Interview d’Igor Cheremetieff
Si Igor Cheremetieff a démarré le roller sur le tard, on peut dire qu'il n'a pas perdu de temps pour monter au plus haut niveau en freestyle slalom ! Le français dont le nom résonne du son de ses origines fait partie des rares qui vivent de leur passion. Questions...
Par Chloé SEYRES

Le patineur français Igor Cheremetieff a récemment conquis le titre de champion du monde de slalom freestyle. Ses débuts tardis ne l’ont pas empêcher de se hisser parmi les meilleurs mondiaux. Nous avons demandé à sa coéquipière Chloé Seyrès de l’interviewer pour REL.
Fiche technique d’Igor Cheremetieff
Nom : Cheremetieff, Igor
Date de naissance : 06/07/1982
Nationalité : Française, et origines russes, c’est pour ça que j’aime bien aller là-bas !
Job : salarié du Comité Départemental de Roller Skating de Paris (CDRS 75)
Actions : Je m’occupe de développer le roller et de soutenir les associations parisiennes de manière générale. J’utilise pour cela mon BE roller et j’organise des formations d’initiateurs BIF, je participe aux recherches de subventions (comité + association), je fais partie de l’organisation Paris Festival Glisse (ce gros bazar dans lequel on retrouve la PSWC)…

Toi et le freestyle slalom : évolution personnelle
Bonjour Igor Cheremetieff, une petite définition personnelle ?
Faire des trucs de barge sur les plots ! Je suis toujours à la recherche de la figure ou de l’enchaînement le plus tordu. En fait en slalom, c’est surtout la difficulté technique qui m’attire. Si en plus j’arrive à faire en sorte que ça ait l’air facile (parce que maîtrisé), ça me plaît !
Pour moi, on peut parler de slalom quand on est capable de partir sur une ligne et d’improviser avec son bagage technique sans faire systématiquement la même chose ! Mais attention : il faut quand même apprendre à faire ses figures sur un minimum de plots… ça claque quand même un peu plus de faire un wheeling sur 20 plots que sur 3 et demi !
En gros, le slalom c’est : du plaisir à faire des figures sur les plots (avec ou sans musique : pour moi c’est juste un catalyseur de motivation), et de l’acharnement à travailler des figures qu’on croit parfois impossibles à faire.
Maîtriser une figure ça reste être capable de se propulser avec, de partir à l’arrêt, de faire le trick et tenir les 20 plots (c’est un peu plus dur avec un seven mais théoriquement c’est possible).
La genèse de la carrière d’Igor Cheremetieff
Igor Cheremetieff, depuis combien de temps pratiques-tu le freestyle ?
Je ne sais plus exactement en fait ! J’ai participé à mes premières compétitions en 2004, et ça faisait environ deux ans que je slalomais …donc ça doit faire depuis 2002. Mais je fais du roller depuis 1997-98 (avant je faisais des âneries en roller mais plutôt orienté vitesse).

Comment as-tu découvert le freestyle ? As-tu des anecdotes à nous raconter ?
Je faisais une compétition de vitesse à Dijon avec mes potes de Besançon, et il y avait une démo de slalom. Comme j’étais un peu le rigolo de service qui faisait des randos en marche arrière et autre trucs du genre, tout le monde s’est retourné vers moi (on était assis dans les tribunes et j’étais au fond) en me disant qu’il faudrait que je m’y mette. Il se trouve que j’étais en train de baver devant ce que je voyais (des crazys à l’époque ! ) et que la décision était déjà prise !
Quel est l’aspect qui t’a attiré de premier abord ?
En fait, j’en avais un peu marre d’avancer sans but réel et d’avoir toujours ce mouvement qui se répète : pousser sur une jambe puis sur l’autre et ainsi de suite.
L’aspect technique m’a tout de suite plu. Même si j’étais pas très doué, ça m’a bien motivé. J’y connaissais rien du tout, et c’était plutôt chouette au début de découvrir des figures par moi-même, ou par le hasard des rencontres.
La progression d’Igor Cheremetieff
Quelles sont tes influences : t’es-tu entraîné seul, avec d’autres ? Quelle importance ont joué les médias (internet, sites, vidéos) dans ton apprentissage ?
J’ai beaucoup roulé tout seul. En fait je me suis trouvé un spot assez sympa tout près de chez moi à Besançon, au bord de la rivière sur une pseudo piste cyclable où il y avait pas mal de passage (vélos, rollers, promeneurs, etc.)
Du coup, le spot est devenu ma deuxième maison, avec ma voiture en guise de placard à bordel ! …avec l’outil indispensable : le poste-radio relié à une batterie de voiture pour avoir de la musique (pas besoin de recharger, sauf une fois tous les 2 ans).
Après y a eu plein de gens de passage qui sont venus rouler avec moi. A chaque fois, je suis tombé sur des mordus qui se sont passionnés pour un ou deux mois.
Je les voyais tous les jours et puis d’un coup hop… plus personne !
Sinon, y a quand même un petit noyau dur, principalement Mat et Alex qui m’ont bien aidé, et qui étaient souvent là. Mat m’a apporté pas mal de petits trucs techniques que je savais pas faire quand j’ai commencé (crazy sun et autre figure de bases). Il débarquait d’Annecy avec beaucoup plus de connaissances que tout le monde point de vue slalom, j’en ai bien profité d’ailleurs…
Après, il y a eu Alex, « celui qui sait tout ». C’est avec lui qu’on a fait les vidéos sur Besançon « Eau Style Slalom » et « Catch Me If You Can« .
On a d’ailleurs d’autres projets en tête, mais pour l’instant rien n’est fait. Qui sait !
Peu après ces rencontres, je me suis beaucoup entraîné. En fait, je ne voyais pas ça comme des entraînements mais plutôt comme des temps de plaisir sur mon spot qui est devenu pendant environs deux ans le spot de référence pour le slalom à Besançon (en même temps, c’était le seul).
Du coup j’ai aussi découvert internet. Je n’étais pas encore très branché internet à ce moment là… et paf ! V’la les vidéos « Issue » 1, 2, 3 et 4 des russes – qui sont passées en boucle un paquet de fois sur mon ordinateur : le soir pour s’endormir, et le matin pour se mettre de bonne humeur. Le reste du temps je roulais.
C’est à force d’essayer des trucs que j’ai fini par rentrer plein de nouvelles figures et par faire mon propre style en piochant à droite et à gauche chez les riders que je trouvais cool.
Il y a aussi dans cette rubrique ma rencontre avec l’ami Kedal : on passait le BE ensemble. Lui l’a eu du premier coup et moi j’ai préféré le faire en deux fois… j’étais pas très pressé.
En avril 2005, j’étais de passage pas loin de chez lui et il m’a convaincu de rester une semaine de plus pour aller avec lui à Andilly (Coupe de France), ma première compétition sur le circuit français :D
Paliers de progression : Quels ont été les moments-clés de ton évolution ? (premiers essais, premières compétitions, vidéos personnelles, …)
D’abord il y a eu les trois premières compétitions : Annecy 2004 et la PSWC 2004 (où je n’ai fait que le speed), et Lausanne 2004 (où j’ai fait le speed et le style). A chaque fois, je suis revenu avec plein de nouveaux trucs à travailler. En 2005, j’ai pas eu une progression très rapide.

Par contre en 2006, je débarque sur Bordeaux pour faire un stage à la Fédération de Roller pour compléter mon Master 2 STAPS. Je me retrouve à travailler sur les figures de slalom (classification), ce qui me permet de réfléchir un peu sur ce que je fais et également de découvrir quelques figures ou petits détails liés à la pratique du slalom !
Sur Bordeaux, il y a aussi une certaine Chloé qui habite dans le coin, et qui n’en glande pas une pendant les 5 mois où je suis là-bas : oui, la fac était en grève et impossible d’aller en cours… Trop dur, la vie d’étudiant !
Du coup on a roulé ensemble tous les jours de 17h30 à au moins 20h00, mais souvent c’était jusqu’à ce qu’ils éteignent les lumières (23h30) : on était dans un hall de fac. Et le weekend pour se détendre un peu, on faisait un peu de roller quand même… Cette période était vraiment énorme parce qu’on a vraiment progressé ! On arrivait bien à se corriger l’un l’autre, et à exploiter et personnaliser les idées de l’autre.
J’en ai aussi profité pour faire un peu de freeride et même si ce n’était pas ma spécialité, c’était bien rigolo !
Et puis après j’ai eu la chance de pouvoir pas mal voyager grâce à Seba, car à cette époque je venais d’être sponsorisé. Là j’ai rencontré les russes, les singapouriens, les chinois et d’autres qui m’ont permis de revenir de voyage avec des nouveau tricks à faire et à m’approprier.
Igor Cheremetieff au final
Quels sont les titres qui te tiennent à cœur ?
Ce sont surtout ceux de l’année en cours : Battle Moscou 2008 et Battle Beijing 2008 (Beijing Slalom Open). C’était super de se fighter avec KSJ (Kim Sung Jin) (Moscou) et avec les chinois Wang Hang et Guo Fang (Beijing) ! Ça m’a vraiment boosté !
Sinon, il y a eu aussi mon titre champion de France 2007. C’est surtout parce que j’ai envoyé un run qui est vraiment bien passé : tellement bien que j’ai jamais réussi à le refaire aussi bien après…
Je ne sais pas pourquoi, mais il y avait tout qui passait. En plus, c’était vraiment LE run : tu commences avec une grosse accélération pour te lancer, après tu mets le pied au plancher pour garder le rythme, et enfin tu donnes un bon coup de collier pour terminer : en gros j’étais à fond du début à la fin.
Y a aussi récemment mon run en individuel à Chun Cheon (Coree du Sud) où je me suis pas pris la tête et où je n’ai mis que les figures que j’avais envie de faire. C’était vraiment sympa même si j’ai pas eu une place extraordinaire. Il y a juste deux petites erreurs qui m’ont coûté cher au jeu des places !

Tu es présent sur différentes épreuves de slalom (style individuel et freestyle Battle). Que t’apporte personnellement cette diversité de pratiques du slalom ?
C’est assez pratique de faire les deux types de compétitions car c’est plutôt complémentaire. Cependant, je crois que je vais délaisser un peu l’individuel pour le Battle la saison prochaine.
Parce qu’en individuel, d’une part j’ai tendance à me brider pour essayer de rester dans le règlement, et d’autre part parce que les résultats ne reflètent que rarement ce que l’on voit ! Comme je prends moins de plaisir et que c’est encore plus le bazar pour les résultats, je préfère garder mes congés pour participer aux compétitions où j’ai moins de stress, et où je reviens avec la motivation et souvent des nouveaux tricks !
Comment vis-tu ta notoriété ?
Plutôt bien ! J’essaie de pas prendre la grosse tête et de rester accessible à tous. J’étais un bon vieux débutant il n’y a pas si longtemps… et je m’en rappelle encore bien ! Et puis j’ai pas le caractère à m’emporter !
Quels types d’opportunités t’offre le roller ?
Niveau opportunités, j’ai beaucoup voyagé depuis deux ans. Merci à Universkate qui m’a traîné aux quatre coins du monde. J’ai aussi pu faire des compétitions en Europe avec l’Equipe de France !
Sinon j’ai été en contact avec quelques médias, radio ou télé, souvent autour des compétitions en France ou a l’étranger pour des interviews. C’était d’ailleurs assez rigolo à l’étranger étant donné que je n’ai pas un anglais très académique. Enfin, les gens me comprennent et c’est le principal.

Tes sessions d’aujourd’hui : à quelle fréquence Igor Cheremetieff ? Comment se déroulent tes sessions-type : seul ou à plusieurs ? avec ou sans musique ? as-tu des méthodes de « travail » ?
Mes sessions ! C’est dès que j’ai le temps… il se trouve que je l’ai pas toujours. Je suis, par contre, très souvent sur mes rollers. C’est mon (presque) unique moyen de locomotion sur Paris ! Il m’arrive parfois de prendre le métro !
Sinon pour les sessions, ça dépend des événements qui arrivent. S’il y a rien de spécial ou du Battle, je me fais plaisir, j’essaie des trucs ou des grosses grosses figures ponctuées par des lignes de freestyle, mais globalement j’envoie du gros et je regarde ce que ça donne !
Si j’ai une compétition d’individuel, je me mets en mode création de run : recherche d’inspiration et réflexion sur ce que je vais bien pouvoir faire comme figure !
En général, il me faut deux ou trois sessions pour construire une base pour mon run. Mais c’est pas fixe et je peux changer des petits points. J’aime bien, c’est assez sympa le moment de création de ligne ! Et quand j’ai mon run de prêt, je le bosse à fond pour être sûr de ne pas me tromper pendant la compétition. Donc ces périodes-là sont un peu répétitives finalement. Je fais pas grand-chose de neuf ni de risqué.
Quels aspects préfères-tu dans ta discipline ? Est-ce le(s) même(s) que celui qui a pu attirer ton attention sur le freestyle ? Quelle(s) sorte(s) de trick(s) préfères-tu, et pourquoi ?

Les aspect que je préfère dans le slalom : la technique, mais aussi la possibilité, quand on est pas d’humeur ou trop fatigué, d’enchaîner des lignes avec des figures plus faciles ! J’aime le concept de pouvoir se faire plaisir à son niveau, avec son savoir-faire !
Les tricks que je préfère : sans hésiter, on va parler de wheelings, peu importe le sens, avec ou sans rotation : J’adore ça ! Le défi technique est vraiment chaud et j’aime bien quand ça dure longtemps…
De là en Battle, les last tricks et les tentatives de runs juste en wheeling. En général ca plaît, et moi je m’éclate aussi !
Tes buts Igor Cheremetieff ?
Prochaine étape de maîtrise : J’aimerais bien être à l’aise en wheeling arrière sur 20 plots. Ça vient doucement mais ce n’est pas encore ça ! Et puis continuer à bosser toutes les rotations en wheeling, et plus précisément le spécial one foot…
Ha oui et j’aimerai bien aussi réussir à bloquer une rotation sur une roue pour repartir en tout droit ! (mais là j’ai du boulot…)
Et si j’ai le courage de me péter les genoux, j’essaierai peut-être le butterfly mais j’ai vraiment du mal avec cette position de jambes…
A côté du slalom
Igor Cheremetieff, as-tu d’autres passions ?
Comme sports : l’escrime, le badminton, l’escalade. Ce n’est plus d’actualité car je n’ai pas le temps de tout faire mais si je pouvais ça le serait !
Sinon, les jeux de société (genre jeux de plateau) – mais pas le Monopoly, s’il vous plaît ! Plutôt les jeux où il y a un peu de stratégie, et de prise de tête pour trouver comment on peut exploiter les règles pour emmerder les autres (sourire).
Dans la vraie vie, j’essaie d’être globalement sympa, mais dans les jeux comme ça, je me transforme en vrai vautour ! A part ça, j’aime bien jouer à l’ordinateur.
Que t’apportent ces différents centres d’intérêt ? Est-ce que tu cloisonnes tes différentes passions, ou est-ce que tu exploites et réutilises les diverses capacités acquises ?
Mes passions sont plutôt cloisonnées. Pas évident d’utiliser les trois points d’agilité que t’as obtenu dans ton jeu sur ordinateur et de les mettre sur tes rollos !
Pareil : qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de ressources un mouton, une roche, et un blé, (cf. « Les Colons de Catane ») quand je fais du roller ?
Le truc marrant, c’est de faire découvrir les jeux aux riders, ou le roller aux joueurs.
Quelque chose à rajouter ? Des remerciements ?
Je me suis déjà bien lâché sur le reste ! Remerciement à tous ceux que j’ai croisé sur les rollos et avec qui j’ai pu échanger : Mat, Alex, Marco, Francky, toi, Kedal, Seb, Greg… J’en passe et des meilleurs. Bisous tout le monde ! Ah si… Et vive les Deux Minutes du Peuple !

Pour aller plus loin
Igor Cheremetieff sur Rollersouk
Best of de Battle Moscow 2008 par Lenick, losyatnik.ru
Finale du Beijing Slalom Open
Texte : Close’yr’es – Photos : droits réservés
tyfanie
4 janvier 2010 at 12 h 17 minbravo!!!!!!!!!!!!!!!!!!/
Kedal
19 août 2009 at 19 h 35 minBisous mon pote !!
janko
3 novembre 2008 at 23 h 31 minEntretien très instructif, merci.
domrider
31 octobre 2008 at 22 h 21 min