Jean Garcin, l’un des pionniers français de patinage à roulettes

Par | Publié le 24 décembre 2017 | Mis à jour le 16 mai 2023 | Catégories : Toutes | Sous-catégories : Histoire du roller | 5870
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Jean Garcin fut l’un des inventeurs français les plus célèbres du patins à roulettes. Patineur sur glace émérite, il a même écrit un ouvrage consacré à son art. Il était cependant plus un grand communicant qu’un véritable génie de la mécanique…

Dandy patineur à Paris

Biographie de Jean Garcin, patineur et dandy

A la fin du XVIIIe siècle, les hivers rigoureux permettent la pratique du patinage sur glace à Paris. Ainsi, les étangs de la Glacière et le bassin de la Villette sont régulièrement gelés. Les patineurs investissent alors les lieux pour goûter aux joies de la vitesse ou pour réaliser les figures les plus esthétiques. Parmi eux, un groupe d’esthètes du patinage : les gilets rouges dont fait partie Jean Garcin.

Ces virtuoses sont facilement reconnaissables. Ils arborent un costume spécial : un casque à visière surmonté d’un élément carré, un pantalon collant bleu relevé au-dessus de la chaussure, un gilet rouge vif à brandebourgs bordé de fourrure. En outre, le Chevalier de Saint-Georges est l’un des patineurs sur glace les plus réputés de l’époque. C’est un musicien et un sportif surdoué, connu dans le gotha parisien.

Le beau Narcisse extrait de l'ouvrage de Garcin
Le Beau Narcisse, figure illustrée par Jean Garcin

Jean Garcin : un patineur sur glace avant tout !

Le français Jean Garcin fut l’un de ces personnage. Il patina sur glace sous le Premier Empire et la Restauration. Les badauds le voyait alors arpenter le canal de l’Arsenal à Paris.

Il est décrit comme : 

« un fameux patineur, haut de taille, bien bâti, le gilet-rouge de l’époque ».

Malheureusement, il lui fallait attendre la saison d’hiver pour montrer ses talents. Mécanicien de métier, il inventa un nouveau modèle de patin à glace et les patins à roulettes qui firent sa réputation.

Un ouvrage de référence pour le patinage sur glace en France

En 1813, il écrivit le premier ouvrage français consacré au patinage sur glace : « Le vrai patineur ou principe sur l’art de patiner avec grâce« . Il habitait alors dans le Quartier Latin. Ensuite, il déménagea près du Bassin de la Villette pour être au plus près des lieux de pratique.

Le brevet d'invention déposé par Jean Garcin le 26 juillet 1828
Le brevet d’invention déposé par Jean Garcin le 26 juillet 1828

Dans son ouvrage, il faisait notamment l’éloge du patinage sur glace. En outre, bien plus qu’un ouvrage pédagogique, il y décrivait la façon d’être et de se comporter d’un patineur sur glace digne de ce nom. Il y explique aussi les principes de fixation des patins aux pieds, les postures que le patineur doit adopter dans chacun de ses gestes, les mauvaises habitudes qu’il doit éviter, un véritable traité de savoir-patiner pour gentilhomme !

1828 : la naissance du « Cingar »

En manque de pratique et de glace durant les beaux jours, il eut alors l’idée de créer des patins à roulettes avec lesquels il évoluait dans les salles parquetées ou dans les lieux dallés. Il les nomma donc « Cingar« , l’inversion des syllabes de son nom.

Le 26 juillet 1828, il déposa un brevet (n°2026) pour un « patin à éclisses« . Il y décrit des roues en bois  ou corne dont le moyeu peut être en métal.

Les caractéristiques mécaniques du Cingar, le patin de Jean Garcin

Il était équipé de 3 roues alignées, comme ceux de Charles-Louis Petibled. D’autre part, la roue centrale était positionnée plus bas que les roues aux extrémités pour reproduire la sensation du patinage sur glace. C’est donc le même principe que la banane et du rockering d’aujourd’hui ! Cette configuration permet ainsi de dessiner des courbes plus facilement, chose indispensable en patinage artistique.

De plus, le Cingar était équipé d’éclisses : des barres qui montaient le long des mollets et qui venaient s’attacher sous le genou à l’aide d’une courroie de cuir. En outre, elles permettaient d’améliorer le maintien du patin. De plus, au talon, Garcin avait prévu un frein constitué d’une tige métallique terminée par un noyau en bois.

Un bémol : son patin était essentiellement utilisable sur les surfaces dures et lisses, en intérieur ou sur les revêtements en pierre ou en dalles. Le brevet indique également que le Cingar se destinait au patinage sur une surface de liais (calcaire d’un grain très fin) ou de fonte.

Au regard de la signature apposée sous le brevet, Garcin habitait alors au « 1 rue du Chemin de ronde de la barrière des Vertus », à Paris. C’est une voie de l’ancien 8e arrondissement, incorporée en 1864 au boulevard de Ménilmontant.

Le guerre des brevets de Jean Garcin avec Charles-Louis Petibled

Le brevet de Garcin fut dénoncé quatre ans plus tard par Petibled dont le brevet de 1819 rendit caduque celui de Jean Garcin. Le 25 juin 1828, Garcin adressa une lettre au Ministre Secrétaire d’Etat du Commerce et des Manufactures pour défendre son invention. Il objecta alors que le patin de Petibled ne servait qu’à se déplacer, et ne permettait en aucun cas de réaliser des figures, comme le sien. Malgré la déchéance de son brevet le 8 février 1832, il continua de fabriquer ses propres patin jusqu’en 1839. Il continua également d’en faire la promotion.

Schéma extrait du brevet déposé par Garcin en 1828 - source : INPI)
Schéma extrait du brevet déposé par Garcin en 1828 – source : INPI)

Bien que son patin dispose d’un fameux système de rockering, il ne fut toutefois pas le premier à avoir cet idée. En effet, l’anglais Robert John Tyers avait déjà créé un patin à 5 roues en ligne de tailles différentes dès 1823, soit 5 ans avant Garcin. La revue britannique All the year round qualifia le patin de Garcin de « piracy of Tyers’ invention » : un plagiat de l’invention de Tyers.

Comparaison des patins de Tyers et Garcin
Comparaison des patins de Robert John Tyers et Jean Garcin – de troublantes similitudes

1828 : Garcin crée  » l’école de Cingar « 

Garcin enseigna aussi la pratique du roller dans sa propre école (Rollermania, Sam Nieswizski, 1991, p21). En 1828, il fit construire son « gymnase » ou « école du Cingar » (Nieswiszki, 1991) près du bassin de la Villette.

Il en fait la publicité dans l’Almanach du Commerce. Mais comme il n’existe pas de rubrique Patinoire (le mot n’est pas encore inventé), il figure paradoxalement sous la rubrique  » Professeurs d’escrime « . On y lit :

« École de Cingar ou de Patins à éclisses, tenue par Garcin, breveté du roi, Fg-St-Martin, 253. Mécanique pour apprendre à patiner sans danger, dans toutes les saisons, sur un sol préparé. »

Cinquante ans plus tard, dans l‘Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, un témoin se souvient : 

« Garcin fit construire une assez vaste salle au bord du canal Saint-Martin, non loin du bassin de la Villette, et nomma son établissement École du Cingar. […] Le plancher de la salle était formé de dalles bien jointes offrant une superficie suffisamment plane. […] On filait, on virait avec une étonnante facilité. La paire de Cingars se louait, je crois, à raison de un franc par heure. » 

Le sol en dalle bien jointes permettait de pratiquer dans de bonnes conditions. Rendez-vous était donné :

« Tous les dimanches et jeudis, à deux heures exercices par les professeurs, faubourg Saint- Martin ».

Ensuite, en 1830, il déménagea son gymnase au Nouveau Tivoli. Il se situait entre la rue de Clichy et la rue Blanche, près de la place de Clichy, sur l’emplacement de l’actuelle place Adolphe Max (9e arrondissement) et aux alentours. L’endroit était alors abrité par un vaste parc qui proposait aux parisiens de multiples distractions : montagnes russes, tir, manège, musique, théâtre et d’autres activités. En outre, un plan de l’époque représente la piste de Jean Garcin, circulaire, sous le nom de Patinage d’été (source : Sam Nieswizski).

Il dût malheureusement fermer son skating rink après 3 ou 4 années d’activité. En effet, de nombreux accidents auraient entaché sa réputation et éloigné ses clients.

Emplacements du premier et du second gymnase de Garcin
Emplacements du premier et du second gymnase de Garcin (source : Sam Nieswizski)

1818 : Garcin devient distributeur français de draisiennes

En mars 1818, Garcin se vit confier par le Baron Karl Drais von Sauerbronn le dépôt parisien des draisiennes. Ce dernier fit déposer le brevet de son invention à Paris par l’un de ses domestiques. En effet, bien que Drais ait été retraité, il était toujours techniquement fonctionnaire en congé payé. Il ne pouvait donc pas se rendre à Paris sans autorisation. Il a eu également recours à des intermédiaires pour traiter avec Jean Garcin et son associé Tournus.

La première draisienne en 1817
La première draisienne en 1817

Drais souhaitait que Garcin crée une manufacture à Paris et ouvre une école pour apprendre à les utiliser. En effet, les premières draisiennes étaient fabriquées à Mannheim (Allemagne) et le trajet pour les faire venir était long, plus de 500 km.

Garcin vendit ces vélocipèdes au 3 rue de la Glacière. C’était probablement l’un de ses lieux de résidence. Une dizaine d’années avant de créer ses patins, Garcin avait donc déjà compris l’intérêt de nouveaux modes de déplacements !

Jean Garcin aurait également résidé au n°74 de la rue Saint-André des Arts à Paris. En homme d’affaires averti, il y avait entreposé les patins qu’il vendait à ses clients. De plus, Garcin avait le sens de la publicité et ne manquait pas une occasion de faire la promotion de ses produits !

Les patins de Jean Garcin sur scène

Sam Nieswizski nous a indiqué que le couple de danseurs / patineurs « Les Dumas », se produisait sur la scène du théâtre de la Porte Saint-Martin avec des patins fabriqués par Garcin « avec beaucoup de grâce et d’aisance ». Ils faisaient partie de la distribution de « La Neige », un ballet-pantomime en trois actes de Coraly et Chautagne.

Sa vie personnelle

Jean Garcin se maria le 19 février 1829 à Marie-Louise Galland. Il eut de nombreux enfants, dont plusieurs probablement d’un (ou plusieurs) mariage(s) antérieur(s) : deux étaient adultes au moment du décès de leur père : Hyppolyte et Paul. Les autres étaient plus jeunes : Léon né en 1821, Olympe Euphémie née en 1823, Césarine Euphrasie née en 1826 et Raphaël né en 1831.

La fin de Jean Garcin

Plusieurs dates de décès étaient encore récemment avancées. En effet, Jean Garcin avait de nombreux homonymes à cette époque. La première date indiquait qu’il serait décédé le 26 août 1841, dans l’ex 5e, l’arrondissement du Faubourg Saint-Martin. Une archive d’état civil reconstituée proposait une autre possibilité. L’original a brûlé en 1871 :

« Est signalé […] le décès de Jean Garcin, le seul, le 26 août 1847 Paris 5e. » 

 Cela correspondrait au Faubourg Saint-Martin, donc à la rue de l’Aqueduc et à l’école de Cingar. Toutefois, nos recherches récentes nous ont permis de déterminer qu’il était décédé le 25 août 1841. Cette date figure dans son inventaire après décès conservé aux archives nationales.

L’héritage de Jean Garcin aujourd’hui

Sam Nieswizski nous indique que l’on peut encore admirer un exemplaire du patin de Garcin aux Etats-Unis. A notre connaissance, il ne subsisterait dans le monde qu’un exemplaire de patin attribuable à Garcin, il est conservé au National Museum of Roller Skating, à Lincoln, Nebraska, USA.

Pour aller plus loin

Illustrations sur publicdomainreview.org

Vice : les dandys parisiens qui ont inventé le patinage artistique

Voir nos articles sur l’histoire du roller

Image d’ouverture : Wikimedia Commons
Merci à Francis Robin, Sam Nieswizski, Hans Erhard Lessing

Auteur

Alexandre Chartier

''alfathor''

Alexandre est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com depuis 2003. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez un de ces sujets !

2 réponses pour “Jean Garcin, l’un des pionniers français de patinage à roulettes

  1. Bonjour Daniel,
    oui, Sam est toujours vivant et toujours aussi vif et passionné par l’histoire du roller !

  2. de Paix de Coeur

    Bravo pour cet article bien documenté
    Est ce que Sam est toujours vivant
    Je l’ai rencontré une fois lors d’une compétition de Roller in l’une à Paris
    Malheureusement je n’ai pas eu le temps de discuter avec lui
    Bien Cordialement
    Daniel de Paix de Cœur
    Juge olympique
    Anc 1er vice Pdt Fédération Française des Sports de Glace
    Pdt d’honneur du Club de patinage artistique de Paris
    Juge arbitre international patinage sur glace
    et roller in Line
    Médaille d’or FFSG
    Médaille d’or Jeunesse et sport
    Historien des sports de Glace
    Directeur aux JO d’Albertville
    tel 0660621953

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