Chad Hedrick, champion du monde et champion olympique

Par | Publié le 30 avril 2024 | Mis à jour le 1 avril 2024 | Catégories : Toutes | Sous-catégories : Interviews roller | 26
| Tags : jeux olympiques Chad Hedrick

Interview du champion de roller course et de patinage sur glace américain Chad Hedrick par Christophe Audoire.
Grande première : le champion du monde de roller et champion olympique de patinage sur glace sera présent aux 24 heures du Mans roller 2024 pour rencontrer les concurrents. Il se livre sur son parcours et partage son expérience du plus haut niveau.

Chad Hedrick, champion du monde

Chad Hedrick, le patineur de tous les superlatifs

A l’occasion d’un voyage aux Etats-Unis, Christophe Audoire et parti à la rencontre de l’ancien champion du monde et champion olympique Chad Hedrick. Avec cinquante titres mondiaux, deux titres olympiques et un total de cinq médailles aux Jeux, le patineur américain est le plus titré de tous les temps. Il sera présent à l’occasion des 24 heures du Mans Rollers 2024. Interview…

[Christophe Audoire] Bonjour Chad Hedrick, je suis très heureux que tu aies accepté d’être notre super invité pour les 24 heures du Mans Roller 2024. Cette année c’est une année olympique en France, avec les JO de Paris. Merci de nous avoir invité chez toi aujourd’hui pour cette interview… Comment vas-tu aujourd’hui ?

Je vais bien. Bienvenue au Texas ! Je suis très excité par l’événement. Ça fait un moment qu’on voyage. J’ai beaucoup voyagé en tant que patineur et d’être en mesure de voir les 24 heures du Mans sera incroyable. En effet, je n’ai jamais vu quelque chose comme ça en roller, c’est très excitant. Ce sera super.

Pendant ta carrière sur roulettes, tu as fait de grandes courses, ça devait être passionnant. Je suis heureux de te revoir au Mans en juin cette année…

Oui, ça va être très excitant d’être en mesure de revoir la communauté du roller en ligne à nouveau. Je suis sorti de ça depuis si longtemps, après avoir pratiqué sur glace aux Jeux Olympiques. Mais je suis vraiment excité de voir ce que le sport est en train de faire maintenant et de voir des visages familiers. Donc ça va être amusant.

D’accord. Je te propose que nous voyons ensemble ta carrière et ta vie. On a une photo de toi quand tu étais petit garçon en roller. Après toutes ces années de carrière sportive et tout ce que tu connais, si tu pouvais lui parler, que lui dirais-tu ?

Si je pouvais me parler à moi-même comme jeune garçon, je me dirais qu’il n’y a pas de rêve trop grand. C’est un parcours incroyable pour moi. Ce que le roller et le patinage sur glace m’ont appris. Pas seulement apprendre comment gagner et être victorieux, mais aussi ce qu’il faut pour gagner, quel engagement il faut et les sacrifices nécessaires pour gagner. Et quand tu apprends ça, ça t’aide dans chaque chapitre de ta vie.

Donc, maintenant je suis dans les affaires et le patinage m’a aidé à réussir, là aussi, je suis tellement reconnaissant pour cela.

D’accord. Et, que penses-tu du fait que ce petit garçon du Texas a pu conquérir le monde ? Quel était ton état d’esprit en tant que jeune compétiteur ?

Ce petit garçon de Texas avait quelque chose de spéciale. Numéro 1 : il avait un coach incroyable qui lui a appris la mentalité de gagner. Dans ma vie, la personne qui gagne est celle qui veut le plus gagner. Je me sentais toujours comme si mon désir de gagner était beaucoup plus grand que celui de tout le monde autour de moi. Et cette mentalité, en même temps que le talent que Dieu m’a donné, était une incroyable combinaison. Donc tu te sens comme si c’était un désir profond, un rêve ambitieux, mais que tu as dû le faire devenir réel.

Je pense qu’il y a des gens dans ce monde qui sont d’accord avec le fait de ne pas gagner. Et il y a des gens pour qui perdre est un sentiment bien pire que la gloire de gagner. Ça a du sens ?

Chad Hedrick (1981)
Chad Hedrick (1981)

Oui, bien sûr…

Je gagnais souvent parce que j’en avais aussi la volonté. Et quand tu perds, les gens se demandent ce qui ne va pas, ça te pousse vraiment au niveau supérieur.

 » J’ai commencé à gagner tôt et donc j’ai eu l’impression que toute ma carrière, j’avais un gros X sur mon torse. Tout le monde essayait de me battre. Et cette pression, chaque jour, c’est ce qui a continué à m’aider à exceller. »

Chad Hedrick

C’est une histoire internationale qui a commencé en France en 1994, aux championnats du monde à Gujan-Mestras, il y a 30 ans.

Oui, je me souviens du championnat du monde de roller course 1994, regardez la peinture !

Peinture - Chad Hedrick au mondial roller course 1994
Peinture – Chad Hedrick au mondial roller course 1994

Oui, c’est une belle peinture que tu as dans ton bureau. Et je vois que ce premier titre est très important pour toi…

De très nombreux autres titres sont venus après, mais celui-ci est très important.

Qu’as-tu en tête quand tu remportes ce premier titre mondial Chad Hedrick ?

Les premiers championnats du monde était les plus importants, à cause du temps que ça a pris pour arriver là. Mais ce qui est aussi important, c’est que je ne pouvais même pas conduire une voiture ! En effet, j’ai gagné mon premire titre mondial à l’âge de 17 ans. Et pour moi, être capable de dire que j’étais le meilleur au monde, c’était absolument phénoménal. Mais pour une personne comme moi, d’arriver au sommet… J’avais cette confiance en moi, de pouvoir le faire. Je me suis dit que j’allais être au top pour un long moment à cause de ma mentalité. Parce que j’ai cette foi en moi. Si j’ai ça, je vais être capable d’aller loin… Et c’est exactement ce que ça a fait.

J’ai été champion du monde de nombreuses fois pendant 9 ou 10 ans. Et sur cette course avec Tony Muse, mon partenaire, un de mes mentors… C’est grâce à ça que j’ai pu gagner cette confiance et construire une carrière incroyable.

Chad Hedrick, champion du monde à 17 ans en 1994, à Gujan-Mestras (France)
Chad Hedrick, champion du monde à 17 ans en 1994, à Gujan-Mestras (France)

Donc, ça a changé ta façon de te percevoir et aussi la façon dont les gens te regardent ? Est-ce que ça a changé quelque chose ? Parce que tu es devenu champion du monde Chad Hedrick ?

Je pense que beaucoup de choses ont changé. Ma technique, la façon dont je patinais était très différente. J’étais jeune, je venais du Texas. Tout était très différent. J’avais cette technique de patinage incroyable. J’avais ce talent inné. Je pouvais sortir très vite et dominer. Je pense que c’était vraiment surprenant pour les gens. Parce que quand tu penses à quelqu’un qui est un champion du monde, tu imagines quelqu’un avec des muscles énormes, ou quelqu’un de très grand ou quoi que ce soit. Et quand j’ai commencé, ce n’était pas le cas. Je suis devenu un homme après avoir grandi à mes 20 ans. Mais quand j’ai commencé, j’étais juste un garçon.

 » En fait, je n’avais pas de poils sous les bras quand j’ai gagné le championnat du monde ! Je n’avais pas terminé ma puberté… »

Chad Hedrick

Donc, c’était spécial. Quand je regarde en arrière, je souris. C’était vraiment une période spéciale.

Aujourd’hui, vous êtes dans ma maison, il y a trois ou quatre zones différentes mais il n’y a pas 50 maillots de champion du monde ici. Il n’y en a qu’un.

Oui, nous parlions de ta technique. Chacun d’entre nous connait le style de Fusbury pour le saut en hauteur. C’était une révolution en 1968. Mais pour nous, pour le roller course, en 1994, ta très célèbre « double push » (double poussée) fut une grande révolution, J’aimerais l’appeler la « Chad push » d’ailleurs, comme le saut de Fusbury…

Tout d’abord, les gens doivent savoir que cela n’avait rien de scientifiquement conçu. C’était une manière naturelle de patiner. Cette double poussée, c’est un talent que j’ai reçu. Ça vient de plus haut ! Mais quand j’ai grandi, j’ai aussi joué au hockey sur glace. Je ne sais pas comment cette technique est apparue. Je sais que ça a vraiment fonctionné. Et que, depuis mon plus jeune âge, j’ai vu des gens changer de façon de patiner, passer des heures à regarder des vidéos ou même à lire des livres, où chaque page est une milliseconde de ta technique.

Ça m’a époustouflé. Parce ce que rien n’était prévu. C’était juste une chose naturelle que j’ai fait.

Est-ce que tu penses que ça peut venir du désir de garder la vitesse élevée ? Parce que la « double push », quand on croise, on fait une sorte de « double push », on pousse avec les deux jambes. Quand on va patine en ligne droite, il n’y a qu’une seule poussée. Mais avec la double push, on garde la vitesse, et peut-être ça vient de votre façon de… de vouloir être si rapide.

Je pense que c’est que mon corps qui a vraiment eu une très bonne sensation. La poussée vient dans mon corps. Et alors que les autres peuvent utiliser leurs jambes, quand vous utilisez vos muscles grands et forts, quand vous pouvez incorporer ça dans votre foulée, plutôt que de faire juste une simple poussée, ça change tout. Imaginez que vous poussez deux fois en même temps et vous créez deux fois plus de puissance.

Mais tout le poids sur vos pieds, c’est vraiment en utilisant vos grands muscles et pas vos jambes. Et ça a vraiment tout changé. Et je pense que le physique des patineurs depuis les années 1990 jusqu’aux années 2000, le morphotype a commencé à changer. A cause de la technique aussi.

Chad Hedrick (Team Fila)
Chad Hedrick (Team Fila)

Alors, ça fait longtemps que le roller en ligne a été inventé. J’aime cette image du « patin à terre » par comparaison avec le « patin sur la glace ». Toi tu as fait cette transition. Comment ça s’est passé pour toi cette transition du patinage en ligne au patinage sur glace ?

D’abord, le roller en ligne est ma vraie passion. C’est l’un des meilleurs sports, que peu de gens connaissent dans ce monde. C’est triste. Nous avons tellement de grands athlètes qui ont déjà fait la transition du roller vers la glace parce que nous n’avons pas de notoriété, de visibilité. En effet, nous l’avons pas l’exposition de la glace.

Nous devons donc nous orienter vers le patinage sur longue piste. C’est très difficile quand tu es le meilleur du monde dans quelque chose et quand tu dis aux gens ce que tu fais, ils ne comprennent pas. Et pour moi, c’était la raison pour laquelle j’ai décidé de commencer à patiner sur longue piste. J’ai été le meilleur du monde en roller pendant 10 ans. Quand je leur disais ce que j’avais fait, chaque jour, ils n’avaient aucune idée de ce dont je parlais.

Alors, je suis allé à Salt Lake City, Utah, pour me qualifier en équipe national longue piste pour les Jeux Olympiques et pour dire aux gens que j’étais dans l’équipe américaine. Ils ont alors compris ce que j’avais fait pour la première fois.

La transition a été très difficile. Les deux sports se ressemblent bien, mais pourtant ne sont pas les mêmes. Le patinage sur la surface et le patinage à l’intérieur de la surface sont deux sensations complètement différentes et des techniques différentes. J’ai fait de mon mieux. Mais je n’aurais jamais pu arriver là en j’en suis arrivé sans le roller.

 » Je n’aurais jamais pu devenir champion olympique sans le roller. Je dois tout au roller en ligne. »

Chad Hedrick
Course sur piste
Course sur piste

Je me souviens d’avoir entendu des gens se moquer de ta technique sur glace à tes débuts. Parce que ta technique n’était pas académique. Comment ça s’est passé ensuite ?

Il y a une histoire une histoire vraiment drôle qui s’est passée à Colorado Springs au Centre d’entraînement olympique. Quand j’ai commencé le patinage. Mon père m’a emmené à un camp à Colorado Springs. Et ils te donnent une carte de rapport : Donc ils te disent, force : 1 à 10, ils donnent un 8. Technique, ils te rayent tout, 1 sur 10.

Et tout pour moi était bon, mais ils m’ont dit que ma technique était vraiment mauvaise.

Je crois que j’avais 15 ans quand ça s’est passé. J’ai pris la carte de rapport chez moi et elle disait « patine vite mais pas une très bonne technique ». Et un an plus tard, j’étais champion du monde. Deux ans plus tard, ils écrivaient des livres sur ma technique et faisaient des vidéos.

C’est l’une des plus drôles de l’histoire. Un de nos coaches du team mondial, s’appelait Dean James. C’était le gars qui avait écrit le rapport. Je rigole avec lui tout le temps à ce propos.

Mais, aller sur la glace et ne pas pouvoir utiliser la même technique était difficile. On ne peut jamais tout changer. J’ai tellement d’habitudes depuis 10-15 ans sur les rollers en ligne. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain.

« Sur la glace, beaucoup de coaches ont ri de moi et m’ont dit que je patinais bizarrement mais j’avais déjà entendu ça avant. Et devinez quoi ? ça ne m’a pas empêché de faire comme je voulais. Donc j’ai refait comme ça me chantait. »

Chad Hedrick
Chad Hedrick, Keith Turner et Derek Downing (USA)
Chad Hedrick, Keith Turner et Derek Downing (USA)

Comment de temps t’a-t-il fallu pour arriver au plus haut niveau mondial en patinage sur glace en longue piste ?

C’était très difficile au début. Juste imaginez être le plus rapide au monde pour 10 ans et puis aller à un nouveau sport, et redémarrer de tout en bas. Vous ne savez pas ce que vous faites. C’est embarrassant. J’avais gagné presque chaque course pendant 10 ans. Et ensuite, je me retrouvais au milieu de ces gens et ça m’a vraiment mis à l’épreuve. J’ai dû me regarder dans le miroir et dire :

 » Tu sais quoi ? Je peux arrêter maintenant et aller rentrer chez moi… ou je peux vraiment me battre et prouver que que ce n’est pas juste ma technique, mais que c’est vraiment une histoire de mental. A quel point Chad est-il fort mentalement ? « 

Chad Hedrick

Et c’était une épreuve différente pour moi. Parce que je ne pouvais plus m’appuyer sur ma double poussée. J’ai dû changer mon entraînement. Puis, j’ai dû commencer à lever des poids. Faire beaucoup de choses que je n’avais jamais faites auparavant.

Et devinez quoi, je suis enfin parvenu au sommet. Mais j’ai dû relever beaucoup de défis. Je dis que je suis passé par beaucoup de défis mais après 17 mois, j’étais champion du monde. Six mois après mes débuts sur glace, je faisais déjà partie de l’équipe nationale américaine. Puis, 17 mois après, j’étais champion du monde. Enfin, 27 mois après, j’étais champion olympique et je remportais la médaille d’or pour mon pays.

D’accord ! Les gens qui riaient de ta technique au début, j’imagine qu’ils ont arrêté maintenant…

Je vais te dire quelque chose : Dans le sport, si quelqu’un gagne, il peut faire ce qu’ils veut. Porter des chaussures roses, des lunettes, peu importe. S’il gagne, devinez-quoi, les gens vont suivre.

Parlon un peu plus de ta vie privée. Tu as dit qu’à un moment tu as dû changer quelque chose dans ton entraînement, pour atteindre le niveau olympique. Est-ce que tu as l’impression d’avoir perdu ton chemin et ta vie personnelle à un moment pour atteindre cet objectif ? Qu’est-ce qui t’a permis de revenir sur la piste et de réatteindre le plus haut niveau à ce moment Chad Hedrick ?

Imaginez que les gens disent que la seule chose qui fait que vous gagnez est votre technique, année après année. Ils ne savaient pas vraiment à quel point j’étais fort mentalement. Mais quand je suis passé du roller au patinage sur glace, ma technique ne suffisait plus à me porter. Donc j’ai dû me réinventer moi-même. Et c’est là que les gens ont réalisé que ce n’était pas seulement de la technique.

Il faut être une personne très forte mentalement, qui déteste perdre plus que n’importe qui d’autre. Et pour être le meilleur, il faut avoir les deux. Il faut avoir le talent. Mais dans chaque sport, qui que ce soit veut gagner le plus, va gagner. Je l’ai dit à ma fille ce matin, elle joue au football (soccer) ici. Et je lui ai dit ce matin :

 » Hey, c’est le moment de passer au niveau suivant. Si tu veux passer au niveau suivant, tu dois vouloir gagner plus que tout le monde.« 

Et elle a dit :

« Je sais, papa. »

Je le lui dis tout le temps, parce que je le sais. Mais c’est la vérité. Si vous voulez plus, vous allez l’obtenir.

Et aussi à ce moment-là, il y a aussi peut-être eu une belle rencontre ou quelque chose qui est arrivé dans ta vie, qui t’a changé, qui t’a aidé ?

C’était toujours moi et mon père contre le monde. Il était mon coach. Nous faisions tout différemment. Nous ne nous entrainions pas de la manière typique. Et quand j’ai commencé à patiner sur glace,

C’est quand j’ai rencontré ma femme. En fait, c’est une histoire vraiment drôle. Elle n’avait aucune idée de ce qu’était le roller en ligne, comme la plupart des gens ici en Amérique. Elle n’avait aucune idée de mon succès passé. C’est ce que j’ai aimé en elle, parce qu’elle ne savait rien de moi comme athlète, et simplement elle m’aimait.

Mais je l’ai rencontrée juste avant les Jeux Olympiques. En fait, je vivais à Salt Lake City (Utah) et elle vivait ici à Houston (Texas). Je lui ai dit :

 » Hé, tu devrais venir ici pour me rendre visite. »

On a parlé de beaucoup de choses différentes et je lui ai dit que j’allais aux Jeux Olympiques. Elle est donc venue et m’a rencontré à Salt Lake City. Je lui ai dit que j’allais lui montrer où je travaillais. Alors, je l’ai emmenée sur la piste. Et ce jour, quand nous sommes arrivés, il y a le tableau des records du monde. Il se trouve que j’avais trois records du monde. Elle a regardé le tableau, puis elle m’a regardé et elle a dit :

 » Il ne va pas aux Jeux Olympiques, Il est déjà dans les tablettes des Jeux Olympiques ! « 

Elle n’avait aucune idée de ce que je faisais pour vivre. Et depuis, c’est juste une histoire vraiment drôle, parce que je n’ai jamais trop parlé du patinage. Beaucoup de gens dans le sport disent toujours que c’est la première chose dont ils parlent. Mais le patinage, ce n’était pas comme ça pour moi. J’avais une passion pour le sport, mais ce n’était pas ce dont je parlais tous les jours. C’était juste drôle que penser que ma femme ne savait pas que j’allais être aux Jeux Olympiques et battre des records du monde.

Elle a fait vraiment partie de tout ça depuis. Elle m’a toujours soutenu et nous sommes allés ensemble aux Jeux Olympiques en 2006 et en 2010. Maintenant, nous avons trois enfants. C’est incroyable. C’est un grand moment de ta vie. Sans quelqu’un pour t’aider et t’encourager dans les mauvais jours, c’est difficile.

Chad Hedrick, champion olympique du 5000 m aux Jeux Olympiques d'Hiver 2006
Chad Hedrick, champion olympique du 5000 m aux Jeux Olympiques d’Hiver 2006

Oui, je te connais comme un grand champion depuis plusieurs années. Maintenant que ta carrière est derrière toi, tu es devenu une légende dans ce sport et je voulais te demander ce que tu ressens ?

Etre une légende dans ce sport me procure un sentiment étrange. Je me souviens quand les légendes avant moi sont venues à nos événements, la façon dont je les regardais. Comme des vieux bonhommes. Juste de vieux hommes qui patinaient auparavant. Je n’avais pas vraiment beaucoup de respect pour eux. C’est probablement comme ça que beaucoup de jeunes enfants vont me regarder quand je les verrais, si je les vois. Mais vous savez, j’ai eu la chance d’être dans ce sport depuis mon enfance, en 1993 ou 1994.

Au tout début, quand on est passé des patins traditionnels aux patins en ligne. Mon année était une année parfaite pour moi. Je me sens tellement bien et humble, vraiment. Maintenant, je me sens bien. Je me sens bien pour ce que j’ai fait pour le développement de mon sport. Pas seulement avec ma technique mais globalement avec les courses à travers le pays et les partenariats qui ont été engagés. Je suis excité de tout passer en revue et de penser à l’impact que j’ai pu avoir sur le sport au cours de mes championnats. Cela signifie beaucoup pour moi.

Je voudrais te demander, parce qu’il y a des bons et des mauvais moments dans le sport en tant que compétiteur : Est-ce qu’il y a un moment particulièrement douloureux qui te vient à l’esprit ? Où tu te demanderait encore aujourd’hui : Qu’est-ce que j’ai raté ? Parce que si tu gagnes beaucoup, cela peut faire beaucoup de mal quand tu perds. Tu te souviens d’un tel moment ?

Je me souviens vraiment que la victoire devenait normale. Et quand j’ai perdu, tout était vraiment disproportionné. Tout le monde parlait de ça. Mais quand je gagnais, personne n’en parlait. Ça m’a mis beaucoup de pression, ce qui m’a aidé à me faire mieux. Ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient, mais ils m’encourageaient, me challengeaient et me poussaient à faire mieux.

Mais je peux vous le dire, quand je regarde en arrière, la chose que je souhaiterais changer…

 » Quelque fois, la volonté de gagner est tellement forte que je pouvais devenir mauvais parfois. Il y a des enfants qui regardent ceci aujourd’hui. Et vous n’avez qu’une vie. Vous n’avez qu’une seule opportunité et qu’un seul nom. Et même si vous gagnez beaucoup, c’est génial, c’est merveilleux, mais vous n’allez pas gagner chaque course.
Il y a des moment où d’autres gagneront. Et quand ils gagnent, sachez que s’ils vous ont battu et que vous avez fait de votre mieux, c’est qu’ils ont travaillé vraiment dur pour y arriver et ils le méritent aussi. »

Chad Hedrick

Au contraire, quel serait ton souvenir le plus joyeux ? Où tout s’est parfaitement aligné et où tu te serais dit :  » Wow, génial ! « 

Oui, il y a définitivement un moment de ma carrière… où j’ai juste senti que Dieu m’avai mis sur Terre pour patiner. J’étais en Argentine et on avait une course de 10 km aux Jeux Panaméricains. Et pendant la course, un de mes roues s’est détachée. En fait, j’ai perdu ma roue avant. Et l’un de mes principaux adversaires à l’époque était un gars nommé Martin Escobar. C’est un bon patineur, vraiment fort.

Et pour une raison ou une autre, j’ai réussi à gagner la course sans ma roue avant ! Et encore aujourd’hui, c’est la réussite la plus incroyable que j’ai pu réaliser dans ma vie. Je regarde en arrière, je souris et je rigole, mais c’est vraiment arrivé ! Et je ne peux pas l’expliquer. Chaque fois que je poussais avec mon patin, je voyais des étincelles partir dans l’air, parce que mon châssis frottait sur le sol. Mais j’ai trouvé un moyen de gagner, parce que j’avais envie de gagner.

D’accord… Justement, parlons de l’équipement : quelle était ta relation avec ton matériel ? Les roues, les roulements, les platines ? Si on n’a pas de patins, on est juste des marcheurs, des joggeurs. C’est ce qui fait de nous des patineurs…

Je patinais professionnellement et chaque année, les sponsors avaient de nouveaux modèles à présenter. De nouveaux produits qu’ils voulaient vendre. Et donc chaque année, il fallait changer de patins. Mais comme on dit aux Etats-Unis :  » C’est l’Indien, pas la flèche. »

Peu importe les patins que tu utilises. Si ta technique est bonne, si tu es prêt à faire la course, et que tu t’es entraîné, tout va bien se passer. Je peux comprendre que l’équipement peut changer votre performance, mais au bout du compte, si tu n’es pas prêt alors, peu importe les patins que tu utilises.

Roue Hyperformance Team Edition Chad Hedrick
Roue Hyperformance Team Edition Chad Hedrick

Tu as pu le constater, même depuis que tu as arrêté de patiner, les roues sont devenues de plus en plus grandes : 110, 125 mm… Comment vois-tu cette évolution ?

Oui, quand je regarde en arrière les équipements que nous utilisions et ce que nous utilisons aujourd’hui, Je veux dire, c’est assez drôle, ça fait partie de l’évolution du sport. Il semble que ça se passe si vite et ça me fait sentir vieux, comme si j’étais vraiment, vraiment vieux.

Je n’ai que 46 ans, pas 80 ans. Mais quand on regarde les patins que j’utilisais avant et ceux qu’ils utilisent aujourd’hui, ça ressemble à une vie complètement différente. Les vitesses que nous atteignons… Je pense aussi que nous avons appris beaucoup des choses.

Beaucoup de choses que nous avions quand je patinais rendaient cela plus amusant. C’était plus amusant pour les spectateurs de regarder, être en mesure d’utiliser des techniques, plutôt que de reposer sur l’équipement. Je trouve que l’art du patinage s’est un peu perdu avec l’amélioration technologique permanente.

Et sur glace, est-ce que la forme des lames est aussi importante ?

Oui, l’équipement sur glace est beaucoup plus important, à mon avis qu’en roller parce que si vos lames ont la moindre petite courbure ou ne sont pas parfaitement affûtées, la glisse est moins bonne. Vous êtes DANS la surface, c’est complètement différent du roller Vous n’êtes pas juste au dessus. A chaque fois que vous posez le pied, la lame suit le sillon qu’elle creuse. La lame suit la courbure tracée par votre patin. Cela peut changer la prise de virage et le rayon de la courbe. Et donc cela peut donner de drôles de sensations. Et tour après tour, cela produit de la pression sur vos jambes. Particulièrement au milieu d’une course d’endurance. Donc l’équipement sur de glace est primordial.


Regarde, voici les lames que j’ai utilisées en 2006 pour gagner mon médaille d’or. C’est assez cool. Mais si tu la regardes de près, tu ne pourras pas la voir sur la caméra, mais on courbe nos lames. Donc quand tu poses le pied sur la glace, cela dessine la courbure de la piste. Il n’y a qu’à mettre le poids sur le pied et glisser dans le virage.

D’accord, c’est très précis.

Oui, une machine courbe tout. Un technicien travaille là-dessus et qui comprend exactement comment préparer la lame. C’est très technique.

Quand on a fait du roller en ligne, on met juste des roulements dans les roues on serre et on est prêt ! C’est une histoire complètement différente avec la glace.

Chad Hedrik - patinage sur glace en 2008 - photo : Wikipedia
Chad Hedrik – patinage sur glace en 2008 – photo : Wikipedia

Et ce grand jour où tu es devenu champion olympique, quels sont les moments que tu as retenus ?

Beaucoup de gens me demandent ce que ça a été de gagner. Mais ce n’était pas vraiment un sentiment de… J’ai été victorieux de nombreuses fois dans ma vie. Mais quand j’ai gagné cette fois-là j’ai enfin eu cette sorte de validation de qui j’étais et de ce que j’avais fait. J’ai enfin eu la reconnaissance et la notoriété de tout mon travail dur et de mon engagement dans le sport. C’était une sensation incroyable. Mais quand j’ai gagné, c’était une réflexion de chaque minute, de mes 17 mois quand commencé à patiner jusqu’à ma main sur mon cœur, avec la médaille d’or autour du cou. C’était le sommet de ma carrière.

Et bien que beaucoup de courses en roller signifient autant pour moi, si ce n’est plus, c’était le moment pour le monde de reconnaître que Chad était le patineur le plus rapide du monde. C’était une sensation incroyable.

En parlant des Jeux Olympiques, le roller n’y est toujours pas entré… Cela aurait été aussi génial pour toi d’être champion olympique sur roues.

Oui, vous savez, en 1996, notre sport était très proche de la réalisation de l’objectif olympique. Et cette année-là, j’avais 8 médailles d’or au championnat du monde à Padova, Scaltenigo, en Italie. Et ma vie aurait changé. Je ne peux pas vous dire que, en me regardant en arrière, que je n’étais pas très déçu après cela. Et ce moment, dans cette petite période, de 1996 à 1998, il y avait des événements vraiment grands qui se passaient ici en Amérique pour le roller en ligne. C’était vraiment le moment où nous aurions pu faire quelque chose… ou on ne le ferait pas.

Et après 1998, j’ai senti qu’on ne passerait jamais cette grande étape. On avait eu des événements télévisés ici, il y avait des choses qui se passaient avec des sponsors d’entreprises, et beaucoup d’intérêt. Tout le monde avait des patins en ligne à la maison. Tout le monde faisait du roller. Et si on ne pouvait pas accéder à l’olympisme. C’est difficile. Et c’est triste, parce que j’aime tellement ce sport.

Peut-être qu’un jour, on verra le roller aux Jeux Olympiques. On rêve toujours de ce fait, que ça devienne un sport olympique. Parfois je suis déçu que nous ne gardions ce sport que pour nous. Il est si génial… qu’on ne partage pas avec le reste du monde.

Je vais vous dire ceci : c’est mon avis… Mais je pense que les gens se sont trompés à vouloir tant devenir un sport olympique. Ils ont perdu la joie de ce sport. C’est un super sport, faites-le. Amusez-vous, apprenez à vivre.Si c’est aux Jeux, ça y est, si ça n’y est pas, ça n’y est pas. Et si ce n’est pas le cas, tant pis. Il y a eu tellement de pression pour rentrer aux Jeux Olympiques. Patinez et apprenez à vivre. Parce que cela va tellement vous apprendre… Comme je l’ai dit tout à l’heure.

Chad et Christophe avec la médaille olympique
Chad et Christophe avec la médaille olympique

Mais quand tu es devenu champion olympique, tu as eu la chance de rencontrer beaucoup de gens, d’être dans des émissions de télévision célèbres. Qui a été la personne la plus célèbre ou la plus extraordinaire que tu as eu la chance de rencontrer ?

Mohamed Ali ?

Qui d’autre ?

Beaucoup, beaucoup de monde. George Bush. Ma mère et moi avons déjeuné avec George Bush et sa femme ici à Houston. Des opportunités incroyables…Mais ce sont des gens normaux au bout du compte. Des gens très engagés dans le sport et qui nous soutiennent. C’est incroyable comment en une semaine tu passes du « Chad normal »… Et la semaine suivante, tout le monde veut te parler à cause de la médaille d’or. Tout le monde veut t’écouter, tout le monde veut sortir avec toi. ça devient très facile d’être fier et de devenir arrogant.

C’est vraiment une partie délicate de la vie. Mais tu avais quelqu’un à la maison pour te le rappeler…

Oui, je me souviens qu’au moment où j’ai remporté la médaille d’or, j’étais déjà dans une relation. Donc, ça m’a aidé à rester concentré, à me calmer… Et vraiment à ne pas être trop excité par les fêtes, etc. Donc, c’était bien.

Ok, nous arrivons donc sur la fin de ta carrière… Est-ce que tu te souviens du jour où tu t’es dit :  » maintenant c’est fini. » ?

Oui, je veux dire, tout le monde doit le savoir. Il y arrive un jour où vous ne pouvez plus le faire. Ça n’importe pas si vous avez cinq médailles olympiques ou si vous avez 50 titres de champion du monde. Un jour, c’est fini ! Et ce fut le moment le plus difficile de ma vie. Parce que j’avais passé toute ma vie à patiner.

 » Je n’avais pas vraiment d’instruction quand j’ai arrêté de patiner. Je n’avais pas beaucoup de choses. Donc je suis revenu chez moi et, honnêtement, j’ai perdu mon identité. Parce que mon identité était intimement liée au patinage. Ça m’a défini en tant que personne. »

Chad Hedrick

Et j’encourage tout le monde à donner le meilleur de lui-même dans son sport et dans ses choix de vie. C’est très important pour vous de comprendre que cela ne vous définit pas en tant que personne. En tant que personne, vous êtes beaucoup plus grand que votre sport. Et si vous vous concentrez seulement sur votre sport et que vous partez un jour, vous serez très surpris et très déçu parce que le monde va être difficile. Je suis arrivé chez moi avec cinq médailles olympiques, 50 titres mondiaux en cherchant un emploi. Mais je n’ai pas trouvé un emploi.

J’avais de l’argent, mais je n’ai pas trouvé un emploi pour commencer une nouvelle carrière. Je ne savais pas quelle était ma passion. C’était très délicat. Et donc, pendant 3 ou 4 ans, j’ai eu une crise d’identité. Je ne savais pas à quoi allait ressembler la prochaine étape de ma vie. Et finalement, j’ai lancé un business en 2016.

Et commence cela s’est passé ?

Ça m’a pris presque 6 ans pour vraiment me retrouver. Et maintenant, je travaille dans l’immobilier ici à Houston. Et je suis vraiment, vraiment, vraiment bon à ça. Parce que je sais ce qu’il faut d’engagement pour être le meilleur. Il n’y a pas d’autre choix. C’est être le meilleur ou ne pas le faire.

Quand j’étais jeune, mon père avait ce T-shirt que j’utilisais et qui disait : « Si je ne peux pas gagner, je ne veux pas jouer. »

Et c’est vraiment ça. C’est drôle comme enfant.

Mais j’ai grandi et c’est comme ça que je continue de penser. Et c’est comme ça que je pense tous les jours. Parce que c’est la seule façon d’atteindre ton potentiel.

Mais à la maison, tu parlais de ta fille qui joue au football…

Oui.

La famile Hedrick
La famile Hedrick

Ça fait beaucoup de pression de t’avoir comme père. Elle ne patine pas. Si elle avait été patineuse, elle se serait comparée à toi…

Oui, Mes enfants vont à l’école. Tout le monde sait que leur père est médaillé d’or aux Jeux olympiques. C’est beaucoup de pression sur eux. C’est aussi difficile pour moi, comme père, car je ne peux pas attendre que mes enfants vivent de cette façon. S’ils ont cette mentalité, c’est bien. Si non, je ne peux pas les forcer.

Mais pour revenir à ma fille, c’est beaucoup de pression sur elle comme athlète. Elle est très forte mentalement. Et je fais tout pour qu’elle sache que c’est un grand avantage. Mais ma philosophie n’est pas une bonne philosophie d’entraîneur. Elle a du mal à m’écouter. C’est pourquoi, dans le sport, quand j’ai terminé, je suis parti. Je suis tellement différent, je pense être tellement différent de tout le monde. Ma technique était tellement différente, tout était « anormal ».

Je ne pouvais pas être un coach parce que personne n’aurais compris ma philosophie. Ou ils me disaient, c’est parce que tu as cette technique, ou parce que… Non, je serais tellement dur avec ces athlètes, ils voudraient partir rapidement. Je sais que c’est difficile d’être un coach quand tu demandes quelque chose et que tu mets de la pression sur les patineurs. Je comprends que ça peut être difficile pour toi.

Imaginez un entraîneur qui attend de vous que vous gagner chaque course et qui ne comprendrait pas pourquoi vous avez perdu une seule fois. Ça serait misérable.

Oui, en effet. Merci.beaucoup de partager toutes ces souvenirs et idées. C’est génial d’échanger avec toi. Nous allons vous voir en juin en France, avec ta femme.

Oui, je suis tellement excité de vous rencontrer tous aux 24 Heures du Mans Roller. Je suis tellement excité de voir l’événement, de vous rencontrer chacun et chacune. Ma femme et moi serons là. Et puis on va aller en vacances après. Mais je suis vraiment excité de vous voir et j’ai hâte d’être en juin !

Merci Chad Hedrick pour ton temps et on se voit donc en juin !

Interview de Chad Hedrick par Christophe Audoire
Interview de Chad Hedrick par Christophe Audoire

Pour aller plus loin

Compte Facebook de Chad Hedrick

Auteur

Alexandre Chartier

''alfathor''

Alexandre est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com depuis 2003. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez un de ces sujets !

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