David : un raid roller de Nîmes à Millau – 165 km en 2 jours…
David est un adeptre des raids impromptus. Alors que nous écrivons ces lignes, il est en partance à roller pour le Mans Solo. Revivons son dernier périple de Nîmes à Millau soit 165 km très vallonnés en 2 jours...
Par alfathor

Jour 1 : parti des arènes, perdu entre les Causses et les Cévennes…
Levé en retard, le TGV de 6h00 loupé, après un rapide petit déj’ c’est ma soeur qui m’amène à la gare. J’arrive in extremis à avoir le TGV suivant. Je ne voulais pas être au départ de Nîmes trop tard.
Une fois arrivé, petite visite de la ville oblige, je quitte les arènes vers 9h00. Nîmes est une ville sublime. Il fait beau et je pars en direction de Combas.
C’est parti ! Et ça monte…
D’entrée ça monte bien. Je comprends d’avance ce qui m’attend. Le vent vient me rappeler de douloureux souvenirs de Marseille-Gap, et c’est tout logiquement que ce jeu de mot s’impose : parti des arènes je m’apprête à livrer un nouveau combat.
Heureusement qu’il ne pleut pas, ‘manqu’rait plus qu’ça ! Passé Vicq-le-Fesq après Combas, j’ai déjà monté pas mal de côtes, plus qu’il n’en faut pour que mon sac commence à me peser. Déjà, j’ai de très réguliers débuts de crampes. En roulant je m’étire, je bois beaucoup mais c’est toujours à la limite, à Saint-Hippolyte-du-fort, je me demande si j’arriverai à atteindre Le Vigan, mon objectif minimum du jour marquant la mi-chemin des 165 km qui me séparent de Millau.
2 jours pour le faire, avant de partir je m’étais dit « ça va, traaaanquille », mais je déchante à chaque nouvelle côte… Surtout que pour revenir à Marseille, le dernier TER du lendemain, lundi, est à 17h15. Parti comme c’est parti, ça va être « just » !
J’ai bien fait de penser à partir de Nîmes, c’est ça qui est chiant quand t’as très peu de temps pour partir faire un raid, obligé de faire avec et de se frustrer car honnêtement, 2 jours c’est vraiment peu ! Pas assez pour faire une vraie coupure, oublier quel jour on est, etc. Alors quand je pars 2 jours, c’est en sachant que je n’en aurai pas assez, mais aussi parce que c’est mieux que rien… Pour quelqu’un qui est en manque d’évasion et de découverte (je rigole).
Pour l’heure je suis loin du compte, mais la bonne chose de la journée c’est que le bitume est vraiment pas mal. Pas de gratton douloureux. Je me dis que si c’était pas aussi roulable j’aurais vraiment du mal tant il y a de montées et de très longs faux plats montants.
Me voilà à Quissac. Je tombe sur une voie cyclable impec’ ! un pur billard sur lequel le moindre virage sec se transforme en shuffle, trop bon, je savoure…5 petits kilomètres jusqu’à Sauve.
Puis des montées, encore et encore, de temps en temps une descente, toujours trop courte, logique puisque je roule plus vite aussi.
Arrivée à Ganges. Je peux enfin me ravitailler. C’est qu’en ce dimanche électoral il n’y a pas un chat dans les villages que je traverse, c’est ke « no man’s land » en direct, déprimant !
Coup de fatigue
La route jusqu’à Le Vigan est tellement fatigante qu’une fois sur place, j’ai même envie d’arrêter. Mais tout de suite le fait de savoir que le lendemain je dois avoir fait les 80/90 km qu’il me reste avant 17h dernier carrat m’oblige à continuer encore un peu… Vraiment à contre-coeur parce que je suis crevé.
Niveau paysage, vraiment y a pas à dire ; c’est somptueux ! Mais j’ai mal aux jambes, aux pieds, le vent souffle encore, pas aussi fort que je l’ai eu dans les Alpes mais de face tout de même. Je commence à ne plus pouvoir supporter les reliefs. A partir de Le Vigan je me rends compte que je passe une nouvelle étape ; les montées sont plus fortes et les villages que j’arrive à atteindre dans la douleur sont encore plus fantômes que les villes si calmes déjà vues. Je n’ai plus qu’une portion de pizza dans mon sac et ma bouteille d’eau touche à sa fin, et ça monte, encore. A chaque virage je maudis la montée suivante que je vois se profiler d’avance par la courbure de la route, j’en peux plus.
Arre. Bientôt 20h00. Je sais qu’il va faire bientôt sombre. Le pire c’est que dans ces villages, j’ai pas vu beaucoup d’endroits potentiels où dormir… Après quelques renseignements j’apprends que Alzon est tout proche, enfin, 7/8 km… soit une bonne heure de route vu les conditions !
Un bon repas et un abri… bus pour la nuit
Tant pis, en espérant pouvoir y trouver un épicier ou un restau j’y vais ! trèèèèèèès difficilement. Alzon m’accueille sur une bonne descente revigorante…un seul endroit où il semble y avoir de la vie ; un hotel-restaurant. BINGO MAGOT ! De suite j’y prends un bon repas, assez chic les assiettes, et le contenu délicieux, franchement ; il en faut peu pour être heureux.
Dans ce village le premier problème à l’heure de chercher mon camp de fortune, c’est que des gens sortent leurs chiens. C’est tellement calme que même s’il fait nuit je suis obligé de marcher très silencieusement. Imaginez, j’entends un mec se moucher dans sa maison, J’entends ce qu’il dit à sa femme en parlant tout à fait normalement… C’est que je ne souhaite pas me faire repérer, pour ne pas inquiéter les gens qui pourraient voir d’un mauvais oeil la présence d’un homme qui qui a plus l’air d’un sans-papier avec son sac que d’un sportif de passage. Avec les tensions qui courrent, il ne faut pas se voiler la face !
Bref, j’ai trouvé à la sortie du village, comme très souvent un abri de bus, mais en pierre, assez grand, très aéré. Avec le vent qui souffle ce n’est pas le top du tout, mais je n’ai rien trouvé d’autre, alors je m’en contente. J’arrive tout en silence à me changer, à me glisser dans mon sac de couchage, il fait très frais et je redoute les heures matinales qui arrivent vite, il est déjà minuit passé quand je ferme les yeux, je repense aux arènes, à ma soeur avec qui je devais faire ce raid mais qui n’a pu être libre, à tous ceux qui m’ont encouragé… et à Millau et son viaduc qui sera aussi belle que dans mon imagination, je l’espère.
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Jour 2 : Le col de la barrière pour commencer, et finir par une descente de 8 km à 6%
J’avais mis mon réveil à 8h00 pour être sûr de ne pas partir trop tard, mais c’est le froid qui m’a tiré de mon sommeil, il est 7h00.
J’ai la goutte au nez, froid. C’est dingue, j’ai mon bonnet, mes gants, je porte tout ce que j’ai amené ; une paire de chaussettes de foot remontées jusqu’au genoux, un collant damart sous le treillis, deux tee-shirts dont un manches longues, deux cols roulés en polaire le tout sous un ensemble coupe-vent imperméable..et je tremble encore.
Bon, je mange ma pizza de la veille, vu que je savais que je ne trouverais rien d’ouvert avant un bon moment, c’est là mon seul petit déj’ et je décide de partir vite, lentement mais très vite. Pas envie de rester dans ce froid…
Arrivé la veille sur une belle descente, je quitte Alzon sur tout son inverse, j’ai les jambes lourdes, et ce matin j’ai mal à la hanche droite, dormir sur ce sol en béton et sur le côté (recroquevillé dans mon sac de couchage) m’a laissé un beau souvenir..
Départ difficile
Allez, c’est parti ! Me voilà à rouler très lentement, une côte, deux côtes… Bientôt je ne les compte plus, quand j’entends des voitures arriver de l’autre sens et que je les vois tout en haut dans sur la colline d’en face, et que je comprends que le virage sera très long pour parcourir les 100 m à vol d’oiseau qui me séparent de l’autre côté, ça me fait déprimer. Mais bon… J’avance, plus mal que bien, mais j’avance. Les pauses sont très fréquentes, quasiment à chaque fois que j’atteinds le début d’un nouveau virage, c’est une gorgée d’eau enfilée et un posage de cul d’une minute.
Par moment, je n’hésite pas à marcher, sur une vingtaine, une trentaine de mètres. De toute façon je marche aussi vite avec mes rollers aux pieds que je ne roule sur le bitume sur la montées. Il y a un beau soleil, mais le vent est toujours là.
Coup au moral
58 km, c’est ce qu’un panneau m’indiquait à la sortie d’Alzon pour aller jusqu’à Millau, j’en trouve un autre une heure et demie après mon départ et il m’écoeure ; 49 ! Je prends un coup sur la tête à ce moment là, j’espérais tellement avoir fait au moins 15 km.
Franchement, je suis épuisé de ces reliefs, ça monte depuis une heure, quand j’entends un moteur résonner entre les collines, la voiture n’arrive que 1 à 2 minutes après, et pas un seul plat depuis que je suis parti ! J’ai les nerfs, et comme souvent je me dis « putain mais quelle idée aussi de partir comme ça, mais quel con alors ! »
En cours de route je me suis déssappé. J’avais tellement froid au réveil, et maintenant j’ai tellement chaud ! Mais les pauses me refroidissent aussi sec, les habits trempés de sueur sous le vent ne pardonnent pas. Je bois à très petites gorgées, mais très souvent et à un moment, le bitume se transforme en gratton terrible. Là, j’explose littéralement, je cesse de rouler, je m’assois, dépité. Déjà que j’avance pas, là ça m’achève.
Puis je repars 10 minutes après, résigné… Par chance le bitume redevient correct 2 virages après, ouf ! Et alors que je suis vraiment de plus en plus découragé, je vois la ligne d’horizon qui cesse de reculer dans mon avancée. Il semblerait que derrière elle ça cesse de monter. Par crainte de me faire une fausse joie, je n’ose pas trop espérer, jusqu’à ce que je croise ce panneau « Col de la Barrière, 808 m ». Là déjà je me dis « putain, tous ces virages, tous ces km en montées et faux plats pour 808 m ! mais ils pouvaient pas faire une route plus directe ! », mais j’ai un instant de légèreté, le plaisir de pouvoir enfin me laisser rouler est un vrai réconfort.
Putains de montées, putain de vent
Bon très vite je me rend compte qu’à cause du vent, même dans la descente je suis obligé de pousser, je suis dégoûté. Cette journée de dingue me fait presque regretter d’être parti. En voiture ça doit être tellement plus facile… Ah la la ! Quand je me retourne, je remarque les virages que je viens de passer sont plus hauts, même si je dois pousser en descente, je me méfie car je me dis que si je dois à nouveau franchir des montagnes je rigolerai encore moins. Alors une fois que l’horizon est à peu près plat, je ne jubile pas trop, même si j’apprécie enfin de rouler à un peu plus que 10 à l’heure.
Rencontre fortuite
Après le col de la barrière, des gens qui m’ont doublé avant se sont arrêtés sur le bas côté. En m’approchant, je vois le monsieur, appuyé sur un genoux, appareil photo en main, qui me shoote, Madame, elle, de l’autre côté m’applaudit quand j’arrive à leur niveau. Naturellement, je m’arrête à leur hauteur et nous discutons quelques instants. Une bouffée de courage pur, un moment qui me booste. Il me propose de m’envoyer les photos par mail, je lui donne mon adresse, en retour. Je sais d’avance que cette rencontre restera un formidable souvenir ! Michel et Lilly vos mots, vos encouragements, m’ont profondément touché, et je vous remercie infiniment !
Beaucoup de plat jusqu’à l’aérodrome de Larzac-Millau, je sais que je suis plus proche de la fin que du début, et j’en suis soulagé. Grosses difficultés dans les montées assez fortes en sortant pour rejoindre La Cavalerie. Quand je vois La Cavalerie indiquée comme étant la prochaine ville je suis limite déjà heureux tellement je sais que c’est le dernier tronçon avant d’atteindre mon Eldorado.
Parti des arènes et arriver par La Cavalerie, je me dis parfois que les clins d’oeil sont chouettes, puisque je ne pars pas pour l’amour du sport mais pour pousser un peu plus les barrières de ma liberté, vivre des jours les plus autonomes possible, ne dépendre que de moi, mes jambes et ma hargne. A vélo, à rollers ou en pirogue peu importe, je serais aussi heureux en fin de compte, tant que tout ce que je fais je peux le faire seul.
Double voie
Passé La Cavalerie, beaucoup de faux plats, sur ancienne route nationale, devenue départementale mais qui n’a de départementale que le nom. Le peu de véhicules sur la route roulent à plus de 110 km/h. C’est une double voie, et comme beaucoup de ces routes là, au début on est ravi de voir un bitume si lisse et un bord de route large, mais très vite on déchante en s’apercevant que sur le bord de la route il y a tellement de petits graviers que c’est très difficilement praticable.
Au bout d’un moment je croise un panneau sur lequel est écrit « utiliser votre frein moteur » en 4 langues…je me dis que c’est bon signe même si j’en ai tellement bavé pour arriver là que je me préserve d’une fausse-joie !
Bonne descente
Un peu plus loin…un panneau d’avertissement qui prévient d’une descente à 6 % sur… 8 km ! Je n’ose pas y croire, c’est le pied, savoir que je suis à environ 8 / 9 km de Millau selon mes plans et qu’il m’attendaient là, sagement, en descente… Je suis tellement soulagé !
Puis je m’empresse de rejoindre la ligne d’horizon devant moi qui doit donc me laisser découvrir une belle descente et quand j’y arrive…
Là je ne pourrai jamais décrire avec des mots ce que j’ai ressenti, mais une telle joie !
Millau !
Je tombe nez à nez avec Millau qui se montre toute entière entre les montagnes qui ont été mon cauchemar depuis toutes ses heures épuisantes et que le Tarn traverse comme un boa sur les épaules fragiles et douces d’une dame courtisée tant désirée, timide sous ses tuiles oranges et couverte par le viaduc majestueux…
Je suis tout estomaqué. J’ai le souffle coupé à chaque regard porté sur le panorama hallucinant qui s’offre à moi… Je n’en peux plus, je suis déjà sur une autre planète, sous l’effet des tonnes d’hormones que ce spectacle me fait dégager… Je suffoque de bonheur !
Si on m’avait dit la joie que je ressentirais à l’arrivée, la plus forte montée de joie jamais ressentie, tous raids confondus (et pourtant en atteignant Gap le mois dernier j’étais déjà bien euphorique), si on m’avait dit, je n’aurais pas crisé contre les montagnes !
En fait je n’en suis toujours pas revenu, mais je me rends compte que vivre une demie-heure d’extase comme celle là vaut bien tous les détours que j’ai pu faire dans la douleur physique, la tension nerveuse et l’abattement mental. Elle vaut bien plus qu’une nuit à dormir dans un abri de pierre et la fraîcheur de l’altitude, bien plus que de se blesser au combat pour la rejoindre, la belle Millau, quitte à prendre le risque de ne pas en revenir.
Je voudrais remercier tous ceux qui m’ont encouragé, avec toute leur sincérité, depuis le début, car si vous saviez comme cela m’a permis d’arriver à vivre des moments comme celui-là, pas vraiment seul, car avec une part de chacun de vous en moi… 384 000 km nous séparent de la Lune et je n’arriverai certainement jamais à l’atteindre, mais sur ses 165 km là, sur 2 jours d’aventure, j’ai eu bien le temps de penser à vous, et surtout à toi Cindy à l’arrivée… Car j’aurais aimé qu’on le vive ensemble, soeurette. Mais t’en fais pas, ce n’est que partie remise.
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Photos : David
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