Claude André nous raconte Paris à roulettes en 1946

Tout a commencé pour lui un beau jour de 1946, Claude André découvrait le patinage sur roulettes à Paris. Il a bien voulu nous raconter son histoire et nous dire comment dans la capitale, il était possible à l'époque de faire du rink hockey et de la course.

Par Laurent Huvelin

Claude André nous raconte Paris à roulettes en 1946

Souvenirs de Roulettes : Bonjour Claude, merci d’avoir eu la gentillesse d’accepter cette interview pour « Souvenirs de Roulettes ». Pouvez-vous vous présenter et nous dire quand, où et comment avez-vous découvert la pratique du patinage sur roulettes ?

Je m’appelle Claude André et j’ai 79 ans. C’est en 1946 au Jardin des Tuileries à l’âge de 11 ans que j’ai chaussé mes premiers patins. Ils avaient alors des roues en fer, des axes fixe et des fixations aux chaussures par courroies. En 1948 je pris l’habitude d’aller patiner au Trocadéro et lorsque les agents de police nous chassaient nous nous rabattions sur le Palais de Tokyo. En 1949, c’est à cet endroit que je fus contacté par des dirigeants du Paris Hockey Club, quelques temps après j’entrais dans le monde de la compétition.

Licence de Claude André à la Fédération Française de Rink Hockey en 1950-1954
Licence de Claude André à la Fédération Française de Rink Hockey en 1950-1954

A cette époque ce sport était-il beaucoup pratiqué ?

Oui, à Paris intra-muros, il y avait six clubs qui pratiquaient le rink-hockey (les Diables bleus de Paris, lʼA.S.O. 10e, le P.H.C, le Roller Hockey Club, Le Roller Olympique du 14e, le Cercle des Patineurs Parisiens, plus un club en périphérie : L’A.S. Drancy.

Y-avait-il à Paris un lieu, un endroit où les gens se retrouvaient pour la pratique du patinage sur roulettes ?

Pour le public, il existait une patinoire avec bar, musique, location de patins, atelier de réparations. Bref une vraie patinoire qui était située 13 rue de Lancry. Les clubs y avaient accès moyennant une cotisation. Autrement, pour la compétition nous avions accès au Carreau du Temple et au Gymnase Japy.

Equipe de rink hockey de Paris en 1956
Equipe de rink hockey de Paris en 1956 – Gymnase du Carreau du Temple
Rink hockey au gymnase Japy - Paris 11e
Rink hockey au gymnase Japy – Paris 11e

Quel type de matériel utilisiez-vous Claude André ?

Tout à fait au début des patins Speedy avec des roues aluminium et bois (buis). Puis des patins Midonn avec des roues en bois. Ces patins étaient construits en fer avec des platines, des ponts et des supports ponts. Le roulement s’effectuait avec un ensemble cône, cuvette, billes.

En 1955, Henri Hermann me confia pour essai des patins de course de sa fabrication. Ces patins étaients révolutionnaires à l’époque car ils étaient construits en alliage d’aviation (Fortal). Et pour la première fois, ils utilisaient des roues montées sur roulements S.K.F. La légèreté et la glisse obtenues avec ces patins me permirent de remporter les championnats d’Ile-de-France sur route 1955n en vitesse et en fond. Bientôt, toute l’élite de la course française s’équipa avec les patins «Hermann ». Je continue de patiner avec ces mêmes patins. J’ai été champion de Paris de vitesse et de fond cadet, junior et senior. Appelé sous les drapeaux fin 1955, je partis en Algérie pendant 19 mois. Cette absence fut un sérieux handicap pour retrouver le haut niveau.

Les fameux patins Hermann de 1954
Les fameux patins Hermann de 1954

Claude André, pratiquait-on plus le hockey ou la course ?

Pour la plupart des patineurs nous faisions les deux, il arrivait très fréquemment dans une même réunion de disputer une course et un match de hockey à la suite. Du reste, en observant les noms des coureurs et des hockeyeurs de 1950 à 1970, on sʼaperçoit que ce sont les mêmes la plupart du temps. Par la suite, progressivement, la spécialisation est venue.

Y avait-il beaucoup de clubs ? Et dans quel quartier de Paris ?

Six dont quatre dans le 10e arrondissement, un dans le 14e, un dans le 18e.

La plupart du temps à cette époque nous faisions du hockey l’hiver et le printemps venu nous pratiquions la course. Claude André, pouvez-vous nous dire comment cela se passait ?

Dans mes souvenirs, il n’y avait pas de saison spécifique. En effet, l’hiver nous courrions sur piste et aux beaux jours sur route. Nous jouions au hockey l’hiver et l’été ; par exemple il m’est arrivé d’aller disputer un tournoi international à Knokke Zoute en Belgique et de redescendre en voiture à Gujan-Mestras pour disputer les championnats de France route au mois d’août.

Jean Luc BEDOUET, ami et président des arbitres, m’avait transmis des photos d’équipe des années 50 et 60. Et aussi, parmi les vôtres, j’ai vu que vous aviez joué dans plusieurs clubs. Quel a été votre parcours de hockeyeur et dans quels les clubs avez-vous joué ?

  • 1949 à 1954 Paris Hockey Club
  • 1955 à 1965 Cercle des Patineurs Parisiens
  • 1966 à 1970 Roller Olympique 14e
  • 1971 à 1978 Paris Hockey Club.

Vous avez joué avec le père de Jean-Luc, puis avec lui, vous avez eu comme coéquipier Palanca et Granier que j’ai aussi eu la chance de rencontrer en compétition à mes débuts de gardien de but, lorsque je jouais à l’ASTA à l’époque. Avez-vous quelques souvenirs particuliers avec tous ces joueurs ?

Surtout des souvenirs d’une intense camaraderie qui nous a permis d’accéder au meilleur niveau du rink français : la N1. Après avoir battu Coutras en finale excellence 1959 par 5-0 avec le C.P.P. nous avons accédé à la N1. La suite fut plus dure car notre maître à jouer, Marcel SERVAN, nous quitta pour retrouver son club l’A.S.P.T.T de Bordeaux. Par la suite, José PALANCA le remplaça mais il ne le fit pas oublier.

Quels souvenirs marquants ou amusants gardez-vous de cette époque ?

Souvenirs de courage et d’abnégation car à cette époque comme nous étions tous des garçons qui travaillaient en usine avec des journées de travail de 9h50 plus le samedi matin.

« Cela nous faisait des semaines de plus de 50 heures. Il fallait donc aimer le rink pour s’entraîner 3 fois par semaine le soir jusqu’à 23h00 et jouer ou courir le weekend. »

Claude André

Un joueur vous a-t-il marqué plus particulièrement ?

Il y en a eu plusieurs et un particulièrement à Paris lorsque j’avais 17 ans : André Fourquier. En effet, ce joueur jonglait littéralement avec la balle, ses reprises et ses arrêts de volées étaient remarquables avec un taux de réussite à 90%. Il jouait au Diables Bleus de Paris. La Fédération siégeait alors à Bordeaux c’était loin de Paris il ne fut jamais sélectionné en équipe de France.

Equipe des Diables - Paris
Equipe des Diables – Paris

Aujourd’hui, le Rink Hockey a beaucoup changé tant au niveau des règles de jeu que de la technique individuelle et des tactiques de jeu. Claude André, vous arrive-t-il encore d’aller voir des matches de hockey et que pensez-vous de cette évolution ?

Je me suis retiré en Corrèze et là le rink est totalement inconnu, pire le patinage sur roulettes en général. Je suis allé à la Roche-sur-Yon il y a quelques années lors des championnats d’Europe. La règle du retour en zone était alors de rigueur, j’ai toujours trouvé cette règle incompatible avec notre sport. Huit joueurs qui tournaient en rond sur une surface de 20×20 c’était ridicule. Où étaient passées les belles envolées qui partaient de l’arrière pour se terminer à toute allure sur les buts adverses ?! La règle actuelle redonne un peu plus de latitude aux joueurs. Avec Internet, je peux voir les matchs Espagne-Argentine et la plupart des matchs en Catalogne et là voir jouer des gars comme Pedro Gil c’est un régal !

Paris mériterait sûrement d’avoir une belle et grande équipe. Noisy-le-Grand a pris le relais de Fontenay-sous-Bois en première division mais n’arrive pas encore à jouer les premiers rôles dans le championnat. Pensez-vous que notre sport saura un jour devenir un peu plus populaire ?

Il l’a été à un niveau supérieur à la glace jusqu’à la seconde guerre mondiale. Et après ? Je ne sais que dire : incompétences au niveau fédération où les voyages et la bonne chère primait sur le développement national de notre sport. Le relationnel avec les grands médias a toujours été inexistant. Combien de reportages de nos disciplines voit-on sur TF1 ou France 2 aux heures de grande écoute ? Très peu depuis que je connais ce sport !

Combien de patinoires spécifiques à ce sport dans Paris et dans les villes de moyennes et grandes importance ? Aucune ou très peu. Pourtant, en 1956, la Coupe Latine fut organisée à Paris au Vel’d »Hiv les participants et les organisateurs furent reçus par la presse qui, pour une fois, accompagna cette compétition. Ensuite, plus rien à Paris jusqu’en novembre et avril 1984 où sous la Présidence de Bernard Charlot furent organisés les 26e Championnat du Monde B au stade Pierre de Coubertin et le tournoi Européen de Paris.

Claude André, aujourd’hui, vous arrive-t-il de vous retrouver avec d’anciens coéquipiers pour parler du temps passé sur les patins ?

Malheureusement non, beaucoup, hélas, sont décédés. Je suis toujours en relation par téléphone avec Marcel SERVAN qui réside à MERIGNAC, Bernard AUDOUZE, Jean Luc BEDOUET, Bernard CHARLOT et Philippe CHAPUIS.

S de R : Auriez-vous un message à passer à tous nos jeunes qui pratiquent actuellement le rink hockey ?
CA : Oui, je leur dirais qu’ils ont choisi un sport formidable, méconnu certainement, mais qui procure des joies intenses ! Qu’ils soient assidus aux jours et heures d’entraînement, qu’ils respectent leurs adversaires en se disant que s’ils n’étaient pas là ils ne pourraient pas jouer, ainsi que l’arbitre qui est indispensable même s’il lui arrive parfois de se tromper.
Et surtout je leurs dirais qu’après avoir bien profités de ce sport, lorsque leurs jambes et leurs bras deviendront moins rapides et qu’ils arrêteront de jouer, qu’ils ne disparaissent pas, mais au contraire qu’ils restent pour servir ce sport afin que d’autres jeunes connaissent les joies qu’ils ont connues. Qu’ils corrigent les erreurs de leurs ainés afin que le rink accède à la place qui lui est dû.
Devenez dirigeants, arbitres, entraineurs, fondez un club comme je l’ai fait (Hockey Club du Canton de Montlhéry) et alors vous connaitrez d’autres joies pour longtemps.
*Entraineur course quelques années au Postillon Olympique Longjumellois *Hockey Club du Canton de Montlhéry.

S de R : Claude encore milles fois « MERCI » d’avoir pris le temps de répondre à ces questions et d’avoir bien voulu ressortir de vos tiroirs les documents et photos qui illustrent votre histoire.
CA : C’est avec plaisir que j’ai répondu à vos questions et je vous remercie d’avoir créé « Souvenirs sur Roulettes ».

Article du 15 février 2014 – sources : archives de Laurent Huvelin

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Auteur
Laurent Huvelin 'laurent.huvelin'

Ancien gardien International de rink hockey des années 70/80, passionné de l'histoire de mon sport et créateur de la page Facebook "Souvenirs de roulettes, en train d'écrire un livre sur l'histoire de mon club La Vendéenne.

2 responses to “Claude André nous raconte Paris à roulettes en 1946”

  1. SIMON
    11 mars 2023 at 13 h 27 min
    Et pourtant, il y a eu des patineurs artistiques qui en ont fait leur métier, certain sont même partis faire des représentations à l'étranger.
  2. Ripert
    20 août 2022 at 10 h 54 min
    Bizarre, Pas un mot sur le patinage artistique pratiqué sur une patinoire Rue de Lancry années 50 Nous tentions tous de copier la troupe américaine des "Skating Vanities" spectacle formidable circulant dans monde entier avec les meilleurs bien sur. Les figures pratiquées étaient les mêmes que celles obtenues avec des patins a glaces sauts y compris. Existe il encore a Paris l'équivalent ?.....

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