Podcast : Agnès Sylvestre

Partons à la rencontre d'Agnès Sylvestre. Cette patineuse de roller acrobatique a roulé à Paris dans les années 1990. Elle nous raconte sa pratique, ses spots et ses relations avec d'autres rideuses emblématiques de cette période : Gabrielle Denis et Marjorie Phlippoteau...

Par Walid NOUH

Podcast : Agnès Sylvestre
Agnès Sylvestre

Entretien avec Agnès Sylvestre, ancienne rideuse parisienne

Bonjour et bienvenue sur Balado Roller, le Podcast de rollerenligne.com. Aujourd’hui, nous recevons Agnès Sylvestre. C’est une personne avec qui j’ai fait du roller dans les années 1990. Elle faisait aussi du saut et du slalom. Nous allons revenir avec elle sur tout son parcours.

Podcast : rencontre avec Agnès Sylvestre, interviewée par Walid Nouh pour Balado Roller / rollerenligne.com – télécharger le mp3

Agnès Sylvestre, bonjour. Ton nom est ressorti plusieurs fois durant l’interview de Marjorie Phlippoteau, il y a quelques semaines. Il était donc approprié d’échanger avec toi. Première question rituelle : peux-tu te présenter s’il te plaît?

Bonjour, bonjour et puis merci pour cette interview. Ça fait plaisir de parler un peu de roller depuis le temps. J’ai maintenant 43 ans. J’ai fait du roller pendant une dizaine d’années. Comme tu l’as dit, j’ai fait du saut, du slalom, mais aussi un peu de descente. Sans grand résultat. Puis j’ai tenté un petit peu de street. Mais pareil, c’était un peu complexe pour moi. Et depuis maintenant une quinzaine d’années, j’ai complètement arrêté le roller.

Agnès Sylvestre, est-ce que tu peux nous expliquer comment tu as découvert le roller ? Et quand ?

Alors j’ai découvert le roller avec mon grand frère. Lui, il en faisait avec des Fisher-Price, comme tous les rollers à l’époque, j’allais dire. Parce qu’on n’avait pas le choix.

Et on s’amusait, dans la maison de campagne de mes grands-parents. Nous faisions des petites descentes afin d’essayer d’aller un petit peu plus vite à chaque fois. Lui est allé au Trocadéro ensuite. Donc moi j’ai suivi. Et petit à petit, il a lâché le roller et moi j’ai continué pendant quelques années.

Quel âge avais-tu quand tu as commencé le patinage à roulettes ?

Franchement, je pense que j’ai commencé vers 8-9 ans. Mais je ne me rappelle pas exactement. Et après, j’en ai fait peut-être un peu plus sérieusement quand je suis rentrée au collège.

Donc en fait, si je comprends bien, tu es arrivée au Trocadéro finalement assez jeune ?

Non, je n’y suis pas arrivée si jeune que ça. J’ai fait des petits passages éclairs. J’ai suivi mon frère. Après, moi, j’ai plutôt roulé dans mon coin, autour de chez moi. Et ensuite, petit à petit, je suis allée à Jussieu. On avait une petite bande de copains avec Pierre Benci, Pierre Jouvion… Il y en avait deux ou trois autres personnes que j’ai oubliées.

Jérôme Thomassin ?

Oui, Jérôme, exactement. Il y avait Jérôme Thomassin et aussi Jérôme Spanu, exactement. On roulait plutôt autour de Jussieu. Et petit à petit, on est allé à Notre-Dame. Puis, de fil en aiguille, nous sommes partis à Palais-Royal. Ensuite, nous sommes repassés au Trocadéro et à La Défense. Voilà. Nous faisions tous les spots au fur et à mesure. Mais nous notre spot c’était vraiment Jussieu, on s’éclatait bien là-bas.

Agnès Sylvestre, peux-tu nous décrire l’ambiance de l’époque ?

Là nous étions dans les années 1990. C’était vraiment s’amuser avec les copains et tenter de nouvelles choses. Donc on était là. Je me rappelle qu’à l’époque on prenait des plaques métalliques derrière les bus pour pouvoir sauter. On les utilisait au niveau de l’approche du tremplin pour que ce soit meilleur.

Après on faisait nous-mêmes nos tremplins aussi, donc c’était génial. On faisait tout de A à Z pour ensuite mettre nos tremplins à Jussieu. Parfois, les gardiens nous couraient après avec leurs chiens parce que c’était interdit.

De toute cette période, je garde un souvenir, c’était la liberté. On faisait ce que l’on avait envie de faire, quand on le voulait. Ce n’était pas méchant, mais vraiment c’était l’esprit de : « je peux aller où je veux, quand je veux, avec mes rollers et dans la bonne ambiance ».

Agnès Sylvestre

Vous aviez un spot un peu dédié à Jussieu. je me rappelle bien que c’était cool pour faire du saut et du slalom. Vous sautiez aussi sur tremplin dans les tours en dessous de Jussieu. Et puis après, en gros, on se déplaçait de spot en spot…

Exactement, c’était ça. Et puis, on découvrait aussi d’autres. Nous échangions aussi avec d’autres groupes. Ça permettait aussi de rouler tout simplement dans la rue. En effet, le roller, quand on reste sur un spot, c’est quand même un peu moins technique que quand on passe différents endroits de la rue.

Donc voilà, on faisait du vrai sport grâce à ça aussi. Dans la même journée, on pouvait partir de Jussieu, aller ensuite à Notre-Dame, puis à Palais-Royal parce qu’il n’y avait personne, ensuite au Trocadéro, on revenait, on repartait. C’était vraiment ce sentiment de liberté qui primait surtout.

Après, à Notre-Dame, je me rappelle très bien, nous n’avions pas vraiment le droit d’y aller le soir. Je sais pas si c’était un droit… Mais en fait, le soir, on voyait les plus grands et on se disait :  » Non, ce n’est pas bon, on ne va pas y aller, on va les laisser faire. »

High-jump en roller à Notre-Dame-de-Paris
High-jump en roller à Notre-Dame-de-Paris

Ils faisaient vraiment du show. Nous, on s’entraînait un peu la journée à Notre-Dame. Et tout à petit, on commençait à avoir le droit d’accéder au soir et de faire les quêtes. Voilà, on sautait, on y allait pour le fun. Mais moi, je ne sautais pas à Notre-Dame. Je ne me sentais pas de le faire devant tous les spectateurs. Mais je faisais beaucoup de slalom, on faisait la quête, on allait manger nos grecs, on rentrait chez nous tard. Franchement, c’était la bonne époque.

Quand tu as commencé à faire du roller, au départ tu faisais quoi? Tu roulais dans la rue ? J’ai un souvenir de toi où ta discipline principale était plutôt le slalom…

Franchement, je ne me rappelle pas exactement. Mais je sais que c’est venu de mon frère, puisque lui allait au Trocadéro. Et au final, moi je restais à côté de chez moi. On mettait nos petites canettes dans une petite place et on essayait de copier ce qu’on voyait au Trocadéro. Voilà, je faisais mes petits entraînements comme ça. Et petit à petit on a découvert Notre-Dame. Je ne sais même plus comment on s’est rencontré avec les deux Pierre. Mais c’est vraiment petit à petit. D’autre part, j’aime bien l’esprit de compétition, en fait. Peu importe le niveau.

Et c’est ce qui a fait qu’ensuite, j’ai essayé de persévérer un petit peu dans le slalom. Le slalom, à l’époque, de mon souvenir, il y avait quelques femmes, mais c’était quand même principalement masculin.

Est-ce qu’il y avait des gens qui t’ont un peu plus marqué que d’autres ?

Alors chez les femmes, pour moi, il y avait Gabrielle Denis. C’était vraiment pour moi la personne référente dans le roller. On faisait des choses impressionnantes. Elle était là, toujours à fond. Gabrielle ne parlait pas. Elle faisait et puis on regardait. Donc ça c’était cool, avec un bon esprit en plus.

Gabrielle Denis en slalom pied avant au Trocadéro en 1991
Gabrielle Denis en slalom pied avant au Trocadéro en 1991

Qui voyais-tu d’autre Agnès Sylvestre ?

Après, il y avait aussi Géraldine Lusardi, si je ne me trompe pas, au club Rollermania. Elle était un peu plus âgée et elle était bienveillante. C’était motivant pour nous. Sinon, chez les filles, il y avait Anne-Sophie Schbath qui était à La Défense. C’était cool d’avoir quelques femmes autour de nous.

Je me suis dit que j’aime ce sport, j’y vais. Après, ce n’est pas pour ça que je me serais arrêtée. C’est plus dans l’esprit compétition où c’était gênant. C’est-à-dire que, franchement, quand je faisais le championnat de France, au début, je pense que si on était cinq, c’était déjà beaucoup. Et c’est ça qui était un peu dommage, en fait. C’est-à-dire qu’il n’y avait pas suffisamment de compétitions entre les filles à l’époque. Et donc, ce n’était pas forcément si motivant que ça.

Oui, j’ai des souvenirs de toi qui avais un niveau en slalom équivalent à celui des hommes. On roulait tous de manière totalement indistincte et on faisait globalement à peu près tous les mêmes figures…

Exactement et c’est vrai que moi dans ma tête, c’était ça. Alors peut-être que je me serais encore plus éclatée au roller avec plus de filles. Mais en fait c’est vrai que c’est une thématique pas mal abordée actuellement.

Oui les filles qui veulent faire du sport, il faut les pousser, il faut des espaces où il n’y a que des filles, moi je ne suis pas forcément pour ça. Je me dis qu’en fait le mélange apporte aussi pas mal de choses et quand on veut faire de la compétition, il faut arriver à se confronter au meilleur. Il ne faut pas que ça nous dégoûte non plus parce qu’en termes de qualité physique, forcément les hommes sont légèrement au-dessus, mais je trouve que c’est un moyen de se challenger aussi… Tant qu’il y a le respect entre les deux.

Pour moi, il n’y a pas de sujet en fait et c’est vrai que quand je roulais je me disais :  » Cool, Walid va faire une nouvelle figure, il va nous faire sa cafetière sur tranche. »

C’est ça je ne me trompe pas, ça existait ça ? Sa cafetière royale ! En tout cas oui ça existait. Bon voilà, c’était des choses pour se challenger. Alors, des fois, je me disais :  » Je ne vais pas y arriver. » Mais est-ce que c’est parce que j’étais une femme ? Est-ce que c’est parce que j’étais nulle ? Je ne sais pas, je ne saurais jamais… Mais finalement ça ne m’a pas perturbée.

J’ai un souvenir de toi avec des paires de Fila. Qu’est ce que tu as eu comme paire de roller quand tu as commencé le roller ? Je crois quelles était bleu et blanche…

Avant j’avais une paire de Adidas qui était assez cool; avec des chaussons. Je sais pas si tu vois. Je sais que Stéphan Zuber avait ce genre de paire aussi. Après j’ai eu des Jordan et ça c’était fantastique. D’ailleurs j’ai toujours ma paire de Jordan sur ma couette. Je n’en fais pas grand chose mais elles sont là au cas où…

Platine lazer ?

Ouais, platine Lazer. Maintenant j’ai plus la bonne taille puisque j’avais laissé ma paire de T3 à Marjorie. Depuis plusieurs années maintenant, j’ai toujours ma paire de T4. Malheureusement elles sont un tout petit peu trop grandes. Mais bon je pense pas qu’avec mon niveau actuel, ça me perturbe trop.

Normalement c’était T3 avec une petite paire de Jordan, ça c’était cool, c’était pas mal. J’ai jamais eu de bottines, vous trichiez, vous je me rappelle, quand vous faisiez du slalom là vous mettiez des bottines, c’était quoi comme marque? C’était pas Salomon, c’était?

Non on mettait des Rollerblade ou des Roces, des Fusion 10K, des Roces CDG (Charles de Gaulle).

Exactement, vous mettiez ça et moi j’ai jamais mis ça. Mais c’était plus facile pour faire les tranches. Voilà.

Là t’es en quad, tu fais principalement du slalom. J’ai aussi souvenir que tu faisais du saut…

En fait j’ai toujours fait slalom et saut. Dès que j’ai découvert le saut, j’en ai fait. Franchement, j’adorais le saut. J’adorais surtout le saut en hauteur. Je crois que je ne me débrouillais pas si mal. Là, pour le coup, en tant que femme, je pense qu’au niveau puissance, on est quand même un petit peu en dessous des hommes. J’en faisais beaucoup. Je faisais de la détente sèche aussi. Je me rappelle que j’arrivais à sauter une barrière de CRS. C’était pas mal, c’était sympa.

Après, je n’avais pas ce côté casse-cou. C’est ce qui m’a limitée dans tout ce qui est saut figure aussi. Je me rappelle que j’étais assez limitée pour tout ce qui était rotation. Qu’est-ce qu’on rigolait ! Je me rappelle, c’était aussi avec Rachid Menchar. On allait beaucoup avec lui. Et au final, on faisait des sessions d’entraînement, on va dire. Je pouvais faire 10 ou 15 passages en me disant « allez, je vais tenter mon 3-6 ». Mais le 3-6, il ne passait pas, parce que j’étais une peureuse.

J’ai un souvenir que tu étais une des seules femmes qui faisait vraiment de la sèche. Tout à l’heure, tu disais que tu étais une compétitrice. Qu’est-ce que ça avait donné les compétitions pour toi ?

Oui, j’ai fait quelques compétitions en saut. Mais alors pas énormément. Parce que si je me rappelle bien honnêtement, je crois qu’il n’y avait pas d’autres filles. C’était un peu compliqué de lutter avec les garçons. Il y a l’aspect physique qui rentre beaucoup en jeu. Moi, je n’aime pas perdre. Mais si je lutte à force égale, ça me va.

Je n’ai pas fait tant de compétitions de saut que ça. En slalom, par contre, je ne me rappelle pas exactement du palmarès. Mais je sais que j’ai gagné quand même le championnat de France. Une ou plusieurs fois, ça je ne me rappelle pas, en slalom figure, en slalom vitesse. C’était avant qu’il y ait toutes ces figures issues de la danse. Après j’ai décroché l’arrivée du patin en ligne. J’ai aussi fait du roller basket avec Marjorie.

Du roller basket ?

Vous savez qu’avec notre team on était championnes du monde de roller basket. Marjorie ne vous a pas dit ça ?

Roller basketball aux USA
Roller basket-ball aux USA dans les années 2000

Tu as parlé de roller en ligne, as-tu eu des rollers en ligne ?

Oui, j’étais même en partenariat avec Fila à l’époque. Les premiers rollers, je crois que c’était des Titanium, si je ne me trompe pas. Ils étaient super cool. Je les ai encore. En fait, je n’ai jamais ressenti les mêmes sensations qu’en quad. Au moment où sont arrivés les rollers en ligne, j’ai bien compris que c’était là qu’il allait y avoir potentiellement les sponsors. C’est là où il y allait avoir les gros événements. J’ai essayé de m’y mettre, franchement.

Je m’y suis mise. Mais je n’avais pas ce plaisir, cette sensation de liberté. Je ne me sentais pas aussi à l’aise qu’avec des quads. Est-ce que c’est ça qui fait que j’ai décroché ? Est-ce que c’est le manque de motivation à un moment donné par rapport à la compétition pure ? Je sais pas, mais à un moment donné, je sais qu’il fallait forcément être en roller en ligne.

Par exemple, pour tout ce qui est vitesse, c’est quand même plus efficace. Je ne me retrouvais pas et je sais que petit à petit, j’ai décroché de tout. Les randonnées en roller en ligne, c’était vraiment pas mon truc.

Tu ne faisais pas partie à l’époque des gens comme moi, un peu les idées réductibles du quad. Ceux qui ont mis vachement longtemps à passer en roller en ligne. Et typiquement en slalom par exemple, c’est pas que je ne comprenais pas le roller en ligne, mais le nombre de possibilités qu’il y avait en quad avec toutes les roues, c’était tellement impressionnant, qu’en fait finalement, j’avais du mal à m’y retrouver.

Là je te rejoins. Franchement, ce n’était pas drôle du tout le roller en ligne. En speed slalom, très bien, c’est plus efficace, il n’y a pas de soucis. Mais en slalom figure, je ne comprenais pas. Justement tu avais toutes les figures sur une roue, sur les tranches. Tu ne pouvais pas retrouver ça sur le roller en ligne. Et même les sensations. Avec le fait que ça tienne les chevilles énormément, tu n’avais pas du tout cette même liberté. Donc j’ai tenté, franchement j’ai tenté, parce que je sais pas ce qui se passait dans ma tête à ce moment-là, mais j’ai quand même tenté parce que voilà, c’était la nouveauté, c’était tout ça.

Tu n’as pas trop accroché sur le line

Il y avait Fila quand même aussi qui était derrière. Mais franchement, ça m’a pas du tout convaincu. Moi j’étais quand même là pour m’amuser aussi. Je n’ai jamais vu le roller comme un moyen de gagner des millions. J’avais plus plaisir. Je suis restée au quad sur le slalom figure. Mais je crois que ce n’était pas… Il y avait la problématique, si je ne me trompe pas, de comment noter des quads face aux lines. Si je ne me trompe pas. Dans cette période de transition, ce n’était pas forcément évident.

Il y avait un peu un espèce de flottement. Puis il y a ceux qui étaient passés assez rapidement en line. Je pense à Roy Collet par exemple, qui a été un des premiers à avoir eu des patins en ligne. Il y a bien sûr Sébastien Laffargue qui lui a inventé plein de figures, qu’on ne comprenait pas forcément non plus à l’époque. Roy, si je me trompe pas, était meilleur en quad. En tout cas plus impressionnant en roller quad qu’en line. Et à l’inverse Sébastien, si je me rappelle bien, n’a jamais vraiment percé en quad. Lui était plutôt sur le speed slalom. Et après c’est en line qu’il s’est montré plus avec le slalom figure, je trouve. Il a finalement fait très peu de quad. Il a été l’un des premiers à arriver en line et à comprendre ce qu’on pouvait faire avec. Mais effectivement Roy était de très impressionnant.

Donc là on vient de parler de Sébastien et de Roy… Est-ce qu’il y a d’autres personnes qui t’ont influencées ou avec qui tu as eu beaucoup d’émulations et dont tu te rappelles ?

Il y avait Stéphan Zuber. Alors lui, c’était un monstre en saut. C’était une puissance absolue. Rachid, Rachid Menchar aussi. En saut également, avec le show qui va avec. Les deux faisaient le show. Roy, comme tu l’as dit était impressionnant en slalom.

Ça faisait plaisir à voir. Après, il y avait Gabrielle Denis. Je ne vais pas dire que c’était un exemple à suivre, parce que je ne fais pas partie de ces personnes qui ont besoin absolument de suivre des gens. Mais on se dit : « Ok, c’est possible. Moi aussi je vais tenter cela. »

Voilà, c’est elle qui ouvre la voie je dirais. Après ty avais aussi Marjorie qui poussait. Parce que, l’air de rien, on voyait la petite Marjorie derrière et on se disait qu’elle avait beaucoup de qualités. Je pense qu’elle l’a montré par la suite. Comme je roulais beaucoup avec les deux Pierre, c’est vrai qu’on se challengeait et puis on tentait des choses.

C’était votre façon de fonctionner pour vous améliorer…

Oui, on progressait comme ça en fait. Nous nous entraînions dans la bonne humeur et nous tentions d’aller le plus loin possible.

Agnès Sylvestre, as-tu des souvenirs de compétitions ou de rencontres avec d’autres riders d’autres villes ? Je pense par exemple aux gens de La Rochelle, de Reims, etc.

Il y avait les Rémois, qu’on appelait les « Rince-Doigts », si je me trompe pas. Alors eux, nous sommes allés les voir pendant très longtemps. Moi, je ne les connaissais pas.

Et puis un jour, ils sont venus à Paris et puis on a fait connaissance. C’est vrai que c’était un autre crew, issus d’une autre ville. En fait, c’était cool de voir que ce qu’on faisait à Paris, ça existait ailleurs. Finalement, on a beaucoup échangé, puisque si je ne me trompe pas, il y en a un ou deux en équipe de France. Donc nous avons fait pas mal de démonstrations ensemble. Nous nous retrouvions sur les compétitions. Ces moments étaient plutôt sympathiques. Franchement, ça faisait partie des bons moments d’échanges.

Après avec La Rochelle, je me rappelle de la compétition à Saint-Jean-de-Liversay. Je me rappelle au milieu d’un champ. Si je ne me trompe pas, c’était le Championnat de France. On était au milieu d’un champ. Donc bon, c’était cool. En fait, ça nous faisait sortir aussi de Paris. Donc c’était des moments sympathiques. Et après, il y a toutes les compétitions internationales.

Tu penses à quelle compétition internationale en particulier ?

Lausanne, ça reste de très bons souvenirs. Avec des patineurs de là-bas, nous avons pu faire de la descente en ville. Franchement, c’était fantastique. Je ne sais même pas comment on faisait cette descente-là à l’époque. Nous partions de tout en haut de la ville avec la descente à 22%. Puis nous arrivions sur le lac D’Ouchy. Nous passions 15-20 minutes à descendre. Franchement, c’était fantastique.

L’événement était vraiment bien organisé. Après, il y avait Zurich aussi si je me rappelle bien avec un gros événement. Puis des événements en Italie aussi, j’avais fait Milan. Voilà, ça permettait de voir autre chose et découvrir de nouvelles personnes aussi et franchement c’était cool.

Après si je me rappelle bien, au niveau de la fédération, il y avait Luc Bourdin, si je ne me trompe pas, il était à fond dans le street et je crois qu’il a… il crée des skateparks, si je ne me trompe pas.

Luc Bourdin à Bordeaux - photo : Kami
Luc Bourdin à Bordeaux – photo : Kami

Oui, on l’a interviewé. Effectivement, c’est son métier maintenant de créer des skateparks. Ce qu’il fait depuis tout jeune d’ailleurs…

C’est ça, j’ai l’impression que c’était vraiment en lui. C’était cool parce que c’est des gens qui avaient plein d’idées, qui étaient précurseurs dans pas mal de choses. Après, il y avait bien sûr Serge Rodriguez, avec Rollermania. Je pense que c’est grâce à lui qu’on a commencé la compétition d’ailleurs. Parce qu’en fait, nous on ne les connaissait rien et on nous a emmené sur du championnat. Il y avait Adeline, Adeline Le Men, que j’ai croisée il n’y a pas si longtemps, qui est toujours dans le roller.

Serge Rodriguez en one foot Tranche au Trocadéro
Serge Rodriguez en one foot Tranche au Trocadéro

Adeline Le Men également, ça fait partie des gens qui te forcent à respecter les règlements, je dirais. Tu sens la différence entre une pratique fédérale qui est très très normée et une pratique libre. C’est peut-être ça qui m’a posé problème. Ce n’est pas comme ça que j’envisageais le roller. Je voyais la liberté et pas ce côté règlement. Même si je suis quelqu’un de très scolaire, j’accepte. Mais au fond de moi, c’était pas comme ça que je voulais pratiquer.

Et après, qui d’autre ?

Je pense pas que j’ai oublié grand monde dans le milieu du roller.

Agnès Sylvestre, tu as parlé de l’équipe de France. De mémoire, on était en même temps en équipe de France de roller acrobatique ?

C’est ça, exactement. Les années 1995-1997, quelque chose comme ça.

Parfait, je suis pas trop loin. Oui, c’était les premières années…

À l’époque, je faisais déjà du basket. C’est là où ça m’a fait réfléchir. Je me suis dit qu’avec le recul, je comprends qu’ils aient eu besoin de mettre tant de règles. Parce que le sport se développait. Il fallait donc bien mettre des limites. Sauf qu’en fait, on était quand même très peu de pratiquants. Quand on faisait un championnat de France, comme je le disais, s’il y avait 5 filles, c’était déjà fantastique. On était donc loin de sports comme le basket. Et je me dis : mais pourquoi ils me cassaient autant les pieds alors qu’au basket, on fait plein de trucs, on est avec des centaines de milliers de pratiquants en plus, et il n’y a pas forcément plus de règles ?

J’adore la compétition, je ne suis pas souciée des règles. Mais je me disais que c’était un peu extrême par rapport au développement du roller à l’époque. Est-ce que j’avais raison ? Je ne sais pas. Mais c’est peut-être que c’est ça qui m’a un petit peu dégoûtée. C’était un peu trop de règles pour finalement peu de choses.

C’est un sujet qu’on a abordé avec Luc Bourdin. Il parlait justement du roller street et du roller acrobatique. Il parlait du fait que c’était un sport jeune et qu’on avait voulu mettre trop de règles pour structurer le truc dès le départ. Alors qu’en fait c’était pas forcément la bonne chose à faire. Et puis Sébastien Laffarguee aussi en parlait. Tu n’est pas la première à aborder cette question. Petite anecdote : Est-ce que tu te rappelles, que nous étions passés sur le 20h00 de Canal+, pendant une démo au Trocadéro ?

Ah oui ! Je faisais du slalom. Ouais, j’ai encore la vidéo. Passer à la télé, c’était quand même assez fantastique, tu vois, tu étais fière, tu montrais à ta famille. Et puis à l’époque il n’yavait pas les réseaux sociaux…

Tout à l’heure, tu as cité brièvement le street et la descente. Peux-tu nous en parler ?

Le street ? Je me rappelle qu’on allait même au skatepark de Taverny. On allait à la mini-rampe là-bas. Mais bon moi je ne faisais rien en fait. J’avais peur. Il y avait aussi une rampe dans le 13e arrondissement, à Boutroux. Franchement, le jour où j’ai réussi à descendre une petite rampe, j’étais contente. Je pense assui que j’ai arrêté à un moment donné parce qu’il y a eu le développement du street. Et moi, j’étais pas dedans. C’est pas que je n’aimais pas, mais je n’avais vraiment pas l’esprit du street où il fallait tomber et se relever. Je pense que j’avais trop peur tout simplement. Donc, je n’arrivais pas à me mettre dedans. Marjorie, à l’inverse, elle est rentrée à fond dedans.

Et pour la descente ?

La descente, c’était à Lausanne. On s’entraînait là-bas, mais je n’ai jamais fait de compétition. Quand je dis on s’entraînait, c’est-à-dire que forcément, quand on partait à Lausanne, on allait faire des descentes. Mais je n’ai jamais fait de compétition. Parce que de la même façon, pour moi, la descente, c’est un truc où il ne faut pas avoir peur. J’avais même été avec Gabrielle Denis et son collègue du magazine Crazy Roller. Anthony… Il m’avait emmené en Suisse.

Il y avait une descente dans une piste de Bobsleigh. Je ne sais pas si c’était Suisse mais dans un pays étranger. Il m’avait emmené là-bas et il m’avait dit : « ‘ Voilà si tu veux tu pourras participer c’est une première. Mais je suis arrivée en haut avec mes pauvres protections, mes genouillères, mes coudières, mes protège-poignets, mon casque. Et là j’ai vu la piste, j’ai dit :  » Non mais ça va pas ? «  J’ai dit :  » Je reste là-haut, je bougerai pas. Non mais ça serait trop… »

En tout cas, ce qui est cool, c’est que j’ai vu l’évolution des choses. Je trouvais ça super d’avoir ce genre d’événement, ça mettait vraiment de la valeur mais moi, là, j’ai pas suivi. Je suis vraiment restée au slalom et au saut, ça suffisait.

T’as jamais fait de water jump ?

J’en ai fait, je pense deux ou trois fois. Je trouvais ça rigolo. Mais je sais pas, peut-être le côté où être dans l’eau, je sais pas. Y’a un truc qui collait pas. J’adorais voir les figures, mais moi j’en ai pas fait plus que ça.

Session de water-jump
Session de water-jump

Si je résume un peu tout ce qu’on a dit là jusqu’à présent, Agnès Sylvestre, tu étais une patineuse de rue très polyvalente. Même si t’as pas fait forcément carrière, tu as essayé quand même pas mal de choses différentes. Ce qui était un peu la norme à l’époque…

Oui, c’est ça. Moi, j’étais quand même vraiment axée slalom-saut, avec la détente sèche à côté. maintenant, sur fait de patiner dans la rue, j’étais un peu curieuse et je tentais.

Tu as parlé également de roller basket… Est-ce que tu peux nous parler un peu du roller basket ? Parce que je pense que c’est la première fois qu’on va en parler sur le podcast…

C’est vrai que c’est un petit peu dans la lignée de tous ces sports hybrides qui se développent en ce moment, comme le Roll Ball. Alors je dirais que c’était assez rigolo parce que il s’avère que justement il y avait Marjorie qui découvrait un peu le basket. Et moi je joue au basket depuis que j’ai 12-13 ans. Je patinais avec Marjorie. J’ai réussi à l’emmener un petit peu vers le basket. Il y avait aussi un autre patineur qui jouait aussi au basket.

Roll Ball
Match de Roll ball lors d’une Coupe du Monde

 » Je ne sais plus du tout comment, on a entendu parler de cette discipline. Il y avait le championnat du monde de roller basket. Nous, on s’est dit ; « ça y est, on fait une team, on y va. »

Agnès Sylvestre

Franchement, à l’époque, on était en roller en ligne. Parce que pour tout ce qui est changement de direction, c’était quand même beaucoup plus facile. Idem pour les dérapages, c’était aussi beaucoup plus facile. Et on s’est dit :  » Allons-y, on va faire cette compétition. »

Et il s’avère qu’on a gagné. Mais franchement c’était en petit comité, il n’y avait pas 50 000 participants. Si je ne me trompe pas, c’était assez développé au Pakistan. Je ne suis pas sûre à 100%.

Oui, ces sports-là se développent davantage dans les pays en développement que dans les pays un petit peu plus industrialisés.

Voilà, j’ai encore un petit peu de souvenirs. Au final, on a joué, je crois que c’était en Allemagne. On a gagné et franchement, je trouve que le mélange entre les deux, on s’est éclaté. Parce qu’à l’époque, je jouais encore au basket. Donc là je retrouvais mes deux sports favoris : deux en un ! Avec ce côté vraiment athlétique.

Et on avait une équipe super sympa en termes d’ambiance. On était toutes dans le même esprit, où vraiment pour le coup, on y allait pour gagner. On s’est données et au final on a gagné. C’était vraiment sympa après ça. Il n’y a pas eu de suite. Je ne sais pas si les compétitions ont continué ou pas. Mais c’était un bel été, c’était plutôt cool, une belle expérience en tout cas. Donc voilà, on a rajouté ce petit titre avec Marjorie.

C’était à quel moment et pourquoi tu as arrêté le roller finalement ? Tu t’es consacrée à autre passion Agnès Sylvestre ?

J’ai du mal à m’en rappeler, mais je sais qu’il y avait un évènement justement qui m’avait un petit peu dégoûtée de tout ce qui est milieu fédéral. C’est peut-être bête, mais il y avait la Coupe de France de basket à Bercy, et il y avait une démonstration de roller à la mi-temps. Moi, j’étais en équipe de France, et potentiellement, je pense que tout le monde savait que je faisais du basket.

Tu saurais l’expliquer ?

C’est quand même un bel évènement, d’allier un peu tes deux passions. Je pense que j’avais quand même à l’époque encore le niveau pour pouvoir faire cette démonstration. Mais c’était après le passage quad / inline. Donc potentiellement, il y avait peut-être 2 ou 3 filles qui avaient aussi un bon niveau, je ne me rappelle plus. Mais, j’avais cette double casquette, roller et basket. Je me dis que c’était quand même un petit peu une récompense. Et finalement, je ne sais pas ce qui s’est passé, mais je n’ai pas été sélectionnée pour ça. Et ça m’a un peu dégoûtée.

A l’inverse, ils m’ont sélectionnée pour la Coupe de France de handball. Peut-être quelques semaines plus tard. Je me suis dit que si je suis rentrée dans le roller pour être dans des considérations comme ça, ça ne me disait plus rien.

Il y avait l’histoire du line, où je ne m’y retrouvais plus forcément. Il y avait l’histoire de la fédération.

Parallèlement, j’ai fait des études. J’ai commencé à entraîner. Je jouais encore au basket, donc peut-être que je me suis dit aussi que ça faisait déjà beaucoup. Je n’avais peut-être plus forcément le temps pour continuer dans le roller. Mais je t’avoue, je ne me suis pas dit :  » Tiens, je m’arrête là demain » ou quoi que ce soit. Ce n’était pas l’idée non plus.

Donc en fait tu faisais les disciplines du roller et du basket depuis toute petite et à un moment le basket a pris la priorité sur le roller, ainsi que ta vie professionnelle.

Je pense que c’est ça voilà. Et puis il y avait aussi le fait que l’esprit changeait avec le roller en ligne. Alors ça fait un petit peu vieux jeu que je dise que c’était mieux avant.

Mais par exemple, je prends toujours l’exemple de Notre-Dame. Ce que j’aimais, et ce qui m’a permis aussi d’avancer, c’est que quand je suis arrivée à Notre-Dame, je ne pouvais pas pratiquer le soir. Ce n’était pas autorisé parce que j’étais trop nulle. Je me suis dit que si j’ai envie d’aller faire le show, il fallait que je progresse. Et donc, c’était une source de motivation finalement, qu’on ne me laisse pas pratiquer le soir. Alors, il n’y avait pas d’interdiction formelle, mais on n’était pas conviés. Donc je me disais : « Entraîne-toi l’après-midi, quand tu auras un vrai niveau, tu vas y aller. » Et là, quand il y a eu le roller en ligne, je me rappelle très bien, il y avait plein de petits qui arrivaient qui faisaient une pauvre figure et y allait.

Il y avait beaucoup plus de « m’as-tu vus », qu’à l’époque du roller quad. Et ça m’a un petit peu dérangée parce qu’en plus, comme je te disais, j’avais la comparaison aussi avec le basket. Je me disais alors :

 » Mais vous, là, vous faites les malins, mais on est 50 pèlerins à pratiquer le roller en France, il n’y a pas de raison de faire les malins comme ça en fait. Parce que si on multipliait par 100 déjà le nombre de pratiquants, potentiellement vous ne vous croiseriez même plus. »

Agnès Sylvestre

Et je pense que ce côté-là ce n’était plus mon état d’esprit. Donc après je pense qu’il y a aussi des périodes dans la vie où tu changes. Mais voilà comment je vois un petit peu les transitions.

Donc là, tu arrêtes le roller et tu te consacres au basket…

Oui, j’ai commencé à jouer vers 12-13 ans. C’est à l’âge aussi où j’ai arrêté le tennis de table. J’ai commencé d’abord par le tennis de table, roller, basket. J’ai fait un petit peu tout. Et ensuite, je joue et je commence à entraîner. Parce que dans le club où je suis, on me dit qu’il n’y a pas d’entraîneur.

Est-ce que tu as envie de prendre une équipe ?

En plus, j’étais en formation en STAPS, pour devenir potentiellement professeur d’EPS. Je me suis dit pourquoi pas. J’avais envie de m’investir, d’aider un peu le club. Et finalement, ça fait maintenant plus de 20 ans que je continue d’entraîner.

 » Je continue dans le basket, parce que ce n’était pas forcément ma volonté au départ. Mais j’ai trouvé une structure dans laquelle j’ai pu développer plein de projets. Donc c’est cool en fait, je ne suis pas uniquement sur la partie entraînement, je suis sur la partie développement du club. Et je suis maintenant directrice d’un club de basket. Nous sommes sur le haut niveau aussi, mais également sur toute la partie sociale, et c’est vrai que c’est là où je m’y retrouve. »

Agnès Sylvestre

Tu peux nous donner le nom de ton club, Agnès Sylvestre ?

C’est le Paris Basket 18. C’est un club 100% féminin. Nous sommes vraiment sur la formation des jeunes filles vers le haut niveau. L’idée est d’amener les jeunes vers leur plus haut niveau, mais sans les faire rêver, parce qu’on sait très bien que le plus haut niveau pour certaine, ça va être le département. Et pour d’autres comme on a eu, ce sera peut-être les équipes de France, peut-être les ligues olympiques, mais ça ce sont des cas particuliers. Le but est d’avoir des jeunes épanouies et de progresser sur tous les aspects. Pas uniquement l’aspect sportif.

L'équipe de basket de Paris 18 avec Agnès Sylvestre
L’équipe de basket de Paris 18 avec Agnès Sylvestre

Est-ce que l’expérience que t’as apporté le roller t’as aidée d’une manière ou d’une autre pour la suite dans ce que tu as vécu en basket ? Ou alors est-ce que c’est complètement décorrélé ?

Je pense qu’il n’y a rien qui est décorrélé dans la vie. Il faut peut-être y réfléchir un peu plus. Mais en fait je pense que cette liberté dont j’avais besoin en pratiquant le roller, je l’ai toujours aujourd’hui dans mon club. Parce que finalement on a gardé cette vraie identité.

C’est vrai que quand j’ai pu sentir ce changement d’ambiance dans le roller comme elle était avant, la transition quad / inline, tout ça, ça m’a un peu perturbée. Enfin perturbée c’est pas le terme, mais ça m’a un peu fait réfléchir. Là c’est un peu pareil, je dirais que tant que j’ai ma liberté dans le basket, je m’éclate.

Le jour où je l’ai plus, je sais pas. Je reviendrai peut-être au roller. Mais je pense que ce sont des choses qui sont identiques.

La question qui me vient quand je t’entends parler que tu entraînes un club avec que des femmes : je ne peux pas m’empêcher de faire le lien avec ce qu’il y a en roller maintenant avec le roller derby par exemple, qui est quand même plutôt un sport majoritairement féminin. As-tu entendu parler de ce sport ?

Ce sont des femmes en quad qui font du roller, qui ont d’ailleurs beaucoup révolutionné l’usage du roller et du quad qu’on connaît maintenant. J’ai vu qu’il y avait un club dans le 19e, si je ne me trompe pas, à Paris. Après, je n’ai pas accroché. Quand j’ai vu 2-3 vidéos, j’ai dit « mais c’est quoi ça? » J’avais l’impression que c’était un truc de bagarre en roller. Donc j’ai pas réussi à comprendre le concept, mais c’est peut-être très cool. Honnêtement je n’ai pas poussé plus que ça. Mais je pense que ce sont des jeunes femmes qui ont envie de se retrouver entre elles, de pratiquer un sport, dans une bonne ambiance, dans de la bienveillance, et je pense que c’est essentiellement ça.

Donc peut-être qu’on leur proposerait du basket, elles s’éclateraient aussi. Et inversement, peut-être que les basketteuses, on leur proposerait du roller derby et elles s’éclateraient. Je pense que tu as des points communs dans tout, dans toutes ces pratiques. Ce sont des pratiques collectives. Et elles ont envie de se retrouver en faisant un effort physique, quel que soit peut-être le type de sport. Je trouve que c’est un changement assez passionnant, mais c’est un grand changement.

Selon toi, Agnès Sylvestre, pourquoi est-ce qu’il y a plus de femmes maintenant qu’avant dans le roller ? Je pense notamment à la pratique de la roller dance et en skatepark….

Je n’ai pas la réponse. Et c’est vrai que là j’entendais encore une personne du Comité Roller de Paris qui disait :  » Il faut se développer pour qu’il y ait plus de femmes sur les rollers. »

Mais est-ce que c’est vraiment important en fait ? Est-ce que les femmes ne peuvent pas venir d’elles-mêmes ? Et puis celles qui aiment le roller, elles viennent. Et celles qui aiment pas, elles viennent pas. C’est un effet d’entraînement, je suppose. Plus il y en a, et plus ça donne envie. Je pense que c’est comme dans beaucoup de secteurs, où finalement, plus tu peux voir des gens rouler, plus tu peux avoir des modèles et plus potentiellement ça te donne envie aussi de pratiquer.

Oui, mais est-ce qu’il y a un besoin d’avoir plus de femmes dans le roller ? Je pose la même question au basket. Moi, je me dis faisons ce qui nous plaît. Je n’ai pas envie qu’on m’attire vers le roller pour telle ou telle raison. J’ai envie que le roller corresponde à ma façon de voir les choses en fait. Je ne dis pas qu’on m’attire, c’est plutôt : est-ce que le sport est attractif pour moi en fait. Oui c’est ça, voilà. Est-ce que ça me donne envie de le pratiquer?

Donc au final, que je pratique du roller ou du tennis de table, de la boxe, peu importe.

Nous arrivons bientôt à la fin de l’interview. J’ai deux dernières questions : Qu’est ce que tu retiens de toute la période roller ?

Franchement : la liberté. C’était vraiment la belle époque où je me suis éclatée. C’était l’adolescence, le début de l’âge adulte. On a fait plein de bêtises, on a fait plein de belles choses. Et on a pu découvrir des choses aussi. Enfin, j’ai rencontré plein de monde. Certaines personnes avec qui on discute encore aujourd’hui. D’autres personnes que je ne vois plus, mais je suis sûr que si on se croise, ça sera avec plaisir qu’on pourra échanger.

 » Je pense que le roller m’a permis de vivre une jeunesse avec une passion. Je trouve ça vraiment important. Déjà, on était en mouvement. On n’était pas chez nous en train de regarder les écrans ou je ne sais quoi. Grâce à cette passion, on avait envie de sortir. On était avec d’autres personnes. »

Agnès Sylvestre

Donc tous ces échanges sociaux, je pense que c’est super important. Et moi, ça c’est ce que je prône un peu au quotidien. Il ne faut pas qu’on reste chez nous à ne rien faire parce que sinon, il n’y a pas grand intérêt à long terme.

Après, j’ai eu cet aspect compétition qui m’a un peu frustrée, parce qu’il n’y avait pas assez de concurrence. C’était un peu frustrant. Peut-être que ça aura un intérêt quand il y aura plus de femmes ou de filles dans le roller. Il y aura plus de compétitrices, ça sera plus tenu.

Je me rappelle aussi qu’on avait monté un club de roller, à 18 ans avec Pierre Jouvion et Pierre Benci si je ne me trompe pas : « Extrême indépendant ». Exactement, voilà, tu vois le côté indépendant et tout, ça ne m’a pas lâché. C’est Hakim Naït Chalal qui en parlent dans son interview.

Tu peux nous en dire quelques mots ?

Je ne savais pas comment monter un club, donc on a appris toutes ces choses-là. Je me dis, ben regarde, 20 ans plus tard, je suis directrice d’un club de basket. Petit à petit, tu fais les choses et ce sont de belles expériences. Franchement, moi je ne regrette pas. Je rigole encore là, quand tu me parles de Marjorie. Parce que là, ma fille voulait faire du roller et elle va en faire dans le club de Marjorie. Et Marjorie lui a passé des rollers. Donc, la boucle est bouclée maintenant. Je ne sais pas ce qu’elle va en faire, mais au moins elle aura tenté. C’est cool, ce ne sont que des belles choses, voir une personne comme toi qui continue dans le milieu du roller, c’est pas ton métier, mais qui continue à essayer de parler du roller positivement, de faire connaître le roller.

Marjorie Phlippoteau donne un cours de roller
Marjorie Phlippoteau donne un cours de roller

Marjorie a monté son club. Plein de gens sont à fond dans le roller. He trouve ça cool parce que tu vois qu’il y a plein de parcours qui se sont faits à partir du roller. C’est franchement que du positif.

Pour finir, c’est la traditionnelle tribune libre. C’est à toi si tu veux passer un message aux auditrices et aux auditeurs…

Je pense que le roller, tel que je l’ai toujours connu, c’était cette sensation de liberté. J’étais prof de roller,

 » J’avais beau avoir mon BE roller, je n’ai jamais compris qu’on puisse prendre des cours de roller. C’est pour ça que ce n’était pas très lucratif pour moi. Parce que dans ma tête, je me disais, au bout d’une heure, c’est bon, vous avez appris à freiner, ça suffit, on s’arrête là. Vous n’avez pas besoin de me donner plus d’argent. Vous allez maintenant patiner tout seul dans la rue comme moi je l’ai appris. »

Agnès Sylvestre

Maintenant, je vois que les choses évoluent, donc c’est cool parce que le roller a réussi à se structurer. On est quand même dans une pratique qui est peut-être médiatiquement un peu plus intéressante. Après, je n’ai pas d’avis parce que je ne suis plus dedans. Mais j’espère que ça a évolué dans ce sens et qu’il y a des gens qui peuvent en vivre un petit peu. J’espère aussi qu’on va retrouver les démos de roller dans les matchs de basket, parce que c’est quand même ça qu’on attend.

Donc Walid, il faut faire un peu de pub auprès de la fédération de basket pour qu’on puisse revoir des petits shows de roller, du saut, du slalom. C’est quand même assez cool, même de la danse, parce qu’on a pas parlé de la danse, mais c’était pas mon domaine. Mais je trouvais ça cool avec Hakim Ben Geloune ! Voilà, exactement, avec la danse, je sais pas ce qu’il devient… J’ai vu que ça se développait un petit peu, le roller dance ça reprenait un peu avec quelques soirées et tout ça, donc ça c’est aussi…

Merci beaucoup Agnès pour ton temps et avoir bien voulu partager un peu ton expérience roller. J’adore comme ça, quand ça te permet de se replonger un peu dans l’ambiance de l’époque.

Pour aller plus loin

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Auteur
Walid NOUH 'Wawa'

Walid patine depuis la fin des années 80. Il a fait du roller freestyle et aggressif. Fondateur du site RollerFR.net dans les années 2000, il fût par la suite webmaster du site Rollerquad.net et co-fondateur de la marque de patins à roulettes détachables Flaneurz. Il est intéressé par la conservation et transmission du patrimoine rolleristique.

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