Le Trocadéro : un spot historique du roller parisien
Les lieux et leurs acteurs n'ont pas toujours été tels qu'on les connaît. En 70 ans, le Trocadéro a vu passer des générations de patineurs : des danseurs, des sauteurs, des quads, des inline, des jeunes, des anciens. Voyage à travers l'histoire du spot le plus connu de Paris...
Par alfathor

L’histoire du patinage à roulettes et du roller au Trocadéro
Le team 340 : Savez-vous d’où vient ce nom ? Pendant l’occupation durant la seconde guerre mondiale, les résistants utilisaient ce nom de code (Trois, Quatre, Zéro) pour se donner rendez-vous au fameux monument parisien du Trocadéro qui fait face à la tour Eiffel. Un lieu public, la panacée pour rester discret en plein jour !

La véritable histoire d’amour entre le roller et le Trocadéro date de 1937
Mais l’histoire du roller au Trocadéro remonte véritablement à l’avant-guerre. On y a patiné à partir de 1937. La date de L’Exposition Internationale « Arts et Techniques dans la Vie moderne » à partir de laquelle l’ancien monument rococo a fait place aux bâtiments modernes et à l’Esplanade. Avec cette nouvelle aire, sont arrivés les patineurs et les patineuses à roulettes !
Dans un premier temps, ce sont surtout les enfants qui ont foulé la partie haute du Trocadéro. Les adultes sont arrivés beaucoup plus tard.

1950-1975 : Florimond Dufour, un illustre inconnu qui a marqué l’histoire du Trocadéro
Florimond Dufour était l’un des personnes emblématiques du Trocadéro.
Comptable de métier, il s’habillait de son costume foncé et d’une cravate, il patinait initialement dans les patinoires avant la guerre de 1914-1918. Florimond Dufour était un spécialiste des danses imposées. Un jour il a jeté son dévolu sur l’Esplanade du Trocadéro. Durant plus de 25 ans, de 1950 à 1975, il a amené son gramophone sur lequel jouaient des marches militaires allemandes et des valses 1900. Il dansait en tenant dans ses bras une cavalière imaginaire.

« le patineur solitaire » (1969)
Il appréhendait de tomber à cause des enfants, il les éloignait dès qu’il arrivait. Dès qu’il se reposait, les enfants s’emparaient à nouveau de l’espace.
Un jour, il a fait une chute. Le médecin lui a alors interdit de patiner en arrière. Il tomba à nouveau et dû arrêter le patinage. Il a continué à venir et à passer ses disques, mimant ses danses à pieds. En fin de journée, il reprenait le métro, la poinconneuse le connaissait et s’inquiétait s’il ne rentrait pas.
Parfois, les gens lançaient des pièces, à la fois fascinés et moqueurs, mais il ne faisait pas la manche… il ramassait seulement les pièces pour ne pas buter dessus !

Un court extrait vidéo de That’s Entertainment, Part II
A l’âge de 64 ans, Gene Kelly rechaussait les patins à roulettes au Trocadéro pour la présentation de ce documentaire hommage aux films de la MGM.
Les vedettes passées par le Trocadéro
On a croisé quelques vedettes de cinéma au Trocadéro. On pense notamment à Gene Kelly dont les prouesses sur roulettes ne sont plus à démontrer.
Nina Companeez a également fait honneur au Trocadéro en 1976 avec « Comme sur des roulettes« .

Le film Trocadéro Bleu Citron est sorti en 1980 avec Anny Duperey, Lionel Melet, Bérangère De La Gatinerie. Il raconte l’histoire de deux amoureux, Phil et Caroline, hauts comme trois pommes, qui se retrouvent dans les jardins du Trocadéro pour s’adonner à leur sport favori, le skateboard.

En 1981, « Pour la peau d’un flic » amène Alain Delon sur le mythique spot parisien. En 1982, l’indiscrétion, film de Pierre Lary, fait de même. Puis, c’est au tour de Joy et Joan de Jacques Saurel en 1984 dans un tout autre registre.
En 1983, un remake de Don Camillo, met en scène Terence Hill pour les besoins d’une publicité. L’acteur évolue sur l’Esplanade habillé en curé qui patine à roulettes avec des enfants.

Les années 1970
Les années 1970 sont marquées par le boom du skateboard. Au début des seventies, une première vague arrive. Parmi les noms qui ont marqué cette période su skateboard : José Dematos, Joël Boisgontier (1975) les frères Patrice et Gérard Almuzara adeptes du slalom. Au départ, les slalomeurs utilisaient des canettes, puis les fabricants ont créé de vrais plots.

Les skateurs s’amusent à descendre les pentes, debout ou assis, à toute allure en faisant de gros dérapages. Nombre d’entre eux ont pratiqué en compétition.

Les années 1980 : l’âge d’or de la glisse au Trocadéro
Jusqu’en 1979, le règne des patins en fer cantonne la pratique aux enfants. Les adultes sont arrivés dans les années 1980 avec l’apparition des roues en polyuréthane. Ils utilisent l’architecture du Trocadéro pour faire des acrobaties : une petite pente près d’une volée de 9 marches sert de tremplin, les marches sont utilisées pour le tac-tac ou les sauts.
Dans les années 80, la pratique se déplace géographiquement : les gens quittent un peu les hauteurs pour aller pratiquer en contrebas. On commence alors à slalomer sur les plans inclinés de part et d’autre des fontaines.
S’y cotoient les slalomeurs en quad et en planche. Quand les uns se mêlent aux lignes de plots des autres, l’atmosphère se tend. Si un plot est renversé, c’est le drame ! La cohabitation a parfois été tendue. On y rencontre Zola Kikonko, Mouss, Petit Ben, Kalou…
L’endroit servit également de point de départ à la quatrième édition de Paris sur Roulettes, le 6 avril 1984. Plus de 5000 patineurs s’élancèrent alors à travers les rues de la capitale pour une course / randonnée de 15 km.
Le team 340 (Trois Quatre Zéro)
Le fameux team 340 a vu le jour entre 1985 et 1987. Il était encore actif en 2008. Parmi ses membres illustres, on peut nommer : Phil Dussol, Taig Khris, le président Eric Forestier, Tarik Slaim et d’autres !
L’après-midi, les acrobates débarquaient, ils sortaient leur matériel et le Trocadéro se transformait en spectacle. On y faisait du saut, du tac-tac dans les vollées de marches.
Phil Dussol, alias « Tony Boy » , reste la figure la plus emblématique de cette époque. Il a notamment tourné plusieurs clips publicitaires, dont un pour Mercedes. Ensuite, il a fait des démonstrations hallucinantes avec des sauts immenses au dessus de véhicules : un avion, un 4×4, une moto. De plus, il a même tournée dans un court métrage « une famille formidable » où on le voit sauter par dessus une femme avec une poussette. Il jouait le rôle de Basile. Enfin, il est également à l’origine du court métrage Easy Money (Argent Comptant) qui aurait inspiré des scènes du « Riders » de Gérard Pirès.
A la même époque, on y cotoyait aussi Hom…
Les années 1990
Dans les années 90, arrivent les patins en ligne. En 1993, Tarik Slaim est l’un des premiers à les utiliser. En deux ans, une part importante des patineurs passe en ligne.
Les slalomeurs de Rollermania investissent les pentes. On y retrouve Serge Rodriguez qui dispense ses conseils aux patineurs. Ces derniers restent des après-midi entières sur le spot. On y cotoie Wawa (Walid Nouh), Roy Collet, Agnès, Géraldine…
En 1995, le Championnat de France de Roller Acrobatique investit le Trocadéro. L’événement avait même eu les honneurs de Stade 2 à l’époque !

Le Trocadéro : un point de ralliement des patineurs
Le Trocadéro va devenir un point de passage régulier pour les randonnées parisiennes des Randonneurs Fous, de Rollers et Coquillages ou de Pari Roller.
Des événements majeurs y sont organisés. En 2002, se déroule le premier bladercross du Trocadéro : Roll’Heure. comme une compétition de Freeskate sponsorisée par Salomon, le BladerCross en 2004, une compétition de rampe avec les LG Action Sports et plus récemment, la Paris Slalom World Cup qui a encore lieu chaque année.

L’époque contemporaine
Le Trocadéro reste un lieu emblématique du roller parisien. Les volées de marche restent très prisées par les riders. D’autant plus que l’esplanade est souvent occupée par diverses manifestations.
Pourquoi le spot a-t-il été déserté ?
De nombreux facteurs semblent être à l’origine d’une baisse de la fréquentation du Trocadéro par les patineurs. Dans la période proche, on peut imputer cette baisse à la fin de la « mode » roller. Ensuite, les espaces se sont ouverts à la pratique. Il y a 50 ans, les rollers se cantonnaient à des lieux clos ou restreints faute de lieux plus adaptés. L’essor des randonnées a favorisé la désertion du lieux traditionnels de pratique. Enfin, le Trocadéro est aussi le siège d’un nombre croissants d’événements. On se casse souvent le nez sur des semi-remorques venus décharger du matériel pour un spectacle, des livraisons, des événementiels.
Quel avenir pour le roller au Trocadéro ?
Enfin, le projet de Grand Jardin entre le Trocadéro et la Tour Eiffel pourrait signifier la reconversion de nombreuses aires de pratiques jusqu’ici utilisées par les riders.
Pour aller plus loin
Le site du team 340
Vidéo de slalom dans les pentes du Trocadéro
La chaîne Youtube du team 340
Le CV officieux de Phil Dussol
Le site de Régis Patine
Un grand merci à Sam Nieswizski, Serge Rodriguez et Régis Patine – Photos : rollerfr, Regis Patine, droits réservés – Relecture : Iggnorance
SergeR
16 mai 2013 at 15 h 05 minRégis
15 mai 2013 at 16 h 03 minFranck
14 mai 2013 at 14 h 02 min