Retour sur la polémique du circuit routier aux championnats d’Europe Jeunes
Une polémique a sévi lors du championnat d'Europe Jeune en Italie sur la sécurité du circuit routier. Thomas Boucher, entraîneur adjoint sous les couleurs du Danemark pour ce championnat a eu l'opportunité de vivre la situation de l'intérieur. Il nous livre un article sur le déroulement des évènements et les raisons du retrait par les différentes nations...
Par alfathor

Il faut tout d’abord bien comprendre que cela n’a pas débuté lors du premier jour de la route mais dès la journée de repos. Le Danemark s’est retrouvé à patiner sur le même créneau que l’Italie. Dès lors, sur différentes prises de repères en virages, au départ du 200m… comme on le fait habituellement, on pouvait déjà s’apercevoir de la difficulté du circuit et de sa dangerosité.
Une dangerosité déjà bien établie
Le premier jour de compétition, le circuit était trempé par la pluie, les compétitions ont alors commencé plus tard avec préalablement un meeting à l’initiative des entraîneurs. Nous interpellions déjà le CEC sur l’insécurité du circuit pour des patineurs de 14-17 ans.
Peut-être que notre erreur fut de participer aux 200 m justement. Les séries et finales du 200m se déroulent avec huit chutes. Bilan : une perte de conscience avec passage à hôpital et un poignet cassé. Tout ça, sur une épreuve individuelle et sur un seul point du circuit où les athlètes terminaient dans le mur. A signaler que le mur comportait des protections en mousse très peu épaisses. Nous avions déjà fait rajouter avant les 200 m une couche supplémentaire.
A partir de ces 200 m, il est apparu réellement trop risqué de faire courir des patineurs en peloton. Du fait de cette protestation, les courses furent reportées au lendemain. C’est alors que plusieurs meetings ont eu lieu entre délégués, entraîneurs et membres du CEC. Alors le CEC, nous proposait de faire des finales de fond à 10 voire 15 patineurs. 75 tours pour éliminer 10 patineurs, l’image du roller n’en serait pas plus reluisante en comparaison à une annulation.
Voilà les points que nous reprochions au circuit :
- l’asphalte fut coulé 6 jours avant le championnat. Il est trop récent, l’huile ressort par endroit et l’accroche en virage y est inexistante du fait de l’aspect rugueux de la surface.
- La pente négative qu’il y avait dans le dernier virage, à laquelle on ajoute la force centrifuge dans le virage et vous aviez la possibilité de finir dans les grilles du parc adjacent au circuit. Certes avec une épaisseur de matelas…
- Le radius des virages bien trop faibles rendant les virages difficiles à passer. Ces virages étaient rendus d’autant plus compliqués par l’asphalte.
- Le circuit ne mesure pas 350 m comme annoncé mais environ 310 m, donc il ne répond même pas au règlement CEC qui stipule un minimum de 350 m.
Des solutions sont proposées
A la suite de ces remarques, nous avons essayé de proposer des solutions. Certes, le circuit est dangereux mais on connait l’investissement d’une ville (650.000 euros pour refaire l’asphalte, rénovation de la piste et route du marathon), du club, des bénévoles… De plus, beaucoup de jeunes payent leur déplacement dans ces championnats (2000 Euros en Allemagne, 1500 Euros au Danemark…) donc ce n’est pas du tout dans leur intérêt de ne pas participer. les propositions furent donc radicales :
- suspendre les compétitions jusqu’au marathon
- changer de lieu de championnat (nous avons trouvé un centre automobile avec circuit de 800m libre à 2km de la piste de Pollenza) mais c’était inenvisageable pour le CEC et l’organisation.
- apporter des modifications au circuit pour tenter de pouvoir courir (modification du tracé, radius des virages…) qui malgré toutes la bonne volonté seraient certainement insuffisantes.
Aussitôt après ce meeting, nous sommes allés sur le circuit pour essayer les modifications. La réalisation d’un virage avec un radius plus important semblait déjà améliorer un côté du virage. C’est alors qu’un Vice président du CEC est arrivé et a dit : « c’est terminé, nous avons modifié un virage. La route c’est la route, on va pas s’embêter à tout changer pour quelques chutes. » Malgré cette déclaration, nous avons continué sans bien sûr être réellement convaincu de l’amélioration de la sécurité. mais pour le sport, les patineurs…il fallait essayer le maximum.
Les modifications sont insuffisantes
Le lendemain matin, en arrivant au circuit, la surprise fut grande. Exceptée la modification du virage faite la veille au soir, rien n’avait été amélioré. Les nations ont réellement pris ça pour un manque de respect total du CEC. Un petit groupe « d’experts » (anciens patineurs majoritairement) a alors fait de nouveau le tour pour savoir si cela était praticable.
Seulement, on peut certes avoir un avis sur la situation mais la problématique est bien plus complexe : Comment en tant qu’entraîneur ou ancien patineur, il est possible de faire prendre le risque à des jeunes mineurs, sous notre responsabilité et qu’il leur arrive un accident ?
La priorité du CEC est de faire le championnat, la sécurité des patineurs passe au second plan. Pour les fédérations, c’est l’inverse ! Ce fut confirmé en meeting lorsque le président du CEC a affirmé que même avec 2 pays au départ, le championnat se poursuivrait.
Le CEC persiste à vouloir faire courir
Allemagne, Grande Bretagne, Danemark, Pologne, Autriche, Pays-bas, Finlande, République Tchèque, Belgique ont persisté à démontrer que ce circuit n’était pas sûr. La réponse du président, qui ne considérait comme seul expert Massi Presti, fut « Les athlètes qui sont tombés ne sont pas bons techniquement. (Pourtant, l’allemande à l’hôpital est bien celle qui a remporté le 200 m.). Il ajouta » Laissons la première course Cadettes filles se dérouler comme test ! » Maladresse de vocabulaire et total irrespect des athlètes, fédérations…A vous de juger !
Ils sont allés jusqu’à nous faire culpabiliser de notre choix pour le rêve olympique et l’image qu’on allait véhiculer auprès du CIO. On s’est permis de leur répondre qu’il ne fallait pas inverser les responsabilités et que depuis le début les fautifs sont ceux qui ont signés l’homologation de ce circuit en regardant seulement un plan sur un papier. Le roller d’aujourd’hui a évolué. Les jeunes de 15 ans vont désormais à 45 km/h sur piste. Les conséquences des chutes sont donc plus importantes (vu sur la piste avec les fractures clavicules…). On ne peut donc plus se permettre de tel circuit. Certes, le risque ne sera jamais nul, et de plus il fait partie aussi de notre sport mais il faut aujourd’hui apprendre à le minimiser au maximum.
Bras de fer entre entraîneur et CEC
A la suite de celà, les pays sont restés solidaires pour ne pas courir et seulement quelques uns se sont retrouvés sur la ligne. Suite à ça, un bras de fer entre médias, organisation, CEC, fédération… qui revêt un côté politique qui occulte bien trop souvent le simple aspect sportif.
On reproche aux nations de faire tout ce raffut à des fins politiques, sans penser que les premières victimes dans cette affaire restent les patineurs qui s’entraînent toute l’année pour cette évènement. Il faut savoir que les parents des pays concernés étaient contre ce circuit et donc soutenaient le mouvement engagé.
Vendredi soir, Sabatino Aracu, président de la FIRS, est venu pour nous faire part de sa tristesse de voir le championnat se dérouler ainsi, nous donnant comme exemple le circuit de Formule 1 de Monte Carlo qui est très technique… Le seul problème c’est que nous n’avons pas de freins, et je pense que la sécurité à Monte Carlo n’est pas laissé au hasard. Nous avons répété que les principaux problèmes étaient l’asphalte qui n’avait aucune accroche ainsi que la déclinaison des virages.
Pour information, la vitesse moyenne des courses se situaient entre 25 et 30km/h. C’est n’est plus du roller de vitesse mais du roller fitness. Un « véritable dialogue de sourd » était alors en marche où le principal perdant de l’affaire était notre sport.
Toutes les nations n’ont jamais été satisfaites de l’issue de ce conflit mais elles ont voulu montrer qu’il fallait évoluer, au niveau de notre gouvernance CEC à la même vitesse, voire plus vite que l’aspect sportif de notre sport qui ne cesse de changer depuis les années 1980. N’est ce pas le rôle de la politique de prévoir, anticiper les changements, évolutions pour le bien de tous ?
Les fédérations présentes voulaient, de plus, faire comprendre qu’il était nécessaire de ne plus attendre chaque fois l’accident grave pour réagir. Pour l’anecdote, un autre Vice président du CEC a apporté son « expertise personnelle » en affirmant « que ce n’est pas le premier circuit comme ça sur lequel un championnat se déroule et que jusqu’à maintenant personne n’étant en chaise roulante… »
Nous regrettons qu’en dehors de l’Italie (pays hôte), d’autres pays, qui pourtant d’accord sur la dangerosité, se sont quand même alignés. De source sûr, ces pays et pour ne pas les citer, des pays d’une certaine péninsule de sud de l’Europe sont allés concrètement demander à l’Italie de leur laisser des médailles pour qu’ils puissent continuer la compétition. D’où certains résultats (mais pas tous) qui peuvent paraître parfois étranges.
Voila un résumé, ressenti, avis des fédérations présentes lors de cette épisode malheureux pour notre sport. Voulant rester objectif au maximum, il ne faut pas en occulter pour autant, un véritable ras le bol des délégués fédéraux (des 9 pays) vis à vis des dirigeants actuels du CEC lors de ce championnat.
Photos : Thomas Boucher
Roller22
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