La rengaine du gratton – chapitre 05

Par | Publié le 6 février 2017 | Mis à jour le 13 juin 2021 | Catégories : Toutes Raid & longue distance | Sous-catégories : Nouvelles roller | 2061
| Tags : rengaine gratton roller longue distance roller endurance histoire roller nouvelle roller

Dans ce 5ème épisode, Jef vous emmène sur les routes de Vienne et de Charente. Un voyage sur roulettes où il rencontre le pire mais aussi le meilleur…

rengaine gratton chapitre 5

Chapitre 5

Malgré une nuit écourtée par la veillée avec ses hôtes, Jef se réveille sans difficulté peu après les premières lueurs de l’aube. Son rythme biologique reste calé sur ses horaires de travail.
Il songe : « A cette heure-là, d’habitude, je pars de chez moi pour prendre le RER vers Paris Montparnasse, puis le Métro ligne 4 jusqu’à Strasbourg-Saint-Denis, ensuite la ligne 8 pour descendre à Ledru-Rollin et enfin atteindre le bureau. Quelle perte de temps dans les transports chaque jour quand on y pense ! 1h15 à l’aller, autant au retour, durée multipliée par cinq jours ouvrés par semaine pendant quarante ans. Le calcul donne le vertige ! Bukowski a vu juste : il faut être fou pour accepter de vivre ainsi… ou terriblement docile. Et l’on nous répète sans cesse qu’il faut s’estimer chanceux, voire reconnaissant d’avoir un emploi alors que tant d’autres pointent au chômage ou croupissent dans la rue. Une bonne crise, rien de tel pour inquiéter les masses et rogner toujours un peu plus les acquis sociaux sans que personne ne bronche. »
Jef efface ses sombres pensées. Il revient à la quiétude de sa chambre campagnarde. Il rassemble ses affaires et prépare son sac en prévision du départ.
Dehors, David s’active à nourrir la basse-cour. Sa fille dort sans doute encore à l’heure qu’il est. Une table de petit-déjeuner, généreusement garnie attend Jef sous une véranda lumineuse avec vue sur les coteaux. Il savoure son thé en laissant son regard se perdre sur les massifs forestiers.  » Peut-être est-ce le genre de vie qu’il me faudrait.. Une vie simple avec un lopin de terre à cultiver, quelques poules, loin des préoccupations futiles du monde moderne. » se dit-il.

Le voilà prêt pour le départ. Il sort pour remercier David qui l’accompagne jusqu’à la grille. Le flegme britannique ne semble pas de mise : celui-ci lui secoue franchement la main avant de le serrer chaleureusement dans ses bras.
Jef se lance en direction de Queau à une dizaine de kilomètres de là. Son corps rompu à l’effort quotidien n’éprouve plus aucune fatigue ni la moindre douleur lombaire malgré les sept kilos du paquetage.
Les kilomètres filent jusqu’à Moussac dans la fraîcheur du matin. Une côte de 2 km l’attend à l’entrée de l’Isle-Jourdain. Il gère sa cadence avec patience ; l’expérience parle. La départementale, déserte à cette heure, luit sous le soleil matinal. La journée s’annonce chaude.
Il bifurque en direction de Mouterre-sur-Blourde, toujours seul sur sa route au milieu des champs, à flanc de collines. Les départementales succèdent aux départementales. Jef enchaîne les foulées en stakhanoviste de la roulette. Malgré quelques bosses, l’étape du jour lui paraît plus facile que celle de la veille. Changement de département : Adieu la Vienne, bonjour la Charente !

Il franchit le seuil de la commune d’Abzac. Le château de Fayolle et son donjon lui procurent l’occasion d’une pause bien méritée. Il jette son dévolu sur un paquet de fruits secs puis avale une gorgée d’eau avant de reprendre sa route.
Une longue descente l’emmène vers Lessac et Saint-Germain-de-Confolens. Les vibrations sur l’enrobé dégradé lui anesthésient les pieds. Jef lève régulièrement chaque appui pour retrouver des sensations. Pour un patineur, le toucher de la route pourrait se comparer, toutes proportions gardées, à la canne blanche d’un malvoyant ;les pieds remontent en permanence une quantité impressionnante d’informations, traitées inconsciemment par le cerveau : qualité du revêtement, adhérence, posture…

Jef sent une légère pression sur sa malléole droite interne. Dans un premier temps, il n’y prête pas attention. La gêne se transforme en douleur. Il modifie sa technique de patinage. Rien à faire. Il s’arrête pour vérifier le positionnement de ses platines : le gratton a desserré les vis de fixation à la coque. Le châssis du pied droit, trop positionné vers l’extérieur, pourrait bien être à l’origine de ses problèmes. Un coup de clé Allen et le tour est joué.
Jef reprend son chemin en direction de Confolens. Après quelques kilomètres, il s’arrête à nouveau, sa cheville gonflée lui fait souffrir le martyr. Il relâche les boucles micrométriques, puis les lacets et enlève sa chaussette. La malléole, rouge, a doublé de volume. Il tente bien de remettre son patin mais les décharges sont trop fortes.
« Hors de question de renoncer à mi-chemin ! Je n’ai pas fait 400 km pour terminer par le train ! »
A contrecœur, Jef chausse ses sandales. Il espère que la marche va soulager sa cheville et lui permettre de remonter sur les rollers dans quelques kilomètres. Le voilà, boitillant, seul au milieu de nulle part, un patin ballant au bout de chaque bras. La déambulation atténue un peu son désespoir. Il se met à réfléchir. « La seule solution : découper le cuff ou la coque à l’endroit douloureux. Si ça passe, tant mieux, sinon, tant pis, au moins j’aurai essayé. Reste à trouver de quoi découper ! »

Après une quinzaine de minutes, il atteint une ferme isolée en bord de route. Le propriétaire bricole – le moteur de son tracteur. Jef s’approche et demande poliment :
« Bonjour Monsieur, excusez-moi de vous déranger. Auriez-vous un couteau ou un cutter s’il vous plaît ? J’ai besoin de réparer mes rollers. »
L’homme au visage carré et aux cheveux ras poivre et sel se tourne vers lui. Il porte une veste kaki sur un pull marron d’où dépasse un col de chemise fatigué. Un peu surpris, le sourire en coin, il lui répond « Bonjour ! Je n’ai pas de cutter sous la main, mais ça devrait faire l’affaire ». Il sort un Laguiole à la lame effilée. « Attention, il coupe bien ! Je l’ai affûté ce matin ».
« Merci » répond Jef « je vais faire attention, je vous le rends dans une minute ».
« Vous avez un banc là si vous voulez être plus à l’aise » complète l’agriculteur.
Jef s’installe, cale le patin défectueux entre ses cuisses et s’attèle au démontage du spoiler. Il localise la zone sensible sur la coque. La lame tranchante s’y enfonce comme dans du beurre. Il y découpe un arc de cercle d’environ 2 cm de diamètre et remonte le cuff.
Il rentre son pied dans le patin en prenant mille précautions. Il a visé juste : la structure rigide ne comprime plus la zone meurtrie. Il devrait pouvoir finir l’étape du jour. « Espérons que l’opération ne va ni trop fragiliser l’ensemble, trop l’assouplir » pense-t-il.
Il remercie vivement son sauveur, fait le plein d’eau et remonte ragaillardi sur le bitume.

La cité médiévale de Confolens se profile en ligne de mire. Jef franchit la Vienne par le Pont Vieux… en marchant, plus qu’en roulant, tant les pavés irréguliers rendent le patinage acrobatique ! Il ne s’attarde pas dans les rues de maisons à colombages et poursuit son trajet vers Ansac-sur-Vienne, puis, Roumazières-Loubert, La Péruse, Lésignac-Durand. Les montées se succèdent jusqu’à Mazerolles.

Jef aperçoit un panneau routier indiquant Montbron à 3 km. La fin de l’étape du jour approche ! Il repère un hôtel en centre-ville. Il entre et demande une chambre pour la nuit.
« Ah désolé monsieur » lui répond le réceptionniste « Elles sont toutes prises. On célèbre un mariage avec plus de 300 invités. Vous n’en trouverez pas une à dix kilomètres à la ronde ! Tentez à Marthon. »
Jef se résigne. Dix kilomètres de plus, ce n’est pas la mer à boire. Tout au plus une demi-heure supplémentaire sur les roulettes.

Jef s’engage sur une route déserte au cœur des coteaux Charentais arrosés de soleil. Il se fraie un passage sur une section rugueuse et raccommodée de toutes parts, cherchant la portion la plus roulante, transférant le poids de son corps d’un appui sur l’autre, rasant le bas-côté, sautant au milieu de la route étroite, jouant les équilibristes sur les bandes lisses éphémères. Le paysage environnant évoque son enfance : ces forêts où il a tant joué, construit des cabanes, ces ruisseaux où il improvisait des barrages de fortune avec quelques pierres et quelques branches.
Il esquisse un sourire en lisant le nom du lieu-dit à l’entrée de Marthon : « Chez Trappe » ! Tant de chemin pour tomber sur un homonyme, le destin ne manque pas d’humour.

La place du village abrite une église romane trapue et massive. Un hôtel restaurant attenant dévoile une façade immaculée, rehaussée d’un liseré de glycine et d’un massif de roses rouges.
Alors qu’il s’apprête à franchir le seuil, un bonhomme rond en costume du Moyen-Age sort et ferme la porte à clé.
Jef l’interpelle : « Bonsoir Monsieur. Etes-vous le propriétaire de l’hôtel ? Vous resterait-il une chambre pour la nuit ? »
« Ah désolé jeune homme, toutes les chambres sont occupées. Un mariage aux environs. » Voyant le désarroi de Jef, il ajoute aussitôt : « Mais venez avec moi, la commune organise sa fête médiévale annuelle, tous les villageois se réunissent au pied de la Tour du Breuil. On trouvera bien quelqu’un pour vous héberger. »

La fameuse tour se dresse cinq cents mètres plus loin sur un éperon rocheux qui surplombe la vallée du Bandiat, vestige d’une époque glorieuse. Jef a déchaussé pour mieux suivre son guide qui le questionne sur son périple. Ils gravissent un escalier en pierre qui débouche sur une large esplanade d’herbe rase. Un épais muret délimite la palissade de l’ancienne forteresse. Les notes joyeuses d’une musique d’un autre temps emplissent l’air chaud de cette fin de journée. Six musiciens en chaperon, cape, braie et tunique sont adossés aux vieilles murailles. Leurs doigts agiles redonnent vie pour quelques heures aux luths, bombardes, vielles à roue et violes de gambe.
De longues tables de banquet et des files de bancs ont été installées en arc de cercle autour d’un grand feu. Chacun parle, mange, boit, rit, plaisante de bon cœur avec son voisin. Les enfants courent au milieu des convives, épées de bois, boucliers de carton ou poupées de paille à la main. Tout le village semble s’être donné rendez-vous pour l’occasion.
« Suivez-moi, je vais vous présenter le maire. Il vous trouvera le gîte et le couvert. » lance l’aubergiste. Il s’avance vers un homme en costume de bourgmestre aux lunettes carrées et aux tempes grisonnantes. « Bien le bonsoir Monsieur, le maire ! Ce jeune homme vient de Paris en patin ! On pourrait lui trouver un endroit pour dormir ? Il n’y a plus de place chez moi. »

L’édile se tourne vers Jef : « Mais bien sûr ! Bonjour à vous. » dit-il en lui serrant vigoureusement la main « Soyez le bienvenu à Marthon. Venez donc partager notre table. Vous nous raconterez votre histoire. »

Alors que Jef cherche un coin pour poser ses rollers, un chevalier haut comme trois pommes trébuche devant lui. Sa vaillante Excalibur se disloque sous le choc. Jef l’empoigne sous les aisselles et le remet d’aplomb. Il époussète sa tunique blanche et rouge rehaussée d’un lion d’or. Le garçonnet se laisse faire sans broncher jusqu’à ce qu’il aperçoive son épée gisant en morceaux sur le sol. Tout en essuyant un reste de terre sur le front du bambin, Jef le rassure : « Ne t’inquiète pas, on va la réparer, ce n’est pas bien méchant. » La frimousse blonde s’illumine. Jef s’assoit sur un banc à proximité et réassemble le pommeau, la fusée et la lame. Il la tend à son heureux propriétaire qui repart de plus belle se perdre en courant au milieu de la foule.
De retour à la table du Maire, Jef se voit servir une belle assiette de gibier complétée par des pommes de terre et un verre de vin. Il remercie promptement son hôte pour son accueil.
« Je vous en prie. Racontez-moi donc. Vous avez déjà parcouru plus de 400 km sur vos patins ? Combien de temps vous a-t-il fallu ? Où allez-vous donc ? ».
« Oui, j’en suis à ma 4ème étape. J’essaie de parcourir 100 km par jour environ. Je pars rendre visite à ma famille, dans le sud de la France, près d’Orthez. Mon grand-père vit dans un village qui s’appelle Biron. D’ailleurs, il fait sensiblement la même taille que Marthon. »
« C’est un sacré voyage. J’ai bien fait du patin à roulettes autrefois, mais jamais de si longues distances ! ».
« Oh, vous savez, le matériel a beaucoup évolué. Il est devenu plus confortable, plus fiable et beaucoup plus rapide. On se rapproche des vitesses des cyclistes désormais. »
« Si ça ne vous ennuie pas, je vais contacter notre correspondant de la Charente Libre, il sera ravi de raconter votre histoire dans la prochaine édition. » Jef acquiesce, un peu gêné.
Le maire se lève, sort son portable de son ample vêtement et s’éloigne du bruit ambiant pour joindre le journaliste.

Jef s’attaque à sa copieuse assiette. Alors qu’il porte la fourchette à sa bouche, il ressent une tension sur la poche arrière de sa combinaison. Il se retourne. Le chevalier en herbe se tient derrière lui tout sourire. « C’est lui maman qui a réparé mon épée ».
Jef lève la tête. La mère du petit garçon porte une longue robe en velours aux reflets bordeaux. Le bout des manches, orné de fines dorures, met en valeur la finesse de ses avant-bras. Sa taille et son décolleté sont rehaussés par deux bandes de motifs richement brodés. Ses longs cheveux châtain clair noués en tresse cascadent sur ses épaules. Ses yeux vert d’eau illuminent son teint légèrement hâlé. De son visage, n’émanent que douceur et gentillesse.
« Bonsoir » dit-elle. « Merci d’avoir réparé l’épée d’Arthur. » Sa voix suave finit de faire chavirer Jef. Tant bien que mal, il bredouille « Je vous en prie, ça m’a fait plaisir ».
« Voudriez-vous qu’on vous trouve une tenue ? Les soirées sont encore froides à cette période, il doit nous rester une bure de moine. » poursuit-elle.
« Oui merci. La combinaison est plutôt fine et elle fait un peu tache dans le décor » dit-il en riant « Ce n’est pas de refus. »
« Je vais vous chercher ça. Je suis Jeanne. Enchantée. »
« Jef. Moi de même. »
« Arthur, reste avec Jef, je reviens. »
Elle s’absente. Le petit roi tend les bras à Jef qui l’installe sur ses genoux. Il picore quelques patates dans l’assiette de Jef qui continue son repas.
Jeanne réapparaît les bras chargés d’un froc avec capuchon et cordon. « Hé bien, je vois qu’il n’a pas perdu de temps pour vous adopter ! Arthur, laisse respirer Jef, qu’il puisse enfiler son déguisement. »
Jef le dépose sur le banc. Il se glisse dans la toile épaisse et râpeuse de la bure. Jeanne ajuste le cordon en un tour de main. « Parfait, c’est mieux ainsi » dit-elle avec un regard désarmant. « Venez, allons danser ! »
Jef hésite « Je ne suis pas très à l’aise sur une piste de danse… »
« Allez, ne vous inquiétez pas ! C’est facile ! Il suffit de suivre les autres ». Avant qu’il ait pu réfléchir, elle l’attrape par la main et l’entraîne dans la ronde. Jef se laisse emporter et griser par le tourbillon de la fête, simplement heureux comme il ne l’a pas été depuis des lustres.
Le soleil couchant flirte avec l’horizon. Les ruines de la tour se détachent en ombre chinoise sur le ciel rougeoyant.

Essoufflés, ils retournent s’asseoir. Elle pose sa tête sur son épaule alors que les jongleurs et les cracheurs de feu entrent en scène. L’obscurité s’illumine de traces furtives et incandescentes. Il ressent la chaleur des flammes. Jef lui prend timidement la main. Jeanne plonge ses yeux dans les siens quelques secondes et lui sourit tout en caressant la tête du petit Arthur venu s’assoupir contre lui. « Le maire a dit que tu cherchais où passer la nuit. Tu peux dormir à la maison si tu veux » murmure-t-elle.
« Merci » répond-il, touché. « J’adorerai découvrir où vous vivez tous les deux. ». Ils profitent encore quelques minutes de l’ambiance avant de partir. Jef prend Arthur dans ses bras. L’enfant ensommeillé s’accroche instinctivement à son cou. Jeanne récupère les bagages de Jef. « Ça va, il n’est pas trop lourd ? La maison n’est qu’à cinq minutes à pied » précise-t-elle.
Jeanne s’arrête devant une bâtisse de pierre rustique et coquette au bord du Bandiat. Elle pousse la lourde porte en chêne et se faufile à l’intérieur pour allumer la lumière. « On va l’amener directement dans sa chambre » chuchote-t-elle. Jef la suit dans le couloir, Arthur toujours agrippé à lui. Il le pose avec délicatesse sur son lit. « La salle de bain est au fond du couloir. J’imagine que tu dois être impatient de prendre une douche après ta journée de voyage. Tu peux trouver une grande serviette dans le meuble en dessous du lavabo » murmure-t-elle. Jef s’éloigne de la chambre à pas de velours pendant que Jeanne borde Arthur.

Quand il sort de la salle d’eau, Jeanne finit de préparer une tisane dans la cuisine. Son costume de reine a laissé place à une robe plus confortable. Ils s’assoient côte à côte sur le canapé du salon. Tard dans la soirée, ils partagent leurs histoires : le mari parisien de Jeanne qui l’a trompée avec sa secrétaire, leur divorce houleux, le retour dans son village natal avec Arthur pour s’y reconstruire près de sa famille, son métier d’illustratrice de livres pour enfants qu’elle exerce en télétravail. Jef lui raconte ses difficultés à trouver un travail dans lequel s’épanouir, son envie de changer d’air, de redonner un sens à sa vie, la fin de sa relation tumultueuse et ce besoin irrépressible de prendre la route sur ses rollers pour se retrouver.
Jeanne s’approche un peu plus. Elle cale sa tête contre l’épaule de Jef. Il peut sentir le parfum léger de ses cheveux à chaque inspiration : les fleurs des champs, la paille fraîchement coupée. Il passe son bras autour de ses frêles épaules. Elle se tourne vers lui, leurs lèvres se rencontrent furtivement une première fois, puis une seconde, plus longuement. Jef défaille. Le temps s’arrête. Si le bonheur a un goût, cela pourrait bien être celui-ci : le sucre, l’eau, le miel, le nectar des dieux.
Quand il rouvre les yeux, Jeanne l’observe avec une tendresse amusée. Elle se lève « Allez viens, tu ne vas pas rester sur le canapé. Je vais te montrer où tu vas dormir. »

Jef la suit à l’étage. Jeanne a déjà déposé son sac à dos dans une chambre contiguë à la sienne. La charmante mansarde, éclairée de lumières tamisées, accueille un grand lit aux draps en lin. « Bonne nuit ! » conclut-elle en lui déposant un baiser sur la joue et en refermant la porte.
Il se déshabille et s’assoit quelques secondes sur le bord du lit, le temps de réaliser que tout ce qu’il a vécu aujourd’hui n’est pas le fruit de son imagination. Puis il s’allonge et éteint machinalement la lumière en revivant cette journée incroyable. Difficile de dormir tant les pensées se bousculent dans son esprit : la rencontre avec Jeanne, sa douleur à mi-parcours, la fête médiévale.

Un discret grincement de parquet le tire de ses rêveries. La silhouette de Jeanne se dessinent dans la pénombre. Elle se glisse sous les draps puis se blottit contre lui sans un mot. Il sent la chaleur de son corps collé contre le sien, devine le tracé de ses courbes entre ses doigts. Jef replonge dans les effluves de ses cheveux et l’enlace. Elle lui caresse le bras quelques instants et se tourne vers lui. Leurs bouches se rencontrent, leurs souffles se mêlent. Les mains de Jeanne se promènent sur son torse, effleurent son dos, rencontrent sa nuque. Jef la débarrasse de sa nuisette. Leurs peaux entrent en contact. Ils s’abandonnent dans une longue et tendre étreinte, seuls au monde.

Auteur

Alexandre Chartier

''alfathor''

Alexandre est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com depuis 2003. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez un de ces sujets !

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