Buggy Rollin : à la conquête de la montagne Tianmen
Il est 2 heures du matin en Chine quand "Buggy Rollin" nous accorde cette interview suite à sa descente d'une route mythique devant 200 millions de téléspectateurs. Jean-Yves Blondeau nous raconte ce moment unique dans sa carrière...
Par alfathor

Interview…
2 heures du matin en Chine. Jean-Yves Blondeau et son avatar « Buggy Rollin » viennent de vivre l’un des moments les plus forts de leur carrière rolleristique. Il a dévalé les flancs de la montagne Tianmenshan, un lieu tropical magique où la terre et les nuages s’entremêlent. Vous pensez ne pas connaître cet endroit ? Si vous avez vu « Avatar », ces paysages ne vous sont pas inconnus…
Bonsoir Jean-Yves, comment s’est mis en place ce projet ?
Plusieurs sportifs de l’extrême se sont succédés dans ces montagnes. Jeb Corliss (base jumper en flying suit) a volé à travers le fameux trou de la montagne. Ce sont les chinois qui sont allés le chercher. Une autre année, un funambule a traversé deux pitons rocheux, une autre fois encore, c’est un grimpeur français, Alain Robert qui a relevé un défi.
L’organisation m’a trouvé et m’a proposé ce challenge. Il suffisait de dire oui ! Cette montagne appartient au gouvernement chinois. Initialement, j’aurai dû venir un mois avant, cela a été repoussé. Je suis venu une première fois, fin avril / début mai pour voir et essayer, voir ce qui était faisable. J’ai descendu une première fois sans problème.
Cela fait 2 mois qu’on prépare ce show et un mois que je suis en stand-by avec une date qui change toutes les semaines, tout le mois de juin, j’ai été bloqué, ça a été reporté. J’ai connu la date finale le 8 juillet seulement.
Ils ne trouvaient pas ça assez spectaculaire. Ils ont donc compliqué les choses avec quelques obstacles. Ils ont lancé un truc un peu délirant au départ. Ils avaient des idées folles, ils en ont gardé quelques unes comme la rampe de lancement et les pointes en dessous de la table de saut !
Tu as une assurance en cas de pépin ?
Non, nous n’avons signé aucun papier d’assurance. Il devait y avoir une équipe de dizaine de secouristes à la fin du parcours… que j’ai découvert une fois arrivé en bas !
Es-tu payé pour ce show devant tant de spectateurs ?
Oui, mais à un salaire chinois. Si on met la rémunération en rapport avec le nombre d’heures et de journées de préparation passées sur le terrain, c’est dérisoire. On fait des horaires de fous, en gros de 7h00 du matin à la nuit tombée.
Je bénéficie surtout d’une reconnaissance médiatique. La Chine compte 1,6 milliards d’habitants. En passant sur une télévision nationale un dimanche à midi, on profite du prime time. C’est un des rares moments où les chinois regardent la télé. L’organisation (et donc le gouvernement) ont mis un gros budget sur la table. Ils ont invité un grand nombre de journalistes et de télévisions.
Parles-nous du lieu de l’événement…
La montagne Tianmen baigne dans un climat tropical. Il fait très chaud, très humide. On y trouve la même végétation luxuriante que dans Avatar. L’endroit ne donne pas l’impression d’être abrupt, la végétation atténue ce sentiment de verticalité. C’est vert, foisonnant, contrairement aux Alpes où l’on trouve surtout de la pierre.
Comment s’est organisé le tournage ?
Il y a plusieurs jours de tournage en fait. C’est une descente de 10 km de long. Ils ont déposé les caméras dans les meilleurs endroits. Ils ont mis des échaffaudages sur les pitons rocheux, avec des drapeaux, ils ont pris des risques ! Ils avaient même prévu une montgolfière et avec le vent, elle est partie à l’opposé de là où elle devait aller.
La préparation a été longue…
Il faut tout revérifier, les points importants. On a eu un souci de météo : il a plu, le climat tropical fait que l’on peut avoir des grosses pluies et du beau temps, les changements sont fréquents dans une même journée. On retrouve vraiment l’ambiance de ces peintures chinoises de rochers dans la brume… C’est vraiment comme dans avatar avec les nuages qui bougent à travers les montagnes.
Durant les repérages, quand je descendais la route, parfois 15 secondes après mon passage, tout changeait. Des fois, on avait l’impression que la route était suspendue dans les nuages. Très beau, mais ça change sans arrêt.
On a eu des soucis de surface, dans ce lieu montagneux, les rochers qui tombent laissent impacts dans le béton, la pluie déclenche des cascades sur la route dès qu’il pleut… J’ai posé des repères tout le long de la route sur les zones de freinage, les points de tangentes, les trajectoires pour éviter les trous, les points d’eau. Quand tu passes sur l’eau l’adhérence change, par endroit le béton devient vert avec une couche de végétation, un vrai savon ! Même en basket, j’ai failli tomber comme sur de la glace ! A ces endroits, tu arrives au ralenti et tu essaies de rester sur la route.
Même si la météo n’était pas bonne, il a fallu repérer, vérifier les constructions, il y a eu quelques modifications à faire. Ils m’avaient fait un virage relevé de piste de bobsleigh, il manquait de la verticale, tout le virage était bien en compression mais au moment où ça passe en l’air, il n’y avait plus de mur !Ils ont fait une grande rampe sur un muret sur 200 ou 300 m qui débouchait sur un extérieur virage. Cela faisait arriver en pleine gauche au ras des plots en béton ! Sans compter qu’il pleuvait, ça se transformait en torrent. Ensuite, ils l’ont peinte, ça ne séchait pas, ça glissait encore plus. Plein de surprises !
Des frayeurs ?
Quand je suis passé dans le tunnel durant le tournage, ça a glissé, j’ai été déporté progressivement sur le bord de la route où se trouvait une rigole d’un mètre de profondeur, j’ai vu le trou arriver, j’ai continué à glisser, ça a glissé jusqu’au 30 derniers centimètres où l’accroche est finalement revenue. Je me suis fait peur deux fois.
A un autre endroit, il y avait plein de photographes. En descendant, je suis passé devant les photographes et derrière j’ai failli aller tout droit.
As tu des vidéos de ta descente ?
Je n’ai rien récupéré en images pour l’instant. J’avais 3 Gopro sur l’armure: une à moi, celle d’un collègue, et une troisième d’une télévision. J’ai couru après mon matériel pendant tout le tournage. Je vais voir si j’ai des descentes enregistrées sur ma carte.
Comment t’ont-ils connu ?
Aucune idée ! Je ne sais pas par quel biais ils m’ont trouvé. Ils ont certainement vu des vidéos. Il y a une photo extraite de la vidéo Swiss Pass.
Il y avait des posters géants de toi partout ?
Oui ! C’était marrant d’ailleurs ! Dans tous les virages se terminant par 9 se trouvait une statue de dragon. Il y ont posé une photo de Buggy Rollin à chaque fois. Autour du site, il y avait également des posters de 3 m de haut pour 5 à 6 m de large. Si j’arrive à en récupérer un, je vais refaire la décoration de la maison de mes parents !
Seba m’avait parlé de ce phénomène des posters géants quand on avait fait une démo il y a longtemps à Shanghaï. Il m’avait dit que je trouverai facilement l’endroit ! J’ai eu mon heure de gloire. 200 millions de téléspectateurs, ça fait rêver, c’est sûr….
Cela aura-t-il un impact pour la suite ?
Tout a un impact mais je n’espère rien. Je vais profiter autant que possible, profiter des journalistes tant qu’ils sont là, faire des images marrantes, amener quelque chose de différent. C’est comme quand on t’invite sur un événement… tu ne sais jamais quelles retombées cela va générer. D’autre part, Jackie Chan commence à communiquer sur son film, les deux choses combiner devraient bien faire monter la mayonnaise.
Le soir, je suis allé rouler en ville, j’étais seul paradoxalement. Tu te retrouves seul dans la chambre d’hôtel, Je n’ai pas mis la combinaison, trop chaud ! C’est ça Buggy Rollin, être sous les projecteurs et invisible à la fois.
Tu es passé incognito !
L’effet buggy rollin, c’est l’effet daft punk ! En parlant d’eux d’ailleurs… J’avais une chemise noir et bleu, une cravate noire avec un dragon doré. Ils ont adoré ma cravate achetée à Pékin. j’avais gardé le casque bleu avec les lumières. J’avais le micro, c’était génial. ça a fait son petit effet.
Que signifie ce collier de fleur autour du cou ?
Ils me l’ont donné quand j’ai réussi à la descente !
Quelles sont les prochaines échéances pour toi maintenant ?
J’ai accepté de faire » A la recherche de la Super Star » en Allemagne ! Je vais aller à Berlin début août. Entre temps, on va peut être faire une autre télévision allemande. A confirmer !
Ensuite, direction la piste de Bobsleigh avec Seba à la Plagne pour le Beton On Fire ! Il me tarde ! Ensuite, retour en Chine pour les championnats du Monde de slalom, à Li Shu.
Ensuite, j’aimerais aller à Calgary. on verra !
Bilan ?
Je suis content d’avoir terminé ce week-end, c’est le genre d’expérience que tu ne peux faire qu’une seule fois dans ta vie : J’ai profité d’une route gouvernementale fermée avec la police qui contrôle l’entrée. Nous y rentrions en voiture officielle du gouvernement avec 999 sur la plaque d’immatriculation (le 9 est le chiffre de l’empereur). Garde à vous des policiers… c’est vraiment impressionnant !
Un freeride pirate là dessus serait impossible à organiser, à moins de passer par la jungle ! Il ne faudrait personne sur la route, pas de patrouille. Je leur ai proposé un freeride, c’est du béton par terre, ce n’est pas agréable, mais pour l’expérience, c’était vraiment génial.
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