Surabondance de titres : le roller course se tire-t-il une balle dans le pied ?
L'économiste Arthur Laffer disait en son temps : "trop d'impôt tue l'impôt", une maxime allègrement reprise et déformée au quotidien par nombre de nos contemporains... mais ne pourrait pas appliquer ce slogan au roller de vitesse ? "Trop de titres tuent les titres" ? Analyse...
Par alfathor
Etat des lieux
Avec 210 médailles et donc 70 titres distribuées sur 12 formats de courses différents au championnat d’Europe de roller course (108 sur la piste et 102 sur la route, juniors et seniors compris), ne se tire-t-on pas une balle dans le pied vis à vis des médias et des instances olympiques ?
ReL vous propose un argumentaire sans concession en s’appuyant sur l’exemple du championnat d’Europe qui vient de se dérouler à Wörgl (Autriche). Attention, notre propos n’est pas de dévaluer les performances des athlètes mais de mettre en perspective le nombre de médailles et les intérêts de notre sport.
Combien de titres pour combien d’athlètes ?
Un titre national ou international n’a de sens que parce qu’il est rare, au même titre qu’une pièce de collection ou qu’un bien de consommation courante. C’est pour cela même qu’il est convoité ! C’est la loi de l’offre et de la demande qui détermine la valeur intrinsèque d’un bien, même chose pour un titre, on le désire parce qu’on est le seul à l’avoir, parce qu’il montre qu’on est meilleur que les autres. Si tout le monde a un titre, le mien perd de sa valeur.
Revenons au championnat d’Europe de course 2015 :
210 médailles distribuées pour… 248 athlètes inscrits… Soit presque une médaille par patineur !
On pourrait presque arrêter notre argumentaire à ce chiffre tant il est explicite : presqu’une médaille par participant. Bien sûr, dans la réalité, les choses ne se passent pas ainsi et tout le monde ne repart pas avec sa breloque. En réalité, seule une dizaine de pays sur la vingtaine engagée se dispute les médailles. Pire : la France et l’Italie récoltent à elles seules 127 médailles, soit 60% du total ! Et au sein même d’une délégation, il est fréquent de voir quelques « stars » glaner l’essentiel des médailles de leur pays. C’est le cas pour l’Autriche avec Vanessa Bittner par exemple ou pour la Belgique avec Bart Swings et Sandrine Tas (de petites délégations il est vrai).
Une simplification nécessaire pour plus de lisibilité
Le roller course nous emmène d’abord sur la piste, puis sur la route pour disputer des épreuves quasiment identiques : 200 m au lieu de 300 m, 500 m (comme sur la piste), courses à points, course à éliminations, relais. Les doublons ne manquent pas comme le montre le tableau ci-dessous. Dans la plupart des cas, les meilleurs patineurs sur piste le restent sur route. Cela se vérifie dans les classement du championnat d’Europe 2015 où les deux tiers des médaillés sur piste le sont aussi sur route.
Piste | Route |
300 m | 200 m |
500 m | 500 m |
1000 m | – |
10 km à points et à éliminations | – |
15 km à éliminations | 20 km à éliminations |
– | 10 km à points |
3 km Relais | 5 km Relais |
Marathon |
Du coup : quel est l’intérêt d’utiliser deux équipements différents si les mêmes patineurs se retrouvent sur le podium ? Un choc de simplification serait sans doute le bienvenu en ne conservant que les formats vraiment spécifiques : un ou deux sprints, une course de demi-fond (type 1000 m), deux courses de fonds (points et éliminations), un relais et le marathon.
Séduire les médias
En réduisant le nombre de formats, on gagne en lisibilité auprès du public et surtout des médias : quelle est la crédibilité d’un sport qui communique en se vantant d’avoir ramené 75 médailles (Italie) ou 51 médailles (france) ?
Pragmatisme économique
Avec moins d’épreuves, les championnats internationaux dureraient moins longtemps et coûteraient moins cher à organiser. Ils seraient plus facilement exportables dans des pays plus modestes et donc plus universels.
Ils coûteraient également moins chers en déplacement aux nations participantes.
Une trop grande fréquence des championnats internationaux
De même, il serait préférable d’organiser les championnats du monde tous les deux ans plutôt que tous les ans, en alternance avec les championnats continentaux. Cela pourrait permettre à des nations moins à l’aise financièrement d’envoyer plus facilement leurs équipes à l’autre bout du monde à intervalle régulier. Davantage de nations présentes donneraient un peu plus de crédit au roller course devant les instances internationales telles que le CIO. En effet, l’un des critères d’éligibilité aux Jeux Olympiques est le nombre de nations représentées (gage d’universalité de la pratique).
A l’heure actuelle, il s’opère de facto une forme de sélection par l’argent : seules les fédérations les plus riches peuvent se déplacer à tous les championnats… et encore. A budget constant, l’argent consommé pour déplacer les équipes nationales chaque année ne sera pas injecté dans le développement. Avec des championnats une année sur deux, des budgets supplémentaires peuvent être alloués à d’autres missions. Ce ne serait pas un luxe en ces temps difficiles où l’on doit choisir quelles équipes on déplace à quel championnat.
Au plan national et pour prendre l’exemple de la France, les incidences ne sont pas négligeables : le statut de sport de haut niveau est en partie conditionné par le nombre de nations inscrites aux championnats du monde. Si le nombre de pays engagés est trop faible, le statut de haut niveau peut être retiré avec les conséquences que cela génère sur les moyens alloués au sport : moins de subventions pour la fédération, moins de cadres techniques, moins de sportifs soutenus, etc.
L’avenir : des réformes sont entamées, mais seront-elles suffisantes ?
L’arrivée des Roller Games en 2017 pourrait marquer un virage dans la fréquence d’organisation des mondiaux : une fois tous les deux ans au lieu d’une fois tous les ans. Une mesure de bon sens vue la raréfaction des budgets et le manque de visibilité de nos sports. Le regroupement de l’ensemble des pratiques au même endroit est à double tranchant. Il génère des économies d’échelles car les championnats peuvent mutualiser des ressources… mais ils demandent plus de moyens au pays organisateur, ce qui favorisera des pays riches.Pour les Championnats du monde de roller course 2015 à Kaohsiung (Chine Taipei), la FIRS souhaite aller dans le sens des recommandations des instances olympiques. Le changement reste toutefois timide : disparition du 200 m au profit d’un 100 m plus spectaculaire et télégénique (à l’image de l’athlétisme), un tour de circuit à la place du 500 m, ce qui reste peu ou prou la même chose.
Au niveau de la FIRS, les conséquences financières ne sont pas négligeables car la division par deux du nombre de championnats entraîne mécaniquement une division par deux des rentrées financières liées aux taxes d’organisation prélevée par la Fédération Internationale. On imagine que cette perte pourrait être compensée par une hausse du tarif de la taxe d’organisation.
La FIRS se donne comme objectif l’inclusion au programme des Jeux Olympiques en 2024… peut-être à Rome ! Espérons que ce délai donnera au roller course le temps d’effectuer les mutations nécessaires dans son organisation.
Liens utiles
Championnats du monde de roller course 2015 à Kaohsiung
Photos : Emmanuel et Sylvie Geoffroy
mediaskates.com
Prosper
27 juillet 2015 at 23 h 33 minLiTTleL
27 juillet 2015 at 22 h 56 minJohny
27 juillet 2015 at 21 h 14 mincofi
27 juillet 2015 at 20 h 19 min