Serge Rodriguez : une vie consacrée au roller
Dans ce nouvel épisode de Balad'O Roller, nous partons à la rencontre de Serge Rodriguez. Serge a consacré une large partie de sa vie au roller, en tant que pratiquant, en tant que formateur, mais aussi en tant qu'auteur, journaliste ou encore en tant qu'institutionnel. Bref, le bonhomme a porté de nombreuses casquettes ! Retour sur son parcours à roulettes...
Par alfathor

Serge Rodriguez : le roller multi-casquettes
Qu’il soit en roller skates (patins à roulettes traditionnels à chaussure fixe) ou en roller en ligne, Serge Rodriguez a la passion du patinage chevillée au corps. Difficile de ne pas trouver une référence à Serge tant il s’est investi dans notre petit monde sur roulettes. Patineur, moniteur, auteur de nombreux ouvrages avec Marion Thuriot, il a porté toutes les casquettes ! Une vraie bible vivante de notre pratique.
Nous le connaissons d’abord en tant que pratiquant de roller quad avec les Randonneurs Fous. Mais aussi en tant que moniteur avec les nombreuses associations dans lesquelles il a pu intervenir, telles que Roller Squad Institute. N’oublions son engagement en tant qu’auteur avec ses nombreux livres et ses articles dans les magazines spécialisés. Enfin, Serge a également participé à la structuration du roller par l’intermédiaire de la commission randonnée et de la commission roller acrobatique au sein de la FFRS. Vous l’aurez compris, nous lui devons beaucoup !

Bonjour Serge Rodriguez, peux-tu te présenter s’il te plaît ?
Bonjour, je suis serge. Un ancien du roller quad. Je n’ai jamais l’affaire. Quand la mode du roller traditionnel est arrivée à la fin des années 1970, venant du patin à glace, j’ai tout de suite décidé d’en faire. Je me souviens de ma première paire, c’était des Stratos, une marque Allemande. J’avais 18 ans. J’allais m’entraîner discrètement à l’époque, honteusement presque. En effet, à l’époque, le roller était considéré comme un jeu d’enfant.

Puis, j’ai découvert les spots, comme la dalle Montparnasse ou le Trocadéro. J’ai adhéré à la pratique sous les rires moqueurs de mes collègues. Les mêmes qui, quinze ans plus tard, viendront de demander des cours de roller en ligne. Comme quoi, l’image du roller a vite évolué avec l’arrivée du inline.
Nous avons souvenir de toi notamment par les Randonneurs Fous. Peux-tu nous parler de cette période ?
Oui, les Randonneurs Fous, c’est bien plus qu’une association, c’est un état d’esprit. Le plaisir de rouler dans la rue. J’ai joué sur les mots. On ne regardait comme des gens pas normaux, roulant en patin à des vitesses surprenantes par rapport aux piétons. Nous affolions un peu les gens. Mais pour montrer que nous n’étions pas si fous que cela, notre emblème était une tortue. Une tortue a une carapace, elle se protège. Elle est dessinée sur fond de France pour symboliser le roller comme mode de déplacement. Nous avons décidé de faire des périples à travers la France, vers Nice, Grenoble, le Havre. Le groupe tournait avec de nombreux patineurs. A l’époque, la mode dans le roller était aux surnoms.

Serge Rodriguez, toi et tes amis, vous avez voulu montrer que le roller mode de déplacement. C’était une démarche militante ?
Oui, nous voulions une reconnaissance. Le roller est un mode de déplacement. Nous faisions entre 120 et 130 km par jour, c’était l’époque du quad. Il faut savoir que je roulais en bottine ! Pour m’entraîner, je mettais des haltères souples et des poids que je fixais à ma taille et à mes lacets. j’avais presque 5 kg à chaque jambes. Je ne rentrais plus dans mes jeans ! C’était aux environs de 1983 à 1988. Sur nos sacs à dos, nous indiquions notre destinations.
Il fallait y croire pour rouler sur les routes nationales. Avec certains cela se passait bien. D’autres nous crachaient dessus.
Cela arrivait que la police nous intercepte. Quand ils comprenaient d’où nous venions. Ils nous laissaient repartir. Nous avions parfois des articles de presse. Dans nos raids, nous partions en roller et nous repartions en train. Nous étions alors sponsorisés sur certaines distances par HawaiiSurf et d’autres marques comme SKF.
Les spots étaient fréquentés et chacun d’entre eux accueillait une population particulière de patineurs…
Oui, d’ailleurs il y avait une petite rivalité entre les spots rois sur Paris. La dalle Montparnasse pour les éperviers. Le Trocadéro pour le slalom et le saut. Il y avait une petite adversité :
Montparnasse, c’est des nazes, Trocadéro, c’est des zéros !
Il y avait la passion du roller, avec des tribus. Tout le monde roulait ensemble à Paris sur Roulettes. Certains comme moi naviguaient entre les deux. Le slalom était en bas, le saut était en haut. Nous slalomions sur des canettes qui nous allions chercher dans les poubelles du coin. Puis certains faisaient la quête pour aller s’acheter une pizza. Il y a eu de nombreuses modes au Trocadéro qui se mélangeaient très bien. Aujourd’hui, le spot est en péril, des patineurs militent pour que le revêtement reste le même.

Serge Rodriguez, tu as aussi été acteur de l’apprentissage par le biais des associations dans lesquelles tu t’es investi.
Oui, il y a eu avant tout Les Randonneurs Fous pour lesquels je fabriquais des badges. Ensuite, nous avons fondé Rollermania, une association de randonnée. J’arrivais à réunir 250 personnes à l’époque où il n’y avait que 300 patineurs sur Paris. Il y avait notamment Michel Fize. Avec lui et d’autres, nous avons milité pour faire reconnaître le slalom et le saut comme disciplines acrobatiques au sein de la fédération.
Nous avions du mal à être reconnus comme des sportifs par la fédération parce qu’au Trocadéro nous ne portions pas de survêtements !
Serge Rodriguez
Nous avons eu du mal mais nous avons insisté. D’autant plus que contrairement à de nombreux patineurs sportifs, nous portions nos rollers en permanence, pas juste pour aller à l’entraînement. C’était un véritable mode de vie pour nous. La Commission Roller Acrobatique est née ainsi. En contrepartie, nous avons dû passer le BIF roller. Nous avons dû venir en survêtements et avec les copains, nous nous sommes vus ainsi et nous avons éclaté de rire !
Du coup, tu es passé de l’autre côté de la barrière, comme encadrant…
Oui, Rollermania amenait des fois plus de 30 jeunes sur les compétitions. J’étais souvent juge. Les compétitions duraient deux jours, je rentrais, j’étais vanné. Certains jeunes ont été sauvés grâce à ça. Ils ne partaient jamais en vacances. Le problème c’est qu’en dehors de la compétition, cela restait des jeunes du Troca ! Il fallait être derrière eux pour éviter les bêtises. Certains finissaient au commissariat. Rien de méchant heureusement.

Puis est arrivé le roller en ligne…
Oui, en 1995/1996, avec Adeline Le Men, nous avons vu arriver le roller en ligne. Plein de gens s’y sont mis. Ceux qui avaient acheté des patins pendant les grèves vont les ressortir. Nous avons eu pour but avec R.S.I. de les rendre autonomes dans leur déplacements. La première année, R.S.I. c’était 10 salariés, 60 bénévoles et 2000 adhérents. Il nous fallait des moyens. Adeline est cofondatrice.
Quand Rollerblade est arrivée en France, la marque est venue nous chercher et nous a fait un contrat de 6 mois, avec obligation de porter les protections. Je n’en n’avais jamais porté. Aujourd’hui, c’est le contraire, le protège-poignets sont devenus un réflexe.
Serge Rodriguez

Comment s’est opéré le passage du quad au roller en ligne ? Seba nous parlait des moqueries…
Pour moi, techniquement, cela a été très facile. Pour l’image, c’était plus compliqué. Il y a des purs quadeurs qui n’ont jamais mis de roller en ligne. Pour eux, c’était une traîtrise. Avec le temps, cela a fini par passer mais certains n’ont jamais essayé le ligne. Si nous voulions montrer une école de roller, nous n’avions pas le choix. Pour apprendre aux gens, il fallait avoir le même matériel qu’eux.
Comment vois-tu le retour du quad actuel avec le roller derby puis la roller-dance ?
Le quad est une autre façon de patiner. Ce sont deux pratiques différentes et c’est bien de savoir faire les deux. Le line est fait pour aller vite, pour faire des modules. Le quad davantage pour la roller dance et les figures. Autrefois le roller quad était un mode de vie, aujourd’hui, ce serait moins le cas, les gens vont s’y investir pendant 3 ans et passer à autre chose. Avant, c’était rebelle.

Qu’est-ce qui a fait basculer le roller d’un statut de pratique marginale à un statut de sport ?
C’est le roller en ligne. J’ai commencé les randonnées roller à Montparnasse avant l’arrivée du ligne. C’était un peu sauvage donc je devais faire attention à ne pas entraîner les enfants. Je leur demandais de ne pas me suivre, mais je me retournais au bout d’un ou deux kilomètres et ils étaient derrière. C’est pour cela que j’ai décidé de démarrer la randonnée roller place d’Italie et non plus à la dalle Montparnasse. On peut dire que j’ai créé la randonnée roller du vendredi soir en 1993 et Pari Roller l’a pérennisée à partir de 1998.
Les médias s’y intéressent, de plus en plus de gens viennent. Stade 2 s’y intéresse et encore plus de monde arrive. En juin 2000, le cortège comptait plus de 25.000 personnes et défilait pendant plus de 45 minutes.

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