fait en 1996, avec le premier contest à Bercy sponsorisé par Rollerblade. Nous avions été invités en Wild Card, à faire une démo de roller. Il y avait des démos de danse, de slalom, de saut, de street, de rampe, de roller hockey. Toutes les disciplines étaient représentées.
Mais il fallait que ce soit en line. Nous avons donc dû nous y mettre trois mois avant. Nous nous y sommes mis. J’ai acquis une paire de roller en ligne de Roller Station. Des Rollerblade Lightning il me semble, des gros machins noirs qui montaient super haut. Sébastien Laffargue nous avait donné des conseils. Nous allions dans l’université de Jussieu pour nous entraîner sur de belles dalles. Nous nous retrouvions tous les soirs pour réapprendre toutes les figures que nous savions déjà fait en quad. Comme ça, le jour du Contest de Bercy, nous avions mis au point un show avec des t-shirts noirs.
Il y avait eu un différend avec la fédération lors du contest de Bercy. La fédération avait interdit aux licenciés de participer.
Gabrielle Denis
L’organisateur de Bercy s’appelait Philippe Baby. Je me suis retrouvé avec cette interdiction alors que j’étais engagée dans la commission de roller acrobatique. J’ai donc fait le coach et tout l’entraînement avec eux et je suis resté dans les coulisses. C’était vraiment impressionnant de se retrouver dans Bercy devant 2000 à 3000 personnes.
Gabrielle Denis : qu’est-ce que ça fait de faire du slalom en line quand on vient du quad ?
J’ai trouvé ça assez sympa. J’avais fait un peu de tout, c’était un truc nouveau. Beaucoup de choses étaient transposables, ça allait super vite pour apprendre. Certaines choses étaient beaucoup plus faciles en roller en ligne. Le roller quad est beaucoup plus fatiguant. En ligne, tu fonces, ça va plus vite. Je n’ai jamais réussi à refaire certaines figures comme les dérapages, mais j’en ai appris d’autres.
Pendant longtemps, j’ai fait les deux en même temps : line et quad ; J’ai continué le slalom en quad par habitude. A Bercy, j’ai découvert la rampe en grand, avec les patins en ligne. Il y avait de grands noms comme René Hulgreen, Taïg Khris faisait ses débuts. Puis est arrivé Crazy Roller qui était consacré au line.

Quand Bercy est arrivé, nous connaissions déjà le line. Toi tu as vraiment découvert le line à Bercy…
Oui, nous avons sans doute été un peu en avance en France à faire des contests de slalom acrobatiques codifiés. C’était bien développé au plan national. Je suis allé à Lausanne en 1996. Je pense que nous étions dans une bulle. J’ai découvert beaucoup de choses en 1996.
Tu prends un peu une claque en 1996 à Bercy !
Oui !
Qu’est-ce qui se passe, comment s’est fait le cheminement vers 1996 ?
Il commençait à y avoir de l’évolution, le roller qui se développait, l’argent qui arrivait. Qui dit argent, dit événements, dit magazine, dit publicité. Tout est très lié. Un gars qui faisait des magazines de karting a vu l’opportunité de faire un magazine de roller. Il y avait de l’argent à prendre.

Je venais de finir mes études de journaliste pigiste, je galérais, payée comme débutante. J’essayais de trouver de petites piges. J’avais proposé des articles de roller à Ridemag pour expliquer la pratique. Et en allant chez Roller Station, j’ai entendu que des gens avaient essayé de vendre de la publicité au shop. Le magasin m’a donné les coordonnées du magazine. J’ai rencontré le futur rédacteur en chef du magasine en mai/juin 1996. Il m’a confié le chemin de fer de 96 pages et la rédaction en chef adjointe du magazine. Il a reproduit la structure de son magazine de paintball avec une rubrique actualité, une autre pour les produits, une autre pour les reportages sur les contests, le fameux poster plié en quatre au milieu, des interviews, des tutos, de la musique, etc.
Toute cela était truffé de publicité et rapportait de l’argent à son fondateur.
Tu fais référence à Anthony Lenédic ?
Oui, c’est ça. Nous avons sorti le premier numéro en août 1996. Sur la couverture, il y avait Vincent Isaac. C’était une photo prise dans le métro avec une mise en page faîte par un graphiste qui n’était pas du tout dans le milieu. En version deux, après quelques numéros, nous avons bossé avec le graphiste qui faisait le magazine de skateboard racheté par les éditions Riva. Elles avaient racheté le magazine de roller, puis elles avaient créé un magazine de BMX qui s’appelait Soul. Le graphiste du magazine de skate était davantage dans la logique street de Crazy Roller.
Qui a eu l’idée de créer le magazine Crazy Roller ?
En fait, celui qui a eu l’idée le premier de créer ce magazine est le responsable de la publicité des Éditions Riva : Braud (je ne me souviens plus de son prénom qui est dans l’ours du magazine). Il a proposé l’idée au patron des éditions Riva qui l’a proposé à Anthony Lenédic. Il était avant rédacteur en chef d’un magazine de paintball. Les fusils de paintball avaient été classés comme des armes. Son magazine avait dû fermer. Pour résumer : Braud a eu l’idée et gérait la pub. Riva a apporté le capital. Anthony et moi avons fait le travail.
En effet, les trois ou quatre premiers numéros étaient très généraliste, il y avait même du quad… Et à partir des suivants, on bascule dans le 100% street. Qu’est-ce qui s’est passé Gabrielle Denis ?
Je pense qu’il y a déjà eu une logique de positionnement par rapport à Rollermag qui était plus fitness, plus gentil. Nous avons voulu trouver un ton différent, plus agressif. Nous avons beaucoup bougé. Pendant 2 ans, de 1996 à 1998, je n’ai pas eu de weekends. Nous passions notre temps en voiture, sur la route, en reportage. Ainsi, nous sommes allés à Lausanne, sur les contests en Suisse, à Lausanne, à l’ISPO Munich en Allemagne. Nous avons rencontré plein d’autres gens qui faisaient des magazines plus agressif comme Daily Bread, mais aussi Chris Mitchell avec des magazines plus visuels aux Etats-Unis. c’est comme cela que nous nous sommes alors fortement différenciés de RollerMag, par choix et parce qu’il y avait un segment de marché à prendre. Nous avons vu des exemples à l’étranger et nous nous sommes bien trouvés.
Donc cela explique pourquoi nous avons perdu ta trace à l’époque sur les spots de slalom. Crazy Roller t’a transformé en vraie streeteuse. Tu faisais de l’agressif ?
Je me vois apprendre la mini-rampe lors des reportages que nous faisions. Je me vois faire mes premiers rocks, mes premiers stall en Allemagne. La courbe, c’était vraiment un nouvel univers auquel il faut s’habituer. Avec le magazine, j’avais la chance d’accéder facilement à du nouveau matériel.
J’ai encore un peu participé à quelques compétitions en quad, notamment le Starway Slalom Contest à Lausanne, que j’avais gagné. Chaque fois que j’avais fait des compétitions, j’étais arrivée première jusqu’à cette période où Agnès a fini première et a représenté les filles en slalom. J’ai arrêté le slalom à ce moment-là. Ensuite, j’ai surtout fait de la mini-rampe, parfois un peu de street. Ma dernière compétition a dû avoir lieu à Amsterdam, à l’occasion d’une manche de l’IIS. J’étais arrivée seconde derrière une petite anglaise de 8 ans. Je ne pouvais pas faire à la fois le magazine et le slalom.
Gabrielle Denis, nous avons été très influencés par Crazy Roller. Quand le magazine se lance, comment-est-il reçu par les gens ?
Nous avons commencé à diffuser le magazine à environ 30.000 exemplaires. Nous étions en parution mensuel alors que nous n’étions que deux à tout faire. Je faisais tous les textes, je participais à tous les reportages, je faisais le suivi en imprimerie pour caler les couleurs. Nous recevions un courrier des lecteurs impressionnants et nous allions sur les lieux des événements.
Nous y croisions des gamins de 10 à 12 ans qui ne lisaient rien à l’école mais qui lisaient Crazy Roller.
Gabrielle Denis
La moitié des photos que nous prenions étaient prises de nuit, nous faisions beaucoup de clichés dans la rue. Le magazine était fait pour des ados, nous essayions de faire des choses rigolotes. Mais cependant j’apportais un soin particulier à l’orthographe, il n’y avait pas une faute dans le magazine.
J’étais en contact avec Daily Bread pour avoir le nom des figures. Sinon, quand tu traversais l’Europe, tu te rendais compte que personne n’appelait les figures de la même manière. Pour nous, Daily Bread était la référence.
Gabrielle Denis

Quelles étaient les personnes connues à l’époque ?
Nous allions beaucoup sur les grands contests internationaux, je m’intéressais aussi aux Français. Je me souviens d’avoir rencontré Thierry Lallement, des Marseillais que l’on retrouvait à Lausanne. Les riders nous envoyaient les infos sur les événements, il y avait une sorte d’agenda dans le magazine. Des fois, même si certains n’étaient pas des champions, nous remarquions un style. Je regardais la façon dont il droppait, dont il tombait, dont il patinait, cela permettait de voir s’ils avaient du métier. Ceux qui ont fait du quad avant savaient se déplacer et aller d’un module à l’autre. J’aimais voir des patineurs un peu complets qui évoluaient comme des chats. Je choisissais des riders qui étaient cool et qui étaient dans l’esprit Crazy Roller.
Je me souviens d’avoir interviewé Arlo Eisenberg pendant une heure aux Etats-Unis. Nous avons beaucoup parlé dessin. Quand nous allions à l’ISPO, je changeais de langues de stand en stand. C’était pratique pour rencontrer les gens.
Quels sont les riders qui sont sortis du lot ?
Taïg Khris. J’ai été la première à faire une interview officielle de lui. Il en a eu des milliers d’autres ensuite. J’ai été ravie de découvrir ce gars-là, de rencontrer sa famille, son histoire. C’est vraiment quelqu’un d’extraordinaire.
J’avais aussi interviewé l’architecte qui avait fait le bowl de Marseille. Il m’avait montré ses croquis. Nous avions fait une grosse interview de lui. Après, il y a bien sûr tous les gens des teams : Arlo Eisenberg, Randy Spizer. Jon Julio m’avait beaucoup impressionné. Il était zen, cool. et ne prenait les photos qu’avec un photographe anglais. Jon Julio avait une approche créative, artistique. Il parlait peu, doucement. Aujourd’hui, il a développé Them Skates.
Je pense aussi à Toto Gali, Kevin Quintin. Je me souviens des Lyonnais du team CDK aussi. C’était assez parcellaire, les gens restaient dans leur coin au début.
« Il fallait bouger de spot en spot, cela fait partie de la culture roller. Aller sur les spots ouvre l’esprit, d’être sur la route, de bouger, de rencontrer, de se débrouiller pour dormir, se faire héberger… C’est l’esprit du roller. Le mouvement et le voyage font partie de ces sports de glisse. »
Gabrielle Denis
Gabrielle Denis, cette période du roller est une période de grande émulation, comme nous avons pu la connaître dans les années 1990 au Trocadéro, mais en version mondiale…
Oui, nous avions des contacts avec les grandes marques de l’époque, en Europe, aux Etats-Unis. Toutes les marques venaient de Huntington Beach. Nous étions allés là-bas faire des reportages là-bas. J’ai pu couvrir deux fois les X-Games à l’époque où il y avait encore le roller. Cela permettait notamment de rencontrer les gens qui faisaient le business. Au départ, l’Europe suivait, et ensuite elle a dépassé les Américains.

1998, tu vis deux années très intenses et puis tu arrêtes l’expérience. Pourquoi ?
Pour moi, Crazy Roller, il y a eu une première année et une seconde année. Comme je le disais précédemment, nous n’étions que deux à faire le magazine, plus le maquettiste. Cela se passait bien au début avec l’autre fondateur, puis il y a eu des glissements successifs et travailler est devenu un enfer. Ajoutez à cela deux ans à bosser sans prendre de vacances, de nuit et de jour (photo la nuit). Des millions de kilomètres sur les routes, c’était très intense.
Je ne pouvais plus. J’ai fini par démissionner. Je me suis accrochée longtemps pour tenir le coup, je n’en pouvais plus, c’était trop. J’ai jeté l’éponge. Les conditions de travail étaient devenues intolérables.
Un des Lyonnais a pris ma suite. Il y a eu un petit flottement pendant deux ou trois mois une fois que je suis parti. Ensuite, la fréquence de parution a changé. Il est sorti tous les deux ou trois mois. Ils avaient plus de mal à sortir le magazine.
Et tu as malgré tout continué à faire du roller ?
Oui, mais en douce. Tout le monde me connaissait. Je n’ai jamais arrêté de faire du roller. Je n’en faisais plus à Paris ou dans des lieux très connus. J’allais à Sint-Niklaas en Belgique, j’allais dans un skatepark à Calais, au Hangar de Nantes, des endroits où l’on ne connaissait pas ma tête pour pouvoir rouler incognito et sans pression. Je faisais dans la rampe, du skatepark, autant que possible.
Puis, ensuite, j’ai déménagé à Tahiti pendant deux ans. Forcément, j’étais un peu loin de tout, mais j’ai emmené mes rollers là-bas. Je me souviens d’avoir aidé à fabriquer des skateparks là-bas. J’avais amené des plans de rampes et de skateparks. En 2002, je suis revenue en France et j’ai continué à rouler. Toujours en line.
Est-ce que tu roules encore aujourd’hui ?
Je ne me suis jamais arrêtée. Pendant le confinement, j’ai même roulé tous les jours. Je me suis même remise à faire du slalom. Confinement oblige, j’en ai fait devant chez moi. J’ai regardé les tutos sur Youtube pour réapprendre les nouvelles figures, comme les suns notamment. Aujourd’hui, j’ai 50 ans et je continue de patiner.
Quand j’étais au FISE, à l’époque de Palavas, j’ai rencontré l’homme de ma vie, qui fait du BMX. Nous avons continué ensemble à aller sur les skateparks. Nous avons fait un voyage en Suisse où nous allions de skatepark en skatepark. Aujourd’hui, nous équipons un van pour pouvoir aller dans les skateparks le weekend.
Dès que c’était possible, je suis retournée en skatepark. J’ai vu des filles comme Anaëlle Nogueira. Nous nous sommes retrouvées à la Faute-sur-Mer pour un cour de bowl. Elle m’a convaincue de m’inscrire au Pro Bowl Contest de Marseille en 2021. Je me suis retrouvée à refaire une compétition, la première depuis 1997 !

Gabrielle Denis, est-ce que des gens t’ont reconnue ?
Oui ! Notamment Lamine Fathi, Vincent Isaac. Des gens que je n’avais pas vu depuis des siècles ! C’était vraiment chouette. j’ai pu faire mon run complet. C’était une grande ambiance. J’ai pu constater le gros niveau chez les filles en Espagne. Il y avait aussi Diaby Diako, Julien Cudot…
Je continue de faire beaucoup de skatepark et de bowl. Je suis en contact sur Instagram avec beaucoup de filles. Maintenant, il y en a tellement ! On se sent moins seule maintenant. C’est aussi grâce aux quadeuses qui sont venues dans le roller. Elles sont venues dans les parks. J’ai appris à faire le Spiderman Stall.

chaussures de rink hockey Protex
A l’époque, il n’y avait pas Internet. Qu’est-ce que cela fait maintenant de reprendre et de voir comment cela a évolué ?
A Crazy Roller, je me souviens qu’à l’époque nous nous sommes demandé s’il fallait créer un email. Les photographes américains de l’époque voulaient nous les envoyer par email. A l’époque, c’était une aventure. Il y avait les magazines papiers, notamment les magazines américains. Il y avait aussi les cassettes VHS que nous disséquions. Aujourd’hui, avec Internet, tu as une capacité à t’exprimer, à te coordonner avec les autres riders. Tu vois à quel point cela progresse, tu peux poser des questions, étudier les figures grâce à la profusion de vidéos, de tutoriels sur Youtube. Tout cela n’existait pas auparavant. Tu peux être créateur de contenu. Les gens progressent en montage, c’est très créatif d’apprendre à filmer et à monter. J’aime ce côté échange et créativité. Il faut rouler à plusieurs pour se filmer. Tout est à portée de main et tu peux participer.
Auparavant nous n’étions qu’une poignée à produire des magazines. Aujourd’hui des milliers de personnes produisent des contenus qualitatifs, et c’est tant mieux.
Gabrielle Denis
Comment se passaient les relations avec les autres magazines francophones ?
Nous avions des contacts. J’étais allé voir Rollermag avant que Crazy Roller existe. Mais nous n’étions pas vraiment sur le même positionnement. Le gars de Rollermag venait du fitness, de la course à pied. Nous ne nous croisions jamais. Très vite, Crazy Roller s’est développé. Nous n’étions plus sur le même créneau. Il était plus intéressant de croiser les magazines étrangers : Allemands, Américains, avec lesquels il y avait plus d’échanges, c’était plus créatif.
Comment avez-vous vécu l’arrivée du Web, tu n’as jamais eu envie de lancer un site Internet ?
Non, je m’étais vraiment donné à fond pendant les années Crazy Roller. Ces années ont compté double ou triple. J’étais un peu passé à autre chose. Ensuite, j’ai travaillé dans des magazines économiques super sérieux.
Que fais-tu à l’heure actuelle ?
Aujourd’hui le print est un peu mort. J’ai donc écrit pour le Web, puis j’ai créé mon agence de rédaction Web : Editoile, à Bordeaux. J’ai deux salariés. Nous faisons de la rédaction Web optimisée pour le référencement.
Dernière question : comment vois-tu l’avenir du roller ?
Bonne question ! J’ai connu les débuts avant le roller en ligne, puis l’époque de Bercy où il y avait de l’argent, les compétitions internationales comme les X-Games. Je suis partie avant que cela s’écroule. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’une renaissance du roller. Je le vois beaucoup tiré par le Web et les quadeuses qui rajoutent de la fraîcheur. Il y a plein de gens dans les skateparks que l’on ne voyait pas auparavant. C’est un revival, notamment du quad. J’espère que cela se redéveloppe un peu plus, avec des contests. Je vois des contests sauvages qui s’organisent, je retrouve un état d’esprit de l’époque, mais avec une technicité et une capacité d’expression par le biais des réseaux sociaux que l’on ne trouvait pas avant.
Tribune libre, Gabrielle Denis, si tu souhaites ajouter quelque chose…
Oui, je souhaiterais parler des filles. Depuis que je fais du roller, je vois de plus en plus de filles, notamment au bowl de Marseille. J’en suis plein sur les réseaux sociaux, sur Instagram. Cela fait vraiment plaisir quand tu as été très seule pendant des années, de voir qu’il y a vraiment du monde. Surtout les petites, la relève est assurée. Certaines s’expriment de façon très artistique, d’autres de façon très sportive. Cela me fait vraiment très plaisir, continuez les filles ! Faites du roller ! C’est un sport qui va vraiment vous porter, avec tellement de facettes différentes. Sinon je n’en ferais pas depuis 1978.
Pour aller plus loin
Locus
1 décembre 2022 at 20 h 13 min