Quel sera l’impact de la situation sanitaire sur le monde du roller ?

Par | Publié le 5 décembre 2020 | Mis à jour le 31 décembre 2020 | Catégories : Toutes | Sous-catégories : Roller et société | 62
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L’ensemble du sport français traverse une crise sans précédent du fait des mesures sanitaires. Au-delà de la dimension sportive, c’est un pan entier de l’économie qui est impacté. Bien que le roller reste un sport essentiellement amateur, il n’en ressortira pas indemne. Tentative d’état des lieux, acteur par acteur…

Les clubs et les associations au coeur de la tourmente

L’impact sur les clubs sera avant tout financier mais également humain. Toutefois, la situation peut s’avérer différente selon qu’il s’agit :

  • d’une association fonctionnant essentiellement grâce à des bénévoles
  • d’un club dans une démarche de professionnalisation avec un ou plusieurs salariés

Un modèle économique en question

La plupart des structures dépendent en majorité des ressources générées par les adhésions des membres. Or, l’arrêt forcé de la pratique serait à l’origine d’une baisse de 20% de ces dernières. Rares sont les clubs dont le modèle économique a su se diversifier. Certains bénéficient parfois de subventions publiques généreuses mais ils restent minoritaires, d’autant plus que ces dernières se sont réduites ces dernières années. D’autres peuvent vendre des prestations auprès d’entreprises ou dans le milieu scolaire, mais là encore, ils ne représentent qu’un faible pourcentage.

La résilience des bénévoles

Dans les clubs reposant majoritairement sur une équipe de bénévoles, l’impact de la crise sanitaire devrait rester modéré. Les bonnes volontés reprendront du service une fois que l’ensemble des voyants sera revenu au vert. En cela, le périmètre de leur activité sera probablement réduit en sortie de crise, mais la reprise devrait se faire progressivement. Ce modèle reposant sur le bénévolat a l’avantage de la flexibilité du fait de ses faibles charges fixes.

Les bénévoles de Générations Roller

Le paradoxe des clubs employeurs

Dans une structure s’appuyant des salariés, la donne peut s’avérer très différente. Même en temps normal, l’embauche d’un(e) salarié(e) dans un club ne se fait jamais à la légère car elle implique des charges fixes importantes dans la durée. Elle nécessite donc que l’équipe dirigeante ait bien planifié et anticipé ses besoins en ressources et définit des modes de financements pérennes.

Dans un contexte sanitaire normal et en période économique favorable, la démarche de professionnalisation aurait plutôt tendance à être encouragée. En effet, elle favorise un développement plus rapide de la structure et ouvre souvent de nouvelles opportunités de croissance. Elle allège aussi la charge de travail des bénévoles. Ces derniers sont souvent usés par un investissement fort depuis de nombreuses années, à une époque où l’engagement associatif sur le long terme s’érode au profit d’un investissement plus ponctuel. Ces derniers se substituent fréquemment à des postes salariés que l’association n’aurait pas les moyens de financer. Dans la période actuel, cet « atout salarié » peut potentiellement devenir une faiblesse en faisant perdre au club une certaine flexibilité financière.

Un contexte difficile pour les associations sportives, même avant la COVID-19

Une étude récente du Comité Olympique indique que la moitié des clubs étaient déjà en difficulté avant l’épidémie. 12% de l’ensemble des clubs seraient employeurs. Dans le contexte actuel, être club employeur peut s’avérer bien plus complexe. Le gouvernement a annoncé que le secteur associatif bénéficierait des mêmes mesures de chômage partiel que les entreprises. Toutefois, elles ne suffisent pas à mettre le club à l’abri du poids de charges plus lourdes que dans une structure bénévole. Les difficultés financières peuvent très vite arriver si la structure ne dispose pas d’une trésorerie suffisante.

Les sources de financement alternatives

Bien que l’Etat ait indiqué que les associations pouvaient s’appuyer sur d’autres fonds publiques en compléments : dons, legs, vente de biens et services, encore faut-il pouvoir en bénéficier. De plus, 26% des communes interrogées par l’ANDES (Association Nationale des Elus en charge du Sport) indiquaient avoir baissé leurs subventions au sport entre 2015 et 2016.

Une question se pose : les clubs employeurs, théoriquement plus structurés que les clubs de bénévoles, seront-ils les premières victimes de la COVID-19 ?  Tout dépendra de leur capacité à s’adapter, à proposer de nouvelles offres et à remettre en question leur fonctionnement historique.

Certains parviennent malgré tout à conserver leurs éducateurs en activité grâce aux interventions en milieu scolaire. Ces dernières ne se sont pas arrêtées lors du second confinement. En revanche, ceux qui interviennent dans des entreprises privées voient leur activité s’arrêter net.

Des structures comme l’association Roller Breizh Animations sont parvenues à se diversifier leurs activités :

« Notre institution continue les contrats scolaires, l’accompagnement et la préparation physique d’athlètes professionnels ainsi que le travail de préparation des futurs événements. » – Pascal Prioul

Les moniteurs indépendants face à un dilemme

Etre moniteur de roller en temps de crise sanitaire

Les moniteurs indépendants connaissent des situations différentes selon qu’ils sont sous contrat avec des écoles ou non. Certains ont dû cesser toute activité avec la fermeture des salles et gymnases. Les clubs qui les sollicitaient sont en veille.

 » J’ai pu continuer à intervenir dans les écoles. Il y a Seulement les entraînements clubs que j’ai dû stopper. Au premier confinement, j’ai donné quelques pistes pour garder la forme, mais seulement quelques adhérents (2-3) ont participé et que quelques jours. Lors du 1er confinement j’ai eu droit chaque mois à l’aide du fond de solidarité. Ils se basaient sur mon chiffre d’affaires de l’an dernier. Pour ce 2e confinement, même chose… Je trouve tout de même qu’ils ont été réactifs pour attribuer des aides… » – Céline L.

Les aides du premier confinement se sont avérées insuffisantes. Le plan B reste souvent de reprendre un emploi salarié classique. La chose n’est toutefois pas si évidente dans ces périodes d’incertitude.

« J’ai dû mettre fin à mon activité. J’ai bénéficié d’une aide pendant le premier confinement, mais c’était malheureusement insuffisant. J’ai rebondi et j’ai dû reprendre un emploi de comptable. Au vue de la tournure des événements, j’ai réagi à temps. Grosse pensée pour les indépendants et salariés. » – Sofy

Le site du Ministère des sports indique dans un communiqué du 13 novembre 2020 :

« Les éducateurs sportifs professionnels peuvent également bénéficier d’une dérogation dès lors qu’ils doivent enseigner et/ou maintenir leur condition physique et technique nécessaire à la poursuite de leur activité en sortie de confinement. »

Peu de solutions alternatives pour continuer d’exercer

Mais avec la fermeture des salles et des gymnases, comment les professionnels peuvent-ils continuer d’exercer leur activité ? Le plein air reste une option. Toutefois les rassemblements sont interdits et le confinement limite les sorties pour l’activité physique.

De nombreux professionnels proposent des activités en visio-conférence, notamment du renforcement musculaire, mais les possibilités d’actions restent limitées.

Les fédérations sportives dans des positions inégales

L’effet boule de neige se répercute inexorablement jusque dans les fédérations

Moins d’adhérents dans les clubs signifie moins de licenciés et moins de ressources pour les instances fédérales. Tout comme pour les clubs, les fédérations dont le modèle économique est trop dépendant des licences vont être confrontées à des choix budgétaires drastiques. L’arbitrage ne sera pas simple pour les dirigeants en cette période électorale.

La baisse des subventions publiques touche aussi les fédérations

La situation s’avère d’autant plus compliqué que les fédérations subissent depuis plusieurs années une baisse des subventions publiques. Le budget du ministère des sports avait reculé de 55 millions en 2017 et 2018. En 2019, la somme est repartie à la hausse de 35%… mais pour financer les infrastructures olympiques. Ces fonds n’iront donc pas en direction des fédérations. Un article du Monde indique une baisse de 7 millions d’Euros du budget alloué à l’Agence Nationale du Sport entre 2019 et 2020 (284 millions en 2020 contre 291 millions en 2019).

Ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier

Les fédérations qui auront diversifié leurs sources de revenus devraient mieux s’en sortir : partenariat, sponsoring, vente de produits dérivés sont autant de béquilles sur lesquelles s’appuyer. Les partenaires privés de longue date semblent enclins à continuer de soutenir le sport. Encore faut-il toutefois que les fédérations aient déjà bien amorcé cette démarche car la période n’est pas propice à la recherche de partenaires.

Le sport de haut niveau

Le Ministère des sports recensait 4516 sportifs de haut niveau en 2018, dont 804 en élite (tous sports confondus). La FFRS indique sur son site que 101 sportifs sont inscrits sur les listes de haut-niveau en 2020. A l’heure actuelle, ce sont les seuls dont la pratique peut véritablement continuer. Il représente 0,15% des 65.000 licenciés. Toutefois, la haute-performance peut difficilement se passer de la compétition et force est de reconnaître qu’hormis pour le sport professionnel, tous les événements ou presque sont suspendus.

Les organisateurs d’événements ballottés par l’incertitude

Départ des 24H du Mans Rollers

Difficile de planifier dans une telle incertitude, surtout pour les événements qui peuvent accueillir le grand public comme les 24H Rollers, le marathon roller de Paris, Rennes sur Roulettes ou encore le Marathon des Grands Crus.

 » L’important, c’est de reprendre, car on a tous besoin de se remettre en route. De notre côté, on relance l’organisation en cette fin d’année 2020.  » – Thomas Dauvergne

Là encore, l’impact financier générés par les différents reports, les annulations, les avances de frais peut vite remettre en question la pérennité d’un événement. Le problème se pose d’autant plus que le bouclage des budgets et la mobilisation des bénévoles ne s’améliorent pas au fil des années. D’autre part, les préfectures peuvent décider au dernier moment de remettre en question l’organisation d’un événement, comme on a pu le voir avec la canicule au Mans 2019.

En parallèle, les grands championnats du roller sont en stand-by, que ce soit en roller hockey, en rink hockey ou en roller derby. Il ne redébuteront probablement pas avant la mi-janvier, voire au delà, en fonction de l’évolution de la situation. Les événements programmés pour la fin 2021 pourraient tirer leur épingle du jeu avec l’arrivée des vaccins. Certains comme le Lugdunum Roller Contest ne devraient pas avoir lieu en 2021 pour mieux rebondir en 2022. L’incertitude reste tout de même assez grande.

Peut-être les événements bénéficieront-ils du nouvel engouement pour le roller ? Après tout, si les marques réalisent un meilleur chiffre d’affaires et réinjectent des fonds dans le sponsoring et la communication, peut-être qu’un nouveau cercle vertueux similaire à celui de la fin des années 90 pourra-t-il se réenclencher…

Le marché du roller en pleine effervescence

Les patineurs loisirs : le boom inattendu du confinement

Les entrepôts de Powerslide en pleine effervercenceMais ce n’est pas pour autant que la pratique du roller est à l’arrêt, bien au contraire… la pratique « loisir » semble trouver un second souffle ! Si la pratique compétitive est fortement perturbée par la crise sanitaire, la pratique loisir informelle, hors du cadre fédéral, a le vent en poupe.

Le premier confinement et l’été 2020, ont vu bondir les ventes de roller en France et à travers le monde. Les magasins de roller n’avaient pas vendu autant de rollers et de trottinettes depuis le début des années 2000.

Les ruptures touchent également les pièces détachées et autres pièces de rechange qu’il devient difficile de se procurer.

Mais comment expliquer ces ruptures de stock ? Elles sont inhérentes aux choix logistiques en place depuis de nombreuses années.

La logistique chamboulée pour les usines, les marques et les magasins

Habituellement, les shops réalisent leurs pré-commandes durant l’automne précédent pour être livrés au fil des mois de l’année suivante.

En fonction de ces volumes de pré-commandes, les marques lancent des productions plus ou moins conséquentes dans leurs usines. Puis, elles font acheminer leur production par bateau jusque dans leurs entrepôts répartis sur les différents continents. A partir de là, elles livrent progressivement les réseaux de distribution au fil de l’année, tant dans les grandes enseignes spécialisées de type Go Sport ou Décathlon que pour les magasins spécialisés. Mais qui aurait pu imaginer cet effet de bord positif du coronavirus ?

Les plus grandes marques ont subi des ruptures de stock et ont tenté de relancer des productions… mais le Coronavirus restant actif en Asie, de nombreuses usines ont gardé portes closes. Un crève-cœur ! Les marques de roller tentent tant bien que mal de produire davantage de matériel. Toutefois, l’inertie de la production et de la livraison constitue un sérieux frein. Pour compenser, l’avion remplace les containers sur les bateaux et les frais de livraison explosent. Ce changement devrait avoir un effet non négligeable sur les prix et/ou sur les marges en 2021.

Le réseau de distribution tiraillé par la demande

Les patineurs achètent du matériel en magasin mais également en ligne. Le quad semble tirer son épingle du jeu, en particulier chez les femmes. Les efforts de design des marques portent leurs fruits.

Les sites de vente d’occasion connaissent également une belle fréquentation. Les pistes cyclables et les zones piétonnes voient ressortir d’anciens modèles du début des années 2000, notamment les bons vieux patins Salomon. Le confinement aura permis de faire du tri et donner une seconde vie à des paires remisées.

Peut-être l’envie d’éviter les transports en commun surchargés favorise-t-elle un peu également ce phénomène. Toujours est-il que ce regain d’intérêt pour le roller peut nous inviter à un certain optimisme !

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Auteur

Alexandre Chartier

''alfathor''

Alexandre est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com depuis 2003. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez un de ces sujets !

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