Entretien avec Gabrielle Denis, fondatrice du magazine Crazy Roller

Pour ce nouvel épisode de Balad'O Roller, l'équipe de REL vous invite à rencontrer Gabrielle Denis, ancienne rédactrice en chef adjointe du magazine de street Crazy Roller. Un titre emblématique de la fin des années 1990. Entretien en podcast...

Par Walid NOUH

Entretien avec Gabrielle Denis, fondatrice du magazine Crazy Roller
Gabrielle Denis

Si on revient au départ de la Dalle Montparnasse, tu as connu les débuts…

Oui, elle était accessible, nous faisions des jeux, des chats, pas de saut, pas de slalom, pas de street. Il y avait bien un peu de hockey, c’était assez viril. Je préférais le côté virevoltant. La Dalle avait une ambiance bon enfant, très collective. J’aimais les balades dans Paris avec des patineurs comme Serge Rodriguez. Nous partions notamment de la place d’Italie. Je prenais les rollers quand il faisait nuit, je sortais dans paris, nous rencontrions des gens, nous faisions des balades, nous nous accrochions aux voitures et aux bus.

C’était un mode de vie pour toi…

J’allais à l’école en classe avec mes rollers. Je venais d’un milieu favorisé. Cela m’a permis d’aller dans la rue, de m’ouvrir l’esprit à plein de gens de toutes les origines. Je n’avais pas du tout cela dans mon milieu.

« Le roller était un moment de liberté incroyable. J’avais un sentiment de force, d’impunité. C’était impossible de me rattraper. Je n’ai jamais ressenti cela ailleurs.»

Gabrielle Denis

C’était une pratique masculine ou un peu mixte ?

Surtout masculine. Le slalom a permis de faire rentrer quelques filles. Nous n’étions pas nombreuses. Je me souviens d’avoir monté un stage saut/slalom pour les femmes avec la Commission Nationale de Roller Acrobatique, en janvier 1996, à Saint-Jean-d’Angély ou Saint-Jean-de-Liversay. Nous n’étions pas nombreuses.

A Montparnasse, c’est plutôt un milieu assez inclusif. C’était pareil au Trocadéro ?

Il y avait une ambiance très pédagogique le dimanche matin. Je donnais des cours gratos. C’était bien avant RSI et Adeline Le Men. Nous faisions nos premiers exercices comme le « citron » ou « monter des marches ». C’était un peu fait avec le soutien de Rollermania, dans les années 1990. Je faisais mes études en parallèle, c’était un moment de respiration.

La première compétition à laquelle j’ai participé, en 1991, c’était à la Défense. Il y avait Michel Fise, le sociologue. La pratique commençait à se structurer. J’avais été surprise de réussir, d’être sur le podium. J’ai rencontré plein de gens. Cela a été le démarrage des compétitions. En 1993, a eu lieu le premier contest national de roller acrobatique. Il y avait une euphorie. Personne ne connaissait le niveau général, chacun cachait des figures, travaillait dans son coin avant de présenter ses figures. En slalom, certains faisaient le pied arrière, d’autres des tranches, d’autre du royal, d’autre de l’impérial. Les noms apparaissaient et nous structurions la pratique.

Gabrielle Denis en slalom pied avant au Trocadéro en 1991
Gabrielle Denis en slalom pied avant au Trocadéro en 1991

Le slalom a beaucoup évolué à cette époque Gabrielle Denis, beaucoup de figures sont arrivées.

Oui, la nouvelle génération a fait des wheelings, des tranches, des grabs, des catchs. Cela poussait à travailler. En slalom, on travaille beaucoup les transitions entre les figures, pour que cela soit fluide. On tombait et on inventait les figures au fur et à mesure.

Le DTN de la fédération à ce moment-là avait fondé la première équipe de France de femmes ; j’en faisais partie avec Agnès. Ensuite, avec Adeline Le Men, nous avons structuré les figures, les notations. Je me souviens d’avoir déposé une figure : la théière, variante de la cafetière.

A cette époque, en 1993/1994 et jusqu’en 1996, le quad est omniprésent. Puis arrive le line…

Oui, le premier que j’ai vu en roller en ligne doit être Sébastien Laffargue avec des Roces Impala. Il roulait avec des patins étranges. Les gens trouvaient ça bizarre. Nous roulions avec lui. Nous étions en quad et lui en line. C’était LA personne qui a commencé le roller en ligne. Le passage pour moi s’est fait en 1996, avec le premier contest à Bercy sponsorisé par Rollerblade. Nous avions été invités en Wild Card, à faire une démo de roller. Il y avait des démos de danse, de slalom, de saut, de street, de rampe, de roller hockey. Toutes les disciplines étaient représentées.

Mais il fallait que ce soit en line. Nous avons donc dû nous y mettre trois mois avant. Nous nous y sommes mis. J’ai acquis une paire de roller en ligne de Roller Station. Des Rollerblade Lightning il me semble, des gros machins noirs qui montaient super haut. Sébastien Laffargue nous avait donné des conseils. Nous allions dans l’université de Jussieu pour nous entraîner sur de belles dalles. Nous nous retrouvions tous les soirs pour réapprendre toutes les figures que nous savions déjà fait en quad. Comme ça, le jour du Contest de Bercy, nous avions mis au point un show avec des t-shirts noirs.

« Il y avait eu un différend avec la fédération lors du contest de Bercy. La fédération avait interdit aux licenciés de participer. »

Gabrielle Denis

L’organisateur de Bercy s’appelait Philippe Baby. Je me suis retrouvé avec cette interdiction alors que j’étais engagée dans la commission de roller acrobatique. J’ai donc fait le coach et tout l’entraînement avec eux et je suis resté dans les coulisses. C’était vraiment impressionnant de se retrouver dans Bercy devant 2000 à 3000 personnes.

Gabrielle Denis : qu’est-ce que ça fait de faire du slalom en line quand on vient du quad ?

J’ai trouvé ça assez sympa. J’avais fait un peu de tout, c’était un truc nouveau. Beaucoup de choses étaient transposables, ça allait super vite pour apprendre. Certaines choses étaient beaucoup plus faciles en roller en ligne. Le roller quad est beaucoup plus fatiguant. En ligne, tu fonces, ça va plus vite. Je n’ai jamais réussi à refaire certaines figures comme les dérapages, mais j’en ai appris d’autres.

Pendant longtemps, j’ai fait les deux en même temps : line et quad ; J’ai continué le slalom en quad par habitude. A Bercy, j’ai découvert la rampe en grand, avec les patins en ligne. Il y avait de grands noms comme René Hulgreen, Taïg Khris faisait ses débuts. Puis est arrivé Crazy Roller qui était consacré au line.

Gabrielle Denis en cafetière en 1996
Gabrielle Denis en cafetière en 1996
Gabrielle Denis magazine roller magazine roller street Crazy Roller
Auteur
Walid NOUH 'Wawa'

Walid patine depuis la fin des années 80. Il a fait du roller freestyle et aggressif. Fondateur du site RollerFR.net dans les années 2000, il fût par la suite webmaster du site Rollerquad.net et co-fondateur de la marque de patins à roulettes détachables Flaneurz. Il est intéressé par la conservation et transmission du patrimoine rolleristique.

1 response to “Entretien avec Gabrielle Denis, fondatrice du magazine Crazy Roller”

  1. Locus
    1 décembre 2022 at 20 h 13 min
    Je tiens encore une fois à vous remercier de cette interview de "gabi", car elle était dans l'ombre de celui qu'elle n'a nommé qu'une seule fois en plus d'une heure , elle en a beaucoup souffert de cette période je pense ....mais c'est une réelle passionnée !!! J'ai dévoré ce podcast !!! C'est dommage qu'elle soit peu reconnue pour ce qu'elle a apporté au monde du roller agressif ! Merci 1000 fois !

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