Podcast : Yanik Chevalier, juge roller course

Par | Publié le 24 avril 2023 | Mis à jour le 1 juillet 2023 | Catégories : podcast roller podcast juge roller yanik chevalier juge roller course juge arbitre | Sous-catégories : Roller course | 390
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Rencontre avec la juge internationale de roller course Yanik Chevalier qui nous raconte sa carrière sur roulettes depuis ses débuts en 1955. Dans sa jeunesse, elle fit également carrière dans le cinéma aux côtés de grands noms tels que Michèle Morgan, Gérard Philipe, Fernandel… Un destin inattendu et captivant…

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Podcast : Yanik Chevalier, juge roller course
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L’équipe de Balado Roller et rollerenligne.com est partie à la rencontre de Yanik Chevalier. Elle est juge international roller course depuis de nombreuses années. Nous allons découvrir ensemble son parcours dans le monde du roller et en savoir plus sur son engagement en tant que juge… Mais aussi sa carrière au cinéma quand elle était enfant !

Bonjour Yanik, est ce que tu peux d’abord te présenter s’il te plaît ?

Mais sinon, j’ai toujours été licenciée dans un club. J’ai connu le patin à roulettes comme tous les enfants de l’après-guerre. En effet, je suis née pendant la guerre. J’ai donc commencé à patiner dans la rue avec des patins à lanières.

Et puis dès 1955, j’ai intégré un club de patin à roulettes à Paris. Il a disparu depuis lors. Et j’y suis resté deux ans, jusqu’à sa fermeture. Je me souviens que j’y suis venu par le spectacle en tant qu’artiste. En effet, j’ai fait du cinéma, du théâtre, de la télévision, de la radio, des films publicitaires entre autres pour la radio avec Banania.

Yanik Chevalier, comment es-tu rentrée dans ce monde de la publicité et du théâtre ?

Mais mes parents étaient artistes. Mon père fut un chanteur très connu de la radio. Il a sorti des disques pendant l’entre-deux guerres et ma mère était compositrice. Mon père se nommait Malloire et il chantait beaucoup. Il faisait beaucoup de créations, dont une qui est encore un peu connue encore : c’est le titre « séduction ». D’autre part, ma mère avait fait du cinéma à Hollywood. Donc moi, tout naturellement je suis restée dans ce milieu toute mon enfance.

Yanik Chevalier (Malloire) enfant
Yanik Chevalier (Malloire) enfant, au cinéma

Quelles études as-tu fait avant de prendre ce parcours ?

Je me suis arrêtée en troisième parce que mon père est décédé. J’étais dans une école privée de cinéma et de théâtre. Nous avions des horaires particuliers et j’ai continué. Ensuite, je suis rentrée dans le secrétariat. Et avec mes études, ayant manqué un examen d’anglais, je suis partie aux Etats-Unis pendant trois ans.

Quel âge avais-tu quand tu es partie aux Etats-Unis ?

18 ans. Je suis revenu vers 22 ans.

Et tu pratiquais déjà le patin à roulettes là-bas ?

Oui, comme je le disais, je n’ai pas arrêté le patin depuis 1955. Dans un clubs aux Etats Unis, j’ai participé à toutes les compétitions d’état et même à des compétitions nationales. D’ailleurs, j’ai fini quatrième dans une course en Californie.

A ce moment-là, j’étais basée dans le New Jersey, sur la côte est. Et je suis parti pour les championnats nationaux sur la côte ouest. J’avais été sélectionnée pour défendre les couleurs de mon club.

Yanik Chevalier - 2e à gauche - aux 24 Heures du Mans Roller
Yanik Chevalier – 2e à gauche – aux 24 Heures du Mans Roller

Donc là-bas, tu t’inscris dans un club et tu fais immédiatement de la vitesse. Quelles disciplines étaient alors pratiquées en club ?

Il n’y en avait que trois : l’artistique, la course et le rink hockey. C’était les trois disciplines de base. J’ai pratiqué l’artistique et la course. Je suis venue à la course un ou deux ans après avoir commencé l’artistique. C’était la base du patinage. Ensuite, je suis partie aux Etats-Unis où j’ai appris la danse sur patins à roulettes. Et quand je suis revenue, j’ai alors commencé à présenter la danse comme elle existait sur glace, avec des roulettes, avec des quads, c’est ce qu’on n’avait comme patins.

Aux Etats-Unis, tu as dû connaître la période que les historiens du patinage à roulettes et la presse de l’époque qualifient de « Roller Skating Craze ». C’est à dire que c’était vraiment une période florissante au niveau du patin à roulettes aux États-Unis…

Oui, tout à fait.

Est-ce que tu voyais un énorme écart avec l’Europe notamment et la France ?

Euh oui, parce que nous ne patinions pas avec les mêmes patins que ceux que nous utilisions en France. La course se pratiquait beaucoup avec des patins et des souliers de patinage artistique, un peu plus souple. Mais c’était comme l’artistique, les démarrages se faisaient sur les freins et non comme on part encore actuellementsans frein. Et les chaussures étaient hautes, pas basses.

Quand tu arrives aux Etats-Unis, tu roules donc avec tes patins européens Yanik Chevalier ?

Oui ! Et ils ont beaucoup plu parce que j’avais jolie chaussures soit disant. Eux, c’était beaucoup un peu plus « vulgaire ». Les miennes étaient des Riedell. Et là-bas, tout le monde venait voir mes chaussures de patins d’artistique.

Pourtant, Riedell, c’est une marque américaine ?

Oui, c’est une américaine, mais je les avais eu en France. Aux Etats-Unis, ils n’avaient pas sorti ce modèle là, donc ça m’a permis de connaître beaucoup de monde.

Donc ça veut dire qu’il y avait déjà une segmentation du marché en fonction des territoires et des modèles qui sortaient en Europe et pas aux Etats-Unis.

Oui. tout à fait. Ensuite, les platines étaient des modèles Hermann. C’était un fabricant et à Paris. Et sa fille avait pris part aux championnats de France et du monde en couple artistique.

Tu connaissais donc ces fabricants Yanik Chevalier ?

Oui, je les connaissais très bien. Et une des leurs deux filles a été mon professeur.

Tout à l’heure, tu disais que tu avais passé deux ans dans un club avant de partir. Est ce que tu te souviens du nom de ce club ?

Oui. Le CPP : le Cercle des Patineurs Parisiens. Il était basé rue de Lancry, dans le 10ᵉ arrondissement, à côté de la République.

Philippe Aumont, membre du Cercle des Patineurs de Paris
Philippe Aumont, membre du Cercle des Patineurs de Paris
Journal France Soir du 30 novembre 1952

A cette époque-là, au moment où le CPP existe. Le roller est très populaire en France… Beaucoup de monde en fait ou c’est marginal ?

Oui, il y avait des soirées pour le public. Ce n’était pas spécialement des patineurs licenciés. Il s’agissait d’une patinoire publique comme il y avait les patinoire de glace à l’époque. Nous sommes alors aux alentours de 1957-1958. Ensuite, j’ai changé de club, parce ce que le CPP a fermé. Je suis partie au Paris Hockey Club où j’ai fait une grande carrière.

Donc le PHC, oui, qui est l’un des plus anciens clubs de France…

L’un des plus anciens, mais je pense que le plus ancien est le Fresnoy. Mais le Fresnoy a dû arrêter pendant les années de guerre alors que le PHC a toujours continué, même pendant la guerre. Donc c’est l’un des plus anciens au point de vue longévité.

Où patiniez-vous avec le PHC ?

Au gymnase Ronsard. Au pied du Sacré-Coeur.

Tu as débuté par l’artistique, puis tu as ensuite pratiqué la course. Qu’est ce qui t’a fait rester à la course plutôt qu’à l’artistique ?

Cela m’est venu tout naturellement parce que j’avais plus de facilité en course qu’en artistique. J’ai continué aux Etats-Unis et j’ai aussi appris la danse là bas. Donc je suis restée à la course parce que j’étais juge national, mais en artistique également. Seulement, les compétitions d’artistique se déroulaient sur toute une semaine. Et prendre une semaine quand on a une vie professionnelle n’est pas simple. Je ne pouvais pas m’absenter à cette période là.

Ta vocation en tant que juge est donc arrivée très tôt ?

Ah oui, très tôt, tout en continuant quand même à patiner jusqu’en 1968 en compétition. Je devais avoir une vingtaine d’années.

Qu’est ce qui t’a motivé à aller vers cette fonction, vers cet engagement ?

Comme tous les parents, je n’aimais pas rester sans rien faire au bord de la piste. Donc, comme mon mari, aussi était un patineur et puisqu’il a été quand même aux championnats du monde, nous avons discuté de cette question. Il y avait besoin de juges en Ile-de-France. Donc j’ai jugé. On a mis très longtemps avant de penser que je n’étais pas juge national. Tous les responsables pensaient que j’étais déjà juge national depuis longtemps et j’ai finalement passé mon diplôme très tardivement en National.

Comment se passe la progression de carrière d’une juge ?

Tout d’abord, on passe par l’échelon départemental, puis régional, comme dans tous les sports. Ensuite l’échelon national et au bout de quelques années, le niveau international. J’ai atteint ce dernier niveau en 1993.

C’était aux Açores, sur l’île de Pico lors d’un championnat d’Europe. Et j’ai été la première juge à passer l’examen dans une autre langue que sa langue maternelle. C’est à dire que je l’ai passé en anglais. Mais comme je parlais aussi italien, un des examinateurs était italien, donc anglais, italien, quelques mots d’espagnol plus le français ça a aidé !

En effet, c’est le combo gagnant sur les bords des pistes !

Voilà.

Comment c’est d’être juge la vingtaine ? Pouvez-vous comparer à ce qu’on peut trouver maintenant ? C’était déjà très structuré ?

Oui, ça l’était. C’était déjà très professionnel. Il n’y a pas eu de grosse évolution, juste dans les règlements qui concernent la course elle-même. Mais sinon, cela a toujours été réglementé. Il y avait la FIRS avec le règlement international. Ces règlements étaient adaptés au national en France, puisqu’ile étaient traduits en français et cela reste toujours d’actualité.

Y avait-il des juges professionnels à cette période ?

Non non. Nous étions bénévoles. Il n’y a pas très longtemps que nous sommes défrayés de nos frais kilométriques. Mais sinon, cela a toujours été bénévole. Il n’y a que les déplacements en avion et les transports en général qui sont pris en charge. Mais sinon, ce n’est pas professionnel.

Et au niveau des patineurs ?

C’est la fédération qui a commencé à prendre en charge une partie de leurs déplacements mais pas la totalité. Je sais que mon mari, lui, est allé aux championnats du monde à Syracuse en Sicile. Et ce sont ses parents qui lui ont payé l’avion parce que sinon c’était 24 heures de train… que la fédé prenait en charge, mais pas pas l’avion. Maintenant, tout le monde prend avion et dort à l’hôtel. Nous logions dans les dortoirs d’internats ou autre.

Walid faisait référence à la professionnalisation, la course en course, qui est arrivée relativement tard. Néanmoins, déjà dès 1910-1911, par exemple au Patin d’Or au Vel d’Hiv, on voyait des patineurs avec des chandails aux couleurs des marques, notamment Brompton. Est ce que toi, au moment où tu es devenue juge, il y avait déjà des patineurs sponsorisés par des marques ?

Non. Cela avait été aboli. C’était même interdit à l’époque.

Il y avait une opposition entre les amateurs et les professionnels ?

Il n’y avait pas vraiment de professionnels. Ils sont arrivés très tard. Les équipes de marques sont venues dans les années 1990 et au début des années 2000. Pas avant.

Est ce que cette professionnalisation correspondait globalement, à quelques années près, à l’arrivée du roller en ligne? Ou est ce qu’en fait ce sont deux éléments qui ne sont pas forcément liés ?

Oh, je pense que c’est plus pour cette raison-là. Nous avions quand même des frais. Mais des athlètes, qui ont commencé à être professionnels et à être pris pour représenter une marque ou une autre, je dirai fin 90 début 2000. C’était à peu près la période où on pouvait avoir des sponsors petit à petit.

Championnat du monde de patinage à roulettes 1979 à Emilia (Italie)
Championnat du monde de patinage à roulettes 1979 à Emilia (Italie)

Toi qui a qui a connu le quad en course pendant de nombreuses années, comment tu as vécu en tant que juge et en tant qu’athlète cette transition entre quad et in line ?

Cela a été assez particulier. Je ne sais plus quelle était l’année exacte. J’y ai assisté pendant les Jeux pyrénéens qui ont eu lieu à Saint-Lary. Pour la première fois les coureurs mettaient des patins en ligne, Mais il y avait aussi des quads. Les Français ont tout gagné parce qu’ils étaient en patin en ligne. Et les Italiens qui étaient très forts en quad, restaient très très loin derrière. Mais ils se sont rattrapés après. Personnellement, j’ai trouvé que c’était pas mal. On se rapprochait de la glace avec ces roues en ligne. Et je pense que de toute manière il n’y a pas de soucis. La transition s’est très bien passée et s’est faite progressivement. Cependant, il a fallu que les patineurs qui avaient fait beaucoup de quad s’habituent. Certains ont eu beaucoup de difficultés à effectuer cette transition et à patiner correctement, plus d’un an.

En quelle année a eu lieu cette transition ?

C’était au début des années 1990. Aux Jeux Pyrénées de 1993 il me semble, puisque je venais de passer juge internationale.

Donc c’est vraiment au tout départ du roller en ligne. Quand je faisais du slalom, les gens sont aussi passés au roller en ligne à cette période.

Oui, tout à fait. Et l’avantage du patin en ligne était l’énorme gain de vitesse. Et en autre chose : les gens qui ne savaient pas patiner, quand il chaussait des quad, c’était toujours un peu château branlant. Parce qu’on tombe facilement sur l’arrière. Tandis que les patins en ligne, ils partaient beaucoup plus facilement et ils apprenaient plus facilement. Cela a été un peu le grand saut du patinage, parce que c’était beaucoup plus simple d’apprendre le patin en ligne que le patin traditionnel.

Donc après cet après cette compétition de 1993, J’imagine que vu les résultats, la transition du quad au roller en ligne s’est passée finalement assez rapidement…

Très rapidement. Oui. Les meilleurs sont venus tout de suite avec les patins en ligne et ça a pris. Ça a fait tâche d’huile comme on dit.

Est ce qu’il y a eu un moment où il y aurait eu des courses spécialement dédiées au roller en ligne ?

Oui, il y en a eu au début. Cependant, je ne peux pas dire combien de temps ça a duré. Mais c’est comme en artistique, où les patins en ligne ont aussi des compétitions à part et séparées de celles en patins traditionnels.

Toi qui a été juge roller course pendant très longtemps. Quels sont les moments forts que tu retiens de ces années passées au bord des pistes ?

En tant que juge ? On voit beaucoup plus de choses malheureusement sur l’extérieur de la piste, en tant que spectateur. Parce que souvent les juges sont masqués par les patineurs qui sont sur une courbe intérieure. On ne voit pas un patineur qui fait une faute sur l’extérieur. C’est beaucoup plus difficile. C’est pour ça qu’à un moment donné en course, on avait institué d’avoir des juges sur l’extérieur de la piste. Et ça j’en avais parlé et ça avait été adopté à l’époque. Mais cela demandait trop de juges. En effet, on a eu une chute énorme du nombre de juges, On manque de juges en France.

Mais durant les compétitions nationales ou internationales auxquelles tu as pris part, y a-t-il un moment que tu as retenu ? Un souvenir particulièrement prenant qui te revient ? Quelque chose qui t’aurait fait frissonner d’émotion ?

Oh oui ! Je pense particulièrement aux Jeux Pyrénéens : de voir tous les coureurs français sur le podium alors que les Italiens, qui étaient la bête noire des patineurs français, étaient loin, loin derrière. Il y avait même presque deux tours de retard !

Comment se passent les relations entre les juges de différentes nations ?

Oh, ça se passe très très bien. Aujourd’hui, je ne suis plus juge à l’international puisque j’ai été atteinte par l’âge de 65 ans. Donc ça fait quelques années que je ne peux plus officier. En tant que juge internationale actif, je reste quand même retraitée. Nous avions beaucoup de de conversations, d’échanges entre autres, surtout quand on pouvait parler. On parlait tous au moins anglais.

Y-a-til un pays dans lequel il te plaisait d’aller plus particulièrement pour les compétitions internationales ?

J’ai un bon souvenir de l’endroit où j’ai passé mon examen de juge internationale : c’était quand même l’île des Açores ! C’est pas mal là quand même, avec une escale à Lisbonne, non ? Ensuite, j’ai été en Autriche. J’ai fait plusieurs villes. La seule. Mais ce que j’aurais bien aimé, c’est d’aller en Colombie. Mais la France a été empêchée d’y aller à cause du cartel de Medellin. Donc il n’y a eu aucun patineur ni aucn dirigeant français sur place.

Puisque l’on parle de la Colombie, comment tu as vu l’évolution des nations au niveau mondial en roller course depuis les années 1950 ?

Ça a évolué depuis qu’il y a eu les fédérations internationales. J’ai souvenir que le patinage de vitesse aurait pu rentrer comme sport de démonstration pour les Jeux olympiques de Rome en 1960. Il devait y avoir une démonstration de relai. J’étais sélectionnable et mon mari aussi. Mais à ce moment-là, il fallait 50 nations représentées dans la discipline, puis finalement 40 pays et nous n’en avions que 38 en roller. Finalement, les Italiens ont pris une autre discipline en démonstration. Ils n’ont pas voulu du patinage à roulettes.

Oui, finalement le rink hockey a été en démonstration à Barcelone en 1992 parce que Juan Antonio Samaranch était impliqué dans les structures nationales et internationales…

Oui, c’est la raison pour laquelle le rink hockey a été désigné comme sport de démonstration à Barcelone en 1992.

Quels étaient les pays forts à cette époque-là et les pays émergents en niveau de la course ?

Les Italiens restèrent les plus fort pendant de nombreuses années. Et nous, en principe, étions deuxième ou troisième. Cela dépendait. Il y avait aussi l’Allemagne et la Belgique. Donc principalement des nations européennes. Les autres pays hors Europe sont venus quand même un petit peu plus tard.

Comment on explique par exemple que les Etats-Unis, qui ont un boom de la pratique entre les années 30 et les années 50, ne soient pas plus présents sur la scène sportive en course ?

Ce n’était pas une discipline majoritaire chez eux. Moi je l’ai vécu début 1960. C’était d’abord l’artistique et la danse. Certaines patinoires avaient des clubs mais certaines pratiquaient l’artistique et d’autres la course. Donc on a il fallait choisir son club avec la discipline. Moi j’ai fait les trois disciplines, c’est à dire la course, l’artistique et la danse dans le même club. Mais j’aurais très bien pu être licencié dans un club pour la course, dans un autre pour l’artistique, etc. Donc ce n’était pas une priorité la course là bas.

Cela peut donc être lié à la nature même de de la diffusion de la pratique là-bas. A savoir qu’il y a eu une impressionnante création de skating rinks aux Etats-Unis entre les années 30 et 50. Il y en avait entre 3000 et 4000…

Oui, il y avait énormément de skating rinks. Moi, j’allais dans deux deux patinoires différentes déjà, qui étaient dans le New Jersey. On peut dire qu’il y avait des patinoires dans presque toutes les villes. Je pense que cela a peut être un peu disparu. Mais je n’y suis pas retournée.

Revenons sur le fait que les Italiens ont toujours été très forts et sur le matériel. Des marques italiennes comme Boen ont toujours été des références. Quelles étaient les marques qui rayonnaient entre les années 1950 et 1990 ?

Il y avait surtout Boen puis qui était majoritaire mais aussi d’autres patins italiens dont je ne sais plus la marque malheureusement. Mais ces derniers patins étaient très fragiles pour les coureurs. S’ils patinaient mal, s’il y avait un quoi que ce soit, la platine se cassait parce qu’elle était très fine.

Un patin Boiani Star Olympic
Un patin Boiani Star Olympic

Et nous patinions avec des roues en bois qui avaient des diamètres plus petits. C’était du 38 mm qu’on mettait pour la vitesse pure, c’est à dire pour les 500 mètres. Après ça on avait des roues plus grandes pour le fond. Alors le diamètre montait quand même à 45 voir 50 mm. Je me souviens qu’il fallait mettre les petites billes dans les roulements. Il fallait alors les compter, surtout quand ont cassait une roue en bois, les petites billes s’en allaient sur la patinoire. En artistique on roulait avec du 45 et du 50 mm.

Donc c’est un patinage plutôt sur des pistes intérieures ou extérieures avec des roues en bois Yanik Chevalier ?

On peut patiner aussi bien dehors que dedans. En effet, il y a eu les championnats du monde en 1968 je crois sur l’anneau de vitesse olympique de Grenoble. Puis les championnats de France en 1973.

Et même oui, d’ailleurs Grenoble, les patineurs y sont retournés en 1987. Le polyuréthane arrive un peu après ?

Non, le polyuréthane arrive en 1968.

C’est marrant le temps qu’a mis le polyuréthane à arriver dans le roller…

Oui, c’est vrai. Et c’est grâce à Monsieur Gobert qui a repris la maison Midonn. et c’est lui qui a fait de l’importation. Et petit à petit, c’est venu pour tous les patineurs. Mais une anecdote : il y avait des championnats de France à Bergerac en 1968 où les patineurs du RO14ᵉ à l’époque avaient ces roues en polyuréthane au championnat de France sur route et ils ont tout gagné. Donc c’est pour ça qu’après, les roues en polyuréthane ont été beaucoup plus commercialisées.

Patins de Course Midonn (Pierre Labaune)
Patins de Course Midonn (Pierre Labaune)

C’est surprenant que le bois soit resté si longtemps prédominant. Parce que là tu évoques l’1968 et il faut pourtant attendre la fin des années 1980 quasiment pour voir le polyuréthane vraiment débarquer sur le marché…

Oui tout à fait. En course il a fallu attendre, mais en artistique, on avait déjà un petit peu. On avait des roues Boen, mais ce n’était pas du polyuréthane, c’était un plastique beaucoup plus dur.

Nous avons parlé de ta carrière en tant que juge, mais il y a un aspect que nous avons un peu éludé alors que tu l’as abordé en filigrane, c’est ta carrière sportive. Tu as fait d’abord fait des courses d’abord aux Etats-Unis ?

J’ai été championne championne de France en 1963 et je suis partie en 1963-1964 aux Etats-Unis. Et là, j’ai fait les championnats d’états. J’habitais et j’étais dans un club du New Jersey. Et par la suite j’ai été sélectionnée par mon club pour aller jusqu’aux championnats nationaux qui étaient de l’autre côté des Etats-Unis. J’ai fait l’aller-retour en voiture ! 4700 kilomètres. J’étais alignée sur le trois miles et j’ai pris la quatrième place.

Et puis j’avais aussi entre temps les championnats nationaux de patinage artistique qui dans l’Etat de New-York. J’ai fini 12ᵉ et j’étais dans les finalistes.

Quelle était la place des femmes dans le patinage à roulettes à l’époque en France ?

Il n’y a qu’en artistique où il y avait beaucoup de femmes. En course, nous n’étions que deux ou trois. Je pense à Nicole Chenu. Donc nous étions très peu de femmes à faire de la course.

Comment cela s’explique t-il ? On pourrait penser qu’avec l’essor du roller-catch aux Etats-Unis dans l’avant-guerre, la pratique aurait été un petit peu plus féminine. Puis en 47, le roller-catch revient en France jusqu’en 1950..

Un peu oui, jusqu’en 1950. Mais on avait des démonstrations. Je me rappelle d’avoir vu les affiches dans le métro, dans les rues, de grands panneaux publicitaires.

Donc à quel moment les femmes arrivent-elles vraiment dans la course ?

A mon retour des Etats Unis, il a commencé à y avoir des femmes dans le course, vers 1967/1968. Il y a eu une évolution avec plusieurs patineuses et cela a fait un petit peu tache d’huile progressivement. Ce n’était pas franc, cela a été une progression très lente.

[NDLR : En 1967 se tiennent les premiers mondiaux de roller course dédiés aux femmes à Barcelone, si l’on en croi Wikipedia]

Comment cela s’est-il passé pour toi ensuite dans le haut niveau en roller course ?

Je suis revenue des Etats-Unis en 1967. Puis, je me suis mariée en 1968. Je n’ai pas pu faire de compétitions puisque j’attendais mon fils. Ensuite, j’ai un peu arrêté la compétition et j’ai continué d’être juge d’artistique et de course.

Je me consacre aussi à l’enseignement du patin. Je m’occupais du club. J’ai eu des patineurs quand même. La famille Gravouil si tu connais. Avec mon mari, nous les avons mis sur les patins. C’est une génération de patineurs qui continue à rouler et à faire d’excellents résultats.

Oui, on pense à Sylvie Lefeuvre Gravouil et à sa fille Marine…

Oui, il y a Marine Lefeuvre surtout. Et Sylvie, qui est montée sur un podium lors d’un championnat du monde. Donc Marine suit les traces de sa mère. Et c’est vrai que je revois sa mère quand elle patine.

Portrait Marine Lefeuvre
Marine Lefeuvre

Finalement, tu as vu les générations se succéder depuis le bord de la piste. Toi, maintenant, tu est toujours dans le club dans lequel t’as été en revenant des Etats-Unis, le PHC. Comment as-tu vu évoluer la pratique du roller depuis cette période-là ?

En ayant beaucoup de très jeunes enfants. Nous les prenions à partir de deux ans, ce qui était tôt. J’avais une dérogation d’assurance pour les avoir très petits. Et j’avais une école maternelle qui était en travaux très près du gymnase et ils avaient mis le lieu de rassemblement pour les emmener dans une autre école dans la journée dans le gymnase. Et ils ont vu petit à petit qu’il y avait du patin et que j’avais déjà des petits. Et c’est comme ça que le club avait bien progressé en nombre de patineurs. Petit à petit, il y en a eu en artistique, en course ou en rink hockey.

Aujourd’hui, il y a assez peu d’enfants qui pratiquent en club à cet âge-là. Il y en a quelques uns à deux ans, deux ans et demi. mais cela reste rare…

Mon fils avait 17 mois quand il a marché à 18 mois, il était sur les patins !

Mais qu’est ce qu’il y a comme patins pour des enfants aussi petits ?

Il y avait des petits patins italiens Ciocca. Et puis après, des patins Midonne qu’ils avaient fait sur mesure pour mon fils, pour les fixer sur ses chaussures.

Tu avais donc d’excellentes relations avec Midonn ?

Oui, j’ai très bien connu Monsieur Gobert et ses enfants. Son fils et sa fille. Ils nous offraient une réduction quand on allait en compétition. Il était aussi propriétaire des car Dagobert. Comme nous allions beaucoup sur Rouen et Normandie, qui était rattachée à l’Ile de France, nous avions beaucoup d’échanges.

Toi qui vu l’évolution du patinage depuis les années 50. Comment tu tu perçois aujourd’hui les modes successives qu’il a pu y avoir ? Selon toi, qu’est ce qui déclenche ces modes ? Comment expliquer qu’elles sont éphémères ?

Oui, elles sont éphémères, c’est vrai, parce que il n’y a pas de continuité dans la pratique. Il n’y avait pas de lieu proprement dit, à part quand il y a eu le Palace ou La Main Jaune à la porte Champerret. Ces lieux ont popularisé le patinage. Mais la pratique elle même, telle qu’on peut le concevoir, n’a pas subsisté.

Ça a changé de mode. Comme beaucoup de sports, il n’y a pas que le patin. Dans d’autres sports aussi, il y a eu des des changements de propriétaires de lieux. Ils n’ont pas continués vraiment le patinage, entre autres. Le Palace, ça a été la même chose.

Est-ce que dans les années 1970-80, comme tu as commencé à patiner dans la rue, as-tu as eu des contacts avec les patineurs du Trocadéro ou à la dalle Montparnasse par exemple ?

Il n’y en avait pas à l’époque. C’est venu beaucoup plus tard je pense, au début des années 1980. Moi j’ai commencé parce que j’étais gamine, avec les enfants qui faisaient du patin dans la rue. Mais il n’y avait pas d’adultes à l’époque. Je ne me rappelle pas d’avoir vu même un seul adulte sur patins dans la rue.

Mais quand c’est arrivé après dans les années 80, le Trocadéro était un des lieux de rencontre mythique des patineurs de rue. Est ce que c’est un lieu que tu as fréquenté et avais-tu des relations avec les patineurs de ces spots ?

Oui, on avait des relations. J’allais m’entraîner au Palais de Tokyo, en plus des horaires que nous avions au gymnase pour le club. Et c’est comme ça que j’ai connu quand même pas mal de personnes qui patinaient mais sans plus. Ce n’était pas cependant pas la vogue comme il y a eu après. Au départ nous étions regardés comme des bêtes. Comme si nous étions dans un cirque. Et là, le Trocadéro est arrivé surtout fin 1981.

Il faut dire que les disciplines étaient assez hermétiques. Nous ne fréquentions pas forcément les gens de l’artistique ou de la course. C’était c’était vraiment un monde complètement à part en fait, finalement.

Oui, tout à fait. Parce que vous patiniez dans la rue. L’artistique, c’est à l’intérieur. La course, c’était sur des routes ou sur des circuits. Je me souviens cependant qu’une fois nous avions organisé un championnat de Paris sur le haut du Trocadéro.

Serge Rodriguez au Trocadéro
Serge Rodriguez au Trocadéro

Ce n’était pas très grand, mais ça permettait quand même de faire des courses et ça a été repris après. Il y a eu quand il y a eu la première traversée de Paris en patins, tout ça à partir du Trocadéro.

Les rues de Pari, à l’époque, ça devait pas être simple en quad…

Pas trop non, les quads passaient beaucoup moins. Il fallait des roues polyuréthane dures mais c’était épique. On s’amusait bien à l’époque.

Tout à l’heure, nous parlions du roller aux Jeux olympiques. Qu’est ce qui manque à chaque fois selon toi, pour que le patinage trouve sa place ?

A l’époque, il manquait une fédération nationale de plus dans notre dans la discipline. Après il y a aussi le choix du pays organisateur des JO. Donc je ne sais pas. Nous (en tant que fédération) sommes devenus olympiques récemment grâce au skate qui a débuté dans les années 1970. La trottinette a bien pris aussi maintenant…

Donc finalement, la trottinette pourrait bien intégrer des jeux olympiques avant le roller course, malgré la présence du roller course sur les Jeux Olympiques de la jeunesse par exemple, ou même dans les Jeux mondiaux…

Oui, j’avais été en Angleterre pour des Jeux mondiaux il y a quelques décennies. Il y avait Sylvie Gravouil, entre autres, qui patinait et son frère aussi.

Qu’est ce que tu dirais pour motiver des jeunes à devenir juge ?

Les jeunes qui ne peuvent plus patiner ou qui sont toujours dans les derniers ou autre, pour ne pas partir du patin et rester dedans : devenez juge ! Il y en a qui deviennent entraîneurs, mais peu qui deviennent juges. C’est un tort parce ils pourraient aider le patinage à progresser. Beaucoup de parents de jeunes patineurs apprennent les règlements. On fait de meilleurs juges quand on a déjà patiné, on fait mieux la part des choses.

Les juges du Trophée International des 3 Pistes
Les juges du Trophée International des 3 Pistes

Comme tu le disais, il y a une certaine quand même crise de la vocation. Comment l’expliquer ?

Je ne sais pas du tout. Je suis un peu dans le vague. Il y a beaucoup de parents qui s’investissent mais il y en a très peu et c’est dommage. Certains ont peur aussi de ne pas être à la hauteur. Tout s’apprend. On fait des fautes au départ, puis on en fait de moins en moins par la suite. Il ne faut pas essayer pour faut pas rester cloué sur le rebord de la piste. Ceux qui ne peuvent plus patiner peuvent se présenter en tant que juge régional.

Est ce que toi ça t’arrive encore de patiner aujourd’hui ?

Non, je n’ai pas le droit de patiner parce que j’ai des prothèses aux genoux, donc si je tombe, ça risque de casser. On n’est jamais à l’abri d’une chute. Le fondateur du PHC a patiné jusqu’à l’âge de 94 ans. Monsieur Freddy Bark. Il était dans une maison de retraite en Vendée. Il a patiné très tard !

Cela fait rêver ! J’imagine la tête des infirmières et des aides soignantes dans la maison de retraite qui devaient le voir passer en patins.

Il venait chez nous et il avait toujours ses patins avec lui. Il allait patiner au gymnase Ronsard à Paris.

Qu’est ce que ça fait de voir dans l’évolution du roller maintenant le retour en force du quad avec une pratique qui qui devient de plus en plus féminine et loisirs ?

Oui, il n’y a que l’artistique qui avait beaucoup de femmes, il y avait très peu de d’hommes patineurs. L’équilibre est un peu rétabli. Il y a beaucoup de femmes en quad, en roller derby et en roller dance. Mais le patin en lgine n’est pas très de disparaître de la course !

Nous arrivons à la fin de notre entretien. Place à la tribune libre…

J’ai un engagement bénévole depuis l’âge de seize ans très exactement et j’aimerais bien que les jeunes actuels en fassent autant. Parce qu’on a besoin de juges, on a besoin de dirigeants et le tout va dans le bénévolat, bien sûr, mais il faut s’investir !

Nous te remercions Yanik pour ce moment que tu nous a consacré !

Quelques éléments de filmographie de Yanik Chevalier

  • Soupçons (ou La Pavane des poisons) (1956)
  • Marie-Antoinette, reine de France (1956) – avec Michèle Morgan
  • Bonjour jeunesse (L’Orpheline des glaciers) (1955)
  • Marguerite de la nuit (1955) – avec Michèle Morgan
  • Napoléon (1955)
  • Le Mouton à cinq pattes (1954) – avec Fernandel
  • Le Blé en herbe (1953)
  • Weekend à Paris (1953)
  • Les belles de nuit (1952) avec Gérard Philipe, Martine Carol…
  • Son dernier Noël (1952) avec Tino Rossi
  • Le Fruit défendu (1952) – avec Fernandel
  • Le Poison (1951) avec Michel Simon
  • Tu m’as sauvé la vie (1950)

Auteur

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Alexandre Chartier

''alfathor''

Alexandre est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com depuis 2003. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez un de ces sujets !

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