Podcast : Toto Ghali, fondateur des marques Out et Remedy

L’équipe de Balado Roller a eu l’honneur de rencontrer Toto Ghali. Ce nom évoquera sans doute quelques souvenirs aux anciens qui lisent ces pages ou écoutent ce podcast. Toto Ghali est un ancien fabricant de matériel de roller et de patins roulettes. Podcast...

Par Walid NOUH

Podcast : Toto Ghali, fondateur des marques Out et Remedy
Toto Ghali

Toto Ghali nous raconte son parcours dans le roller et le patinage à roulettes

Comment résumer Toto Ghali ? Si vous avez roulé dans les années 1980 ou 1990, surtout 1990-2000, vous avez certainement entendu parler de lui. Vous avez peut-être même roulé avec du matériel qu’il a conçu ou commercialisé. Ce podcast vous fera replonger dans son histoire et dans celle des marques qu’ils a créées.

Interview de Toto Ghali, fondateur de plusieurs marques de matériel de roller – télécharger le mp3

Bonjour Toto Ghali, merci du temps que tu prends pour nous. Question rituelle : peux-tu te présenter ?

Bonsoir, merci à vous de penser à moi, ça me fait plaisir. Mon vrai prénom est Ghali Boalem. Je suis né à Marseille en 1972. J’ai commencé le roller assez tôt, aux alentours des 7-8 ans, avec des patins à roulettes traditionnels. Après ça, j’ai progressé vers le quad. Et pratiquement en même temps que le quad, j’ai aussi pratiqué le skateboard, puis le roller en ligne. Désormais, je vis en Suisse. Je suis papa de deux enfants, une fille de 17 ans et un garçon de 9 ans.

Ma femme est allemande. J’ai quitté la France il y a 25 ans. Et depuis je suis un expatrié ! J’ai habité aux Etats-Unis, en Australie, beaucoup en Europe. Différents pays pour finalement atterrir ici en Suisse.

Toto Ghali en 1997
Toto Ghali en 1997

Tu vas avoir plein de choses à nous raconter. Tout d’abord, comment en es-tu venu au roller ?

En fait, j’ai commencé par le skateboard. Je viens d’une famille assez modeste. Ma mère ou ma tante avait chopé un vieux skateboard en plastique à Emmaüs. Une petite semaine plus tard, je me suis fait renverser par une bagnole. Alors, on m’a confisqué mon skateboard. Et pour mes 8 ans, j’ai eu une paire de patins en roulettes. Des patins traditionnels en plastique. Même pas des trucs en métal. Des patins de marque Gioca, j’ai du mal à m’en rappeler.

De fil en aiguille, je me suis baladé avec ça, je m’en suis servi de moyen de transport. J’habitais alors dans les quartiers Nord de Marseille, un quartier populaire. Le fait d’avoir des patins m’a permis de me déplacer jusqu’au centre-ville, même s’ils étaient moisis. C’est comme ça que ça a commencé.

Comment était-ce de faire du roller à Marseille dans les années 1970 ?

Je suis né en 1972 donc c’était à la fin des années 1970. Les patins à roulettes ont vraiment commencé à cette période et au début des années 1980. Très rapidement, c’est passé du patin à roulettes qu’on connaît tous (ajustable, etc.) à des roller América. Alors je ne sais pas si ça vous parle pour les anciens certainement : des pompes rouges et blanches avec des étoiles, des roues super dures et des roulements qui explosaient.

Et là, en me baladant sur Marseille, j’ai vu deux gars qui se baladaient. Alors c’était ambiance début des années 1980. Les mecs roulaient en shorts jaunes, genre shorts de football. Ils portaient un gros Walkman et ils dansaient sur le vieux port. Je suis allé les voir. Ils m’ont dit : il faut venir au Cours Julien, il faut venir au Prado. Pour moi, c’était un monde inconnu, on venait dans les quartiers Nord.

Tu es donc parti en direction des spots de Marseille…

De fil en aiguille, je me suis baladé au Cours Julien. Et là, ça a été le déclic. J’ai rencontré Vincent Isaac, le patron d’Alk13. Nous avons accroché tout de suite. C’est devenu un pote. Nous avons commencé à rouler ensemble, à travers la ville. On partait du Cours Julien, Notre-Dame-du-Mont, puis on descendait au Vieux-Port. Nous nous faisions tirer en bagnole pour monter à Notre-Dame-de-la-Garde et puis on descendait de l’autre côté pour atterrir du côté de la corniche et donc de la plage. Ensuite, on s’allongeait à la corniche. Puis on arrivait au Prado, à la statue de David.

C’était un endroit super connu. Alors là j’ai découvert un truc, moi j’étais à des kilomètres de ça, il y avait une trentaine de gars en roller qui se sautaient, qui se pliaient en quatre, qui se faisaient des trucs bizarres que j’avais jamais vus. Et là, à nouveau le déclic, ça accrochait vraiment… À partir de ce jour-là, je crois que je ne me suis déplacé qu’en roller, partout. À l’école, partout, tout simplement. Mais à cette époque-là, le roller, ça restait quand même assez confidentiel.

Il n’y avait pas beaucoup de monde qui faisait du roller dans la rue à Marseille ?

Il n’y avait pas beaucoup de monde qui faisait du roller comme nous on en faisait. Mais il y avait beaucoup de monde, bien plus vieux que nous. Moi j’étais jeune adolescent. Il y avait des gars entre la vingtaine et la trentaine qui étaient en quad, en train de se balader, très inspirés de la Californie, etc. Ils faisaient des sauts de barrières, un peu du slalom. Donc il y avait déjà une communauté existante au moment où j’ai commencé. Mais ça n’avait rien à voir avec nous. Rien à voir avec ce qu’on pratiquait ou avec ce que le sport est devenu. Mais il y avait déjà une petite communauté.

Quand tu rencontres ces gens, combien de temps tu restes avec tes patins Americana ? Assez rapidement, tu changes ou tu roules continues de rouler avec cette paire ?

Ah non, ça a été très vite. Je pense que j’ai découvert cela au tout début de l’été, parce que c’était les vacances, donc j’avais plus de temps.

D’autre part, il y avait un magasin qui s’appelait Surf & Slide, avec un gars qui faisait aussi du quad. C’était le gars qui avait ramené le quad à Marseille. Il avait son magasin de quad. Et là il vient me voir et il me montre des roues Krypto Impulse. Nous ne sommes plus en 80-82, mais plutôt en 1984-85. Et il me dit :

 » Tiens tu veux un jeu ? «  Et tout de suite je prends le jeu, je m’éclate avec et c’est devenu mon premier sponsor. Donc très rapidement il y a eu des pompes, des protections et tout ce qu’il fallait… Je n’avais pas les moyens de toute façon. Par la suite, la communauté a commencé à changer.

Quelles personnes as-tu alors croisées et qui t’ont influencées ?

Nous avons fait des rencontres avec des Parisiens. Ils n’avaient pas de freins et nous non plus, de toute façon. Ils avaient des platines Lazer je crois, avec des trucks de vitesse. Elles étaient montées super en avant, c’était complètement nouveaux pour nous à l’époque.

J’ai également rencontré des gars comme les Mad Rollers de Nice, qui étaient carrément en avance sur la communauté marseillaise par rapport au street, à la descente. Nous, ce qu’on appelait le street, c’était se balader. De fil en aiguille, c’est parti vers essayer de glisser et essayer de grinder. Là, nous ne sommes plutôt dans les années 1987-198. Je vois alors la première vidéo de Jimmy Scott, un mec à la télé qui ride en aigle ! Il fait des trucs incroyables sur une rampe. Je n’avais jamais vu vraiment de rampe avant ça.

Et là on est parti à la chasse avec Vincent et les autres gars, pour trouver des mini-rampes, des bowls, des ditchs. Doucement, ça a progressé. Très rapidement, en 1988, je suis parti à Münster, aux championnats du monde en Allemagne. Ça c’était une épopée. Là-bas en Allemagne, j’ai rencontré Thomas Kalak, Lars Langguth, Martin Breusch, le gars qui avait fait le premier backflip sur une rampe en 1982.

Thomas Kalak à Berlin
Thomas Kalak à Berlin

Personnellement, je descendais assis de la rampe. Il y avait toute une communauté qui n’était pas si nombreuse, mais ça venait de partout : des Etats-Unis, de l’Europe.

Toto Ghali, à cette époque-là, il y a déjà des gens comme Taïg Khris ou René Hulgreen ?

Alors Taïg, la première fois que je l’ai rencontré, c’était un gamin. Il apprenait à faire du roller. La première fois où on s’est vraiment rencontré, c’était à Versailles. Il s’entraînait à essayer de faire un McTwist. Il avait un casque de moto, des genouillères sur les tibias, des genouillères sur les avant-bras. Mais ça se voyait déjà qu’il avait vraiment la fibre.

Moi, j’ai commencé un peu avant. C’est la différence d’âge. Je ne pourrais pas dire la date exacte de Versailles, mais ça devrait être aux alentours de 1988-1989.

A l’époque il n’y avait pas de vidéo, je pense les premières vraies vidéos c’est Air Attack en 1992 ?

Voilà avec René Hulgreen, exactement donc ça c’est en 1991. Il avait commencé à filmer à cette période. Après c’était Air Attack. J’ai oublié les noms des autres vidéos. René est un très bon ami mais je ne voulais pas être dans les vidéos. J’étais pas trop dans l’ambiance underground et j’étais un peu timide, un peu réfractaire avec la scène des vidéos. Et j’en ai très rarement regardé.

René Hulgreen teste les Roces Impala au siège de Roces en 1998
René Hulgreen teste les Roces Impala au siège de Roces en 1998

Ça m’a pris des années avant d’aller voir des vidéos. La pratique a commencé vraiment à boomer à partir de Münster 1989. Pour le quad, c’était vraiment la montée en puissance. Il y avait de plus en plus de riders partout dans l’est de l’Europe, aux Etats-Unis, dans le sud de l’Europe. Il y avait des gars de partout, des gars qu’on ne connaissait pas et qu’on rencontrait subitement à Munster. En tant que spectateur ou en tant que participant, parce que c’était très dur de participer à Munster. Et puis après Munster, ça descendait au Grand-Bornand. Donc c’était très axé skateboard. Mais à l’époque le quad et le skateboard marchaient de pair, les gros événements réunissaient les deux disciplines. Pour les rollers, une partie des patineurs roulait en aigle, un peu sous influence du skateboard.

Qui a initié cette technique selon toi Toto Ghali ?

C’est Jimmy Scott qui a commencé ça. Derrière lui, un autre était moins connu mais beaucoup plus fort c’était Brian Wainwright. Taïg avait commencé « normal » et s’est mis à rouler en aigle après avoir vu les vidéos de Brian Wainwright. On a tous essayé. Moi aussi j’ai roulé un petit moment en aigle, mais pas longtemps. De côté, je préférais être en skateboard. De face, je préférais être en quad. Il y a eu Issam à un moment.

Issam Tolba ?

Ouais et après des riders américains.

Tu as évoqué tout à l’heure les niçois. À partir de quel moment avez-vous commencé à avoir des contacts avec des gens comme Manu Locus ?

Les premières personnes que j’ai rencontrées étaient les Mad Rollers. Alors eux, c’était les légendes pour nous, c’était Alex Colin. Il y avait aussi Jean-Pierre Isaac. Il y avait Kalak. Et bien après, il y a eu Manu Locus, plus début des années 1990.

Le tout premier rail grindé par Manu Locus. Un spot très connu des streeteurs niçois !
Le tout premier rail grindé par Manu Locus. Un spot très connu des streeteurs niçois !

Alors que les Niçois, c’était plus fin des années 1980. Malgré le fait que Manu fasse partie bien des riders de Nice, à la base. Il y avait pas mal de filles aussi. Elles défonçaient en descente, à faire peur. Moi je me suis pris des roustes par des meufs en descente, des niçoises, hallucinantes.

Nous en étions au début sur Marseille. Quand nous en étions encore à faire des tout schuss, eux ils en étaient à se taper des trucs en fakie, à faire des pieds collés en dérapage, etc. C’était un peu… Il y avait un petit décalage. Ils étaient en avance.

Toto Ghali, si je reviens un peu sur le matos en lui-même : en quad, à l’époque, les gens roulaient plutôt avec des coques de hockey type Bauer, CCM. Ils mettaient une platine avec des trucks de skate…

Ça a été un peu un choc pour Vincent et pour moi. Vincent a toujours eu des baskets. Moi j’étais plutôt coque Bauer parce que je les avais par CCM qui me les filaient. Donc c’est pour ça que je suis allé sur la coque de hockey. Mais j’avais déjà mes platines à l’époque. C’était des profils en alu coupés en diagonale, des profils de fenêtres coupés en diagonale avec des bases de truck. Moi quand je suis arrivé à Munster la première fois, j’ai vu que les gars avaient des chaussures plutôt Riedell, très basses, influencées par Jimmy Scott et Brian Wainwright. Il avaient des plaques de la marque de skateboard Tracker, en aluminium avec du bois et puis un slide-block. Tout le monde se bricolait son propre slide-block.

Donc je ne dirais pas que la tendance générale était les coques, je dirais que cela a toujours un peu été divisé entre ceux qui aimaient les pompes souples et ceux qui aimaient les pompes rigides. C’est resté jusqu’à présent d’ailleurs.

Oui c’est vrai, dans la vidéo Air Attack, voit que Taïg a des chaussures mi-montantes alors que René a des Riedell. Et toi à partir de quand tu commences à t’intéresser vraiment aux matos et à faire tes propres rollers ?

En 1989, quand je suis monté à Munster, j’avais fabriqué mes propres platines. J’avais mes profils en alu. En rentrant de Munster, après avoir vu ce que les gars avaient, je suis parti sur un truc en métal plié, soudé, triangulaire, encore avec des bases de trucks. Puis, tout de suite, il fallait des protections. On rêvait un peu des pro-design qui traînaient. Donc j’ai commencé à découper des poubelles marseillaises pour me faire des protections. J’ai chopé des matelas de yoga, de camping, un peu d’un bout de cuir, de la colle néoprène et je me suis fabriqué mes propres genouillères.

Toto Ghali avec Out
Toto Ghali avec Out

J’avais des Pro-Design ! Il y avait les Rector aussi à l’époque !

Rector, j’ai mis ma main dessus, mais après je me suis vraiment défoncé le genou avec, je me suis arraché la rotule. Et c’est là où vraiment je me suis dit qu’il fallait que je fasse un truc avec les produits. Alors, j’ai 0commencé par faire ces produits-là vraiment chez moi. Ainsi, j’en vendais une paire ou deux comme ça, à des copains autour de la scène.

Tu as fabriqué ça toi-même à la main ?

Oui, les premières. Je travaillais à l’école, mais je faisais des petits boulots à droite à gauche le week-end. Et pendant les vacances aussi, je travaillais dans une menuiserie aluminium et métallique pour faire les thunes pour l’école. Comme je te l’ai dit, on était d’une famille modeste, donc on participait. Tout ce qui était en extra et qu’on ne pouvait pas trouver, il fallait le faire. C’était impossible à ce moment-là de choper une paire de ProDesign ou une paire de Rektor. Ça a commencé à arriver aux alentours des années 1992 par Michigan Skateboard, un autre magasin. Après, 1990-1991, c’est complètement changement de direction avec le matériel.

Tu commences à faire ton propre matos. On est vers quelle année Toto Ghali ?

Les premières platines de quad en 1989. Les premières protections 1990. Il faut savoir qu’en fait le magasin Surf & Slide était fourni par quelqu’un de la société Holy Sport. Très rapidement, vu la façon dont je défonçais le matos, on m’a mis en contact avec la société Holy Sport qui est ensuite devenue Templar. Holy Sport m’a pris directement sous son aile. Et là c’était des sacs et des sacs de matos, 50 jeux de roues.

Et donc très rapidement, en 1990-1991, j’ai commencé à travailler sur des séries de produits, Holy Sport avait une ligne de protection en bas de gamme qui s’appelait Black Pro, et qu’ils m’ont demandé de réviser. Donc direct, j’ai dit :  » Black Pro : il faut arrêter ces conneries, on va faire B-Pro ».

Et ça a commencé directement par là. Dans ces années-là, je faisais de petits dessins, des modifs, des trucs en bois, des trucs en pâte à modeler, ça partait en Chine et ils faisaient les modifs qu’il fallait. Je faisais pas mal de coutures. J’en fais toujours d’ailleurs. Et du coup, je faisais de brique et de broc. Ensuite, ils faisaient faire les vrais produits par rapport à ça. Donc en 90-91, c’est là où j’ai commencé à vraiment avoir une notion de produit et de ce qu’était la faisabilité avec une machine industrielle.

Roues Toto Ghali 52 mm 98A
Roues Toto Ghali 52 mm 98A

Tu as donc commencé par les protections ou tu as travaillé sur plusieurs types de produits en parallèle Toto Ghali ?

Le premier produit commercialisé que j’ai fait c’était les protections avec la ligne B-Pro qui a été un peu partout. Elle était très populaire à l’époque en France. C’était du bas de gamme, que nous avons fait monter en qualité. Surtout les protège-poignets qui se cassaient tout le temps.

Et les platines de quad, c’est arrivé quand ?

Je crois que c’est arrivé vers 1993. Enfin tu sais, il y a toujours un décalage entre le développement et la mise sur le marché. Il faut généralement compter entre 16 mois et deux ans entre la conception et la commercialisation.

En même temps que j’ai révisé le B-Pro, j’ai fait la Backslide. Le premier prototype de Backslide, c’est mon petit frère, Khaldi, qui l’a fait avec du bois lamelé collé. Et c’était le prototype qu’on a amené à HolySport pour le faire fabriquer en Chine. A quelques mois près, c’est la même chose que pour les protections.

Alors là, il faut qu’on explique ce qu’est la Backslide. Parce que pour moi, c’est ma platine culte. Je roule toujours avec cette platine de quad qui est faite globalement pour faire du skatepark…

Il y a des trucks qui sont larges mais qui ne sont pas non plus extra larges par rapport à d’autres. Et il y a un slider au milieu, un slider profilé en plastique qu’on peut enlever, qu’on peut changer. C’est une platine donc avec une antraxe qui est assez large.

Est-ce qu’on revient bien en ce moment à genre de configuration ?

Ce qui est surtout particulier sur ce genre de platine c’est que vu qu’il faut la place pour un slider, pour faire les tricks au milieu et glisser, les trucks sont un peu plus écartés en distance sur la longueur, ce qui ramène de la stabilité.

Après j’ai eu pas mal de critiques, les gens pensaient que moi j’avais copié la grinder. Alors ça, ça m’a fait super rire, parce que à l’époque de Versailles, Alex Colin et moi on a été invités par Eric Gros au restaurant. Il nous a fait dessiner une platine de quad sur un coin de table… et il est reparti avec le bout de coin de table ! Bon, on était jeunes. La backslide c’est plus l’origine de la grinder que la grinder à l’origine de la backslide.

Oui, nous avons interviewé Eric, il n’a pas le même historique…

Oui, c’est toujours pareil.

Mais donc maintenant c’est une platine collector, qui marche toujours. Elle roule toujours et j’adore cette platine. A l’époque, elle sortait sous la marque Fiberlight…

Oui, Fiberlight, c’est ça. C’est une des premières platines qui arrivait sur le marché et qui n’était pas faite que de nylon. Elle était faite à 92% de nylon et le reste de fibre de verre. La plupart des autres platines étaient uniquement en nylon.

Donc à un moment ou à un autre les cavaliers limaient complètement la platine ou alors la platine cassait, ou se tordait.

Fiberlight est devenu une marque en elle-même. Ouais, derrière ça, c’était toujours la même chose, c’était Templar, en fait, qui m’ont toujours suivi. Après, tu sais, c’est parti dans le inline, les premières protections, Moon, etc.

Platine Toto Ghali 2013
Platine Toto Ghali 2013

On va revenir sur le inline, mais avant je suis obligé d’interroger sur les roues Krypototo, des roues assez mythiques. Elles étaient particulièrement agréables à rouler.

Ouais et en plus, la grosse majorité des roues d’avant pour le quad étaient en 78A de dureté. D’autre part, elles avaient l’intérieur de roue sur un angle obtus, ce qui faisait qu’il y avait des petits bouts qui pétaient. Donc c’est pas la grande innovation, mais nous avons fait un truc arrondi. Cela s’esr retrouvé après sur la Cruiser d’ailleurs. Avant les Krypto oranges, je sais pas si t’en souviens bien, c’était complètement droit à l’intérieur des roues. Ça ne facilitait pas les tricks sur les rails, parce que les premières glisses sur les rails ou les premières grinds, ça bloquait un peu.

La Kryptoto a été mon premier contrat pro. On m’a dit : « Tu vas prendre prendre tant par roue. »

J’ai signé, j’ai eu la première production, mon premier paiement. Et puis deux mois après, la boite a été vendue. Sauf que ce n’était pas marqué qu’en cas de vente, je recevrai encore mes royalties. Et par la suite, ils en ont vendu des millions et des millions au travers du monde, sans le logo Kryptoto dessus. Mais je n’ai plus rien touché.

Donc c’était ma première expérience business en tant que créateur de produits. Une très bonne expérience d’ailleurs.

Toto Ghali, j’avais une question par rapport au moment où tu as sorti tes produits quad, notamment tes platines. Tu étais en pleine transition en fait entre le patin en ligne et le quad. Est-ce que ça n’a pas été compliqué de sortir un produit à ce moment-là ?

Non, parce que la transition s’est faite… Moi je voulais absolument rester en quad. J’avançais très timidement vers l’inline. Et puis comme je l’ai dit, entre le moment où ça arrivait sur le marché et le moment où j’avais commencé à faire le produit. il fallait compter entre un an et deux ans. B-Pro, Kryptoto, c’est pratiquement dans la même période on va dire. Le inline ça arrivait un peu après quand même.

Donc ta platine elle sort en 1992. Le inline et le boom du marché arrivent en 1994 pour toi ?

A peu près oui. Mais en fait c’était une préparation, à un moment c’était inévitable, René n’arrêtait pas de me dire :  » Il faut que tu bouges en inline. Tout le monde allait bouger en inline et moi je me suis dit que j’allais essayer. Et pour être franc avec toi, ça payait bien. Ça payait beaucoup mieux que de faire du quad. Et là d’un coup je me retrouvais salarié avec véhicule de fonction, déplacements payés, etc.

Et là tu étais à ton compte à ce moment-là ?

Je n’ai jamais été vraiment vraiment à mon compte parce que tout ce que j’ai fait pour faire des produits comme ça, il faut des investisseurs. Une platine en trois tailles, ça vaut 10.000 balles, rien que pour les moules. A l’époque, tu n’es pas loin des 100.000 francs français ou 80.000 francs français. C’est bien après que mon indépendance est arrivée. Après la vente des Poppy et des Daisy. C’est là quee mon indépendance est arrivée.

Donc à l’époque où le roller en ligne arrive, toi, Toto Ghali, tu y es plutôt réfractaire ?

Complètement. Je n’ai pas honte de le dire. C’est comme ça. Vraiment, j’ai changé parce que je me retrouvais à aller voir tous mes potes faire des contests. A l’époque, les contests, c’était plus des réunions. Ca l’est toujours, mais bon, il y a un peu plus de performeurs maintenant. Mais je me retrouvais seul, tu vois. J’étais avec mes potes, mais j’avais l’impression qu’on faisait plus le même sport. J’ai glissé vers le inline en essayant, et puis la transition s’est faite en une semaine. En une semaine, je faisais tous les tricks que je pouvais faire en l’air. C’était difficile au début parce que je trouvais ça trop léger, ça ne faisait pas de contrepoids avec ma tête. J’étais plus que réfractaire, un peu têtu, on va dire…

À quel moment arrive le bowl de Marseille ?

Alors le bowl de Marseille, 1990, c’est le début de la construction. Si je ne me trompe pas, en 1991, il était officiellement inauguré. Mais dès que ça a été construit, en fait, la plupart des gens voyait le bowl de Marseille comme il est maintenant. Mais ce qu’il faut savoir c’est qu’avant il y avait un autre bowl juste à côté. C’était un ditch, un truc pratiquement rectangulaire qui était arrivé avant, vers 1988 ou 1989. Ce n’était pas du tout le bol de Marseille, mais c’était juste à côté, sur l’escale Borely. Là où il y a tous les restaurants, etc. C’était cet endroit-là, un truc rectangulaire avec des virages arrondis. Le but c’était de prendre de la vitesse, de sauter. Et rapidement après, ils ont mis une petite rampe à côté.

Vue panoramique du Bowl du Prado à Marseille (13)
Vue panoramique du Bowl du Prado à Marseille (13)

Vue l’explosion et le nombre de personnes qui venaient là, l’idée du bol de Marseille telle qu’on l’a maintenant a commencé. Le spot était prêt au moins six mois avant l’inauguration. Au début, il n’était pas fini, pas peint. Il y avait que des parties qui étaient faites, couvertes avec des tiges en fer.

Et même encore aujourd’hui c’est considéré comme un des meilleurs spots qui ait existé. Ça reste vraiment un spot mythique.

C’est un des meilleurs spots du monde. Mais ce n’est pas parce que je suis fier d’être marseillais, c’est parce que le mec qui l’a créé, c’est une première génération de surfeurs de mer et de skateboarder. Il était aussi architecte [NDLR : Jean-Pierre Collinet].

La façon dont il a combiné les lignes te permet, si tu as l’énergie, de tourner de façon infinie dans ce bowl. Il y a toujours un virage pour reprendre un peu de vitesse. Dans la plupart des autres bowls, tu te retrouves très souvent en face d’une ligne qui est finie, c’est-à-dire que tu as trop de plats ou que tu ne peux pas reprendre de vitesse. C’est ce qu’en fait pour moi le meilleur spot. Tu fais des huits tout le temps et c’est bon.

On imagine Kevin Quentin quand tu dis ça et Bruno Roland aussi…

Petite pensée pour lui. J’ai beaucoup voyagé avec lui d’ailleurs.

Oui, il parlait souvent de toi… Si on revient un peu sur la partie roller en ligne. On va dire que c’est un peu la professionnalisation du sport. Il y a un peu plus d’argent, il y a plus de voyages. Qu’est-ce que ça veut dire pour toi concrètement ce passage en inline?

C’est un peu plus compliqué que ça. Donc, il y a mes amis qui me disent  » Ouais, vas-y, fais du inline. « 

Moi je m’en foutais parce que j’avais tout le matos dont j’avais besoin par Holy Sport et Templar. Je pouvais faire ce qu’il me plaisait de faire. On me payait mes voyages, j’allais où je voulais. Mais je me sentais un peu seul. Mais là où le déclic est arrivé, au salon ISPO de Munich en Allemagne. C’est là que j’ai rencontré Matteo Attanasio. Et là, UltraWheels m’approche et me dit : « Ouais, il faut faire un roller, fais un roller, etc. ». Moi, très loyal, je retourne voir mon sponsor et les personnes qui m’ont aidées depuis mon enfance, Templar et Holy Sport, et je leur explique.

Et là, on part sur une stratégie où, je vais faire un truc en inline pendant un an ou deux ans, pour une marque ou une autre. Pas réellement développer un produit ou alors développer un produit qui ne marchera pas. Et en parallèle on commence la création de la marque OUT « Once upon a time », la sortie.

Et ce sont donc ces deux facteurs qui ont fait que je suis passé sur le inline. Il y a eu un aspect commercial mais ce n’était pas l’aspect commercial d’avoir les sponsors du roller en ligne. Non, c’était l’aspect direct d’être entrepreneur et de faire du business. J’ai toujours aimé faire les marchés, vendre des légumes, des patates avec ma mère, des sous-vêtements, ça a toujours fait partie de mon éducation.

Comment ça s’est passé avec Ultrawheels ?

Donc moi je voulais un truc comme ça. Et vu que mon sponsor me dit :  » Oui, vas-y. « 

Donc je pars chez UltraWheels. Je leur gratte un bon contrat. Ils me demandent de faire une marque de vêtemens UltraWheels. On appelle la marque de roller Sabotage. Et en cadeau, le gamme Sabotage était inskatable tu vois. Mais ils s’en sont aperçus après avoir investi.

Au moment où ils ont investi, les produits sont arrivés. Moi j’ai quitté UltraWheels. Ensuite, j’ai été voir Rollerblade. J’ai dit :  » Bon, vous me voulez. Voilà je veux tant. Je veux ma liberté pour mettre les protections que je veux. D’autre part, je suis pas obligé de mettre mes t-shirts. Enfin, je mets les casques que je veux. »

Ainsi, je trouve un deal avec eux, ils me font signer un contrat d’un an, ça a pris 7-8 mois. Ils m’ont fait pas mal voyager. En fait quand j’allais faire un show pour Rollerblade à Rome, je passais deux heures à faire la tournée des magasins et à leur montrer les prototypes de mes produits Out.

C’est comme cela que tu as préparé le terrain pour ta future marque Out…

Huit mois plus tard, j’avais mes clients à travers l’Europe. Ciao Rollerblade. Les premiers produits sont arrivés, la marque Out a commencé. Donc c’était une stratégie de pénétration de marché, carrément, sans m’en rendre compte.

En fait, c’était juste une idée de comment je voulais faire les choses, avec les supports financiers qu’il fallait derrière.

Je me rappelle de la marque UltraWheels qui est passée de manière ephémère. Quand je revoit des photos des Poppy ou des Daisy, ce sont des patins assez massifs. Cela me rappelle un peu un autre patin massif avec lequel je roulais : l’Argon de chez Oxygen…

Ah ouais, complètement, t’as raison.

Roller Poppy Out créé par Toto Ghali
Roller Poppy Out créé par Toto Ghali

Quelles étaient tes inspirations pour créer ces patins Toto Ghali ? Comment en es-tu arrivé à faire des patins comme les Poppy et le Daisy qui n’avaient absolument rien à voir avec tous les autres patins du marché ?

La première chose qui m’est passée par la tête, c’était la vitesse à laquelle fondaient les patins. Le devant mais le côté aussi là où on grinde. Donc très rapidement, j’ai pris une paire de pompes de roller existante, je ne me rappelle plus quelle marque et j’ai commencé à remplir de la pâte à modeler les endroîts où il fallait renforcer. Je ne me suis pas du tout questionné sur l’aspect design, je suis resté avant tout dans l’aspect fonctionnel. Mon but était que ce soit pas cher et que ça dure longtemps. C’était mon seul objectif. Je n’avais absolument aucune ambition d’esthétique. C’est comme ça que j’ai fait le Poppy.

Et ça a marché ?

Ça a marché, tu rigoles ou quoi (rires) ? C’est quand même la seule marque, jusqu’à il n’y a pas longtemps, qui a été faite par un rider. Avec un investisseur, mais c’était ma marque. C’est-à-dire, on ne m’a pas dit :  » Tiens, prends une couleur de lacet, change la couleur de la boot. »

J’avais main basse sur absolument toute la création. Je fais mon truc en pâte à modeler, j’ai parcouru Taïwan, la Thaïlande et la Chine. Je me suis assis avec les gars qui ont fait les moules. Ils me font un prototype à l’époque, ça s’appelle un mock-up, un prototype. À l’époque les prototypes n’étaient pas en impression 3D, c’était des sculptures en bois. Là ma sculpture en bois est finie. Alors, he reçois Intersport, puis Decathlon. Décathlon s’est bien servi de la marque pour lancer son business. Et je leur vends un produit en bois. Et là je leur dis :  » Voilà, vous prenez deux containers, vous aussi deux containers… » Ainsi, avant de commencer à produire et à injecter, on avait déjà vendu 80 000 paires.

Ah oui. D’accord ! Avant de commencer, à ce moment-là, tu as bougé en Europe et que tu es allé à Taïwan ?

Oui, déjà, dès B-Pro, je commençais à avoir « mes doigts dans la Chine, dans l’Asie ». Donc je suis arrivé très tôt en Asie.

Quel âge avais-tu Toto Ghali ?

Je ne sais même plus ! J’ai l’impression d’être né là-bas. Je ne pourrais pas dire vraiment de année à quelle année. C’était au début des années 1990. Vers mes 18 ans ou mes 20 ans.

T’étais gamin quand tu es arrivé !

Voilà, c’est ça, parce que ma mère m’a poussé à finir mes études. Donc j’ai passé mon bac, puis j’ai fait un DEUG de droit où j’ai échoué pendant deux ans. Après j’ai fait un B.T.S Action Co. Pendant tout ce temps, elle me disait :  » Quand tu seras majeur, tu pourras faire ce que tu veux. »

Et nous devions être juste en mars. J’ai eu mon anniversaire, ça devait être juin ou juillet de mes 18 ans.

C’était une expérience de fou. Tu arrives à 18 ans en Asie pour aller dans les usines et concevoir tes patins…

Attention, j’avais quelqu’un avec moi, quelqu’un d’un peu solide, qui s’appelle Eric Bouillet. En gros, sans rentrer dans l’état, l’investissement pour faire la marque Out, c’est-à-dire les protections, le Poppy et le Daisy, il fallait 500.000 balles. À l’époque, c’était beaucoup. Pas 500.000 francs français, mais 500.000 dollars. Donc l’équivalent de 500.000 euros.

J’y étais allé avec quelqu’un qui m’a guidé vraiment, pas à pas, pour que je fasse mon truc bien. Lui, il veillait à l’intérêt, bien sûr. Mais il m’a transmis une connaissance phénoménale. Et oui, je débarque là-bas comme ça. C’était hallucinant. Ma mère ne me croyait pas, elle me disait « envoie-moi une carte postale avec un timbre chinois » et elle croyait carrément que je n’y était pas allé.

Pendant combien d’années se sont vendus les Daisy et les Poppy ?

On a commencé en Europe. Pour sûr, ça a bien marché pendant un an et demi. Après, j’ai ouvert une boîte aux Etats-Unis qui s’appelait Eurange, Europe Orange, parce que c’était dans l’Orange County. On avait su mobiliser une femme qui travaillait chez Gosport pour qu’elle s’occupe plus ou moins de la gestion du business là-bas. Moi, j’étais là-bas pour faire la promo. Ça a duré entre deux ans et demi et trois ans. Et ça a ramené des millions et des millions.

Oui, j’ai encore une paire à la maison. C’est tellement collector ! Beaucoup de riders en parlent même encore aujourd’hui…

Ouais, en mal d’ailleurs. Ils disent que c’est dégueulasse, que ce n’est pas beau. Moi, je suis d’accord avec eux. Je ne l’avais pas fait pour que ce soit beau. Moi, je viens des quartiers pauvres. Je voulais absolument des rollers pas chers. Je voulais des rollers qui sortent à moins de 1000 balles. C’était mon objectif principal. Parce que le roller, pour moi, c’était un tremplin.

J’arrive des quartiers Nord de Marseille. Je ne suis pas né avec une cuillère en or dans la bouche, tu vois. Quand je disais à ma mère :  » J’ai encore faim, elle me disait : mais non, t’en as déjà eu assez. T’en as eu plein. »

Toto Ghali

Donc pour moi, c’était vraiment important de ramener un produit qui n’était pas cher et qui était skatable. Et c’était un gros produit. Bon, pas plus gros que pas mal de produits qui sont maintenant… Le Argon, moi, je trouvais que c’était un patin génial. Après UltraWheels, très rapidement, on a participé pendant un moment avec Matteo Attanasio sur l’Oxygene.

Est-ce que tu peux nous expliquer qui c’est ?

C’est un Italien-Américain qui habitait à Munich, en Allemagne. Quand je l’ai rencontré, il était sponsorisé par UltraWheels. UltraWheels avec qui on a fait la marque Sabotage. La raison pour laquelle on les a retournés, c’était aussi parce que moi j’étais un peu plus vieux que Matteo. Matteo était un super rider, quelqu’un avec un style vraiment à part de tous les autres riders. Un peu comme quand tu vois Raphaël Sandoz avec un style super, quand tu vois Scott Bentley ou des choses comme ça, il a un style très propre. C’était le meilleur allemand. Et il a fini pas mal dans le top des Européens. Il était très innovant avec des nouveaux tricks, du fakie, des 360, etc.

Des trucs qui étaient… Bien sûr que maintenant les gars font un 3 mètres, mais à l’époque c’était tout nouveau.

Après donc il a eu ses patins chez Oxygen…

Oui exactement. Je devais rentrer avec eux chez Oxygen. Et en plus, Oxygen, nous avaient présenté, je trouvais bien. Je trouvais que ça me convenait. Mais par contre, ils ont voulu faire un choix entre Mattéo et moi. Ils me voulaient moi en premier, faire le boom avec moi et après s’appuyer sur Mattéo. Donc moi, je suis parti chez Rollerblade.

Je l’aimais bien, c’était innovant, le cuff pivotant, d’ailleurs ça c’est mon idée… Il me l’ont piquée. Ce qui est rigolo c’est que la fabrication et l’injection du Poppy se faisait à Taiyuan. C’est au sud de Taipei. Et c’est là où se faisaient pratiquement toutes les bonnes qualités d’injection avant de partir en Chine. J’ai injecté dans la même usine qu’Oxygen. Ce que j’ai essayé d’améliorer avec le Poppy, c’est d’avoir un chausson bien plus confortable et d’avoir un cuff en deux épaisseurs différentes en bas au niveau du rivet ou en haut. Ça permet d’avoir une rigidité et une souplesse en même temps pour pas que ça appuie trop sur l’intérieur.

Après OUT, qu’est ce que tu fais en fait ? Parce que OUT ça a duré 3 ans, c’est ça ?

En tout cas le patin oui, mais les protections ont duré plus longtemps. Oui avec ma présence, ça a duré 2-3 ans. La marque s’appelle Out, Once Upon a Time. Donc mon but aussi quand même, malgré mon investisseur que je considère jusqu’à présent toujours comme un ami, Eric Bouillet, son frère avait pris le relais, je voulais faire autre chose. Et puis j’étais face à pas mal de critiques :  » Ouais c’est un roller pour la rampe ». Ce qui n’était pas faux, moi j’étais un ramprider.

Donc j’ai essayé de me rapprocher du street de façon intelligente et je voulais prendre mes billes et mon pognon pour faire un truc qui sorte de l’ordinaire. Et je suis parti en quête à travers le monde pour trouver une personne qui avait des idées farfelues au niveau d’une pompe de roller. C’est en revenant à un contest de skateboard à Montpellier « Short Brain », dans le bowl où je rencontre Kato.

Reportage sur la marque Remz

Et avec Kato, on se branche de suite. il est passionné de pompes, de Graf. Moi, pareil. Et on commence à délirer sur une pompe de street. On part donc sur l’idée, et on fait un truc qui part comme ça, qui n’a rien à voir, qui est une pompe souple avec un cuff caché, etc. Et là, je me suis accoquiné avec Kato. J’ai continué de retirer mes billes. Tous les riders qui étaient sponsorisés pro chez Out ont tous reçu pas mal de billes.

Si on regarde Vincent Isaac, il a commencé avec ça. Et ensuite il a commencé sa boîte. Certains ont réussi à retourner dans un truc. Et moi, c’était mon but, de sortir, d’être indépendant.

Racontes-nous les origines de la marque Remedyz avec Kato…

Donc on a commencé la marque Remedyz avec Kato. Le développement a pris plus de deux ans. L’investissement était hors de prix. C’était à 180.000 dollars le moule et il y avait six moules. Et on est parti dans ce délire-là de prendre le Remedyz. Mais ce qui était important, c’était que moi je reste à ma place. Et à ce moment-là, déjà, j’en avais marre, mais vraiment marre de lécher les vendeurs, les distributeurs, de les convaincre que ce truc était bien.

Donc je voulais rester à ma place. Je kiffe vraiment être dans mon usine, suivre les lignes de production, essayer des trucs qui sont impossibles à faire. Faire un dessin c’est facile. Le sortir d’un moule c’est une autre histoire. Et je voulais rester à cette place, mais en surveillant quand même, en allant dans la bonne direction. Kato a fait l’interface. C’est super bien tombé. il était streeteur. Mais le skate a été développé pour faire street et rampe.

Kato avec Lamine Fathi
Kato avec Lamine Fathi

Est-ce que tu peux me donner en gros la date de naissance de Out et ensuite le moment où toi tu arrives avec Remedyz ?

J’aurais beaucoup de mal à te donner la date exacte. Pour moi, la marque Out est arrivée bien avant. Parce qu’il nous fallait l’argent pour acheter les moules, pour payer les moules des Remedyz. Et l’argent, on l’a pris avec le profit qu’on a fait sur la vente des Out. Le plus gros, en tout cas pour ma part, je parle pas de mes investisseurs, le plus gros de l’argent que j’ai fait sur les Out, c’était dans les 18 mois après l’entrée sur le marché.

En gros c’est une Jordan, enfin ça ressemble à une Jordan sur des rollers. C’est incroyable. Ce design est ouf…

Bien sûr, Kato est un passionné de pompes. Il doit avoir toutes les Jordan. Donc c’était directement une inspiration. Mais ce qui est fou à propos de ce patin, c’est que c’est passé quasiment inaperçu, le cuff n’est pas à la même épaisseur que la joue extérieure. C’est-à-dire de façon à pouvoir glisser le cuir entre le cuff et la joue. Et ce qui veut dire qu’il y a une cavité. D’accord ? Une cavité. Techniquement, pour moi, c’était ma plus grosse prouesse, tu vois. Faire une cavité. Parce qu’un truc avec une cavité, tu peux pas la sortir d’un moule. Tu l’ouvres, il y a la cavité.

Et la patente, le brevet du Remz, était là-dessus, d’ailleurs. Ça, c’était la plus grosse prouesse qu’on a réalisé je pense. Après bon le design, la Jordan 12, c’est une pompe qu’on kiffait tous. C’était aussi une pompe qui ramenait la fonction. Le concept du Remedyz c’est : muscles, os et peau, comme le corps humain. Dans le corps humain il y a l’os, les muscles par dessus et la peau dehors. Donc on voulait avoir la peau dehors mais on avait besoin quand même d’un peu d’os dehors pour protéger la joue. Par contre au niveau support de cheville on avait besoin d’avoir l’os donc la partie platique au plus près possible de la cheville.

C’était un patin autant quad qu’inline en fait ?

Absolument. Kato était aussi un quadeur. Il s’est balancé sur le inline pas très longtemps avant de sortir le Remz. C’est un quadeur, on se connaissait par rapport au quad.

Là vous montez Remedyz. Je me rappelle de la sortie, c’était fou. Qui étaient les premiers riders que vous avez sponsorisé à l’époque ?

Les premiers à avoir des Remz à l’époque ont été des Européens. On avait Dallas Carlin, Gauthier Pirès, Jean-Jean, il ne voulait pas. Du coup, je lui avais trouvé un autre sponsor, je l’ai fait rentrer chez Roces. Bien sûr Kevin Quintin, Yann Delquet, Antoine Bizeux, le groupe des Marseillais quoi.

Comment la marque Remedyz est partie aux Etats-Unis ?

Kato c’est aussi un fanatique des Etats-Unis, il avait toujours rêvé d’habiter là-bas. Donc un débarquement à Cincinnati, en croyant qu’on allait réinventer le business du roller. À Cincinnati, on était vraiment au mauvais endroit. Mais ça a commencé à en mordre un peu depuis l’appart, à quelques magasins, il n’y avait pas les quantités pour vendre partout. Après ça s’est déplacé sur la Californie, en arrivant en Californie, là ça a été des Brian Dell, des gars de la première génération qui étaient là-bas, et on s’est retrouvé à vendre.

Après en fait au début aux Etats-Unis, il n’y avait que quelques gars à qui on donnait des rollers. Mais on leur donnait au prix que l’on payait, c’est-à-dire qu’ils les payaient quand même. Et après on avait tellement peu de quantité, qu’à la fin une fois que t’avais investi tout ça, il ne nous restait pas assez de pognon pour avoir des grosses quantités. Donc on a commencé avec 400 paires et il y a 50 états.

Tu peux compter qu’il y avait au moins 10 magasins par état. Donc on s’est retrouvé à envoyer 5 paires par magasin à travers les Etats-Unis. Et tous les gars qui avaient une paire avaient vraiment l’impression, les gens avaient l’impression qu’ils faisaient partie du team. En fait non, c’était des acheteurs.

Boot Remedyz
Boot Remedyz

Mais finalement tu as une nouvelle fois tracé ton propre chemin…

Et après ça, après il y a eu, après moi je suis reparti dans mon autre direction avec ma création de produits parce que j’ai développé beaucoup d’autres produits pour d’autres marques que je ne peux pas citer. On va dire toutes. À un niveau ou à un autre, ils avaient besoin d’un truc et je le faisais.

Comment a été accueilli le Remedy par le public ? Vous les petits frenchies, vous débarquez avec vos patins. Quel est l’accueil quand vous montrez ça aux streeteurs américains ?

On se fait casser la figure ! « Vous êtes en retard ». Il y avait les platines 50-50 qui sortaient, il y avait les trucs Sénate. Il y avait les soulplates qui s’élargissaient. On avait encore un talon fin. Donc on se retrouve à recevoir nos rollers et à s’adapter. Donc on fait fraiser des ailettes pour les soulplates, des talons, des talonnettes etc. en UHMW et là ça va mieux.

Ensuite on s’acoquine avec Jess Dyrenforth, enfin 50-50. On les met dessus et là, d’un coup, c’est l’explosion ! Si on avait eu les fonds, on aurait pu largement prendre le marché. On n’avait juste pas les fonds. Nous n’avions pas de quoi ramener 20.000 paires. On les aurait vendues en l’espace d’une vingtaine de jours sans problème. Mais on n’avait pas cet argent donc ça a fait un franc succès et c’est resté une marque un peu underground, une marque de pauvres quoi. Faut dire que chaque paire qu’on a vendu aux Etats-Unis, les premières, les mecs, il fallait qu’ils fassent le dessin de leurs pieds.

On recevait les dessins par fax avec les mesures marquées à côté pour être sûrs. Et on a modifié chaque paire. S’il fallait couper un truc dedans, s’il fallait écraser un truc, chaque paire pour qu’elles aillent parfaitement. C’est-à-dire que pour les premières 400 paires que les gars ont reçues, ils mettaient des gants. Tu vois, les moules en coque, c’était trois moules pour toutes les tailles. Nous on avait un moule par taille. Donc au niveau du confort et de la taille c’était nickel. Et à ce moment-là, ça a rencontré vraiment un gros succès.

On n’était pas les seuls aussi. Il y avait Mark Heineken, le patron de Senate, qui vient de Hollande. Il y avait Jess Dyrenforthqui vient avec 50-50, qui vient d’Angleterre à la base. Donc c’est très bienvenu en fait. Ça s’est très facilement installé. Dès qu’on a apporté les modifications.

Qu’est-ce qui entraîne le passage de Remedy à Remz ?

Ça c’était une période très difficile pour moi. C’est une période dont je préfère pas trop parler dans le détail. À la base c’était le Freedom of Fit, le Remedy, le remède, la liberté des pieds. Et à un moment on se retrouve un peu en galère avec Kato. On n’a pas les fonds pour acheter, on a des grosses commandes, on n’a pas de quoi faire fabriquer. J’investis mon dernier argent là-dedans, puis après je me rends compte que Kato, il a un truc avec Razor, pour que Razor s’occupe de la distribution. En échange, ils sponsorisent la production, donc forcément modification du patin, pour ne pas avoir de problèmes avec la patente.

C’est ça, c’est la transition de Remedy vers Remz. J’ai décidé de me retirer complètement du business du roller, et là je me remets à faire du quad. Un coup du quad, un coup du inline, beaucoup de skateboard.

Donc je suis resté encore un peu aux Etats-Unis. Après j’ai arrêté de faire le business. Et là je me concentre sur ce qui me faisait le plus vibrer, c’est-à-dire d’être enfermé dans mes usines à bouffer du riz et de la soupe. Avec les mecs des lignes de production, à dessiner des trucs dans tous les sens, à essayer des trucs incroyables, à faire des produits pour beaucoup de marques, mais pas en tant que total artiste, mais plutôt en tant que responsable produit.

 » J’ai un produit pour toi. Il te plaît, prends-le, donne-moi des sous et c’est tout. »

Toto Ghali

Comment s’est passée la suite Toto Ghali ?

Et je suis resté vraiment dans cette direction depuis cette période. Après, bien sûr, tout le monde a été pardonné. Là on avance, la vie avance, les produits évoluent. Mais moi à la base, j’aime bien faire évoluer les choses. C’était la raison pour laquelle je voulais un truc comme le Remz. C’est vraiment de faire évoluer le chemin public. On s’éloigne le plus possible de ces patins d’Ultrawheels et du patin à glace. Je pense qu’on mérite encore vraiment des pompes de roller qui soient faites vraiment que pour le roller. Et dans notre cas, pour le street, la rampe, le bowl et les transitions dans cette direction-là. Et je pense qu’on y est toujours pas complètement arrivé.

Donc là tu restes un peu aux Etats-Unis ou tu pars ?

Un moment ou un autre je tombe amoureux. Je rencontre… je faisais un show en Allemagne à Karlsruhe, à Stuttgart. Je rencontre ma femme, avec qui je suis toujours, allemande, de Hambourg. Il y avait Dallas et d’autres gars avec moi. Là, je dis « bon les gars, demain on va à Hambourg ». Et puis c’est parti à Hambourg. Je tombe amoureux.

Après, je suis entre les États-Unis et l’Europe à ce moment-là. Je retourne quand même aux États-Unis, Je reste encore presque un an aux Etats-Unis à faire pas mal d’aller-retours. Et là je décide que c’est l’heure de rentrer et je m’installe à Hambourg.

Là j’ouvre 21 solutions. C’est la première fois à Hambourg où c’est que je prends la distribution Europe du Remedy. Ça se chevauche tout ça. Entre le moment où je récupère les trucs et tout. C’est là où les explosions arrivent. Je suis loin de mon business et de mon bureau à San Diego.

Là je continue de développer des produits pour d’autres marques, ça devient très difficile. On est aux alentours des années 2000, 2001-2002. Et je fais aussi du développement Web, des sites internet, du graphisme, avec le designer de base de Remz. En tout cas pas le designer de produits parce qu’on utilisait des designers professionnels pour ça, mais le gars qui a fait les premières vidéos, les premiers sites, les Remedyz, il s’appelle Anthony Artelot. On ne l’a jamais trop connu, mais c’était le pilier derrière Remedyz.

Et là vous bougez à Hambourg…

On commence le business. Quand on voit que les produits, ça marche de moins en moins, qu’il y a un problème, on se met dans le développement web et la vie avance. Je me retrouve à voyager un peu en France, en Allemagne.

Avec ma femme, on déménage en France, on reste un peu sur Marseille puis on remonte encore un peu en Allemagne puis on finit par s’installer en Suisse.

Donc là, quelle est ton activité à l’heure actuelle?

Alors ça ça n’a rien à voir avec le roller. C’est 21 solutions encore, une solution du XXIe siècle que j’ai ouverte en 2008 en Suisse. C’est une boîte de production vidéo, spécialisée dans l’éducation médicale. On filme les meilleurs chirurgiens du monde, pour faire des modules éducatifs pour les autres chirurgiens, Ce n’est pas du tout pour les étudiants.

On fait du broadcast en direct. Le gars il est là, il fait son opération, et dans la salle d’à côté, il y a des salles de simulation où des gars refont l’expérience… ou ça peut être une salle d’opération réelle, avec des patients, ou alors avec des cadavres. Et là je me mets dans cette niche à créer du contenu éducatif, de chirurgie orthopédique principalement, cardiologie aussi. J’ai jamais été trop vidéo, mais en fait si.

Je ne regardais pas les films, mais je filmais beaucoup. Je prenais beaucoup de photos. C’était plus comme un hobby. C’était un hobby.

Puis, ma fille est née en décembre 2005. J’ai travaillé pendant un an pour une boîte qui était dans l’éducation médicale. Et là, de suite, je me suis dit :  » Il faut que je fasse ça « . Et j’ai commencé ça.

Quel est ton regard sur le monde du roller d’aujourd’hui ?

Je ne sais pas si j’ai le droit de dire ça, mais je me sens super fier de savoir d’avoir eu la chance de faire partie d’une première génération. De voir les gars, ce qu’ils font maintenant, avec tous les tricks originaux, de slide, de roues.

Quelque part, ça n’a rien à voir avec le street, et ça amène un renouveau. A chaque fois, dès que je peux aller voir un contest, un événement, j’y vais. Je suis en admiration par rapport à la façon dont cela a progressé. Je suis un peu déçu sur les produits en revanche, qui n’ont pas assez progressé. En revanche, je n’ai jamais vu ça comme un sport. Pour moi, c’est de l’art, en fait. Et pour moi, l’art, c’est récréer l’immatériel. Tu regardes une peinture, c’est la moitié d’un visage. Si c’est bien fait, t’arrives à imaginer l’autre moitié du visage.

Pour moi, c’est ce qu’on fait quand tu prends un bout de trottoir qui n’a pas de vie et qu’un gars glisse dessus. Il donne de la vie à un truc qui est mort. Ainsi, il recrée l’immatériel, cette partie artistique. Je ne peux qu’être en admiration.

Je vais rebondir sur ce que tu disais Toto Ghali : il y a quand même un gros renouveau du quad en skatepark. C’est pourquoi je voulais t’interroger sur la platine que tu as faite. Comment en arrives-tu à refaire une platine ? En tant que quadeur c’était un événement puisque depuis la backslide, il s’était pas passé grand chose…

C’est super simple : Déjà, après, j’ai arrêté le roller inline parce que je me faisais davantage plaisir en quad, tout simplement. Et pour mes 40 ans j’ai décidé de me faire un cadeau et je me suis dit :

 » J’ai toujours fait des produits un peu pour moi et beaucoup pour les autres, cette fois-ci j’en fais un pour ma gueule. »

Toto Ghali

Donc, j’ai ouvert un moule et je me suis fait une paire exactement dans ma taille, 28,5 cm. Et j’ai fait cette platine de quad. Le problème était que le gars ne voulait pas m’en produire moins de 500 paires. Alors je me suis dit :  » C’est pas grave, vas-y, fais-moi 500 paires. » Je ne m’attendais pas à ça en fait. Les gars se sont battus pour l’avoir ! « 

En moins de 16 mois, tout était vendu. Il y en a quelques-uns qui ont pris quelques paires, comme Harinoko, etc. J’étais vraiment surpris. Tout le monde m’a dit :  » Mais elles sont où les autres tailles ? «  et je leur ai répondu :  » Mais les gars, je ne l’ai pas faite pour vous !  » (rires).

Toto Ghali ressort une paire de platines, c’est sûr que même si ce n’est pas ma taille, je vais l’acheter. Il n’y a pas vraiment de discussion…

« Réellement, c’est un égotrip. Je suis parti, je me suis fais plaisir. C’était mes 40 ans et j’ai fais ma platine de quad que je ne pouvais pas me faire quand j’étais gamin. »

Toto Ghali

Mais par contre, j’ai une bonne nouvelle pour toi. Ça fait un moment que je suis acoquiné avec les meufs les plus fameuses, je vais pas dire de noms. Ça fait 4 ans qu’on est sur le projet. Là je rentre de Chine, y’a des bébés qui arrivent. Avec et sans freins, en 6 tailles.

Et elles ont compris que les trucks larges c’était bien…

Ouais après bon, il va falloir du temps avant qu’elles passent à du 60. Elles vont rester sur du 40 pendant un moment. Ce qui est pas mal pour le street, mais si tu veux faire des rails ça va être un peu difficile.

La pilule, moi, que j’aimerais bien faire passer, c’est pas de frein. J’y vois réellement un avantage. Si tu sais freiner, t’as pas besoin de frein. À la place du frein, ouais, un slider éventuellement, arrondi ou plat, tu vois. Ça part dans cette direction. Le bébé est en route. Donc en général, il faut 9 mois pour le pondre. J’espère que je vais pouvoir m’y tenir.

Il y a très très longtemps, notre ami Luc Bourdin, qu’on a interviewé, il avait fait des platines, les Monolith sur lesquelles tu pouvais faire des nose slides et des tail slides. C’était très casse-gueule, mais ça ouvrait d’autres possibilités tout à fait sympathiques.

Si tu imagines la façon dont se visse un frein par exemple, mais que ce soit un peu plus adapté pour une grind plate là dessus.

Donc là en fait, tu te refais ton matos pour toi. Tu t’aperçois que finalement des gens sont intéressés. Même si tu as ta vie en Suisse avec ton boulot et que tu fais de la vidéo médicale, tu as toujours des projets à côté…

Oui, mis à part par durant la période du COVID. Je suis en Chine entre 3 et 4 fois dans l’année, depuis toujours. Je ne peux pas dire les noms des marques, mais on peut dire à un niveau ou un autre, toutes.

Donc tu interviens là comme prestataire pour des marques existantes, pour leur créer des produits ? C’est sur de la protection, sur du patin, ou les deux ?

Cela va du roulement à la visserie, en passant par tout ce qui est au milieu.

Ce que je trouve fou, c’est que quand t’es déjà connu dans les années 1990-2000, aussi parce que tu riders pas mal, etc. Mais maintenant, si je prends quelqu’un dans un skatepark, et que je dis Toto Ghali, je suis absolument sûr que 99,9% des gens n’auront jamais entendu ton nom. Et pourtant, en fait, tu es toujours là à concevoir des patins, alors que finalement personne ne sait qui tu es…

C’est exactement la position que je préfère. J’ai fait l’erreur d’être devant. Et ça m’a coûté du pognon, de l’amitié, des émotions, que je n’ai pas du tout envie de remettre sur la table. Et puis c’est là où je m’éclate le plus. Vraiment, tu me donnes un couteau, un bout de bois, on crée un truc et je m’éclate.

Par contre d’aller les vendre et dire « ah oui, je vous garantis, c’est le meilleur » et tout, ça me fait chier. Et quand tu fais un produit, il est bien au moment où tu le fais. Puis, une fois qu’il est fini, c’est une peinture. Il est fini, il faut en faire un autre. Pour ça, il faut pouvoir jouer avec les outils de fabrication. Tu peux pas jouer avec ça, tu peux pas être au four à un moulin, tu peux pas faire la star et faire des produits, ça marche pas, ça va pas ensemble.

Ça a quand même l’air d’être une spécificité dans ton approche : effectivement tu es très proche des chaînes de production, tu expérimentes beaucoup a priori. Déjà t’as une culture d’un rider et en plus t’as cette connaissance qui fait que tu peux dire à une chaîne de production de faire telle ou telle manière…

C’est exactement ça.

Faut qu’on fasse une émission sur la prod, parce que la prod c’est la vie…

C’est super intéressant, je peux vous partager des images avec vous, des trucs impressionnants, en plus maintenant c’est pratique, beaucoup de choses sont robotisées et tout, c’est super intéressant, franchement.

Et ta formation initiale c’était quoi ?

BTS Action Co.

BTS Action Co, tu t’es fait sur le terrain…

Je me suis fait grâce à quelqu’un qui m’a introduit dans ce milieu-là, qui s’appelle Eric Bouillet, qui m’a donné cette chance de découvrir un truc dans lequel je m’épanouis le plus. Et je peux te garantir que je ne gagne pas tout le temps du pognon là-dedans. Et quand je fais dix produits, il y en a peut-être qu’un qui voit le jour. Mais ça m’éclate.

Finalement, tu es un petit peu comme « business angels » : tu sais qu’il y a une partie de tes projets qui n’iront pas au bout…

Ah ouais, je le sais, d’entrée.

Quand tu es en recherche et développement, tu es en recherche et développement.

Quand on interviewe des gens, à chaque fois on parle d’autres personnes, où ils nous disent « moi je roule avec telle personne, etc. » Quelle personne t’aimerais entendre parler à notre micro ?

J’en ai, mais ce qui est difficile c’est de n’en choisir qu’une : Alex Collin, Kevin Quintin, Vincent Isaac.

Il y en a certains comme Kevin, que j’ai déjà interviewé, c’est une personne que j’apprécie beaucoup.

Tu vois. Kevin c’est comme mon petit frère. D’ailleurs c’est mon petit frère. Donc s’il y a quelqu’un qui mérite vraiment de parler de ce que c’est le roller et de l’impact qu’il a eu sur de nombreuses personnes, c’est vraiment Kevin.

Et Vincent à sa manière, en faisant des produits, en étant derrière la scène. C’est un des premiers à avoir quitté le devant de la scène. Pourtant c’était un super rider. Et c’est l’un des premiers à avoir quitté la scène pour se concentrer sur le développement des produits.

Jean-Jean Chanet aussi, ça serait bien aussi en fait…

La dernière question rituelle de notre podcast Balado Roller, c’est la tribune libre…

Ce qui me tient à coeur, c’est de faire avancer ce qu’on fait. De donner plus de visibilité. Pour ça, je suis heureux d’ailleurs de voir que les grosses roues reviennent. Avec leurs histoires de petites roues, on a arrêté de faire des kilomètres et de faire la promo de notre sport, de notre passion. Parce qu’on restait sur un spot, on prenait le métro pour aller à un autre spot. Avec les grosses roues, on peut aller d’un spot à l’autre. Si on peut se déplacer de plus en plus en roller ou en quad, c’est comme ça qu’on fait avancer notre passion.

Après, que tu sois bon ou pas bon, on s’en tape. C’est pas une histoire de tricks, c’est une histoire de visibilité. Un gamin qui voit dans la rue un gars qui se déplace sur des roulettes, ça le fait vibrer, ou non. Mais oui, je pense que oui. C’est ce qui a fait la trottinette par exemple. Après, que les sponsors s’en mêlent et qu’ils en prennent le jus et qu’ils jettent le citron et qu’ils en prennent un autre, ça dépend que de nous. Si on continue à rouler, à être visible, à rouler, je parle vraiment rouler, se balader.

Si je peux passer un message, c’est ça, il faut continuer à rouler. Moi quand je fais de la rampe, je kiffe autant que quand je vais me balader avec mon walkman. C’est la roulade quoi, qu’est-ce que c’est que ça qui est bon. Et je suis certain que toutes les nouvelles générations, peu importe, s’il y a un coup skateboard, un coup roller, un coup trottinette, on peut arriver à un mouvement un peu comme le ski, le snowboard. C’est que tes parents font du ski, c’est ringard, donc tu fais du snowboard, tu fais du snowboard, donc t’es ringard, tu refais du ski, et d’arriver à un roulement perpétuel, comme ça, je trouve que ça serait bien.

Ça me semble être un bon mot de la fin. On va te remercier beaucoup, beaucoup d’avoir pris du temps pour parler avec nous de tout ça. Encore une fois, on a replongé très très longtemps en arrière. Donc merci beaucoup Toto !

Vérifiez les dates !

En tout cas, merci pour toutes ces infos sur le marché, vu de l’autre côté de la barrière. Avec plaisir. Ce sont des sujets qui sont assez peu abordés. On parle beaucoup des riders, on ne parle pas beaucoup des fabricants. Alors là on commence effectivement, on a eu des Greg Pinto, des Sébastien Lafargue et tu fais partie de cette génération qui a su à la fois rouler et puis passer de ce côté de la barrière et du côté de la production. Merci pour toute cette interview…

Merci les gars, un plaisir.

Pour aller plus loin

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Auteur
Walid NOUH 'Wawa'

Walid patine depuis la fin des années 80. Il a fait du roller freestyle et aggressif. Fondateur du site RollerFR.net dans les années 2000, il fût par la suite webmaster du site Rollerquad.net et co-fondateur de la marque de patins à roulettes détachables Flaneurz. Il est intéressé par la conservation et transmission du patrimoine rolleristique.

Traduction
Walid NOUH 'Wawa'

Walid patine depuis la fin des années 80. Il a fait du roller freestyle et aggressif. Fondateur du site RollerFR.net dans les années 2000, il fût par la suite webmaster du site Rollerquad.net et co-fondateur de la marque de patins à roulettes détachables Flaneurz. Il est intéressé par la conservation et transmission du patrimoine rolleristique.

2 responses to “Podcast : Toto Ghali, fondateur des marques Out et Remedy”

  1. Vincent isaac
    15 mai 2023 at 12 h 18 min
    Bravo! top sa c est de HISTOIRE
  2. Locus
    13 mai 2023 at 16 h 37 min
    Interview très très très attendue pour moi car il a fait partie des noms qui m'ont inspirés lorsque j'étais en Quad ! Un parcours exemplaire et une implication dans notre industrie insoupçonnée et modeste !!!! Merci à vous l'équipe pour cette interview de Toto !!! Et même si je ne vous ai pas suivi les marseillais et toi Toto bravo pour ce que tu as apporté au Roller quad et line!!!

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