Le patin à roulettes et le roller à moteur traversent l’histoire
Les inventeurs ne manquent jamais d'imagination et le roller a traversé les époques en s'affublant de motorisations plus ou moins loufoques et efficaces. ReL vous propose un voyage dans le temps à travers cet article de Sam Nieswizski, notre historien du roller...
Par alfathor
Rollers à moteur et autres patins motorisés
C’est à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle que le patin à roulettes a acquis un moteur pour la première fois. Le roller à moteur suivra quelques décennies plus tard. Vous constaterez au fil de cet article que les inventeurs ont été débordants d’imagination pour installer une motorisation sur nos chers patins !
En effet, nous devons cette invention à la mise au point du moteur à explosion. Celui-ci se généralisa notamment dans la motorisation des machines. Les automobiles thermiques supplantèrent notamment les voitures électriques mais aussi les voitures à chevaux. Ainsi, les pratiquants du deux roues disposèrent désormais de vélos à moteur et de motocyclettes. Lorsque des inventeurs s’attaquèrent au problème de la motorisation des patins, ils eurent à relever de nouveaux défis : il fallut miniaturiser les moteurs et imaginer des solutions originales et spécifiques.
1905 : les premiers patins à moteur
L’histoire du roller à moteur commence en octobre 1905, avec des patins à roulettes traditionnels. L’Américain Henry Beauford, de Kansas City, fit breveter l’“Automobile skate”. La platine du patin, rallongée à l’arrière, supportait un moteur à essence.
Peu après, le Français Constantini exposait au Salon de l’auto de décembre 1905 un “Patin automobile” haut de 24 cm. Le diamètre des roues à pneus pleins atteignait 18 cm. La paire de patins pesait 12 kg. Le moteur à 4 temps consommait 1,5 litre d’essence aux 100 km et permettait de se déplacer à une vitesse pouvant atteindre 55 km/h. Le réservoir d’essence et la batterie étaient accrochés à la ceinture. Pour ralentir ou s’arrêter, on pouvait jouer sur le retard à l’allumage, ou couper le contact, ou encore se dresser sur les roues avant, seules les roues arrière étant motrices. Le prix était de 450 francs (ce qui représente environ 2000 € d’aujourd’hui). Le succès fut tel que le Shah de Perse en commanda trois paires !
1906 : direction les Etats-Unis
L’année suivante, Charles Matson, de Chicago, réalisa un patin à trois roues en ligne dont le moteur, placé cette fois devant le pied, entraînait la roue arrière au moyen d’une chaîne.
1907 : les idées germent aussi en Suisse
Le Suisse Koller, de Winterthur, inventa en 1907 un “patin de route” monoroue très original. Le moteur était placé au-dessus de la roue, le pied reposait assez bas sur une sorte de pédale. La roue, placée sur le côté extérieur du pied, était inclinée afin que son point de contact avec le sol soit à l’aplomb de l’axe du pied.
1912 : le roller à moteur « Made in France »
Le Français Mercier conçut en 1912 un curieux patin. Contrairement à ses prédécesseurs, qui motorisaient les deux patins, il n’en motorisa qu’un. Le moteur à deux cylindres et à 4 temps développait une puissance de 1,25 CV et permettait de se déplacer à 30 km/h.
1924 : l’Allemagne se lance dans le patin à moteur
L’Allemand Hans Gebhardt, de Munich, eut en 1924 une idée originale: il utilisa comme combustible l’acétylène, habituellement utilisé à l’époque pour l’éclairage ou comme source de chaleur des chalumeaux. Le patineur pouvait atteindre 30 km/h.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un patin à moteur, je ne résiste pas au plaisir de signaler une autre invention amusante de Gebhardt : il s’agit d’un câble entraînant un volant d’inertie solidaire des roues du patin, et destiné à diminuer l’effort que fait le patineur pour avancer !
1955-196 : un moteur sur le dos du patineur avec Antonio Pirrello
La motorisation des patins demandant une miniaturisation des moteurs peu compatible avec la puissance désirée. Par conséquent, des inventeurs eurent l’idée de placer le moteur non plus sur le patin… mais sur le patineur. Cette conception révolutionnaire revient à l’Américain Antonio Pirrello (29 mars 1913 – 19 octobre 1997). Il vivait à Wayne, non loin de Detroit, Michigan. Mécanicien de la General Motors, il créa sa propre société nommée Motorized Skate Company en 1955 et déposa un brevet la même année pour ses « Power Roller Skates ». En effet, il travaillait déjà depuis 2 ans sur son invention. Plutôt que de miniaturiser, il déporta la motorisation. Ainsi, le patineur portait le moteur à essence comme un sac à dos. Ce moteur entraînait un des patins au moyen d’un câble souple. Ainsi, l’ensemble permettait de rouler à 65 km/h !
Mais le poids du moteur était un inconvénient. Pour pouvoir commercialiser son invention, il réduisit progressivement le poids jusqu’à descendre sous les 17 livres (environ 7,7 kg).
On conçut en 1980 l’idée d’un ensemble destiné à tracter le patineur. Ce système comprenait un moteur entraînant une roue; un organe semblable à un guidon de vélo permettait au patineur de s’accrocher.
1961 : le commercial Mike Dreschler fait le plein de son patin à moteur thermique !
Le 11 mai 1961, le vendeur Mike Dreschler ravitaille ses patins à roulettes motorisés dans une station-service Sunoco près de Hartford, Connecticut. Cette photo reste sans doute l’une des plus célèbres d’un patin à moteur.
Ce modèle possède moteur refroidi par air attaché dans son dos et tient un embrayage, un accélérateur et un interrupteur de coupure du moteur dans sa main.
Une pause jusque dans les années 1980 ?
Il y eut alors un long entracte, et les patins à moteur ne refirent surface que dans les années 1980.
Le patin “American”, fabriqué à Lyon comme son nom ne l’indique pas, équipé d’un moteur à 2 temps de 15 cm3, permettait d’atteindre 30 km/h.
Un patin à moteur électrique
La société Hammacher Schlemmer, de Chicago, fabriqua le premier patin à moteur non polluant : le moteur électrique était alimenté par quatre piles de 6 volts rechargeables attachées à la ceinture du patineur. Le moteur développait une puissance de 1/3 de CV, la vitesse était réglée par un potentiomètre et atteignait 34 km/h. Sept heures étaient nécessaires pour recharger les piles.
Le dernier né, le “Motoskate”, conçu par l’Américain Tim Gandle, est un patin in-line. Seul un des deux patins est motorisé, la vitesse atteint 60 km/h.
Des skis à moteur
Pour terminer ce tour d’horizon, voici l’invention qui me semble la plus farfelue: des “Skis de ville à moteur”
Le motormutt américain – un bras à moteur plutôt qu’un roller
On fabriqua aux États-Unis le “Motormutt”. La roue, qui ressemblait à une roue de vélo, était actionnée par un moteur à 2 temps de 49 cm3. La société japonaise Honda préféra un système à deux roues.
Années 80 : le Roll’Ex
En France, on fabriqua le “Roll’ex”. C’était l’avant d’un Vélosolex (vélomoteur qui eut un grand succès dans les années 1950). Le Roll’ex était constitué d’un guidon supportant un moteur à 2 temps entraînant directement une roue au moyen d’un galet. Un groupe de patineurs projeta en 1989 une randonnée intitulée “Trans Europe en Roll’ex”. Partant de Couëron, près de Nantes, elle prévoyait de passer par la Norvège, la Suède, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, l’Angleterre; puis, repassant par la France, elle devait se terminer en Espagne (je ne sais pas si ce projet s’est réalisé).
On a aussi fabriqué dans les années 1980 un moteur dorsal actionnant une hélice qui propulsait l’utilisateur, qu’il soit patineur, planchiste ou cycliste.
Jet Roller : un guidon à moteur
Le dernier né de ces moteurs à patiner est le “Jet-Roller” conçu par Mike, de Wattignies. Le moteur, de 26 à 52 cm3, entraîne une roue reliée par un tube à un guidon. Solution originale: c’est ce tube qui sert de réservoir d’essence. Le patineur peut se faire tirer ou pousser à la vitesse de 40 km/h.
1982 : Wenzel et ses patins à moteur
Parmi les brevets trouvés dans les archives Américaines, on peut dire que le modèle de William B. Wenzel se rapproche de celui d’Antonio Pirrello, quelques décennies auparavant. L’essieu avant d’un des patins est entraîné par un bras et le moteur est placé sur le dos du patineur. Une paire de poignées s’étendant vers l’avant au niveau des hanches de l’utilisateur, comprend une commande d’accélérateur et une poignée de démarrage à corde montées sur ces poignées.
2007 : les Skorpions customisés
Les iShoes sont des patins à essieux Skorpions qui ont été équipés d’un moteur qui les propulse à 30 km/h. Voir l’article et la vidéo ici.
2010 : le moteur de tronçonneuse monté sur roulettes
En 2010, Un inventeur s’est amusé à faire des patins avec un moteur de tronçonneuse pouvant monter jusqu’à 60 km/h. vous pouvez voir la vidéo ici.
La même année, un autre patineur juché sur des Coyotes a choisi un guidon motorisé pour se propulser à toute allure. Voir la vidéo ici. Le Fly Rad est dans le même esprit.
2011 : SpnKIX – le roller à moteur électrique
Le concept est un peu plus écolo mais reste toutefois assez encombrant. On doit cette invention à l’américain Peter Treadway. Ces patins pourraient atteindre les 10 miles à l’heure (16 km/h) avec une autonomie de (seulement) 4 km. Nous vous les avions présentés ici.
2011-2019 : du roller Quidditch ?
Le roller Quidditch a sans doute vu le jour en 2011. Mais c’est en 2019 qu’il a sans doute fait le plus grand bruit avec le balai électrique conçu par Toyota. La marque Japonaise l’a présenté lors d’un salon automobile.
2013 : des rollers avec un moteur à réaction
Certains pourraient croire à de la science-fiction, mais non ! Un patineur a équipé sa paire de rollers de mini-réacteurs comme il s’en trouve sur les avions d’aéromodélisme. Autant dire qu’il faut avoir une chaussure avec un excellent maintien et des roues suffisamment qualitatives pour supporter la vitesse !
2016 : des rollers électriques à chenilles !
Encore une invention que nous n’avions pas vu venir : des rollers électriques équipés de chenilles, comme les chars d’assaut ! Force est de constater que le système fonctionne plutôt bien et permet même la pratique du roller tout-terrain.
2020 : un souffleur à feuilles comme moteur pour vos rollers ?
Les enfants ont l’imagination fertile quand il s’agit d’être efficace et rapide sans se fatiguer ! Ce jeune hockeyeur utilise un souffleur à feuilles pour se propulser en roller. Et vu le ratio poids/puissance, il prend facilement de la vitesse ! Vous le croiserez peut-être si vous passez par Holbrook, dans l’état de New-York.
2022 : Les rollers électriques Atmosgear
En 2022, la marque française Atmosgear, fondée par Mohamed Soliman, a dévoilé un modèle de roller électrique où le moteur se fond directement dans la roue centrale. Un gain de poids et d’encombrement notable par rapport à ses prédecesseurs !
Et après ? Quel avenir pour le roller à moteur ?
On voit que l’imagination des inventeurs est fertile ; elle nous réserve sans doute encore bien des surprises. À quand le patin à moteur atomique ?
Pour aller plus loin
Un article détaillé sur Pirrello (en anglais)
Texte : Sam Nieswizski et Alexandre Chartier – photos : droits réservés
Loubris
12 février 2023 at 18 h 56 min