John Joseph Merlin – premier inventeur reconnu de l’histoire du patin à roulettes

Les historiens attribuent la première paire de patins à roulettes à un néerlandais méconnu et dont il ne semble rester aucune trace, un homme qui patinait le long des canaux. Mais c'est le Belge John Joseph Merlin qui a laissé sa trace dans l'histoire. Nous lui devions bien une article...

Par Vernon SULLIVAN

John Joseph Merlin – premier inventeur reconnu de l’histoire du patin à roulettes
Jean-Joseph Merlin

Biographie de John Joseph Merlin (1735-1803)

Selon R.S. Kirby, John-Joseph Merlin serait né le 17 septembre 1735 à St Peter’s, dans la ville de Huy (principauté de Liège, actuelle Belgique). Cette cité se situe entre Namur et Liège, à 5 km de Maastricht. Il est mort le 4 mai 1803 à Paddington à Londres (Grande-Bretagne) à l’âge de 68 ans.

Il n’est peut être pas le premier inventeur des patins à roulettes, mais il reste à ce jour le seul dont l’identité est officiellement connue. Sans doute peut-être parce que John-Joseph Merlin marqua son époque bien au delà de l’anecdotique invention des patins à roues alignées.

En 1985, the Greater London Council publia une biographie richement illustrée sur cet inventeur prolifique et hors-norme : « John Joseph Merlin – The Ingenious Mechanick ». Cet ouvrage collectif fournit de précieuses informations sur l’ensemble de sa vie et de son œuvre.

L’enfance de Merlin

Nous savons peu de choses sur ses parents. Il avait un frère nommé Francis et une soeur nommée Elisabeth. Il avait aussi un demi-frère, Charles Merlin qui vivait à Strasbourg. Ce dernier était également inventeur. Il est fort probable que l’invention soit une histoire de famille mais les chercheurs restent au stade des hypothèses.

Les débuts de carrière de John Joseph Merlin

Peu de trace subsistent. Toutefois, ses biographes révèlent qu’il partit pour Paris à l’âge de 19 ans et qu’il passa six années dans la capitale aux environs de 1754 et jusqu’à 1760. Scholes indique qu’il aurait été invité par l’Académie des Sciences à venir s’installer dans la capitale. Apprenti, il fabriquait alors des horloges, des montres, des instruments de musique et d’autres instruments mathématiques de précision. Histoires & Mémoires de l’Académies des Sciences (p. 47) fait référence à l’invention d’un certain « Monsieur M. » d’un « fauteuil pour ceux qui ont la goutte aux jambes ».

John Joseph Merlin par Thomas Gainsborough
John Joseph Merlin par Thomas Gainsborough

Merlin quitte la France pour l’Angleterre

Sous la protection du Compte de Fuentes

Le 24 mai 1760, il a 24 ans. Il quitta alors Paris et s’expatria en Grande-Bretagne sur invitation de l’Académie Royale des Sciences. Ainsi, il accompagna l’ambassadeur Extraordinaire d’Espagne, le Comte de Fuentes avec lequel il résida temporairement à Soho Square.

Le comte devint son protecteur. Passionné de mécanique, il l’introduisit dans les cercles scientifiques de Londres. Merlin peinait cependant à travailler sur place du fait de son manque de maîtrise de la langue et les rapports avec les ouvriers étaient compliqués. Il apprit l’anglais et gagna ainsi la confiance des travailleurs.

Plus tard, quelques personnes des milieux aristocratiques s’amusèrent d’ailleurs de ses traductions très littérales et inspirées du français.

Merlin travaille ensuite pour l’orfèvre Sutton

Durant les trois premières années après son arrivée, Merlin s’éloigne progressivement de son bienfaiteur Fuentes. Il aurait alors vécu avec l’orfèvre Mr. Sutton pour lequel il aurait travaillé, non loin de Convent Garden. Un emploi plus stable mais moins prestigieux.

James Cox et son musée des automates

Il devint ensuite le principal mécanicien du musée de James Cox à Sprint Gardens sur Prince’s Street. Merlin était considéré comme le bras droit de Cox. Il contribuait à développer des instruments de musique et à entretenir des automates.

En 1772, ils faisait la renommée des lieux. Merlin produisit ses propres automates plus tard. Il aurait quitté l’endroit en janvier 1773, par crainte d’une faillite.

Merlin gagne son indépendance

Merlin acquit progressivement davantage de moyens financiers et une plus grande renommée. Il vivait alors à Little Queen Ann Street East, dans la paroisse de St Marylebone. Il devint « grand favori » de la famille Burney dont le patriarche, le Docteur Charles Burney est musicologue. Ami des Burney et également de la famille Thrale, il se fit connaître pour ses instruments de musique et entra dans le grand monde, utilisant son excentricité comme un atout. Il cultiva une image de gentleman amateur plutôt que de commerçant, ce qui pourrait expliquer pourquoi il fut immortalisé par le peintre Gainsborough.

En 1774, il aurait rencontré des difficultés financières à cause des professeurs de musique qui auraient refusé de recommander son clavecin sans verser de pot de vin. C’est pourquoi il aurait déménagé en 1783 au 11 de Prince’s Street, à Hanover Square. Il comprit également que ce quartier où vivait des familles nobles et bourgeoises pouvait lui être bénéfique. Son adresse à Hanover Square resta cependant une adresse professionnelle.

Le musée de Merlin

Merlin aurait ouvert son propre musée de la mécanique entre 1783 et 1788, à Hanover Square, sur Oxford Street. Toutefois, les sources restent vagues sur cette date et les historiens ont trouvé des traces de tickets datant de 1788.

Le « Musée de la Mécanique de Merlin » est un endroit divertissant et populaire à visiter. Il y présente ses inventions. L’endroit est surnommée : la « Cave de Merlin ». Les invités peuvent y jouer à la machine à sous, voir des horloges à mouvement perpétuel, des cages d’oiseaux mobiles, écouter des boîtes à musique et même essayer la chaise à roulettes pour quelques shillings. Merlin semblait infatigable. Il consacrait tout son temps à ses inventions. Dans sa rubrique nécrologique, le Gentleman’s Magazine indique que c’était un homme qui n’a jamais laissé un moment inemployé.

Merlin : showman et communicant

Comme nous l’avons vu, Merlin sut faire sa place dans les grandes maisons et dans l’aristocratie. A une période où les bals masqués étaient particulièrement populaires, il comprit l’intérêt de montrer ses inventions à la noblesse. Il s’exhiba notamment déguisé en « roue de la fortune », mais aussi en médecin avec une chaise dispensant des chocs électriques à ceux qui osaient s’assoir dessus. Les chroniques mondaines narraient ses déguisements toujours plus originaux et qui lui valaient d’être reçu par des membres de la famille royale. Il joua aussi sur son homonymie avec le célèbre Merlin l’enchanteur de la légende pour parfaire sa réputation. Il fut si célèbre à Londres, que l’ouvrage « John Joseph Merlin – The Ingenious Mechanick » précise que de nombreuses tavernes prirent son nom

La fin de John Joseph Merlin

Sa santé déclina lentement à partir des années 1790. Il rédigea son testament le 21 mars 1803, demandant à ce que l’essentiel de ses biens soient vendus… et que les pièces qui n’aurait pas été vendues soient passées au pilon ! Il mourut célibataire céda ses bien à son frère Francis, à sa soeur Elisabeth, à son demi-frère Charles et à sa nièce Anne. Le musée de Merlin subsista jusqu’en 1808.

Les inventions de Merlin

Les patins à roulettes de John Joseph Merlin

Sa première paire de patins à roulettes se composait d’une rangée des roues en métal. Par ailleurs, il les aurait souvent portés pour faire la publicité de ses inventions et de son musée.

En revanche, l’arrêt et les changements de direction étaient vraiment problématiques et son habileté ne suffit pas à compenser ces défauts. Il les montra donc régulièrement sans les breveter.

Le Thomas Busby‘s Concert Room and Orchestra Anecdotes (1805) fait référence à un incident malencontreux qui serait à arrivé à Merlin lors d’une démonstration de ses talents de patinage :

« Une de ses nouveautés ingénieuses était une paire de patins conçue pour avancer sur des roues. Equipé de ces derniers et d’un violon, il se mêlait au groupe hétéroclite d’une des mascarades de Mrs. Cornelys à Carlisle House. N’ayant pas les moyens de réduire sa vitesse ou de se diriger, il se précipita contre un miroir de plus de cinq cents livres de valeur, le brisa en atomes, cassa son instrument en morceaux et se blessa sévèrement. « 

L’ouvrage « John Joseph Merlin – The Ingenious Mechanick » indique qu’aucun exemplaire des patins de Merlin ne serait parvenu jusqu’à notre époque.

John Joseph Merlin et ses contemporains

Merlin faisait partie des « favoris » de la maison Burney. Il est décrit par ses Fanny Burney comme ayant une conversation divertissante, agréable. Quelqu’un de simple dans ses manières, capable d’exprimer son opinion sur tous les sujets et toutes les personnes avec la plus grande franchise. Il montre de la reconnaissance pour la courtoisie qu’on lui accorde.

Le Cygne d'Argent de John Joseph Merlin
Le Cygne d’Argent de John Joseph Merlin

La magie de John Joseph Merlins’étend bien au delà du patin à roulettes

La mémoire cantonne souvent les inventeurs à une seule de leurs trouvailles, mais nombre d’entre eux ont exercé leurs talents et assouvi leur soif de création dans d’autres domaines. John Joseph Merlin ne fait pas exception à la règle et ses talents d’horloger lui ont permis de créer le Cygne d’Argent en collaboration avec James Cox. En outre, cet automate réalisé en 1773 fonctionne encore. Par ailleurs, il est conservé au Bowes Museum à Barnard Castle, en Angleterre. D’autre part, John Bowes l’acquit en 1872 chez un joaillier parisien pour la somme dérisoire de 200 livres ! Enfin, l’automatique s’est vu consacrer un reportage de la BBC.

Lorsque le mécanisme d’horlogerie est remonté, la boîte à musique joue et les tiges de verre tournent, donnant l’illusion de l’écoulement de l’eau. Le cygne tourne la tête d’un côté à l’autre, puis remarque le poisson qui nage et se penche pour en attraper un (ornithologiquement inexact, car les cygnes ne mangent pas de poisson). La tête du cygne revient alors à la position verticale et la performance, qui a duré environ 40 secondes, est terminée. Pour aider à préserver le mécanisme, le cygne n’est utilisé qu’une fois par jour à 14 heures.

Il a également collaboré avec Cox pour élaborer une montre alimentée par les changements de pression atmosphérique.

La postérité lui doit aussi :

  • Un fauteuil roulant automoteur
  • Le système pour appeler les domestiques
  • Un dispositif prothétique pour des « personnes nées avec des moignons seulement »
  • Des cartes spéciales pour les aveugles
  • Une pompe pour expulser « l’air vicié »
  • Une table à thé tournante
  • Un char mécanique avec une sorte d’odomètre
  • Un pianoforte avec une portée de six octaves qu’il a fait en 1775 qui précéda de quinze ans le piano à queue de Broadwood (cinq octaves et demi)
  • Il a apporté des améliorations au clavecin, et a créé un orgue de baril / clavecin qui a joué dix-neuf chansons.

Les brevets de John Joseph Merlin

Un clavecin de Merlin en 1780
Un clavecin de Merlin en 1780

Certains inventions protégées par des brevets apparaissent dans les archives. Elles figurent également dans l’ « Alphabetical index of patentees of inventions (1617-1852) ». Il en déposa deux successivement :

Le 29 janvier 1773 :

« Spring-jack having a reflector to increase the heat, and thereby save fuel »

soit :

« Un Vérin à ressort ayant un réflecteur pour augmenter la chaleur et ainsi économiser du carburant  »

Le 12 septembre 1774 :

« Compound harpshichords with a set of hammers similar to those in a pianoforte, in addition to quills ; adding suche hammers to common harpshicords »

soit :

« Un clavecin composé d’un jeu de marteaux similaires à ceux d’un pianoforte ».

L’héritage de John Joseph Merlin

Non marié, Merlin légua ses biens à ses deux frères et à sa sœur qui vivaient à l’étranger. Le détail de ses inventions figure dans la liste de Richard Altick dans « The Show of London » (1978).

Le Kirby’s Wonderfud and Scientific Museum (1803) publia une gravure montrant Merlin et son char mécanique. Une gravure de son fauteuil roulant mécanique est apparue dans « Achermann’s Repository of arts (1811). Kenwood House, Hampsead, expose le célèbre portrait par à l’huile par Thomas Gainsborrow. Kenwood racheta cette penture en 1983. En effet, un anonyme la louait depuis 1973.

Pour aller plus loin

La page wikipedia consacrée à John Joseph Merlin

Philip H. Highfill; Kalman A. Burnim; Edward A. Langhans (1984). A Biographical Dictionary of Actors, Actresses, Musicians, Dancers, Managers, and Other Stage Personnel in London, 1660-1800: M’Intosh to Nash. SIU Press. ISBN 978-0-8093-1130-9.

John Jacob; Iveagh Bequest, Kenwood (London, England); GLC Public Relations Branch – édité à London par Iveagh Bequest, Kenwood : Greater London Council, 1985., John Joseph Merlin: the ingenious mechanick

Portrait de Merlin : Thomas Gainsborough

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Auteur
Vernon SULLIVAN 'SULLIVAN'

Passionné de roulettes devant l'éternel, le jour j'écume le bitume. Si je me crashe, si je tombe, ma peau s'arrache mais pas mon coeur de roller !

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