Podcast : Philippe Le Corvec en roller à travers les Etats-Unis

Entre 1983 et 1986, Philippe Le Corvec et ses comparses ont traversé les Etats-Unis par trois fois en roller. Nous avons profité de l'exposition des photos d'Antoine de Givenchy pour revenir sur ces aventures...

Par alfathor

Podcast : Philippe Le Corvec en roller à travers les Etats-Unis

Avec Christophe Audoire, nous sommes partis en direction de Saint-Brieuc (22) et plus précisément de Langueux pour découvrir l’exposition de Philippe Le Corvec consacrée à ses voyages en roller et à l’histoire du patinage à roulettes. En effet, durant les années 1980, Philippe Le Corvec et ses comparses partirent à la conquête des routes américaines en patins à roulettes. Ils traversèrent notamment les Etats-Unis d’ouest en est, puis du nord au sud. Cette interview audio revient sur leurs aventures, en commentant les photos d’Antoine de Givenchy au fil de l’eau…

Interview de Philippe Le Corvec sur ses voyages aux Etats-Unis en roller – télécharger le mp3
Philippe Le Corvec (à gauche) et Christophe Audoire (à droite)
Philippe Le Corvec (à gauche) et Christophe Audoire (à droite)

Bonjour Philippe Le Corvec, merci de nous recevoir pour cette exposition à la MJC de Langueux. Vous partez de quelle ville et vous arrivez dans quelle ville ?

En 1983, la première année, nous sommes partis de Newport News en Virginie. Nous devions aller jusqu’à Astoria en Oregon mais nous avons changé notre itinéraire parce que nous allions moins vite que ce que nous avions imaginé et nous sommes allés jusqu’à San Franciso en Californie.

La seconde année, en 1985, nous sommes allés de Great Falls, dans le Montana, jusqu’à San Diego (Californie).

Et puis nous avons fait le tour de l’Alaska en 1986, pendant l’été arctique : 1600 km en trois semaines depuis Anchorage avant de redescendre vers le parc McKinley. C’était pour nous maintenir en jambe, puisque six mois plus tard nous partions au Brésil, depuis Porto Alegre, à la frontière Uruguayienne jusqu’au sud à Aracaju. Et là nous sommes allés moins loin que prévu, parce que malgré l’expérience de nos trois premiers voyages, nous ne faisons plus qu’une soixantaine de kilomètres par jour à cause de la circulation. Si nous étions partis au Brésil la première année, nous n’aurions pas fait l’expérience américaine. C’était extrêmement dangereux et les routes étaient défoncées.

Au total, nous avons fait 15.000 km en un peu plus de trois voyages. Et il n’y a eu qu’une chute sur toute cette distance !

Parmi les photos présentées, celle-ci au milieu du désert nous impressionne particulièrement…

Nous nous levions tôt le matin parce que nous étions dans le désert. Vers 5 heures du matin et nous partions vers 6 heures du matin. Ainsi, en général, vers midi, nous avions déjà fait nos cents premiers kilomètres. Ce matin-là, j’étais en forme. Dans l’ouest américain, chacun patinait à son rythme. Je prends alors beaucoup d’avance et il fait une chaleur à crever, il doit être onze heures du matin. Il commence à faire très chaud. J’aperçois un pueblo avec des maisons blanches.

Je pensais qu’il me restait cinq kilomètres à faire alors qu’en réalité il devait en rester vingt-cinq. Dans l’ouest, tu perds la notion des distances. Peut-être parce que l’air est plus pur. Ces fameuses lignes droites te donnent l’impression qu’il y a dix kilomètres alors qu’il y en a quarante ! Tu avais le sentiment de ne pas avancer. J’arrive là-bas, c’est le seul endroit où je trouve de l’ombre. Je me rends vite compte qu’il n’y a personne, que la ville est déserte, c’est à Death Valley Junction. Une ghost town, une ville morte. Je me souviens de ces boules d’herbes comme dans les westerns. Il n’y avait pas une voiture, rien ! Et là, je commence à paniquer parce que je n’ai rien avec moi. Il n’y a pas d’épicerie, rien d’ouvert.

1985 : départ de Great Falls dans le Montana
1985 : départ de Great Falls dans le Montana en direction de Monument Valley puis de la Californie
Photo : Antoine de Givenchy

Philippe Le Corvec, comment as-tu trouvé des vivres ?

Sur le côté je vois cependant de petites maisons avec des rideaux. Je tape alors à une porte et j’entends du bruit mais cela n’ouvre pas. Une dame hirsute, assez âgée, ouvre la porte. Je lui demande de l’eau. Elle ne répond pas, ferme la porte, je ne sais pas si elle va revenir. Elle revient finalement avec un verrre d’eau où des choses flottent en suspension. Mais quand tu as soif, tu ne fais pas le malin, je vais boire cela.

Quand les deux autres sont arrivés, ils sont aussi allés frapper à la porte, mais elle n’a jamais rouvert. Je me souviens que Jean-Pascal était parti avec une voiture qui était passée pour faire des courses. Nous n’avions rien ! Ni à boire, ni à manger. Et le téléphone qui est ici [Philippe Le Corvec montre alors la photo] a été utilisé dans un film d’horreur. Dans ce film, un auto-stoppeur s’arrête là. Et dans le film le téléphone se met à sonner. Et là, trente secondes après, le téléphone se met à sonner !

En longeant Turnagain Arm - 21 juillet 1986, entre Anchorage et Summit Lake, Alaska © Antoine de Givenchy
En longeant Turnagain Arm – 21 juillet 1986, entre Anchorage et Summit Lake, Alaska © Antoine de Givenchy

Où êtes-vous allés ensuite ?

Le soir même, nous avons dormi à Furnace Creek (la Crique de la Fournaise), c’est l’endroit le plus chaud sur terre. Parfois, nous voyions des voitures qui faisaient des tests de climatisation à cet endroit pour de grandes marques.

 » Dans la Vallée de la Mort, toutes les voitures que nous avons croisées se sont arrêtées pour nous proposer à boire. « 

Philippe le Corvec

Et sinon ce bistrot [Philippe Le Corvec montre une autre photo], on le voit dans Thelma et Louise. A chaque fois, si on regarde bien, nos photos sont sur les photos. Dans ces endroits où l’on s’arrêtait dans l’ouest, nous dormions souvent par terre, dans les magasins. Je ne sais pas si nous pourrions encore le faire aujourd’hui.

Vous alterniez pour prendre le vélo ou les patins à roulettes ?

Le vélo fait partie intégrante du voyage. Nous avions essayé avant de partir de mettre des sacs à dos. Nous voulions patiner tous les trois au départ. Mais nous nous sommes vite rendus compte avant de partir que dans les descentes, le sac à dos nous entraînait et nous aurait fait chuter. Nous avons donc opté pour le vélo. C’était la corvée. Je me souviens que dans les Appalaches, il nous est arrivé d’attendre le vélo une demi-heures ou trois quarts d’heures. Les patineurs montaient tranquillement et le vélo était à la peine. Il y avait cinquante kilos à porter. Je me souviens que la première fois, nous n’arrivions pas à tenir le guidon.

1983 : le vélo a souffert sous les 50 kg de charge
1983 : le vélo a souffert sous les 50 kg de charge – photo : Antoine de Givenchy

Nous alternions un jour sur trois. Chacun prenait le vélo à son tour. Quand c’était plat, le vélo suivait à peu près, mais dès que ça montait, c’était fini. La première année, nous avions la tente, le réchaud et bien d’autres affaires que nous avons finalement abandonné sur place au fur et à mesure.

Nous avions des lettres de recommandation du Lion’s Club, du Rotary Club et de l’évéché. Dès que nous arrivions dans un bled, nous allions voir le shérif pour lui demander où dormir. Dès que tu sortais une lettre de recommandation, cela allait beaucoup mieux. Nous avions pris l’habitude d’aller voir les autorités.

[ Philippe Le Corvec montre une autre photo ]

En Alaska, nous avons fait l’été Arctique. C’était notre plus court voyage. Nous avons fait 1600 km. En revanche, il faisait chaud, jusqu’à 30°C. Les routes étaient globalement bonnes.

Il nous est arrivé d’avoir des soucis d’hygiène dans l’ouest américain. C’était parfois compliqué. Nous dormions sur des bords de routes. J’ai dormi avec mon opinel à la main. Nous avons dormi chez des millionnaires, dans des squats, dans des casernes de pompiers… Parfois, c’était à l’arrache. Je me souviens que nous avons dormi dans un jardin public où il n’y avait personnes et où nous avons été délogés par la police à une heure du matin avec les lampes dans la tronche.

Je me souviens une fois, nous avons dormi dans un quartier noir dans une grande ville américaine et nous nous sommes faits arrêter. Le quartier noir, quand tu es de Saint-Brieuc, cela ne veut pas dire grand-chose. Nous avons tapé à la porte de l’église et le curé n’a jamais ouvert. Nous nous sommes endormis et le matin nous nous sommes réveillés avec les gens autour qui nous regardaient. Personne ne nous a enquiquinés.

[Christophe Audoire montrant une photo avec une voiture de police ] Et là vous êtes escortés ?

Non, non, elle ne faisait que passer. C’était à la sortie de Los Angeles, nous étions en direction de San Diego.

A la sortie de Monument Valley, nous avons essuyé un orage, alors qu’il n’y pleuvait jamais. Je me suis fait surprendre et je me suis mis à l’abri sur le bas-côté. La terre était rouge et quand je suis ressorti de mon abri, j’étais quasiment rouge vif ! Il nous est arrivé de rester deux à trois jours sans nous laver. Parfois, une seule douche suffisait à nous redonner le moral.

[Christophe audoire montre une autre photo à Philippe Le Corvec…]

Là c’est monument Valley, il roule à gauche pour la photo. Là c’est moi sur le vélo. Il y avait toujours le fanion de Saint-Brieuc qui flottait et le drapeau français qui flottaient. Nous en étions très fiers.

19 août (peut-être le 17) 1983, avant Maybel, Colorado © Antoine de Givenchy
19 août (peut-être le 17) 1983, avant Maybel, Colorado © Antoine de Givenchy

[Philippe Le Corvec montre une autre photo]

Et ça c’est la traversée du Missouri… à l’époque où j’étais svelte !

[Philippe Le Corvec montre à nouveau une autre photo]

La deuxième année, nous sommes partis de Great Falls dans le Montana. Et nous étions à 2500 ou 3000 mètres d’altitude. Les premiers jours, il faisait super beau mais frais. J’avais ces bandages dont je me souviens parfaitement. J’ai pris un énorme coup de soleil avec une brûlure au second degré, bien que j’ai eu un t-shirt. Je n’ai rien vu venir.

Quelques jours après, je suis torse nu, cela devait commencer à aller mieux. Nous avons été bloqués par la neige. C’était en juillet 1985. Nous sommes restés deux jours à attendre dans une église. Juse après le passage du Yellowstone.

Comment cela se passait pour les photos ? Qui les faisait ?

Antoine de Givenchy faisait les photos tout en faisant du vélo. Ce n’était pas d’une grande simplicité. Cela explique aussi pourquoi on ne le voit pas sur beaucoup de clichés. J’adore cette photo où nous étions tout petit dans cette immensité, cela reflète bien notre voyage. C’est vraiment un pays formidable. Pour moi les Etats-Unis restent l’un des plus beaux pays.

J’ai souvenir d’une route en Alaska, où quand il fait beau, il est possible de voir le mont McKinley, dans certaines conditions. Et nous avons passé la journée sur ce tronçon de 100 km où nous avons pu l’admirer pendant plus d’une journée. Nous avons eu beaucoup de chance.

1986 : la Traversée de l'Alaska et le Mont McKinley en fond
1986 : la Traversée de l’Alaska et le Mont McKinley en arrière-plan
Photo : Antoine de Givenchy

Philippe Le Corvec, on voit sur les photos que vous croisez des voitures. Quelles étaient vos relations avec les automobilistes ?

Hé bien, ce n’était pas la France. Là bas, ils nous doublaient comme s’ils doublaient une semi-remorque. Les gens étaient extrêmement prudents. Et puis nous suscitions l’étonnement.

« J’ai souvenir d’avoir été fouetté par un automobiliste en France, quand je faisais Saint-Brieuc – Plouha en patins. Un type qui sort, dans la montée après Binic. Je ne l’ai pas vu venir. Il avait un câble électrique. Il m’a fouetté dans le dos, comme s’il avait droit de vie et de mort. Il pensait que je n’avais rien à faire sur la route, ce qui était peut-être le cas. »

Philippe Le Corvec

Il y a plein de photos où on voit que la route n’est pas lisse tous les jours…

Sur la traversée Est-Ouest, combien de jeux de roues avez-vous utilisés ?

Un seul ! Je pense même qu’une fois arrivés, nous aurions encore pu faire 1000 km avec ces roues Kryptonics. Nous avions pris quatre roues au cas où. D’ailleurs, nous sommes passés par l’usine où ils nous ont demandés si nous souhaitions changer les roues et nous ne l’avons pas fait. Nous en avons juste pris un jeu en plus au cas où. Nous avons fait toute la traversée sans aucun problème avec des roues en polyuréthane.

Après le passage chez Kryptonics et Boulder (Colorado), nous avons attaqué les Rocky Mountains et nous avons fait la route goudronnée la plus haute du monde à l’époque, avec le Mont Evans, à 4300 mètres d’altitude. Je ne sais pas si c’est encore la route la plus haute aujourd’hui…

19 août (peut-être le 17) 1983, avant Maybel, Colorado © Antoine de Givenchy
19 août (peut-être le 17) 1983, avant Maybel, Colorado © Antoine de Givenchy

En effet, ce n’était pas que du plat !

Non, il nous a fallu deux jours pour monter. Et arrivés au dernier refuge, nous avons laissé le vélo pour monter tous les trois le dernier segment. Il y avait des côtes à plus de 10%. Nous sommes partis de 2500 mètres et il nous a fallu deux jours supplémentaires pour monter à 4300 mètres d’altitude.

Nous avions des gallons d’eaux que nous attachions au vélo. Cela alourdissait encore plus le vélo. Il y a des fois, arrivés dans le Nevada ou la Californie, nous avions peur pour l’approvisionnement en eau.

Quelles étaient les relations avec la police ?

La police nous arrêtait assez régulièrement. Et nous avons eu une chance extraordinaire. La première année, nous sommes allés au consulat américain de Rennes, pour demander si c’était possible de traverser les états-Unis. Ils nous ont dit qu’a priori rien ne s’y opposait. Et le premier jour, nous avions fait à peine trente kilomètres. Le deuxième jour, on se fait arrêter. S’il nous avait dit « vous rentrez chez vous, vous arrêtez vos conneries. » Nous aurions arrêté. Nous n’avions rien sur nous, pas de papier justificatif, juste une coupure de presse. Il nous a dit de continuer, mais d’être prudents.

Le lendemain, nous nous faisons arrêter à nouveau. Nous indiquons alors au policier que son collègue nous a laissés continuer la veille. Plus nous avançons et moins le problème s’est présenté. Au fil de l’eau nous avions des articles dans journaux et cela a facilité les choses. Nous nous sommes fait arrêter très souvent.

Philippe Le Corvec (à gauche) et Christophe Audoire (à droite)
Christophe Audoire (à gauche) et Philippe Le Corvec (à droite)

On passe sur une autre photo…

Là c’est dans un motel, en train de dormir… Nous avions quand même un jour de repos par semaine. Cela nous permettait de nous laver. Nous avions trois t-shirts, trois slips, trois paires de chaussettes. C’était le strict minimum. Cela n’empêchait pas le vélo de souffrir énormément. Les rayons sautaient les uns après les autres. En plus, nous avions fait l’erreur de prendre notre propre vélo. Là bas, il n’y avait aucune correspondance dans les pièces. Ils faisaient d’excellents vélos sur place. Pour le second voyage, nous avons donc acheté le vélo directement sur place à Great Falls, dans le Montana.

Le vélo avait un autre intérêt, c’était de freiner dans les descentes. Les deux patineurs se mettaient l’un derrière l’autre et restaient derrière le vélo pour ne pas se laisser emporter.

En fait il n’y a jamais de photos dans les moments difficiles. En général nous faisions des photos quand tout allait bien et que la journée était belle.

Philippe - 1983 - © Antoine de Givenchy
Philippe Le Corvec – 1983 – © Antoine de Givenchy

« Il y a eu beaucoup de sueur et quelques larmes. Ce n’est pas toujours simple de partir à trois. Notre plus belle réussite est d’avoir fait le premier voyage et d’avoir eu envie malgré tout de repartir ensemble deux ans plus tard. »

Philippe Le Corvec

Christophe Audoire : Vous avez pu visiter quelques lieux emblématiques ?

Notre première année, nous sommes passés à côté de plein de sites formidables. Parfois les locaux nous disaient : « A cinquante kilomètres dans cette direction, il y a telle chose à voir ». Mais nous avions peur de ne pas y arriver donc nous ne dévions pas de notre chemin. C’est pourquoi lors du second voyage, en 1985, nous avons comblé une sorte de frustration. Ce second voyage a sans doute été notre plus beau puisque nous avons fait Yellowstone, puis nous avons longé les Rocheuses côté est pour visiter notre seul sponsor américain, Kryptonics à Boulder.

Puis, nous sommes descendus sur l’Arizona, le Grand Canyon, le lac Powell. Et la Vallée de la Mort a été une grande expérience, assez étrange. Les gens étaient très étonnés en voiture. Mais c’est un tout petit point dans le désert de Mojave. Nous avions déjà l’expérience de dix jours en milieu désertique quand nous y sommes parvenus. Les gens sortaient de leur voiture climatisée avec 80°C au sol et y retournaient rapidement.

A l’époque cette technologie de climatisation n’était pas très maîtrisée. Finalement c’est passé sans grande difficulté pour nous. Même les rangers nous suivaient pour être sûr que tout allait bien. Nous avons particulièrement été bien accueillis parce que nous n’avions pas d’assistance. Cela n’aurait pas été la même chose avec un camion suiveur. Ce n’était pas un choix de départ, nous pensions faire du patin. Nous n’avions pas suffisamment d’argent pour louer un véhicule et cela nous a permis de rencontrer les gens…

Sous un ciel menaçant - 28 ou 29 juillet 1985, après Orderville, Utah © Antoine de Givenchy
Sous un ciel menaçant – 28 ou 29 juillet 1985, après Orderville, Utah © Antoine de Givenchy

Christophe Audoire : C’était une forme de tourisme et d’aventure en patins ? Cela vous a permis d’aller voir à côté ?

Oui, surtout au bout d’un moment. Je n’avais jamais fait plus de 30 km avant de partir dans ce voyage. Nous avions fait des randonnées, mais jamais 100 bornes par jour. Nous sommes progressivement montés en puissance.

 » Et quand nous sommes arrivés dans le Kansas qui est plat comme la main, nous faisions parfois 100 à 120 km par jour. Nous n’avions que cela à faire ! Cela ne nous paraissait donc pas si exceptionnel que ça à faire. Nous le faisions comme d’autres font du vélo. »

Philippe Le Corvec

Alexandre Chartier : …Sauf que c’était en quad !

Oui, c’était en quad, mais quelqu’un m’a posé la question l’autre jour : si je le referai en patin en ligne. Dans une logique de vitesse oui, mais dans les conditions et la logique où nous étions, je préfère le quad. Parce que nous évitions tous les axes routiers importants. Parfois il y avait de grosses montées et je pense que cela passe mieux en quad. En revanche, dans les descentes, où tu n’as pas de visibilité, avec des virages hyper serrés à droite ou à gauche. Là tu peux tomber sur une voiture en travers. Pour moi, le quad est plus maniable dans cette situation. Je prendrais peut être des roues un peu plus grosses mais je ne suis pas sûr que ce soit tojours un avantage dans les montées comme le Mont Evans à 10%.

Christophe Audoire : qu’as-tu ressorti de ces voyages comme enseignement pour ta vie future ?

Cela m’a profondément marqué. D’ailleurs, même encore aujourd’hui 40 ans plus tard, j’ai encore des flashs, des odeurs, quand je rentre dans certains endroits. En 1983, quand je suis revenu en France, on ne m’a parlé que de patin à roulettes. Je suis rentré comme cela en tant que correspondant chez Ouest-France, où j’ai passé 15 ans de ma vie. On m’a embauché parce que j’avais traversé les Etats-Unis.

Pour Antoine de Givenchy, c’est un peu pareil. Il avait pris de nombreuses photos durant la traversée, et pas seulement de patinage à roulettes. Depuis, il a fait plusieurs expositions sur le thème des Etats-Unis.

Philippe Le Corvec nous fait visiter son exposition
Philippe Le Corvec nous fait visiter son exposition

Christophe Audoire : c’est une super aventure, à la fois à cette époque-là et en tant qu’aventure de vie…

Oui, c’était une super aventure. A l’époque il n’y avait pas de téléphone mobile, pas de GPS, pas d’internet, uniquement des cartes. Moi je prenais l’avion pour la première fois de ma vie. C’était une aventure dans tous les domaines ! Une aventure sportive et humaine. Il fallait notamment vivre à trois et ce n’est jamais facile. Tu es à des milliers de kilomètres de chez toi à une période où il n’y avait pas de téléphone et que des courriers en poste restante qui ne marchaient pas et où les courriers arrivaient trop tard.

 » Sans compter les conditions financières, jamais le dollar n’avait été aussi cher. Et si nous n’avions pas rencontré des gens de bonne volonté, si nous n’avions pas été invités à droite et à gauche, nous nous serions arrêtés à Chicago ! Nous avons fait des tas de rencontres formidables au quotidien. « 

Philippe Le Corvec

La difficulté n’était pas de faire 90 ou 100 km en patin dans une journée. Il fallait aussi trouver un endroit où dormir. On ne pouvait pas juste réclamer à manger, aller se coucher et dormir. Il fallait tenir la conversation, parfois tard, et redémarrer le lendemain. En général, nous partions vers 8h30 ou 9h00.

Pour les repas : nous avons fait beaucoup d’erreurs. Au départ nous mangions des burgers, c’était l’image de l’Amérique en 1985. Maos au bout de 15 jours, nous n’avions pas vraiment pris de poids mais nous avions des déficiences terribles ! Un jour une voiture m’a emmené jusqu’au premier hôpital et j’avais des carences d’après les prises de sang. Nous nous sommes vraiment adaptés au fur et à mesure avec un petit déjeuner important, une salade le midi. Nous avons arrêté les Cola pour des choses plus naturelles comme les jus de fruit et autres jus de pommes. Il ny avait pas de programme diététique avant de partir aux Etats-Unis, mais on l’a fait !

21 juin 1985, Togwotee Pass ou à proximité, Wyoming © Antoine de Givenchy
21 juin 1985, Togwotee Pass ou à proximité, Wyoming

Alexandre Chartier : C’est un beau mot de conclusion, non ?

Au final je pense que si mes enfants me disaient : « papa, on va traverser les Etats-Unis en patins à roulettes », je pense qu’au final je ferai la même tronche que mes parents ont fait à l’époque. Les choses ont tellement changé entre temps. Je ne sais pas si aujourd’hui nous pourrions le refaire : rouler sur des routes fréquentées, longer une base militaire et la visiter. Je me souviens d’avoir visité la base d’Edwards avec un militaire. C’était génial ! Il y avait la navette spatiale américaine prête à redécoller pour Cap Canaveral. Nous avons aussi visité une base de lancement qui s’appelle Van Den Berg qui est sur la côte californienne. Nous étions vraiment bien accueillis. Je ne sais pas si nous pourrions le refaire aujourd’hui, sans dire où l’on va, je ne sais pas. Mais la question ne se pose pas…

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Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Bonjour à tous, je suis Alexandre Chartier, fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001 avec infosroller.free.fr. Le modeste projet d'étude est devenu un site associatif qui mobilise une belle équipe de bénévoles. Passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne, j'étudie le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

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