Le Skating Palais, un rink grandiose à Paris (1876)

Le Skating Palais fut inauguré le 23 avril 1876. Il fut l'un des plus luxueux skating-rinks de Paris durant la grande mode de la Rinkomanie.

Par alfathor

Date: 23 avril 1876 - 25 septembre 1876
Adresse: Skating Palais 55 avenue du Bois de Boulogne, Paris, France
Contact:
Baron Baillot
Le Skating Palais, un rink grandiose à Paris (1876)
Affiche du Skating Palais de l’avenue du Bois de Boulogne (1877)

Grandeur et décadence du Skating Palais, l’un des plus grands skating-rinks de Paris durant la Rinkomanie

La direction et les investisseurs du Skating Palais

Le Skating Palais fut créé par la Compagnie Anglaise. En outre, il était dirigé par Lecaudey et le Baron Baillot en était le propriétaire. Ce dernier avait déjà expérimenté l’engouement pour les skating-rinks en louant le Cirque d’Eté des Champs-Elysées durant cinq mois.

Le baron Baillot loua deux terrains situés avenue Bugeaud et avenue du Bois de Boulogne, 200 francs et 55 francs par jour, bien qu’il ne disposait alors d’aucune ressource. Ce notable décoré de la Légion d’Honneur depuis 1871 avait déjà mené plusieurs entreprises à la faillite avant d’ouvrir son skating rink. Avant de faire construire le Skating-Palais, il avait déjà été la tête du Skating-Rink des Champs-Elysées, avec l’aide d’une société anglaise. Il s’en serait retiré « parce ce qu’il ne voulait pas, dit-il, donner son concours à une exploitation d’un caractère aussi scandaleux. » (L’Ordre de Paris », du 25 septembre 1877).

Une société douteuse

Le 5 juin 1876, il forma une prétendue société avec un prête-nom nommé Franco. Pour réussir son entreprise, il emprunta de l’argent à sieur Devriès (107.500 francs), mais aussi à sieur Belloir (35.000 francs).

Publicité pour le Skating Palais dans la seconde édition du guide Conti Belgique en Poche
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L’inauguration du Skating Palais

Le Skating Palais fut inauguré le 23 avril 1876. Entre 8.000 à 10.000 personnes participèrent à l’événement selon la police. L’établissement se situait entre l’avenue Bugeaud 30-34, et le 55, avenue. du Bois de Boulogne et la rue Picot.

Les équipements du Skating Palais

Le bâtiment mesurait 120 mètres de long pour 30 de large et abritait une piste de 100 m x 20 m. La Compagnie Générale des asphaltes de France réalisa le rink du Skating Palais avec « un asphalte pur, uni comme la glace1« . Le pourtour de l’aire de pratique était entouré d’une « rampe » (main courante) qui permettait aux novices de sécuriser leurs premiers pas. Tout autour de la piste, un large promenoir facilitait la circulation. Les « skatineurs » pouvaient meême profiter d’un buffet à un extrémité de la piste et d’un restaurant à l’opposé.

Patin de Spiller (1876)
Patin de Spiller (1876), utilisé au Skating Palais

Walcker, fabricant d’articles de voyage, 3, place de l’Opéra, fournit les nattes qui ornaient les murs des salons du Skating Palais. D’autre part l’architecte Wery installa un système de ventilation nommé « aspirateur » qui conservait la fraîcheur, même aux heures chaudes. Aux plafonds, de grands lustres illuminaient l’espace en soirée. Des expositions d’art permanentes se tenaient dans des salons réservés à l’élite de la société. L’endroit possédait même une salle d’hydrothérapie !

Le skating était desservi par une ligne de chemin de fer de ceinture qui emmenaient les visiteurs à la station de l’Avenue du Bois de Boulogne. D’autre part, la direction mettait aussi des « voitures » (des fiacres avec chevaux et cocher) pour ses clients.

Illustration des décors du Skating Palais (1876)
Illustration des décors du Skating Palais (1876)
L'éclairage du Skating Palais (1876)
L’éclairage du Skating Palais (1876)

Le personnel de l’établissement

En 1878, l’endroit faisait appel aux services d’un orchestre de 65 musiciens, sous la baguette de Jules Javelot. Le journal Le Monde Artiste2 indique que la composition de Georges Lamothe intitulée « Skating Rink Polka » y fut interprétée par Javelot et son orchestre..

Le lieu proposa des patins Spiller et Plimpton à la location. Le journal l’ « Organe des Skating-Rinks » fait également référence à « la bonne tenue des professeurs ».

Le public du Skating Palais

Les pratiquants appartenaient à l’aristocratie, à la bourgeoisie et au grand demi-monde parisien. Par exemple, le 15 juillet 1876, la princesse Rattazzi organisa un bal de charité au Skating Palais. Les rapports de police notèrent également la présence du ministre des Finances, du ministre de l’Agriculture et du Commerce, ou encore d’Émile de Girardin et de Don Carlos. Les grandes demi-mondaines, dont Cora Pearl, Blanche Hardy, Gabrielle Wiart et Hortense Dorsay, fréquentèrent assidûment le lieu. Une « Société des plus convenables le jour. « 

Une fête au Skating Palais en 1877
Une fête au Skating Palais en 1877

Les tarifs et les horaires

Le Skating Palais proposait des séances chaque jour de 9h00 à 12h00 et de 15h00 à 19h00. Il était ouvert tous les jours du 15 septembre au 1er juin (en 1877). Le tarif d’entrée était fixé à 2 francs, tous les jours sauf le mercredi où elle montait à 5 francs pour le « jour réservé au high life ». Ainsi, les publics ne se mélangeaient pas ! En outre, les patins se louaient pour un franc.

Skating-Palais de l’avenue du Bois de Boulogne. Réouverture du 2 mars 1878. L’Illustration, n° 1828, 9 mars 1878, p. 160. Coll. Debuisson.
Skating-Palais de l’avenue du Bois de Boulogne. Réouverture du 2 mars 1878. L’Illustration, n° 1828, 9 mars 1878, p. 160. Coll. Debuisson.

Les déboires du Skating Palais

A ses débuts, l’endroit réalisa des bénéfices importants, mais la mauvaise gestion fit péricliter l’affaire. Ainsi, le 5 janvier 1877, le Tribunal de Commerce déclara la faillite de la société Baillot et Compagnie, avec un passif atteignant les 249.917 francs de l’époque.

Le Skating Palace ferma une première fois ses portes le 5 janvier 1877. Puis, il rouvrit le 9 mai 1877 avec une nouvelle direction. Les termes de sa liquidation judiciaire furent précisés dans « L’Ordre de Paris », du 25 septembre 1877. Nous ne connaissons pas la date précise de sa fermeture, car il semblait en rester des traces en 1878.

Les pérégrinations du baron Baillot en Angleterre et en Egypte

Avant de fonder le Skating-Palais, le baron Baillot passa par au moins trois faillites3. Auparavant, il avait notammént monté :

  • une société d’exploitation d’un nouveau système déclairage dit au « Gaz Atmosphérique »
  • un établissement de limonadier dans les annexes de l’Exposition de 1867
  • et enfin il avait exercé la fonction d’agent d’affaires.

Malheureusement, aucune de ces entreprises ne marcha et il se lança donc dans l’aventure du skating-rink. Bien que l’affaire fut assez rentable, ses dépenses somptuaires l’amenèrent à la faillite. Il dépensait notamment 30.446 francs pour sa maison, d’août à décembre 1876. Il aurait dépensé 100 francs par jour, rien qu’en repas. Pour fuir ses créanciers, le baron Baillot tenta de simuler sa mort et de s’exiler vers l’Angleterre. Le journal Le Progrès de la Somme4 du 23 septembre 1877 consacre une colonne à ce personnage pittoresque et à ses aventures rocambolesques.

L’article du Progrès de la Somme

C’est une odysée des plus étranges que l’histoire de cet homme.

On se souvient qu’il fut déclaré en faillite après avoir fondé le Skating-Rink du bois de Boulogne, où il accumula toutes les splendeurs et qui rapporta des recettes for belles mais pourtant insuffisantes pour le faux baron.

Cette première équipée. terminée, le baron se dirigea, san patins, bien entendu, vers où il comptait prend le bateau pour l’Angleterre.

Il parait que là le remords d’avoir infligé une nouvelle plaie à la France le prit, et qu’il voulut se noyer. Mais au lieu de tomber dans la mer, il vint se heurter sur un bateau et se cassa un bras.

Les bateliers le recueillirent et le transportèrent en Angleterre. Malheureusement, la nostalgie le prit bientôt, et pour pouvoir revenir en France et dépister toutes les recherches, il écrivit une longue lettre dans laquelle il racontait qu’il se noyait, mit la lettre dans une bouteille vide, cachetée très soigneusement, et jeta la bouteille à la mer.

Au bout de quelques jours, un navire trouvait la bouteille, et l’on pouvait lire dans tous les journaux que le baron Baillot s’était noyé.

La tentative d’établissement d’un skating-rink en Egypte du baron Baillot

Alors, se croyant à l’abri des recherches, le baron revint à Paris, mais craignant toujours d’être reconnu, il se rendit à Marseille, et de là au Gaire, où il obtint du khédive l’autorisation de créer un skating, et d’importer eu Egypte cette huitième plaie.

Reconnu par des Français, il fut signalé à tes créanciers, qui déposèrent une plainte.

Baiilot fut poursuivi sous le triple chef d’accusation du banqueroute frauduleuse, de port illégal de la Légion-d’Honneur, dont il prétendait être officier, et de port d’un titre de giron qui ne lui appartenait plus.

L’extradition demandée fut accordée, et Baillot fut ramené en France et écroué à Mazas.

II comparaissait hier devant le tribunal correctionnel, qui le condamnait à trois mois d’emprisonnement.

Pauvre inventeur !

L’affaire confirmée par l’Ordre de Paris

Selon le journal « L’Ordre de Paris », du 25 septembre 1877, il aurait entrepris des démarches auprès du khédive pour ouvrir un skating en Egypte. C’est là qu’il aurait été reconnu par des français qui l’auraient livré aux autorités. Le journal L’Evénement5 du 21 juin 1877 indique même qu’il aurait simulé sa mort par empoisonnement pour échapper à ses soucis !

Le bruit courait qu’il s’était suicidé, et que l’on retrouva même sur la plage de Boulogne-sur-Mer une fiole de laudanum contenant sa carte. Mais il était simplement allé fonder un Skating Rink au Caire. Comment, en faisant marcher les Egyptiens sur des roulettes, a-t-il pu conspirer contre M. de Mac Mahon ?

Pour en savoir plus, vous pouvez également lire l’article de la Gazette des Tribunaux du 21 septembre 1877. Le tribuna l’accusa également d’avoir usurpé son titre de baron. Un sacré personnage au passé rocambolesque !

Pour aller plus loin

Le site de MSH Paris Nord

  1. Citation extraite du journal « L’organe des Skating Rinks » du 12 août 1876. ↩︎
  2. Le Monde Artiste, 4 mars 1876, p.7 (Retronews) ↩︎
  3. L’Univers Illustré, 29 septembre 1877 (Gallica) ↩︎
  4. Le Progrès de la Somme, 23 septembre 1877 (Retronews) ↩︎
  5. L’Evénement, 21 juin 1877 (Retronews) ↩︎

Tous nos remerciements à Sam Nieswizski pour les données iconographiques.

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Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Bonjour à tous, je suis Alexandre Chartier, fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001 avec infosroller.free.fr. Le modeste projet d'étude est devenu un site associatif qui mobilise une belle équipe de bénévoles. Passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne, j'étudie le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

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