Le patinage à roulettes candidat aux Jeux Olympiques
La quête olympique n'est pas nouvelle pour le patinage à roulettes. Pour preuve, cet article publié dans la Dépêche de Brest le 21 juin 1939...
Par alfathor

Le 21 juin 1939, la Dépêche de Brest narre la tentative du patinage à roulettes pour rentrer aux programme des Jeux Olympiques
La Dépêche de Brest : journal politique et maritime, nous apprend que le patinage à roulettes était déjà en quête d’une reconnaissance olympique à la veille de la seconde Guerre Mondiale. Nous vous restituons l’article originel à peine modifié…
Avec le sourire sur des roulettes
Pascal a résolu le problème de la roulette. Mais ce n’était rien à côté du problème des deux paires de roulettes, qui est actuellement soumis aux délibérations et cogitations du Comité international olympique. Tout donne à penser que la solution de ce nouveau problème ne va pas sur des roulettes.
En bref, le patin à roulettes réclame sa consécration officielle comme sport olympique. Il demande qu’il y ait désormais uue épreuve de patinage à roulettes au nombre des épreuves, à chaque Olympiade, plus nombreuses et plus variées, qui meublent le programme des Jeux, ressuscités par Pierre de Coubertin. Sans doute n’est-il pas renouvelé des Grecs, comme le Jeu de l’Oie, mais combien d’autres sports ont été intégrés aux Jeux olympiques, et dont les origines sont pourtant toutes fraîches. Les Grecs jouaient-ils à ce jeu qui a fait le tour du monde et que Kipling traitait avec tact et désinvolture, lorsqu’il parlait irrévérencieusement de ces « nigauds crottés, gardant les bois du football » Pourtant le ballon rond a conquis de haute lutte les Jeux olympiques.
Le patinage à roulettes à l’image du patinage sur glace
Le patinage à roulettes sollicite les mêmes droits. Déjà son aîné, le patinage à glace, jouit de ces mêmes prérogatives. Il triomphe aux Jeux olympiques d’hiver ; il a peut-être moins de vogue que le ski. Mais ce n’est qu’une affaire de mode. Il n’est pas moins sportif, il est plus gracieux et plus spectaculaire. Quand on a vu patiner Sonia Henje, la championne Scandinave, ou tel couple français bien connu, qui n’a jamais perdu le record de l’élégance, on reste conquis pour toujours.
Le patin à roulettes n’est pas indigne de son aîné, le patin à la lame tranchante. A son sujet aussi, on peut parler de cette poésie du mouvement qui s’exprime dans les évolutions du patineur. Pour ne pas laisser de trace sur le parquet du skating, les arabesques qu’il décrit, ne sont ni moins complexes, ni moins gracieuses. Il construit à chaque instant une beauté mouvante, suivant le rythme même de la vie. Il est vrai que le pied, chaussé du patin à roulettes, n’a pas la finesses conquérante, ni l’éclat fulgurant de celui qu’arme le couteau d’acier; en revanche, il ne craint pas l’entorse. Il peut donner les mêmes vitesses; il pivote sur lui-même avec autant de facilité; il s’arrête, il repart ; il s’incline sur la tranche, pour faire un dehors, se redresse, se penche sur l’autre tranche pour décrire un dedans et boucler le huit. L’homme se ploie, s’assied sur ses jarrets, roule ramassé sur lui-même, puis tout à coup se détend, reprend de la hauteur ; il bondit, quitte le sol, il franchit l’obstacle qu’on lui a opposé ; il a des ailes au pied comme Mercure. Il retrouve enfin le sol où sa course s’achève apaisée.
Si les Grecs avaient connu le patin à roulettes, ils lui auraient ouvert le stade et l’auraient placé parmi les épreuves olympiques.
Pierre de Coubertin, dubitatif quant au patinage à roulettes
A défaut des Grecs, J’ai consulté l’héritier de leurs traditions et le continuateur de leur Inspiration, le baron de Coubertin. J’avoue que mon vieil ami ne s’est guère montré partisan de ce sport populaire. Dans sa Pédagogie sportive, il n’en parle qu’incidemment, au bas d’une page, dans une simple note.
C’est pour dire que :
À différentes reprises on a pratiqué le patinage à roulettes dont la vogue fut toujours assez passagère et qui a contre lui le tapage agaçant qu’il produit. Quant au patin bicyclette qui permettait de courir sur les routes à belle allure, le pied pris entre deux petites roues à caoutchoucs creux, il n’a jamais réussi à s’imposer bien qu’il fût aussi pratique que sportif.
Pierre de Coubertin, (1922), Pédagogie sportive, Les Éditions G. Crès et Cie, (p. 7-154).

Comme si, dans la vie moderne, nous en étions à un tapage de plus ou de moins ? Quel est le sport contemporain qui puisse se dire exempt de raffut, ne serait-ce que de la part du public ? Les 24 heures du Mans sont-elles donc silencieuses ? Le bruit c’est la vie. c’est la chaleur, c’est l’animation, c’est la joie. Le sport que l’on n’entend pas est un sport d’ombres et de fantômes.
La mode du patinage : un éternel renouveau
La vogue du patin à roulettes ? Elle a sans doute ses périodes de rémission : ce n’est pas toujours la fièvre du patinage. Il lui manque de se reposer pendant les chaleurs de l’été, comme ses frères, le patin à glace et le ski, pour retrouver l’attrait de la nouveauté avec les premiers froids et les premières neiges. Mais il y a plus de soixante ans qu’il est vivant et bien vivant. Le gosse se lance dessus, des qu’il a quelque assurance sur ses petites jambes.
L’auto a bien pu le chasser des chaussées, finement goudronnées pour elle, et qui sont cependant bien tentantes pour lui.
Le patinage à roulettes : un sport roi ?
Mais il lui reste les terre-pleins asphaltés des terrasses et de quelques places ; il lui reste le parquet de tous les skatings. Mieux encore, il a les planchers de l’appartement familial, après les avoir désencombrés de leurs inutilités et de leurs fatras. Les greniers, débarrassés par la défense passive de leurs vieilleries incendiaires, lui constituent un admirable royaume.
Le patin à roulettes est vraiment roi. Il faudra bien qu’on finisse par lui donner les Jeux olympiques, pour consacrer cette royauté, Tous ceux qui lui doivent quelques-unes des meilleures émotions sportives de leur enfance, sauront le plus grand gré au comité international de cette décision, que l’on attend de sa Justice.
Du même coup l’on pourra exaucer un vœu discret de M. de Coubertin lui-même. Il souhaitait que l’on accueillît et que l’on traitât comme un sport de l’avenir le patin-bicyclette, celui qui permet de courir sur les routes, le pied pris entre deux petites roues à caoutchouc creux; il le trouvait aussi pratique que sportif, bien qu’il n’ait pas réussi à s’imposer.
Pendant qu’on y est. J’en connais encore un autre qu’il me semble urgent et surtout très équitable d’inscrire au programme des Jeux olympiques, la trottinette. Ce ne sont pas les candidats champions qui feront défaut.
Le pompier de service
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Source : archives de Gallica