Les années 2000 : des rollers de série à la customisation roller
Connaissez-vous la customisation ? Le phénomène pourrait paraître récent et pourtant, le fait de modifier ses rollers pour leur donner des caractéristiques propres remonte probablement aux prémices du patinage à roulettes et du roller...
Par alfathor

Qu’est-ce que la customisation d’une paire de roller ?
Définition de la customisation en roller et en patin à roulettes
La customisation d’une paire de roller peut être définie comme la volonté et/ou le besoin d’un patineur d’assembler un patin afin que ses caractéristiques correspondent à ses besoins techniques et esthétiques.

A quelle période a émergé la customisation des rollers et patins à roulettes ?
Cette tendance à personnaliser ses patins s’est développée dans le roller en ligne à partir du début des années 2000.
Cependant, la customisation de roller existe probablement depuis bien plus longtemps dans le patinage traditionnel. En effet, avec la spécialisation des pratiques et l’augmentation du niveau technique des pratiquants, ces derniers ne trouvaient plus de patins suffisamment performants pour répondre à leurs besoins. C’est pourquoi les plus aguerris ont monté leurs propres modèles, à partir des pièces de différentes marques. Ainsi, le premier objectif consistait à tirer le meilleur parti des qualités intrinsèques de chaque composant. Les patins bénéficiaient alors, par exemple, du maintien d’une coque Roces, de la maniabilité d’une platine Rollerblade et de la qualité de glisse des roues Hyper.

A quels objectifs répond ce besoin de personnaliser ses patins ?
Au-delà du gain de performance, cette stratégie répond également à un autre besoin, celui de différenciation ou distinction. La première chose que regarde un patineur quand il croise un autre patineur, ce sont ses patins !
Les rollers définissent son identité au même titre que sa tenue vestimentaire. De plus, ils renseignent également sur la nature de la pratique du « rider ». Par ailleurs, la création et le montage de son propre patin est synonyme d’excellence technique dans sa pratique. En effet, cette compétence de customisation d’un roller implique une connaissance des caractéristiques technologiques des composants du patin, et par là-même, affirme profondément la culture « rolleristique » du pratiquant.

La customisation des rollers : un concept déjà ancien
Cette mouvance se trouve probablement son origine dans le patinage traditionnel, avec les rollers quads ou patins à essieux. En effet, bien qu’il existe des modèles de série relativement performants, la plupart des pratiquants montaient déjà telle chaussure, sur tel châssis avec tel type de roues. Dès les années 1980, les leaders d’opinion ont joué un rôle important dans la diffusion de cette pratique.
Dans une période plus récente, avec l’avènement du « inline », la customisation a bénéficié de la montée en puissance du Web et des premiers sites Internet dédiés au roller. La profusion d’articles sur le sujet et les vidéos conçues par ces influenceurs dès le début des années 2000 participèrent largement à la diffusion de cette tendance, tout d’abord en France avec des sites comme RollerFR.net, puis dans le monde entiers grâce à la promotion de ces contenus à leur viralité sur les forums étrangers, en Russie, en Espagne, en Corée du Sud et jusqu’en Chine.
Les boutiques spécialisées de roller furent en première ligne pour assister à cette évolution de la demande. Dès qu’un pratiquant sentait son niveau technique s’améliorer, il franchissait les portes des magasins avec un catalogue à la main pour demander au shop de lui réaliser un montage sur mesure.

Les shops de roller en première ligne du phénomène de customisation
Cependant, cette mutation de la demande ne se fit pas sans heurts car la plupart des pièces des patins de l’époque n’étaient absolument pas standardisées d’une marque à l’autre. Il fallait donc redoubler d’ingéniosité pour créer LE montage de ses rêves. Cela passait par exemple par le rabotage d’une platine aluminium afin de faire passer des roues plus grandes, par l’installation de cales sous les talons pour renforcer l’assise, par le perçage de la coque pour ajouter une boucle, par la découpe de la tige pour installer un cuff plus rigide. Autant dire que les arrière-boutiques des boutiques spécialisées se transformèrent en ateliers. Les demandes des riders donnèrent du fil à retordre à quelques vendeurs en charge des montages.
Les marques rechignent, se résignent puis y voient une opportunité dans la customisation des rollers
Dans un premier temps, toutes les marques ne réagirent pas toujours favorablement à cette évolution de la demande. Elles reprochaient notamment aux sites spécialisés de dénaturer leurs produits et de les critiquer trop vivement. Les riders leur répondaient simplement en leur suggérant de produire des patins qui répondent vraiment à leur demande.

Ainsi, avant d’y voir des opportunités, les marques ont considéré la customisation comme une forme de caprice de quelques pratiquants en mal de distinction. Il faut dire qu’il n’est pas toujours plaisant de voir ses produits critiqués par leurs utilisateurs. Ce n’est guère bon pour l’image, surtout à l’heure d’Internet et à la prise en compte de plus en plus marquée d’avis indépendants d’influenceurs. En effet, des sites comme RollerFR revendiquaient et assumaient une totale indépendance vis-à-vis des fabricants. Ils achetaient leur matériel, le testait et donnait un avis aussi objectif que possible.
Vers une approche industrielle de la customisation
D’un point de vue industriel, la demande de customisation de roller présente de nombreuses complexités. En effet, la logique d’une production à la chaine d’un produit standardisé s’accorde mal avec les besoins techniques, technologiques et les stratégies de distinction d’un pratiquant. Nous distinguons plusieurs étapes dans le processus de prise en compte de la demande :
Première étape : décliner les pièces existantes dans différentes couleurs
Une des premières stratégies des marques a donc été de créer des gammes de pièces démontables dans différentes déclinaisons de couleurs. Ainsi, les pratiquants pouvaient modifier par eux-mêmes l’esthétique de leur patin, mais toujours au sein d’une même marque. Cependant, nous restons là dans une approche simpliste et basique, peu coûteuse pour le fabricant et facile à mettre en œuvre. Les moules restent identiques, il suffit de changer les colorants dans le moulage ou l’injection des composants.

Cette stratégie de custom roller présente un avantage notable, celui de la vente additionnelle. Un patineur déjà équipé peut faire évoluer son matériel. En revanche, si les pièces sont remplaçables, il aura aussi tendance à le changer moins souvent et à remplacer uniquement une pièce cassée ou en fin de vie. En outre, ces pièces détachées ont l’avantage d’être vendues beaucoup plus cher et d’offre des marges plus confortables que sur un patin monté de série.
Seconde étape : concevoir des pièces interchangeables au sein de ses propres gammes
Une seconde étape, plus lourde, nécessite de concevoir des gammes dont les pièces peuvent être interchangeables, toujours au sein de la même marque. Cela implique dans un premier temps une prise en compte de cette contrainte dans le design des produits. Par la suite, les moules doivent être retravaillés ou remplacés pour s’adapter à ces changements. Les prix des moules se comptent en dizaines de milliers d’Euros. Il faut donc la garantie d’écouler un grand volume pour pouvoir amortir cet investissement. Toutefois, ce dernier permet aussi à la marque de bénéficier d’un avantage concurrentiel, même temporaire, et ainsi, de conserver ou de gagner des parts de marché.

La troisième étape : la normalisation des composants entre fabricants
Cette phase nécessite une collaboration globale des acteurs de l’industrie du patinage à roulettes. Elle ne se fait pas sans heurts. Si certains composants font l’objet d’une certaines unanimité, notamment du fait de l’utilisation de pièces détachées communes telles que les roulements, d’autres sont plus sujets aux tensions.
En effet, chaque marque a potentiellement déposé des brevets pour protéger ses inventions et les exploiter à l’échelle industrielle. Ainsi, elle fera tout son possible pour imposer son standard et vendre des licences à ses concurrents pour amortir ses investissements en recherche et développements. L’un des accords les plus notables dans l’univers du patinage à roulettes reste l’adoption quasi généralisée du concept UFS (Universal Frame System) en roller street. Cette norme de châssis s’est imposée au fil des années. Ainsi, désormais, les platines sont devenues interchangeables entre les coques de l’essentiel des marques.

La résistance au changement de la customisation roller
En revanche, nous constatons qu’il existe de nombreuses résistances pour les châssis de roller course par exemple. Les entraxes, notamment, ont régulièrement évolué durant une vingtaine d’année, avant de se stabiliser autour de deux dimensions principales : 165 mm et 195 mm. Cela n’empêche pas des firmes comme Bont de développer des fixations à 3 points en ligne, ou Powerslide son concept Trinity (3 points en triangle). Rien n’est donc figé.

La sous-traitance : une trame commune entre les marques
Un phénomène a facilité cette prise en compte de la demande des consommateurs au plan industriel : le fait que les marques s’appuient de plus en plus sur les mêmes sous-traitants. Quand de grands volumes de patins ou de pièces détachées sont produits dans les mêmes usines, il devient plus facile de créer une cohérence entre les pièces.
Dernière phase de la customisation : le roller sur demande et sur mesure !
La quatrième évolution en cours de la customisation au plan industriel pousse encore le curseur un peu plus loin. Il s’agit alors pour la marque de réaliser le patin de son client à la demande. L’entreprise française Flaneurz a d’ores et déjà intégré cette logique à sa chaîne de production. Cette démarche présente de grandes complexités, tant logistiques qu’opérationnelles.

Photo de couverture : Flaneurz