Christian Mauduit, coureur et patineur d’Ultra

Par | Publié le 7 décembre 2014 | Mis à jour le 3 novembre 2020 | Catégories : Toutes Raid & longue distance Roller course | Sous-catégories : Interviews roller | 3184
| Tags : Christian mauduit 24h du mans solo 24h solo 24H du mans roller

Adepte des raids multisports, Christian Mauduit se définit comme un coureur d’Ultra, cette catégorie de raideur que rien ne peut arrêter : marathon, iron-man, vélo, course à pied et enfin des roulettes au bout des pieds. Coup de projecteur sur son histoire vécue en famille lors de la dernière édition des 24 heures du Mans…

interview christian mauduit small

Rencontre

Au détour d’un post sur le Forum de REL en novembre dernier, un lecteur débusque parmi de nombreux commentaires un témoignage qui retiendra l’attention des membres de la rédaction. Un point de vue frais, des interrogations légitimes et un récit riche en émotions que nous souhaitions faire partager.

« J’en attendais beaucoup »

Les 24h roller, j’y pensais depuis plusieurs années. Je n’ai jamais été un grand patineur. En 2008, pour le Spartathlon j’en avais fait un peu. Depuis, rien. Et puis en 2014, suite au décalage des 6 jours de France à l’automne, je me retrouve avec un mois de juin « vierge », sans rien.
En mai ce n’est pas trop possible de faire des courses car le calendrier familial n’est pas compatible. Du coup j’ai un boulevard pour faire autre chose que ce que je fais d’habitude, c’est ainsi qu’en juin j’ai fait du vélo, de la natation et que je fais donc, en ce week-end du 28-29 juin, du roller.
Ces 24h sont assez connus dans le milieu, il semble que ce soit la plus grosse course d’Europe de ce type (mais quelle est donc celle, hors Europe, qui est plus importante?). La plupart des gens le font en équipe (5000 personnes pour 500 équipes), mais il est possible de le faire en duo ou en solo aussi. Je suis peu partageur lorsqu’il s’agit de tours de circuits, bien évidemment je suis engagé en solo. Cette course, j’en ai entendu dire des merveilles, super ambiance, bla bla bla. Et c’est vrai que j’imagine un grand festival façon woodstock, une pelouse énorme avec plein de gens bariolés, un stand merguez-frites, de la musique, du soleil, la fête quoi. Du coup je suis venu en famille, femme, enfants, tente 6 places, chaises pliantes.

Répartition des entraînements

Mythe contre réalité

Mais, sur place, c’est différent. Les stands n’ouvrent qu’à 13h00. Il faut pas mal marcher pour aller s’inscrire. Le camping est assez loin des stands. La fille du point info est d’une amabilité douteuse. On plante la tente et on va au restau entre 12h00 et 14h00. De retour sur le site de la course vers 14h15, nous constatons que les stands sont… blindés. J’ai dû lire quelque part sur le site internet qu’il y avait un emplacement de 9 mètres carrés par équipe, je me disais que seul dans 9m2 je serais à l’aise. J’ai du mal lire, ou mal comprendre. C’est packé, il n’y a de la place nulle-part, même pour poser *une chaise* c’est tendu. Certains concurrents, arrivés plus tôt, ont installé des lits de camp, moi je n’ai même pas la place de m’asseoir. J’installe ma table ma chaise dehors. Il pleut. Je trouve moyen de caser mon sac à l’abri de la pluie, mais le reste, y compris la réserve de bouffe, est exposé aux intempéries.

J’explique à Valérie et aux filles que si elles le souhaitent, elles peuvent rentrer sur Paris et venir me chercher le lendemain. Il est raisonnablement impossible pour elles de rester ici, et l’alternative, à savoir camper sous la pluie, me paraît peu alléchante. Elles décident de rester, les enfants sont formidables, elles préfèrent l’aventure du camping, même sous la flotte, que de rentrer à la maison.
Bientôt le départ, je crème mes pieds, chausse mes rollers, et vais sur le tarmac. Il y avait des qualifications, j’imagine que cela permettait de partir plus ou moins devant. J’essaye de me mettre plutôt à l’arrière, je ne ferai pas d’étincelles au départ, c’est dit.

Et puis je finis par percuter que… tout le monde se met à droite en chaussettes, avec les rollers en face, à gauche. Mince alors. Certes, ça donne un effet bœuf « au coup de pistolet, tout le monde traverse et chausse ses rollers en face avant de partir ». Mais la contrepartie c’est qu’il va falloir que je déchausse ce que j’avais tout bien préparé. Crotte. Je m’exécute, et défais tout ce que j’avais soigneusement bouclé, pensant ne les enlever que 24h plus tard. Certains concurrents ont des sacs plastiques sur les pieds pour traverser la route. Oh hé ça va les gars, y’a six mètres à faire sur le bitume, c’est bon, votre voute plantaire tiendra le choc. Surtout que bon, en solo, admettons, mais pour les autres, ils vont faire une heure de roller max sur cette entame, on peut même tolérer un petit caillou sur cette distance. Bon bref. Pang, c’est parti, je traverse au ralenti, laisse tout le monde se presser, enfile mes rollers à un rythme de sénateur, et part même pas dernier, car certains ont réussi à faire pire que moi. Je suis surpris.

La descente pour les nuls

Et donc, je découvre le circuit Bugatti. Au début, ça monte. Et bien, il y a notamment une petite chicane sur la gauche que j’appellerai plus tard « passage de l’escalier » où je peux mettre en œuvre la technique dite « du crapaud », coaaa coaaa j’avance à une vitesse ridicule, en courant je passerais plus vite.
Et ensuite, ça descend. Mon expérience du roller se limite à quelques sorties Pari-Roller du vendredi soir, donc, mécaniquement, des petites descentes parisiennes adoucies. Ici, on ne peut pas dire que ça descende atrocement fort, c’est pentu mais raisonnable, toutefois en bas de la première descente se trouve un virage sur la droite qui est un peu intimidant pour moi. Prudent, je freine. Crrrrr crrrrr la raclette c’est fatiguant. Je réfléchis et me dis qu’il va falloir que je trouve un moyen de passer sans freiner. D’une part freiner c’est con car on perd du temps. D’autre part vu mon niveau c’est épuisant.
Les virages suivants, dans la descente, sont simples à négocier, le reste du parcours est globalement plat.
Et voilà l’averse qui tombe
Petit point météo : on a vaguement eu un peu de sec pour le départ, enfin, sec au niveau du ciel car le circuit est trempé, mais rapidement tout rentre dans l’ordre : il flotte franchement, en continue, on est sous la pluie, les roulements baignent dans l’eau, tout est mouillé, pas de chichis. Pour la fameuse première descente, cela ne simplifie pas les choses pour les maladroits comme moi.

J’enchaîne les tours. J’essaye de ne pas m’emballer. Il y a, d’après moi, 3 règles fondamentales à respecter en ultra :

1. partir lentement
2. partir lentement
3. partir lentement

Donc, je suis la consigne avec application. J’ai du mal à intégrer les « petits trains ». Manque d’habitude, de technique. Je ne roule jamais avec des vrais rollers sportifs, j’ai peur de faire tomber le train avec ma maladresse. Donc je roule seul, nez au vent. Je pense que j’aurais pu pas mal gagner en m’intégrant dans des groupes. En fait, je constate qu’en roller, à la différence du vélo, on peut vraiment rouler très près les uns des autres, et même, celui qui est derrière peut pousser celui devant, celui qui est devant peut tirer celui derrière, grosso-modo sur un train à 5 personnes on a vraiment 5 moteurs pour une seule résistance à l’air, c’est vraiment comme un tandem les deux cyclotouristes alimentent la même poussée et à les regarder, je le vois bien, c’est efficace. Dont acte, moi, je roule solo, na, bouh. Si je reviens, je potasserai cette technique avant, il y a clairement beaucoup à gagner.

Logistique

Bon alors, question : pourquoi est-ce que le stand des solos est le plus éloigné du seul passage possible entre la zone des stands et la piste? En gros, pour aller jusqu’à ma table et ma chaise, coincées sous la pluie, il faut que je sorte du circuit, puis que je remonte 100 mètres, et pour repartir il faut que je fasse ces 100 mètres en arrière. Vous l’aurez deviné, c’est dissuasif, je ne m’arrête pas souvent. D’autant plus agaçant que certaines équipes sont juste en face du fameux passage, donc perdent potentiellement très peu de temps, mais en équipe on s’en fout vu qu’on a des heures et des heures pour se balader librement dans les stands. Vraiment, je ne comprends pas. Je peste un peu mais bon c’est ainsi. Assez rapidement donc je décide de prendre un sac-à-dos avec à boire et à manger, ainsi je navigue en autonomie, et je planifie un petit arrêt de 5 à 10 minutes tout compris toutes les trois heures.
Je n’ai aucune idée de mon kilométrage, il n’y a pas d’écran sur le circuit, les seules infos disponibles sont dans les stands, mais les filles sont au camping et moi j’ai autre chose à faire que perdre mon temps à aller voir une info qui, de toutes façons, ne me fera pas aller plus vite.

Sang neuf

À 11h30 de course (donc, vers trois heure et demi du matin) je décide de changer de rollers. Mes 90mm, que j’ai achetés pour l’occasion, me font mal au niveau des chevilles, au bout de plusieurs heures. Je n’ai pas ces soucis avec les 80 mm, en revanche ces derniers me font une petite ampoule sur l’intérieur du pied droit, pareil, au bout que quelques heures. J’ai vraiment trop mal, je n’arrive plus à patiner, mon temps au tour, au départ d’environ 15 minutes, tire sur le 20 minutes, je décide de changer, au pire j’aurai une ampoule dans 6 heures, mais il n’en restera que 6, il suffira de serrer les fesses pour finir.
C’est radical. J’ai les pieds secs, je n’ai plus mal, je gagne instantanément plusieurs minutes au tour. En plus les 80 sont plus simples à manier que les 90, et les roues plus tendres adhèrent mieux, la fameuse descente – que j’arrive désormais à passer sans freiner – je prends même presque plaisir à la négocier. Non, plus exactement, c’est super marrant, en vérité, maintenant, je m’amuse. Cool.
Au lever du jour, juste avant que le soleil se lève pour de bon, la fatigue fait payer son tribu, je manque plusieurs fois de chuter sur l’arrière, d’endormissement. Je me pose sur ma chaise mouillée pour dormir « ce qu’il faut ». Pas besoin de réveil, la situation est suffisamment inconfortable pour que je sois certain de me réveiller bien assez vite. Je crois que j’ai roupillé 15 minutes. Je repars, le jour est levé, je suis lucide, on tient le bon bout.

Christian Mauduit

Petit graphique centré autour du dossard 1114. Je suis entre deux eaux.

Et ça continue, encore et encore

Je tiens à peu près le rythme, mais je ne peux plus faire d’étincelles. Entre solos, on commence à se reconnaître. On commence aussi à être moins nombreux. Au départ, on en voyait plein, des rouges, maintenant, c’est plus rare. On croise toujours les mêmes. Je discute un peu. Arnaud le fou de la roulette avec ses quads. Un allemand très sympa, qui a fait 350 l’année dernière et visait 450 cette année. Nous sommes d’accord : même en roulant lentement comme nous le faisons, nous allons plus vite que ceux qui sont en train de bougonner aux stands. La pluie l’a empêché d’atteindre son objectif. Objectivement, je ne suis pas certain, à titre personnel, d’avoir perdu beaucoup de temps avec la pluie. Un peu, certainement, mais comme je patine lentement et mal, ce n’est pas pour moi que c’est le plus grave. Et puis le soleil et 30 degrés, ça pose un tas de problèmes d’échauffement, d’hydratation, qui sont hors de propos cette année, et auxquels nous échappons joyeusement.
Dernière ligne droite, pardon, courbe
Vers midi, les filles sont de retour. Elles déplacent ma table à l’intérieur. Le concurrent à côté de moi a manifestement abandonné, il y a plein de place dans le stand, maintenant. C’était bien la peine de venir avec tout ce matos et tout ce merdier pour plier les gaules au petit matin. Enfin bon, ce que j’en dis…
J’ai la conviction que j’ai raté les 400 bornes, mais je veux absolument dépasser les 300, plus précisément les 303 km, hors de question que je sois en dessous du record du monde de 24h… à pied! (détenu par l’incroyable Yiannis Kouros).
Et puis finalement, la course se termine, ironiquement, sous un soleil pétant. Je me demandais comment ils allaient gérer le « reliquat » de km sur le tour en cours, en fait c’est tout simple, une fois que le premier a fini, tout le monde fini son tour et ainsi on tourne « un poil plus que 24h ».
C’est ainsi que je boucle l’opération en 343km pour 24h10. C’est marrant, ma distance à l’entraînement depuis le 1er janvier c’est… 344km, soit exactement la même chose, à un kilomètre près. Niveau classement c’est honorable, je suis dans le premier quart des solos, 19ème sur une centaine de candidats.
J’ai atrocement mal à l’orteil droit, les chaussons de mes 80mm sont moins bons que ceux des 90mm, je ne sais pas ce que c’est, il faudra plusieurs heures pour que cela passe.

Bilan

Au final, je suis content de l’avoir fait. J’y retournerai peut-être, mais dans une configuration différente. En famille, c’est nul, impossible de voir le circuit, les pelouses restent terriblement désertes, les stands sont packés d’équipes surexcitées, je ne retrouve pas l’ambiance bon enfant dont j’ai tant l’habitude sur d’autres ultras. Mais avec un accompagnateur adulte motivé et autonome, ça peut le faire.

Pour l’anecdote, je pensais, au milieu de la nuit, que changer la taille des roues m’avait redonné de la maniabilité et que c’est pour cela que je m’étais mis à retourner en 15 minutes au tour au lieu de 20 minutes. En fait, ce n’est pas exactement ça. Juste… avec la pluie, mes roulements se sont grippés. Sur les 90, les deux roues avant sont bloquées. Sur les 80, c’est l’intégralité des roues qui se sont grippées, à la fin de la course ce sont surtout les roues avant qui étaient mal en point mais deux jours plus tard, tout est pris dans la rouille. Si c’était à refaire, j’emmènerais quelques roulements de rechange et les ferais changer en route, en tous cas avec ces conditions météo, ça n’aurait pas été un luxe.
Et pour conclure, j’ai le bas du dos explosé, je ne peux plus me baisser sans couiner comme un papi, mais je ne suis pas dégoûté du roller, normalement, la prochaine rando du vendredi à Paris, elle est pour moi, et c’est ce soir !

Conclusion

Pour se lancer dans une prochaine édition des 24 h roller, Christian va devoir ajuster quelques recettes :

  • s’entourer d’un staff dédié avec du matériel de rechange
  • se libérer dans la descente et acquérir de la technique en peloton
  • intégrer les subtilités logistiques du circuit Bugatti et des contraintes de l’organisation

En 2014 Christian s’est tourné vers 2 nouvelles disciplines : la marche sportive athlétique et le roller. Pari tenu et deux belles expériences à son goût. Reste plus qu’à s’engager l’année prochaine et scruter le ciel pour parcourir l’épreuve des 24 heures du Mans sous de meilleures hospices.

Christian Mauduit

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Texte : Christian et Vincent Buin
Photos : Christian 

Auteur

Alexandre Chartier

''alfathor''

Alexandre est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com depuis 2003. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez un de ces sujets !

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    2 réponses pour “Christian Mauduit, coureur et patineur d’Ultra

    1. mamy choupette

      Bravo un 1er 24h en solo sous la pluie , c’est pas forcement le plus facile.
      /

    2. Fenlabise

      Bravo et avec des Rollers fitness en plus , tu me donne envie l’ aventure à moindre coût .

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