Podcast : Hakim Naït Chalal tutoie les hauteurs
Dans ce podcast, l'équipe de rollerenligne.com s'entretient avec Hakim Naït Chalal, recordman du monde de high-jump et ancien champion de saut en hauteur pure en roller quad...
Par alfathor

Avec Walid Nouh, nous retrouvons aujourd’hui, Hakim Naït Chalal. Son palmarès s’avère des plus éloquents : recordman et ancien champion du monde de high jump, champion du monde de hauteur pure, inscrit au Guinness des records. A la fin des années 1990 et au début des années 2000, Hakim a poussé la barre toujours plus haut à une période où le roller s’offrait régulièrement le devant de la scène dans quelques émissions de divertissement à la télévision…
Bonjour Hakim Naït Chalal, nous commençons par notre traditionnelle question : peux-tu te présenter s’il te plaît ?
Hakim Naït Chalal, j’ai 44 ans aujourd’hui. J’ai commencé le roller, j’avais 10 ans. Cela a été un vrai coup de coeur et une vraie passion. Je l’ai découvert avec les copains du collège. Par la suite, j’ai fréquenté le Trocadéro. Dans le roller, j’ai rencontré ami nommé Xavier Semont qui était dans le même quartier que moi. Nous avons fait des compétitions, au début, ce n’était pas mon truc. J’ai finalement arrêté en 2012 et j’ai débuté ma nouvelle vie personnelle.

D’où tu viens et comment as-tu commencé le roller ?
J’étais en sixième, avec trois potes à moi. Nous habitions Vanves, porte de Brancion. Je me souviens que nous avions commencé par le skateboard. Les ollies et le skate dans le chevilles, cela nous a vite saoulés. Nous avions déjà un pote qui faisait du roller et un endroit où aucune voiture ne passait, à côté de la sécurité sociale. Alors nous y faisions des chats. Puis, par la suite, nous avons profité du parc des expositions de la porte de Versailles parce qu’à cette période il n’y avait aucun vigile et tous les entrepôts géants étaient accessibles en hiver.
J’ai rencontré Xavier et Nicolas. Ensuite, nous avons découvert le Trocadéro, en 1990.

Hakim Naït Chalal, avec quel matériel roules-tu à cette période ?
Un peu avec le tout venant ! J’avais des patins Carrefour avec des platines en ferraille. J’ai tanné mes parents pour me payer une paire de roller chez Décathlon Aquaboulevard. Des Fiberlite. Je me souviens que ma mère avait payé 650 francs à l’époque. j’étais tout fou !
Où rouliez-vous à ce moment-là ?
Nous roulions dehors à Vanves dans des endroits où il n’y avait pas trop de voiture et nous pouvions faire du roller sans être trop dérangés. Je me souviens d’une grande descente près du marché. Elle avait l’avantage de se finir par une grand remontée qui nous permettait de ralentir. Nous y allions à fond la caisse.
Comment en es-tu venu au saut Hakim Naït Chalal ?
Cela a pris pas mal de temps. Je faisais du saut de marches. Après nous allions à Balard le weekend. Il y avait encore la grande rampe. Nous avons rencontré des amis de Xavier qui allaient au Trocadéro. Un jour nous les avons suivis et cela a été magique, une lumière de fou ! Je roulais toujours chez moi, mais tous les weekends, il fallait que j’aille au Trocadéro. Voir tous ces gens qui sautaient en tremplin par dessus les voitures, qui faisaient du slalom dans les descentes. Tout le monde se connaissait et cohabitait : les sauteurs, les danseurs, les slalomeurs, les vendeurs de Tour Eiffel, les vendeurs de canettes. C’était le bazar, une grande tambouille, une grande famille et quand il y avait des histoires, tout le monde était solidaire. J’étais jeune encore, je devais avoir treize ou quatorze ans. C’était une grande famille.
Qui étaient les grands à cette période ?
C’était Ohm, Taïg Khris, JP, Phil Dussol, les deux David qui faisaient du saut et du slalom, Kalou, Tarik, Gustavo Angel, Zola, Franck, il y en avait plein !
Comment as-tu appris le saut Hakim Naït Chalal ?
Un jour ils ont mis le tremplin à disposition, c’était open. Alors j’y suis allé et je me suis fracassé le dos comme jamais. Pour moi l’apprentissage du saut en tremplin a bien pris deux ans. Je me suis entraîné comme un dingue juste pour appréhender ce tremplin.

A cette époque, Hakim Naït Chalal, il y avait déjà le team 340 ?
Cela sortait à peine. Eric Forestier était déjà là. Mais il fallait aller chercher le tremplin sous la Tour Eiffel, à quatre ou cinq patineurs. Par la suite, cela a explosé et les riders ont commencé à faire des émissions comme 40°C à l’ombre. Il y avait vraiment un microcosme avec tous ces gens-là. Puis les gens de la Défense et de Notre-Dame sont arrivés. Cela faisait trois pôles à travers Paris. Tout le monde se connaissait, cela faisait un petit univers.
A la Défense, Michel Fise et Christian Debackère sont arrivés. Christian faisait un film sur le roller à la Défense, il est d’ailleurs tombé amoureux du roller à l’époque. Au moment où je suis arrivé moi, c’était moins structurée.
Nous faisons partie de cette époque où le roller était plus un mode de vie qu’un sport. J’ai souvenir de vous avoir vu traverser le rond point de l’Etoile tous les weekends.
Oui, c’était même pire que ça. Tous les soirs nous faisions des randos caisse après l’école pendant deux heures dans Paris. Et même le weekend, la rando caisse, c’est du roller catch, on s’accrochait derrière les voitures. A cette époque-là, c’était en quad et il n’y avait pas de loi sur le roller, la police était au taquet. Dans le weekend, on devait se faire courser par la police une dizaine de fois. Je me souviens de poursuites sur Rivoli.
» Ce que j’aimais bien, c’était cette liberté que nous avions. C’était vraiment un échappatoire, cela ne se passait pas bien à l’école. Je pense que le roller m’a sauvé la vie. La famille roller et la rue m’ont cadré. »
Hakim Naït Chalal
Je pense à Florian Petitcollin qui s’entraîne dur et qui fait des records de malade. Il a des moyens que nous n’avions vraiment pas à l’époque. Nous faisions ça dans la rue.
Tu es au Trocadéro, tu progresses et tu t’en sors plutôt bien…
Il a fallu que je m’entraine quand même. Au départ, avec un peu d’entraînement, je passais 2,20 m à 2,30 m. Mais c’est vraiment dans la pente du Trocadéro que j’ai tout appris. J’avais surtout des rollers super lourds. J’avais des rollers ACS500, je roulais « large » [NDLR avec des trucks larges] et un jour j’ai découvert les fameuses platines Lazer de HawaiiSurf. Je les avais achetées à un pote. En slide, les ACS500 glissaient tout seul, mais ce n’était pas vraiment pareil avec les Lazer ! Il a fallu un temps d’adaptation [Ecoutez le podcast à 15 minutes pour une anecdote amusante]. Il faut savoir bien appuyer et freiner avec des Lazer.
Plus tard, on m’a dit d’aller à Ivry, au shop Hawaii Surf pour trouver mon matériel. Je ne connaissais que le magasin d’Aquaboulevard. Plus tard, j’ai rencontré Xzu [NDLR : Xzu, c’est « Jésus », un rider emblématique de la scène parisienne des années 80/90]. Grâce à lui, j’ai pu avoir du matériel neuf à moindre prix. Il roulait alors beaucoup à Montparnasse. Quelqu’un de respectueux et très gentil.

Hakim Naït Chalal, quel est le souvenir de ton premier passage chez Hawaii Surf ?
J’avais des trucks cassés, je n’étais pas tombé sur Eric Gros, mais sur Jean-Claude Lancien. Il m’a demandé de faire demi-tour et de rentrer chez moi. Je leur ai demandé si le matos Lazer était vraiment garanti à vie. Je les ai tellement tannés en revenir cinq ou six fois qu’à la fin ils en ont eu marre de me voir et m’ont redonnés de nouveaux trucks. Par la suite, nous avons sympathisés et nous sommes devenus copains.
Pas d’effet Wahou ?
Non, parce que je connaissais déjà Hawaii Boulevard ou encore la maison du patin qui étaient de gros magasins. Je savais qu’en allant chez HawaiiSurf, il y aurait du matériel. Mais je n’avais pas encore eu à faire à Eric Gros, à son père ou à sa mère qui étaient encore au magasin. Je savais que j’allais me faire envoyer bouler (rires !).
Hakim Naït Chalal, tu commences à sauter vraiment beaucoup au Trocadéro, et pas sur des tremplins de 55 cm…
Non, c’était déjà de grands tremplins de 70 cm qui se pliaient en deux. Phil Dussol débarquait et faisait d’énormes saut à 3,20 m ou 3,30 m de haut. Il sautait plusieurs voitures. Ce mec passait dans « Coucou, c’est nous ». Je voulais faire comme lui. Son pseudo était Tony Boy, il a notamment réalisé le court métrage « Argent Content » avec Kalou (Pascal Dupoy) qui double Anne Charrier.
C’était super impressionnant. Il sautait des hélicopètes, des avions, des rangées de voitures. Il était vraiment monstrueux, avec une technique de dingue. Et c’était un mec très gentil qui faisait partie du coeur du Trocadéro.
A quel moment débutes-tu la compétition et les records ?
Je m’étais inscrit au « 340 » [NDLR : Le club du Trocadéro], et j’étais parti à la Coupe de France de Saint-Jean-de-Liversay en 1996. J’y ai trouvé des gens ultra-rigides, super sérieux, alors que moi je venais pour la déconne, pour faire du roller comme tous les jours au Trocadéro.
Nous arrivons là-dedans et nous avons voulu nous imposer pour faire du high-jump, Christian Debackère nous a rembarrés. C’était un peu du n’importe quoi pour nous. J’ai fini dernier sur tous les podiums, je ne connaissais pas le saut figure. En plus, nos tremplins étaient beaucoup plus longs que les leurs. Le high-jump n’existait pas pour eux, ils ne voulaient pas en entendre parler. Ils nous demanadaient de mettre des protections, ce n’était pas notre façon de faire dans la rue.

Comment s’est passé le championnat de France suivant ?
L’année suivante, en 1997, je change de club. Je m’inscris alors à la Défense et nous partons au championnat de France à la Rochelle avec Sylvain, Rahan, Roy Collet, Audrey… L’ambiance est bonne. Et là, bizarrement, l’ambiance change et le high-jump fait son apparition. Pour l’anecdote, Sylvain s’y ait fait planter par une famille qui avait décidé de venir en découdre avec des arabes. Un coup de couteau sur le port des Minimes à la Rochelle !
Et au plan sportif ?
La compétition se passe et je termine troisième du high-jump. Je ne faisais jamais de sauts corrects sur le tremplin de 55 cm, je n’avais pas l’habitude. Pourtant, je saute 2,40 m alors que ça se gagne à 2,45 m. D’autre part, je découvre les autres riders, notamment les gens de Reims.
Autre anecdote : le DTN nous donne des médailles de patin à glace sur le podium. Il se fait conspuer par les riders !
» En plus, avec les histoires de coups de couteaux, nous sommes passés pour des racailles alors que les gens ne nous connaissaient pas ! Nous sommes passés pour des méchants alors que nous n’emmerdions personne. J’ai trouvé ça fort. »
Hakim Naït Chalal
Quelle était votre place en tant que roller acrobatique au sein de la FFRS ?
Nous étions alors rattachés au roller course au sein de la fédération. Le président du CNC était alors Daniel Boivin. C’était un monsieur adorable qui trouvait ça super. Mais les gens ne voulaient pas de nous, ce n’était pas l’image qu’ils voulaient donner du roller. En tous cas, je l’ai vécu comme ça.
A l’époque, j’étais déjà pote avec Stéphane Zuber. Certains de mes potes étaient déjà dans la mouvance fédérale. Je rencontre Jérôme Thomassin, Agnès, Pierre et d’autres.
Comment s’est passée l’édition suivante ?
Plus tard, je prépare le Championnat de France 1998 à Cabourg. Je change encore de club et je rentre chez Extrême Indépendant, un club géré par Pierre et Agnès. Par ailleurs, je me cadre. Alors, je rencontre Christian Debackère et je m’entraîne avec le collectif de l’équipe de France. Le championnat se déroule les 8 et 9 août 1998 avec du water-jump dans une grosse ambiance devant le casino. C’était vraiment le show, j’adorais ça. Cela me rappelais les énormes démos que nous faisions à Notre-Dame. Cette ambiance s’est un peu perdue, alors qu’il y avait des gens adorables et impressionnants. Je trouve ça un peu dommage.

Oui, c’est vrai qu’il y avait une bonne ambiance et que les classes sociaux étaient gommées…
Oui, tout à fait. Je rencontrais des gens au Trocadéro qui habitaient dans les alentours. J’ai souvenir d’une femme qui habitait presque sous la Tour Eiffel et qui m’avait invité à la maison. Fallait avoir confiance ! Imagine la tronche de la gardienne de l’immeuble qui voit arriver cinq noir et dix arabes. Il y avait quand même cette connotation qui était bien présente.
» Il y avait une vraie mixité sociale et tout le monde s’entendait sur le spot. J’adorais cette époque et ce melting pot. Ceux qui sont arrivés après, dans les années 2000, n’ont pas connus ça. Les gens de l’époque étaient mes grands frères. Les anciens nous emmenaient, nous protégeaient et nous mettaient des tartes quand on faisait des conneries. On les respectait. Des fois, j’ai des regrets de cette période extraordinaire qui m’a fait grandir et évoluer dans la vie. «
Hakim Naït Chalal
D’où vient votre explosivité en roller quad, à toi Hakim Naït Chalal et aux autres sauteurs ?
Au Trocadéro, l’espace est très réduit pour arriver à fond la caisse sur le tremplin, donc il fallait de la puissance. Et puis en plus nous roulions tout le temps, tous les jours. Sans compter les Lazer courtes montées en avant qui permettent d’être très dynamique dès le départ. Je ne comprenais pas comment faisaient les gens pour monter leurs platines en arrière, j’aurai eu trop peur de me tuer en faisant la même chose.
Tu as fait du style jump, mais ce n’était pas ta discipline de prédilection. Dans quel état d’esprit tu étais à l’époque ?
Je gravite autour de l’équipe de France, ils font du style jump. J’essaie donc de faire des 360° et d’autres figures. Je me rends compte que ce n’est vraiment pas mon truc. Malgré tout, j’essaie de m’adapter.
« Je ne suis pas souple pour un sous, mais je parviens à faire du high-jump avec des zoulous de fou. C’est une souplesse élastique. Il ne faut pas me demander de faire un grand écart ou de toucher mes pieds. »
Hakim Naït Chalal
Concernant le high-jump, il y a le Championnat de France à Cabourg en 1998. J’y obtiens le titre et là je suis piqué. Pourtant, j’aurai pu arrêter à certains moments, parce que les compétitions au milieu de nulle part, ce n’était pas drôle. Ce qui m’excitait avant tout, c’était d’avoir du monde, des spectateurs, de l’ambiance. Quand tu n’as que les spectateurs du roller au milieu de la pampa, c’est sympa, mais sans plus.
Je gravitais autour d’Extreme Indépendant et de la Défense. Je faisais du roller avec des gens plus vieux que moi, qui se sont arrêtés de faire du roller pour travailler. Puis, ensuite, il y a eu une transition avec des gens plus jeune que moi ou de mon âge qui étaient plus axés sur la compétition.

Comment arrives-tu en équipe de France ?
Je me retrouve donc en équipe de France en 1998, après mon titre. Nous partons faire le France Tour de Loire, une démonstration à Pampelune lors des Championnats du Monde de roller de vitesse 1998. J’y suis avec Christian, Latif, Rachid, Stéphane, Jérôme Thomassin et des gens de l’AS Team Reims. C’est plutôt agréable et je rentre dans le moule.
Quelle hauteur rentres-tu sur un tremplin de 55 cm à ce moment-là ?
Je saute à 2,50 m. Ils passent tous 2,45 m derrière moi. C’était vraiment au mental. C’est ce qui me motivait, je voyais les gens, j’avais cette capacité à mettre les gens dans le doute. Je leur mettais la pression.
En 1999, je continue avec le championnat de France à Marans. Pas marrant du tout d’ailleurs, il faisait vraiment mauvais temps. Je rapatrie des gens du Trocadéro dans le mouv’ de la compétition. Je me retrouve champion de France à nouveau. Nous faisons du high jump dans le gymnase et c’était la première et la dernière fois. Je garde quand même l’esprit Trocadéro à côté. J’y ai mes habitudes, mes amis, mes délires.
[Walid] En 2001, je monte rollerfr.net, une grosse motivation pour tout le monde. Toi, Hakim Naït Chalal, faisais aussi un peu partie de l’aventure avec Xavier Semont, Jeff, etc…
Oui, cela s’arrête un peu à la Défense à cette période. De nouvelles personnes arrivent de province, notamment de Bordeaux. On découvre aussi des gens à Nice, de Grenoble, Besançon à Toulouse. Les forums se développent. En 2000 et 2001, je prends à nouveau le titre de champion de France. Alors, je découvre de nouvelles personnes qui poppent de partout grâce à Internet.
Au départ c’est un peu tendu pour les parisiens et au final ça se passe bien. J’ai tapé des délires extraordinaires avec Kami à Bordeaux et j’y ai découvert la vie différemment. Par ailleurs, j’ai découvert des gars comme Vincent Vu Van Kha. Je me souviens notamment qu’il se pointait sur les compétitions avec ses protections orange Tecnica et ses Twister. Pour moi, ce n’était pas ça le roller !
« C’est là où tu te rends compte que les patineurs des années 1990 n’avaient pas de cadre et qu’à partir des années 2000, ils rencontrent des gens plus cadrés, venus des clubs et qui pratiquent dans des endroits fermés. »
Hakim Naït Chalal

Qu’en est-il du slalom ?
Le slalom prend de l’ampleur avec Sébastien Laffargue à travers le monde. Les anciens n’adhéraient pas du tout à sa façon de faire. Pourtant, lui, en Suisse, en Italie, en Asie, tout le monde le connaissait. c’était le dieu du slalom sur terre ! Moi je ne m’y retrouvais pas. Pour moi, le slalom, c’est à fond dans une descente avec des plots espacés d’un mètre cinquante. Je ne me voyais pas tourner autour des plots, cela faisait trop roller artistique ! Beaucoup de gens avaient du mal.
Avec le recul, il a amené une dimension de dingue au roller. C’est un vrai passionné qui se bat au quotidien. Le roller, c’est toute sa vie. Il a notamment fait sortir des gars comme Igor Cheremetieff.
Une année, je suis allé me qualifier à Besançon, sinon je n’aurai pas pu faire le Championnat de France. Je suis passé pour un extra-terrestre. Les gens n’osaient pas s’inscrire pour ne pas tomber contre moi. Puis, en 2003, je suis allé à Saint-Médard-en-Jalles.
Le high-jump n’a finalement pas trop pris à l’étranger…
Non, c’est particulier. D’autant que certains utilisaient des tremplins inclinés et d’autres des courbes. Je suis parti à l’étranger avec l’IFSA. Certains organisateurs avaient des tremplins minuscules, notamment à Monza qui avait un tout petit tremplin courbe de 45 cm.
Déjà, là-bas, on avait pas moyen de faire du tremplin dans la rue. Je suis arrivé avec mes quads, les mecs en roller en ligne m’ont regardé avec des yeux de merlans frits. En fait, je gagne la compétition en passant 2,50 m. Je ne sais pas comment j’ai fait avec un tremplin comme ça. Les mecs m’ont adulé, j’étais venu pour m’amuser, c’était assez rigolo.
En parallèle de tout cela, il y a la mouvance freeskate qui explose. Je me rappelle de la vidéo « le corbeau magique » où tu sautes dans le métro. Peux-tu nous parler de cette période ?
Oui, c’est déjà un peu la fin de la Défense et du Trocadéro. De nouveaux spots sont mis en avant comme Palais Royal et Invalides. Je commence le roller en ligne. Salomon est dans la place et fait beaucoup de communication. Stéphane Zuber, Sébastien Gasnier, Jéroim ou encore Yannick Clatot sont à fond dans le truc. De nombreux riders viennent du street et se mettent eu freeride.
Les sites internet du réseau Hyb’Ride explosent. Nous avons alors les moyens d’acheter des caméras avec de grands angles pour filmer. J’ai des milliards de cassettes à la maison ! Grosse émulation. Les gens de Grenoble font aussi leur site et leurs vidéos. Cela redonne un coup de boost au roller qui se casse la gueule un peu plus tard. Les anciens commencent à partir mais une nouvelle génération arrive malgré le coup de mou entre 2002 et 2003.
Est-ce que tu as eu des sponsors à un moment Hakim Naït Chalal ?
J’ai eu Fila avec la maison mère. Un gars de chez eux faisait du roller. J’allais directement au magasin de l’Opéra avec mon style tout déglingo, je débarquais, les gens se demandaient qui était ce gugusse de la proche banlieue et qui venait choisir du matériel gratos.
Puis, il y a aussi eu la marque Dia, mais aussi Roller Station. A la fin, j’ai été sponsorisé par Hawaii Surf, avec qui j’ai travaillé sur la platine Millenium et sur quelques modèles de roues. Je les remercie vraiment parce qu’ils ont toujours été là, en particulier Eric Gros qui a toujours été à notre écoute. Quand il a mis la clé sous la porte pour faire autre chose, cela m’a mis un pincement au coeur. J’y suis allé avant que ça ferme.
Les quads et le style : quand on allait faire des randos en ville, nous nous arrêtions à quasiment toutes les boutiques de chaussures pour voir les modèles.
Oui, le quad, c’est beau gosse ! Tu ne vas pas faire du quad avec une paire de chaussure qui n’ait pas de la gueule et du style. Avec Xavier, nous commandions nos paires sur Footlocker US parce qu’il n’y avait pas frais de douane, à 20 ou 30 $, qui n’existaient pas en France. C’était extraordinaire. Nous chinions des paires rares et qui étaient le top à l’époque. Avec une basket rigide et dure, ainsi qu’une semelle plate.
Je me souviens qu’avec Xavier, nous étions allés chez Adidas, rue de Rivoli et il regardait une paire haut de gamme à 150 €. Le vendeur lui demande : » Alors, vous faites du basket ? Vous allez faire quoi avec la haut de gamme d’Adidas ? « et Xavier lui répond : » Bein je vais lui faire 10 trous à la perceuse et je vais mettre des rollers dessus « . Alors, le gars dit : « Non, mais vous êtes malades de percer des chaussures à ce prix ! « . Et quinze jours après, Xavier revenait lui montrer le montage.

On perçait de la Jordan, de la Pump. Nous passions plus de temps sur nos patins qu’à pieds. Nous avions besoin de matos confortable. Et en plus, nous reconnaissions les gens à leur style et à leur paire de roller.
En parallèle, tu continues la compétition et tu bats le record du monde…
En fait, ce record du monde, c’est bien avant, dans l’Emission des Records en 1999. Le producteur voulait un truc un peu décalé. Le record officieux de l’époque était détenu par Alex, dit « Robocop » et il était de 2,71 m. Je me retrouve dans cette émission et je n’avais jamais passé ça de ma vie, surtout avec un tremplin de 55 cm. Finalement, je passe cette barre avec un tremplin officiel de la fédération. Je me retrouve dans le Guinness Book des records. D’ailleurs, jee suis même tombé dessus dans une maison de location pendant mes vacances, c’était assez drôle. En 2001, je passe une barre à 2,73 m.
Lors de Rennes sur Roulettes 2004, à l’époque des Blader Cross, alors que Salomon en faisait en France et que ça explosait, je participe à la Coupe de France de roller acrobatique. Je faisais un peu de roller en ligne, mais les gens pensaient que j’étais mauvais. Je termine second derrière Loïc Charlier et devant Luc Bourdin. Grosse ambiance, gros délire.
J’enchaîne avec la compétition de high-jump où je retrouve des parisiens du Trocadéro comme Paul, qui sautait bien haut. Nous montons à 2,70 m. Gros niveau ! Je passe 2,75 m et j’établis un nouveau record du monde. Cela a été validé, même si des gens ont dit que la barre était un peu pliée. Cela a été mon dernier record en high jump officiellement noté dans les annales de la fédration en 2004.

En parallèle, je faisais aussi du street à Roller Parc Avenue. Nous avons essayé un peu toutes les disciplines, notamment le freeride, puis le roller hockey.
Ensuite, avec Xavier, vous avez commencé à faire de la vitesse…
Oui, nous avions envie de voir autre chose. Nous étions tout le temps au taquet en randonnée en quad. Je continuais mes compétitions. Xavier s’est mis à la vitesse, je l’ai suivi mais en quad. Il a fait quelques compétitions à la Ferthé-Bernard où il a vraiment souffert.
Un jour, nous avons donc décidé de faire les 24 heures du Mans roller en quad. Nous avons constituté deux équipes avec Emilien, Olivier du Mans, Fabien et plein d’autres. Cela a été un moment extraordinaire et convivial.
Je me souviens d’avoir fait le départ arrêté en quad et d’avoir pris la troisième ou la quatrième place au milieu des gros teams comme Salomon ! Ils voient débarquer une petite nénettes avec ses roller quads qui débarque, nous avions vraiment dénoté et c’était très drôle.
Quel matériel utilisiez-vous ?
C’était des chaussures de football montées avec de grosses roues de 80 mm.
Je me souviens que tu as aussi fait les 24 heures du Mans roller en solo et qu’après 22 heures de course, tu continuais de rouler aussi vite que nous qui nous relayons à dix patineurs…
Cela devait être en 2007. Xavier l’avait fait en duo l’année d’avant. Il m’a défié de faire les 24 heures du mans roller solo et en quad. Je ne me suis jamais autant entraîné de toute ma vie ! J’y allais 4 fois par semaine. J’ai fait 86 tours. En effet, j’ai eu un craquage à 10 heures du matin après une super nuit. J’ai eu un gros bug pendant deux heures. Je suis bien allé jusqu’au bout. Je m’arrêtais toutes les 1h45 pendant 15 minutes. J’étais vraiment dans ma bulle et j’ai souvenir de ma soeur qui m’avait filmée depuis les tribunes et j’avais l’impression de voir un zombie en train de patiner. Pour le fun, j’ai fait les 200 derniers mètres en sprint. Un mois après, j’ai fait une grosse redescente violente.
Que deviens-tu aujourd’hui ?
Je suis marié, j’ai deux enfants, dont le dernier de deux ans et demi. Je travaille toujours dans le réseau informatique pour la SNCF où je gère une équipe de 20 personnes.
Est-ce qu’il t’arrive de rechausser ?
Cela fait un bail que je n’ai pas rechaussé, je fais surtout beaucoup de vélo. Depuis le Mans solo, le vélo de course m’a piqué. Difficile de faire du roller aujourd’hui au milieu des betteraves ! J’aimerais rerouler, mais avec des potes à l’ancienne. En plus, j’ai eu un gros carton et j’ai dû me faire opérer des genoux, j’avais peur que cela ne tienne pas en patins. Mais je sais que ça tient, récemment j’ai fait le con en magasin à Décathlon avec mon fils (rires).
C’est impossible d’expliquer l’émulation de ces années et la chance qu’on a eu de les vivre…
Oui, nous avons eu cette chance-là. Aujourd’hui, les gens nous regardent avec de gros yeux, comme des dinosaures. Nous pouvons encore chausser et faire des choses assez rigolotes je pense. Nous sommes en mesure de faire des choses impressionnantes. Je vois ça de loin désormais. Je trouve les records d’aujourd’hui assez extraordinaires. Il y a de nouveaux délires que je ne connais pas et c’est un autre mode, trop cadré pour moi. Moi, mon gymnase, c’était Paris !
Oui, les gens n’imaginent pas tout ce qu’il y avait avant eux…
La France a toujours été une population à part dans l’esprit quad. Hawaii Surf a fait avancer le quad de la rue, pas le quad artistique dans l’esprit Roll’Line. Cette dimension du roller de la rue a pu se faire grâce à des gens comme Eric Gros. J’ai souvenir des espagnols qui bricolaient avec des trucks de skate. Tous les anciens vous parleront de Hawaii Surf.
Un mot pour conclure ? Tribune libre…
Merci à vous, merci de faire vivre nos souvenirs et de faire ce que vous faîtes. Vous êtes de vrais passionnés les gars…
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Photos : Llogan, Killian – intervieweurs : Walid Nouh et Alexandre Chartier
Locus
5 février 2023 at 11 h 39 minFranck Andersen
2 février 2023 at 17 h 15 min