Violette Pourthé, championne bordelaise du patinage à roulettes
La patineuse bordelaise Violette (Marie) Pourthé a vu le jour le 27 mars 1918 à Bordeaux. Elle mourut le 25 janvier 2018 à Gradignan (33), à l'âge de 99 ans. Elle fut l'une des premières championnes du monde de patinage de vitesse française. Rencontre...
Par alfathor

Violette Pourthé : la tête et les jambes !
Connaissez-vous la première championne française de patinage à roulettes de vitesse ? Dans les années 1930, la patineuse bordelaise Violette (Marie) Pourthé a défrayé la chronique, par ses résultats internationaux et son tempérament de battante. A seulement 17 ans, elle montait sur les plus hautes marches de son sport. Au fil des recherches, nous avons pu reconstituer une partie de son parcours sportif et personnel.
La famille de Violette Pourthé
Violette (Marie) Pourthé a vu le jour le 27 mars 1918 à Bordeaux, dans une fratrie de deux filles et un garçon. Elle est la fille de madame Marie-Antoinette Yvonne Lanié1 (professeur) et de monsieur Edouard Pourthé (employé de commerce, puis comptable). Ses parents avaient respectivement 30 et 34 ans quand ils lui donnèrent naissance. Son grand-père paternel, Georges Pourthé, était sellier à Pessac.
Une jolie bordelaise aux yeux noir comme de la braise, toute mignonne, toute gracieuse.
C’est en ces termes que le journaliste M. décrit Violette Pourthé dans le journal « Ce Soir »2.

Ou encore le lendemain dans le même journal sous la plume de R.V. :
Une charmante brunette à l’accent bordelais, mais au petit nez retroussé de Parisienne. Elle a 20 ans et est étudiante en médecine3.
Son club de patinage à Bordeaux
En outre, elle pratiquait le patinage à roulettes de vitesse au sein du Patin Club Bordelais, dont le président était alors M. Dubos4.
Les résultats sportifs de Violette Pourthé
1935 : déjà double championne d’Europe
Alors qu’elle fête ses 17 ans, Violette Pourthé est déjà championne d’Europe. En effet, elle remporte le 500 m et le 10.000 m sur route à Monza (Italie).

1937 : Violette Pourthé, championne d’Europe sur route
Du 25 au 27 juin 1937, elle prend part aux championnats d’Europe de patinage de vitesse sur route à Monza (Italie). Violette y patine aux côtés d’autres patineurs réputés de l’époque : Régis Broustaut (Gujan-Mestras), Louis Fichaux (P.R.C.) ou encore Madame Labille. Cette dernière est d’ailleurs sa coéquipière sur les courses.
D’autre part, cette année-là, les Français raflèrent d’ailleurs quatre titres sur quatre ! Ainsi que les deuxièmes places en vitesse et en fond5.
Violette Pourthé remporta d’abord une médaille d’or en fond devant la parisienne Labille. Elle rafla également une seconde médaille d’or en vitesse, devant Mademoiselle Nicolini. Le journal « La France de Bordeaux et du Sud-Ouest » du 12 juillet 1937 souligne les nombreuses irrégularités des juges italiens dont pâtirent les français. Il note également que Violette Pourthe, a mis son trac de côté et a fait preuve d’une grande intelligence de course.
Formée au Patin Club Bordelais, championne du Sud-Ouest, puis championne d’Europe en 1937, elle enleva l’an dernier le titre français, puis en septembre, à Monza, le championnat du monde sur route. Détient les records mondiaux sur 300, 1.000 et 1.500 mètres… Beaucoup de cran.
Journal « Ce Soir » du 4 février 1939
Une course régionale durant l’été 1937
Violette Pourthé prend le départ d’une course de patinage à roulettes de 3 km organisée à l’occasion de la fête locale de Chemin-Long à Mérignac (33) le samedi 31 juillet 1937. Elle l’emporte sous les couleurs du Patin Club Bordelais devant Annie et Manon Chabrelie (P.C.B.).
1938 : Violette Pourthé, l’une des premières championnes internationales françaises
En 1938, lors des Championnats du Monde sur route de Ferrara (Italie), la jeune patineuse bordelaise Violette Pourthe décroche le titre « mondial » sur 500 m en 51,4 secondes (ancien record du monde en 1:13.2) et 1.500 mètres en 3:04,4 (ancien record du monde en 3:40.8)6. Si l’événement était un championnat du monde pour les hommes, il était considéré comme un championnat d’Europe pour les dames. Elle se souvenait d’avoir roulé face aux Chemises Noires, l’aile paramilitaire du Parti National Fasciste.

L’article de « La France de Bordeaux et du Sud-Ouest » (10 octobre 1938) raconte ses mésaventures italiennes :
Mlle Violette Pourthé, a encore cette année fait l’expérience de la sportivité des juges italiens, car ayant été à plusieurs reprises accrochée par une Italienne, ses protestations n’ont eu aucun effet, mais ont eu, au contraire, le don d’inciter les juges italiens à lui donner un « avertissement » vraiment trop excessif.
Elle enleva certes la finales des 500 mètres mais ce ne fut pas sans mal, car, ayant battu sa rivale en 1/4 de finale, qui s’était repêchée elle la battit de nouveau dans les deux manches de la finales, mais les juges italiens la déclassèrent sur la plainte d’un juge italien. Le juge français exigea alors qu’une moto fut mise à sa disposition (ce qui lui fut accordé) pour suivre la 3e manche et en assurer la régularité ; Mlle Pourthé gagna avec une avance de 3 mètres.
La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 10 octobre 1938
Le journaliste F. Battavoine corrobore les propos de son confrère dans le journal L’Athlète du 12 octobre 1938.
Une belle seconde place derrière l’Italienne Rianda sur 10.000 m
Elle termina également seconde du 10.000 mètres derrière l’italienne Adriana Rianda (La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 10 octobre 1938) et devant la Suisse Muller. Elle était pourtant la seule française en lice contre des délégations étrangères composées de trois patineuses.
Ce fut une année faste pour les français puisque Louis Fichaux (Paris Hockey Club) remporta les titres sur 1.000 m, 10.000 m et 20.000 m.

1939 : une grande année sportive
En 1939, Violette Pourthé décrocha successivement les titres de championne de France, championne d’Europe et championne du monde7.

Sa prestation au Vélodrome d’Hiver en février / mars 1939
Violette Pourthe témoignait alors de la difficulté d’être passée professionnelle :
… que ce nouveau métier de professionnelle était bien plus dur qu’à Bordeaux… qu’il fallait avoir un souffle comme Vulcain pour tenir quatre heures à tourner sans arrêt sur la piste relevée… que les « brandebourgs » de cuir gênaient aux entournures…
Violette Pourthe
Son équipe avec Raymond Mathis
En 1939, Violette Pourthé fut autorisée par la Fédération Française de Rink Hockey à prendre part au championnat international de roller catch organisé à Vélodrome d’Hiver à Paris. La compétition se tint à partir du 2 février au 6 mars 1939. Elle arriva de Bordeaux le 30 janvier 1939 pour participer à la course. Violette y fit équipe avec Raymond Mathis pour le grand gala de roller-catch. Après avoir été amateur, elle finit donc par gagner sa vie grâce à sa passion du patinage à roulettes et à son talent. Les américains la considéraient comme l’une des meilleures joueuses au monde, devançant même certaines de leurs compatriotes. Ils ne l’épargnèrent d’ailleurs pas sur la piste et elle dû abandonner pour se rétablir après de multiples blessures8. Raymont Mathis continua donc la course seul.
Les français en firent d’ailleurs leur favorite, selon les mots du journaliste R.V.9 :
La petite Française Violette Pourthe, qui était vite devenue, par son cran et la façon dont elle s’était adaptée à ce nouveau sport, la favorite du public du « roller-catch »…

L’après Vel’D’Hiv
Un article de La France de Bordeaux et du Sud-Ouest10 nous apprend qu’après être revenue à Bordeaux, elle prit notamment part dès le 5 mars 1939 aux championnats du Sud-Ouest à l’American-Park et y battit le record régional du 500 m.
Le palmarès de Violette Pourthe en bref
1938
- Championne d’Europe du 500 m en ligne sur route à Ferrara (Italie)
- Vice-championne d’Europe du 10.000 m en ligne
1937
- Championne d’Europe du 500 m sur route à Monza (Italie)
- Championne d’Europe du 10.000 m sur route
- Vice-championne d’Europe du 1.000 m sur route
- Vice-championne d’Europe du 5.000 m sur route
1935
- Championne d’Europe du 500 m sur route à Monza (Italie)
- Championne d’Europe du 10.000 m sur route
La vie personnelle de Violette Pourthé après sa carrière sur les roulettes
Ses études
En 1930, elle obtint son Certificat d’Etudes Primaires dans l’école de filles Paul Lapie à Caudéran, parmi les boursières 1ère série . D’ailleurs, elle décrocha également le prix cantonal11. Ensuite, Violette mena avec succès des études de physique/chimie à l’Ecole nationale supérieure de Chimie. Seule femme dans sa promotion, elle en termina major en 1940. Elle travailla en laboratoire.
La vie de Violette Pourthé en Afrique
Violette Pourthé se maria une première fois à Jean, Louis, Antoine Bonneteau le 19 avril 1941. En 1942-1943, elle donna naissance à Patrick, son premier enfant, le 15 décembre 1942. Après avoir assisté à la libération de Bordeaux, Violette Pourthé et son mari partirent au Gabon. Ce dernier était comptable dans une société. Elle occupa alors un emploi de professeur de français, de mathématiques et possiblement de physique/chimie dans un lycée français. La relation avec son mari se tendit. Victime de violences conjugales (constatées par un médecin), elle quitta son mari et divorca.
Elle tira alors un trait sur sa vie passée, trop douloureuse pour elle. Brune de nature, elle se teignit les cheveux en blond platine, un nouveau départ symbolique. Avec son fils Patrick, elle partit alors pour Pointe-Noire, au Gabon où elle rencontra son second mari, Jean-Léon Viguier. Avocat à la cour d’appel de Pointe-Noire, il rentrait d’Indochine. Ils se marièrent sur place le 2 juin 1956.
A côté de Pointe-Noire, à la pointe indienne, elle s’adonnait notamment la pêche au gros (au tarpon) depuis le rivage.

Drame et adoptions
Le 1er mai 1960, son fils Patrick fut victime d’un tragique accident de Vespa et décéda. Violette Pourthé revenait régulièrement en France pour voir sa famille à Bordeaux. A l’âge de 42 ans, elle fit alors le choix d’adopter successivement deux enfants à Eysines, en 1961 et 1963. La famille Viguier resta en Afrique jusqu’en 1966.
Retour en France
A son retour en France, la famille s’installa quelques temps à Sadirac, le temps de trouver une belle maison de maître à Talence, rue Léon Say. Violette devint professeur / correcteur au Centre National de Télé-enseignement à Vanves. Elle travaillait alors à distance depuis la capitale girondine.
Violette pourthé, sportive dans l’âme
A son retour en France, elle se rendait souvent dans les Pyrénées où pratiqua le ski-alpin et le monoski à très bon niveau, à plus de 40 ans. Violette s’aventura sur les cimes et se lança également dans l’alpinisme. Après la glisse sur roulettes et sur neige, elle opta pour la glisse aquatique, avec le ski-nautique.
Une voyageuse dans l’âme
De ses 55 ans à ses 80 ans, Violette Pourthé n’eut de cesse de voyager. Elle se rendit dans de nombreuses régions du monde. A chaque visite dans un pays, elle en ramenait une coiffe ou un chapeau.
Ses passion à côté du patinage à roulettes
Douée en dessin et en peinture, violette peignait sur porcelaine. Plus tard, elle se lança dans la peinture sur émaux.
La reconnaissance ministérielle
Au delà de ses médailles internationales en patinage de vitesse et de ses trois records du monde, dans les années 1990, Violette Pourthé reçut la médaille de la Jeunesse et des Sports.
Epilogue
Jean-Léon Viguier y resta jusqu’à la fin de sa vie. Né en 1925, il décéda le 10 février 2011, des suites d’une longue maladie, à l’âge de 86 ans. Violette, quant à elle, passa plusieurs séjours en maison de retraite, à l’EPHAD Douceur de France à Gradigan. Son ancienne directrice conserve l’image d’une personne très sportive, indépendante, battante, curieuse, ouverte. Dans sa chambre, siégait une magnifique photo d’elle en train de faire du ski nautique. Elle s’y éteignit le 25 janvier 2018 à Gradignan (33), à l’âge de 99 ans, après une vie bien remplie. Elle est enterrée avec son fils, au cimetière de la Chartreuse, non loin de ses parents. Au delà de ses résultats sportifs, nous retiendrons d’elle cette personnalité incroyablement moderne pour son époque.
Pour aller plus loin
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Sources
- La Gironde, 22 septembre 1912, p. 3 (Retronews) ↩︎
- Ce Soir, 3 février 1939 (Retronews) ↩︎
- En réalité, elle ne fit pas des études de médecine, mais de physique / chimie. ↩︎
- La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 12 juillet 1937 ↩︎
- La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 13 juillet 1937, p. 6 (Retronews) ↩︎
- Sport-Kurier, 18 août 1938 ↩︎
- Felix Levitan, L’Intransigeant, 1 février 1939, p. 4 (Retronews) ↩︎
- ↩︎
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- La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 6 mars 1939 ↩︎
- La Petite Gironde, 19 juillet 1930, p.5 (Retronews) ↩︎
Remerciements
Aux enfants de Violette Pourthé pour les anecdotes sur sa vie et les photos de ses médailles, à Patrick Clastres pour les recherches généalogiques sur ses parents.