Interview de Sébastien Laffargue : l’entrepreneur (2/2)

Second volet de notre interview / podcast avec Sébastien Laffargue. Après avoir évoqué la carrière sportive du champion Français, passons à sa vie professionnelle et plus particulièrement à la façon dont il a fondé la marque de roller Seba...

Par alfathor

Interview de Sébastien Laffargue : l’entrepreneur (2/2)
Sébastien Laffargue et Grégoire Pinto

Le parcours professionnel de Sébastien Laffargue

Dans notre premier podcast, nous avons abordé l’ensemble de la carrière sportive de Sébastien Laffargue. Maintenant, zoomons sur son parcours professionnel avec ses études, puis en tant qu’entrepreneur avec la création des marques Universkate, Seba et enfin FR Skates…

Interview de Sébastien Laffargue – seconde partie sur sa carrière d’entrpreneur – télécharger le mp3

Bonjour Sébastien Laffargue, quel a été ton parcours scolaire avant ta carrière professionnelle ?

J’ai d’abord eu un bac scientifique. Ensuite, j’ai étudié dans la filière S.T.A.P.S. (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives). Après avoir obtenu mon D.E.U.G., j’ai passé mon brevet d’Etat Roller. J’ai obtenu une licence en Management du sport et ensuite je suis allé jusqu’en maîtrise de Management du sport.

Sébastien Laffargue en hauteur pure en 2013
Sébastien Laffargue en hauteur pure en 2013

En parallèle, tu as également développé tes compétences en événementiel et dans le Web…

Oui, j’ai aussi participé à l’organisation d’évènements rollers. J’ai également créé mon site Internet Universkate.com dont nous avons parlé précédemment. Mon objectif était de permettre à tous d’accéder gratuitement aux informations concernant les pratiques que j’affectionne, et d’avoir la possibilité de télécharger les vidéos des figures de slalom.

En dehors de ça, j’ai travaillé en tant que professeur de roller pour diverses mairies et diverses organisations. J’ai aussi participé à beaucoup de démonstrations organisées par mes sponsors ou autres entreprises d’évènementiel. J’ai aussi été président de l’I.I.D.A. (International Inline Downhill Association) jusqu’en 2005. Mon « mandat » s’étant terminé à la fin de la saison 2005, j’ai maintenant été remplacé à ce poste par Davide Tacchini (Italie).

Sébastien Laffargue : quel était ton objectif au sein de l’IIDA ?

J’avais pour mission la gestion et la coordination du circuit international de descente, qui a remporté un bon succès en Europe, surtout grâce à la mobilisation des riders et la collaboration internationale.

Comment allait le marché à l’époque ?

Le marché baissait sérieusement, en particulier en Corée du Sud. En effet, la Corée du Sud a été un facteur d’effondrement du marché. C’est un pays où tout va très vite. Une mode monte très vite et tombe tout aussi rapidement. Des centaines de milliers de paires étaient alors commandées par les marques pour alimenter le marché. Les fabricants ont produit en masse pour qu’à la fin, tous ceux qui ont commandé n’ont pas honoré leurs commandes. Les marques sont alors restées avec des tonnes de paires sur les bras. Pour moi, cela a été le déclencheur du crash du marché du roller.

Depuis début 2004, je travaillais sur le projet des « Seba » en Asie et depuis septembre 2005, j’avais créé mon entreprise d’import-export pour pouvoir distribuer la marque Universkate en Europe.

Sébastien Laffargue et Grégoire Pinto en 2019
Sébastien Laffargue et Grégoire Pinto en 2019

Puis est arrivée ta marque de roller…

En fait, j’avais fait plusieurs courriers à Tecnica pour leur proposer de nombreuses améliorations sur les patins. Notamment des plaques en aluminium à mettre à l’avant et à l’arrière du patin pour rigidifier la structure et apporter de la réactivité.

De plus, dans l’optique d’une reconversion prochaine, ils n’offraient pas la possibilité de faire autre chose en dehors des compétitions. Plus personne ne voulait innover pour des niches.

Finalement tu t’es tourné vers l’Asie…

Plus les années passaient, plus la qualité baissait. Le marché commençait à s’effondrer. J’ai donc recontacté une petite entreprise coréenne qui m’avait fait une proposition et qui voulait mettre mon nom sur leurs produits (pro-modèle) déjà existants. Je leur ai répondu que s’ils voulaient mettre mon nom sur leurs rollers, je voulais repartir de zéro et créer un nouveau patin depuis le début. Ils ont accepté. C’est là que l’aventure a débuté.

Lors d’un voyage en Corée, j’ai rencontré une marque locale qui s’appelait MX. Elle a accepté mon projet. Ils m’ont invité dans l’usine de Hong-Kong, j’ai rencontré mon associé Andrew Saw. Je leur ai alors expliqué comment faire le patin. Nous avons réussi à intégrer cette fameuse plaque de façon industrielle. J’ai testé de nombreux prototypes pour arriver enfin à quelque chose qui marchait.

Sébastien Laffargue, que penses-tu du développement du slalom en Asie ?

Le patin géant et gonflable de Seba
Le patin géant et gonflable de Seba

C’est très impressionnant, le slalom se développe très vite. Je pense qu’il correspond bien à la culture asiatique et au type de sports qu’ils affectionnent. C’est déjà le continent où il y a le plus de pratiquants, et leur nombre augmente chaque année. Le niveau moyen en Corée et en Chine est déjà bien supérieur au niveau moyen Européen. Le développement du slalom en Asie est favorisé par le nombre et la qualité des spots et par leur culture, de grandes places bitumées bien lisses sont disponibles dans toutes les villes, et il n’y a pas d’interdiction instantanées comme chez nous, au contraire. Les sportifs de rue sont encouragés et très bien acceptés par les autorités, c’est une question de respect mutuel des biens et des personnes je pense.

Sébastien Laffargue, vous avez eu d’autres idées que les plaques pour améliorer les patins…

Oui, une autre idée que j’avais proposé était de réduire la taille de la platine, pour ne laisser qu’un millimètre entre les roues. Ils ont eu peur que les gens tombent et que cela soit trop dangereux. Cela a été une des choses qui a fait le succès de Seba. La platine de 243 avec 4 roues de 80 mm est arrivée ainsi, puis les 231 avec des roues de 76 mm et les 219 mm.

Puis la banane est venue démocratiser le slalom. A notre époque, cela n’existait pas, nous passions quelques heures à user nos roues et pour fluidifier notre patinage. Les gens mettaient alors des roues de 80 mm au milieu et 76 mm aux extrémités. Nous avons préférer créer une banane d’origine en modifiant la hauteur des axes. Progressivement les marques nous ont emboité le pas en Asie. Aujourd’hui nous sommes à environ 2 mm d’écart de hauteur. Plus besoin de faire les roues. A titre personnel, je suis toujours resté en flat.

En quoi consistaient les débuts de ta marque ?

Au départ, j’ai surtout fait de la prospection. J’avais un rôle de distributeur et je cherchais des points de vente pour mes patins. J’avais une commission sur chaque paire de MX vendue. Il y avait des histoires commerciales entre l’usine et la marque. Nous ne pouvions pas utiliser MX en Europe. Pour la France et l’Europe, j’ai proposé l’idée d’utiliser ma marque pour mon pro-modèle. J’ai donc déposé la marque Universkate pour distribuer mon pro-modèle. C’était le nom de mon site qui existait déjà, c’était le plus simple. Ce fut la première marque de mes patins. C’était le modèle « Seba » et la marque Universkate.

J’ai demandé à plein de monde pour distribuer mes patins, personne n’a voulu le faire. Le Seba High était le premier modèle que je voulais absolument sortir. C’était vraiment un concept innovant, semi-rigide, semi-soft. Il permettait de faire de la descente, du slalom, du saut. j’en avais marre de trimballer plein de paires de patins. Je voulais un patin qui sache tout faire. J’étais évidemment plus connu pour le slalom donc le patin était étiqueté pour cette discipline, mais il pouvait être utilisé pour d’autres disciplines.

Et finalement tu n’es pas parvenu à t’appuyer sur un réseau existant au départ ?

Ne trouvant pas de réseau, j’ai utilisé l’ensemble de mes prize-money de 2003. J’avais gagné de l’argent avec le skatecross. Au départ, les U2R ou la Monop Urban Race étaient souvent remportés par des patineurs de vitesse, puis le concept a évolué. Il fallait être polyvalent. Les streeteurs venaient avec des petites roues, les freeskateurs en 4 roues courtes et moi avec mes 5 roues de descente. Les descendeurs pouvaient gagner. J’avais un bon bagage en skatepark et donc j’ai fait des résultats. Je ne gagnais pas forcément beaucoup, mais j’étais polyvalent. Sur la saison 2003, j’ai dû gagner l’équivalent de 3000 € à 5000 € que j’ai réinvesti pour acheter 200 paires de patins Seba High pour les vendre moi-même.

Le premier shop que je suis allé voir, c’était Hawaii Surf. Je les ai montrés à Eric Gros de Hawaii Surf. Luc Bourdin a alors essayé les patins et il avait été objectif. Professionnellement, il avait testé le patin et avait été carré dans sa façon d’analyser. Il dit alors à Eric Gros d’en acheter. J’avais demandé le prépaiement qui n’existait pas à l’époque.

J’ai finalement reçu ma première livraison. Je recevais le matériel chez moi, dans le logement social de ma mère. Je les ai stockés dans ma chambre ! Les premières paires se sont vendues petit à petit. j’allais voir les shops moi-même en train. J’avais encore des réductions sur le train, je n’avais pas le permis et je livrais moi-même. Je pliais les boîtes, je mettais les patins dans un valise et j’allais livrer, à Lyon, à Bordeaux, à Paris, à Ivry-sur-Seine et partout en France. De nombreux magasins avaient déjà mis la clé sous la porte.

Et cela a été l’effet boule de neige…

J’avais une certaine notoriété internationale. Les Espagnols et les Allemands me connaissaient et on voulu en prendre. Les magasins en ont demandé. Nous en avons vendu en direct à nos amis. Nous avons commencé à avoir de la demande avec les innovations que nous proposions. Le marché était alors en baisse de qualité et nous sommes arrivés avec un patin dans les tarifs de la concurrence. Nous nous étions alors calés sur le prix du marché. Les tarifs n’ont quasiment pas évolué depuis cette période, malgré l’inflation. Ces dernières années, cela a un peu bougé. Nous avions alors un très bon prix par rapport à la qualité. Les gens étaient bien dedans. La forme de boot un peu particulière a plu tout de suite et j’ai vendu la première série. Puis j’ai alors acheté le double de patins.

C’est alors que j’ai recruté Grégoire Pinto. Il était un peu frileux parce qu’il travaillait alors chez Nike en Allemagne. C’était un vrai saut dans le vide. Nike a coulé pour le roller, ils allaient fermer l’entrepôt roller et donc tous les salariés devaient trouver une solution. L’opportunité s’est trouvé en 2006 et c’est là que Greg m’a rejoint. Je l’ai connu à Montparnasse ou à Palais Royal. Nous allions de spot en spot.

Sébastien Laffargue, vous avez progressivement diversifié et apporté différentes déclinaisons, pièces détachées et accessoires…

Oui, tout de suite, dès le début du développement, j’ai demandé des vis partout afin de pouvoir remplacer les pièces. J’ai imposé cette idée aux usines. Le slalom est tellement contraignant que les rivets prennent du jeu et qu’ils sont compliqués à changer pour les riders.

A l’époque, des inventeurs travaillaient pour trouver des idées pour les marques de roller, notamment pour le cuff réglable en hauteur. J’ai modifié ce concept pour qu’il fonctionne bien en roller. J’ai ajouté des crans et limité à 4 positions différentes. Je me souviens d’avoir fait des dessins sur Paint pour expliquer ce que je voulais faire ! Nous étions partis là dessus avec 4 positions pour monter et descendre le cuff. C’était utile pour la descente de pouvoir monter le cuff et avoir davantage de maintien.

J’ai aussi rencontré les frères Galiazzo qui faisaient du patinage de vitesse. Pour rouler, ils me proposaient de venir rouler avec eux. j’ai donc commencé à faire des marathons en roller. L’usine produisait aussi d’autres marques de vitesse qui n’existent plus aujourd’hui, notamment une marque américaine qui avait une vis standard américaine plus large pour fixer le châssis. C’était vraiment plus facile d’avoir une vis 6 pans plus large. Nous avons opté ce principe tout de suite, cela faisait 2 clés dans la boite, mais ce n’était pas très grave : une clé rouge et une clé noire. A l’époque nous avions de petites clés coudées, nous avons demandé des bonnes clés avec de vraies poignées et ces grosses vis qui permettent de visser et dévisser à volonté sans jamais abimer le filetage.

« C’est ce panel de polyvalence qui permet de se nourrir de toutes les pratiques et d’arriver à un patin qui soit aussi proche de la perfection que possible. Nous ne faisons pas de marketing, je voulais un patin qui m’intéresse moi, je ne voulais pas savoir combien ça allait coûter et à quel prix il fallait le vendre, c’était par passion. Si j’avais un besoin, d’autres l’auraient aussi. »

Est arrivé un moment où vous avez créé votre association, la WWA et les deux se sont partiellement imbriqués.

Oui, je faisais plein de compétitions partout dans le monde, en tant qu’ancien de fac de sport, je m’intéressais à tous les sports, dont le ski et le tennis. Les notions de World Ranking et de classement ATP me faisaient dire que ce serait bien d’avoir l’équivalent pour le roller. L’idée était de pouvoir réaliser un circuit à points pour faire un classement mondial. C’était même avant de créer la marque.

Puis, quand la distribution des patins a commencé, je n’avais pas le temps de mettre tout cela en place. Il y avait alors, Luc Bourdin, Vincent Vu Van Kha, Skali. Eux aussi avaient un peu les mêmes idées. Ils ont essayé de lancer le truc avec l’IFSA. Nous avons fait plusieurs réunions chez Vincent pour parler du site, du logo qui. Je n’aimais pas forcément le logo qui ressemblait trop à celui de la NBA et certains concepts, mais ce n’était pas grave, le projet s’est lancé. J’avais une idée de ce que je pouvais faire. Les juges étaient des parents, des gérants de magasins, ils jugeaient, mais souvent au feeling, avec une note de style et une note de technique. C’était jugé à l’arrache. Quand on allait à une compétition, nous ne savions jamais comment nous allions être jugés.

World Slalom Series Mexique en 2014
World Slalom Series Mexique en 2014

La fédération française a dû être une des premières à vraiment structurer le sport, mais c’était vraiment basé sur le quad. Nous avons alors travaillé sur le règlement. Des choses ne me plaisaient pas et c’est de là qu’est venue la scission. Je ne voulais pas d’un modèle fermé.

Sébastien Laffargue, qu’en-est-il des règlements ?

De fil en aiguille, des règlements sont passéd qui ne me correspondaient plus. Ils rythmaient les figures de 4 plots en 4 plots. J’avais un style urbain, très fluide. Le règlement très rigide fait que je ne prenais aucun plaisir aux compétitions. Je devais alors faire ce que je n’avais pas envie de faire. J’étais très orienté sur l’improvisation.

« C’est en allant à l’ISPO que j’ai vu les battle de BMX, je me suis dit que c’est ça qu’il fallait faire. »

Nous, sur les spots, c’est ce que l’on faisait ! Nous faisions des runs de 30 secondes, après nous étions fatigués. C’est ça qui se passait sur les spots à l’époque. J’ai proposé cette idée qui a été rejetée immédiatement sur le forum Hyb’Ride. Pour moi, les points n’allaient pas. Les gens se focalisaient dessus. En battle de BMX, les gens voyaient la performance et comprenaient lequel gagnait.

Le concept n’était plus d’écrire les points mais d’écrire les figures et de les comparer. Si un rider fait une figure sur 3 plots et qu’un autre en fait 5 avec la même qualité d’exécution, c’est celui qui en fait 5 qui gagne.

Sébastien Laffargue, comment le concept de battle s’est-il mis en place ?

L’un des premiers patins Seba en 2005

J’ai alors testé ce concept sous forme de jeu lors d’une compétition en Chine et j’ai vu que cela fonctionnait. Nous l’avons ensuite refait à Paris à l’occasion de la PSWC. Quand j’étais dans l’association Riderz qui organisaient la Paris Slalom World Cup, est née l’idée de créer la compétition de slalom en haut du Trocadéro. Le concept avait aussi été rejeté par la fédération à l’époque. J’avais alors appelé Serge Rodriguez comme juge, mais aussi Roy Collet. Le concept était long à juger, mais intéressant. Finalement, ceux qui avaient participé avaient vraiment aimé et quand ils sont revenus dans leur pays, ils ont commencé à organiser des battles. Ainsi, la Russie a organisé des compétitions IFSA, mais aussi des battles. C’était vraiment facile d’accès, pas besoin de préparer de musique ou un run.

Ce système de tournoi a bien pris. Et c’est à partir de là qu’il y a eu une scission entre IFSA et WSSA. Mon idée était d’inclure tous les événements, contrairement à l’IFSA qui se limitait à quelques compétitions. J’avais été pas mal rejeté quand j’avais démarré le inline. A chaque fois on m’a dit non, à chaque fois j’ai fait et cela a marché. Le fait d’accepter tout le monde a beaucoup plu, ce n’était pas élitiste. Les riders aimaient le concept et on voulu créer leur propre circuit national.

Comment sont nés le circuit et l’association WSSA ?

La WSSA se constitue en Corée du Sud et en Chine en 2006. Nous allions dans les deux pays et les riders faisaient les compétitions dans les deux pays. D’abord, nous avons débuté par l’ASA (Asian Slalom Series) pour ne pas marcher sur les pieds de l’IFSA. Puis, nous avons constitué un groupe de personnes et cela s’est vite transformé en World Slalom Series.

J’ai sorti mon premier World Ranking sur Hyb’Ride en 2007 en mêlant les compétitions IFSA et WSSA, en considérant les critères d’importance des compétitions nationales et internationales. J’ai essayé d’avoir un regard objectif. Certains riders rejetaient un système, d’autres l’autre, d’autres comme Igor Cheremetieff faisaient les deux.

Sébastien Laffargue, comment se finançait le circuit WSSA ?

Le fait d’avoir du financement grâce aux ventes de roller a permis de financer la compétition, le team, l’organisation de certains événements et le développement du circuit. Je n’avais pas de visée mercantiliste ou commerciale. Ma priorité a toujours été d’utiliser l’argent pour développer la pratique. Nous avions beaucoup vu les marques amasser beaucoup de fonds qu’ils ne redistribuaient pas au sport. Ce n’était pas des patineurs. Je me souviens d’avoir vu un dirigeant avec une voiture de luxe. S’il n’avait donné ne serait-ce que 10% de ce qu’il avait gagné au circuit, cela aurait aidé. Les gens continuaient à gagner de l’argent, même si le business était déjà bas. Nous, tout ce que l’on a gagné, nous l’avons réinvesti.

Nous nous engagions à donner des lots, des patins, des roues, pour les gagnants.

A quel moment est arrivé la marque Seba ?

Nous avons regroupé tout sous la marque Seba. Ce n’était plus le nom du pro-modèle mais de la marque pour pouvoir regrouper tout le monde sous le même arbre. C’est ainsi que la marque est arrivée. Il y avait 4 marques différentes pour le même produits, selon les pays, cela devenait compliqué. C’est pourquoi j’ai insisté auprès de partenaires de l’époque pour que nous mettions en place une seule marque de produits. Du coup, nous sommes partout sur les compétitions, avec de la communication. Les patins étaient bons et les gens ont continué d’acheter nos produits.

Dès le début, nous avons recruté des pros riders dans l’équipe pour porter les patins. Il y avait des petits jeunes qui progressaient comme Igor Cheremetieff, Chloé Seyres, Olivier Herrero, Xuan Le. L’idée était de partir tripper sur les compétitions. Je payais les billets, nous étions plutôt des bandes de potes qui partions sur les routes.

Comment s’est développé le réseau de vendeurs à travers le monde ?

Est arrivé un moment où j’ai proposé à l’usine des noms de riders à fournir en matériel. Nous utilisions toujours des patineurs pour distribuer du matériel sur place, dans leur propre pays, surtout en Europe et en Asie. C’est comme ça que nous avons recruté Igor dans l’entreprise. Aujourd’hui, 99% de notre équipe sait patiner. Nous avons plusieurs filiales et nous avons une vingtaine de salariés, cela reste encore petit.

Photo de groupe avec des patineurs FR Skates
Photo de groupe avec des patineurs FR Skates en 2018

A un moment, vous introduisez la marque FR Skates…

Oui, le second patin à sortir après le Seba High a été le FR. Je m’étais inspiré des idées qu’on m’avait donné pour créer le logo. C’est devenu un patin iconique sur le marché. Le Seba High ne plaisait pas à tout le monde, il était très rigide, très serré et il fallait vraiment le faire pour être bien dedans. Le FR était tout de suite plus confortable. Quand mon associé est décédé suite à une maladie en 2013, ses héritiers n’ont pas respecté nos accords préalables.

Comment as-tu géré ce différend ?

Je me suis retrouvé avec des gens en face qui soutenaient que tout leur appartenait et que je n’avais rien créé. Ils reniaient tout ce que nous avions mis en place et voulaient tout récupéré. Je ne me suis pas laissé faire. j’ai toujours été compétiteur. L’entreprise s’était bien développée mais tout l’argent que nous avions gagné a été mis dans l’action en justice. Il y avait des milliers d’emails, de vidéos qui prouvaient que les choses venaient bien de moi. Les avocats disaient que c’était impossible, mais je savais que les accords devaient être respectés.

Finalement, j’ai trouvé un cabinet qui a bien voulu me soutenir pour réaliser l’action à l’international. Cela a été très compliqué de lancer cela en Chine et à Hong-Kong. J’ai vraiment beaucoup travaillé pour fournir tous les éléments. Avant de débuter la procédure, nous avons sécurisé nos innovations. Nous avons déposé nos innovations et nous sommes partis sur la marque FR pour assurer la continuité de nos innovations.

Aujourd’hui, nous sommes indépendants sur nos décisions et sur les nouveautés que nous souhaitons mettre en place. Il n’y a plus de soucis. Cela s’est résolu en 2018. Nous continuons de travailler et d’innover sur nos différentes marques.

Sébastien Laffargue, as-tu déposé des brevets en ton nom propre et au nom de tes marques ?

A titre personnel, je n’ai aucun brevet à mon nom, mais d’autres personnes ont déposé mes inventions à leur nom. Cela ne m’intéressait pas d’avoir mon nom sur un brevet. Il doit y avoir moins d’une dizaine de brevets déposés. Je pouvais prouver mon antériorité donc je pouvais utiliser les brevets.

C’est un conseil à ceux qui auraient envie de se lancer : déposez votre marque. C’est vrai que cela a un coût, c’est très difficile et cela coûte très cher. Au bout d’un moment, il faut faire ce type de démarche pour ne pas se faire arnaquer.

Produisez-vous encore avec votre fabricant initial ?

Auparavant nous ne travaillions qu’avec un seul fournisseur. Aujourd’hui, nous travaillons avec plusieurs fournisseurs pour pouvoir faire ce que l’on veut, quand on veut. Nous ne sommes plus aussi dépendants. Nous ne travaillons pas qu’avec la Chine. Aujourd’hui, c’est tout simplement impossible de produire des patins en France ou en Europe. L’Asie est beaucoup plus flexible. Ici, pour démarrer, il faut plusieurs millions d’Euros. Nous aurions aimé avec des productions en Europe, mais aujourd’hui l’Asie produit de la qualité et propose de la flexibilité. Nous avons des fournisseurs en Chine, en Corée, aux Etats-Unis. Certaines petites pièces sont produites en France. Nous utilisons l’un ou l’autre des fournisseurs selon la qualité et le prix que l’on recherche.

Sébastien Laffargue, comment vois-tu l’avenir de vos marques et du roller en général ?

Le marché avait tendance à stagner, mais nous n’avons jamais cessé de monter avec notre marque, hormis au moment de la procédure. Nous avons lancé des investissements et nous avons dépassé le niveau d’avant procédure. Pour l’avenir, nous sommes encore très peu représentés par rapport à Rollerblade ou K2 qui sont des acteurs historiques du milieu.

La crise du COVID-19 a favorisé les sports d’extérieur comme le roller. Nous pouvons travailler de façon sereine. Il faudra voir l’évolution : est-ce seulement un effet de mode ou de rattrapage ? Est-ce que les gens vont continuer de pratiquer ? Nous pensons que ceux qui s’y sont mis vont continuer de rouler. Avec de bons produits, on progresse plus vite, on prend du plaisir. Les histoires de pollutions et de diminution de la part de la voiture me poussent à être positif. le roller est un mode de transport alternatif sur courte distance. Le roller permet de se déplacer mais aussi de s’amuser le weekend. C’est une différence avec le vélo. La pratique va au delà du simple déplacement.

FR Skates à l'ISPO 2019
FR Skates à l’ISPO 2019

A ton avis, est-ce le confinement qui a redynamisé le patin traditionnel ?

Pour nous, ce n’est pas le COVID qui a redynamisé le roller quad. Il y a déjà eu le roller derby avec des films comme Whip it / Bliss mais aussi des séries. Il y a aussi eu la série Soy Luna. Ces séries ont mis en avant le quad au niveau des médias, cela a permis au quad de se développer. Le COVID-19 a été un « plus », mais c’est cette communication en amont qui a aidé. La seconde chose, c’est aussi la roller-dance. En effet, c’est une pratique moins engagée que le roller derby, plus pacifique. Elle bénéficie de la présence de personnalités mises en avant, dans des défilés de mode notamment. Sans parler du poids des réseaux sociaux avec Instagram ou Tik Tok. Les influenceurs avaient beaucoup de followers. De plus, la pratique féminine en skatepark se développe. Beaucoup de gens ont voulu pousser le sport en indépendant.

Pour revenir à la question, nous avons fait tous les deux du quad avec Grégoire Pinto, mon associé. Nous avons toujours voulu nous développer, mais nous préférons déjà nous focaliser dans le inline. Nous travaillons notamment la marque Luminous avec des roues lumineuses. Au départ, les roues étaient inroulables et la luminosité était très faible. La technologie LED nous a permis de créer nos roues avec une gamme quad, avec une roue qui roule bien. Ainsi, nous avons décidé d’en faire des bonnes roues et de les adapter à nos pratiques. Certains pays nous regardent comme des extra-terrestres, mais les roues roulent bien et nous avons redéveloppé un concept positif. C’est un vrai succès en quad avec un meilleur roulage, une dynamo qui ne ralentit plus autant la roue.

Sébastien Laffargue, c’est le moment de la tribune libre…

Ne vous fermez pas dans une seule pratique, essayez toutes les disciplines. On peut tout faire, il n’y a pas de barrière.

Soutenez aussi les marques créées par des riders, qui investissent sur le marché. Allez dans les pro-shops et achetez des produits développés par des gens qui vont développer le sport et pas simplement en profiter.

J’aimerais faire prendre conscience aux gens que les mentalités doivent évoluer. Il ne faut pas acheter le produit le moins cher possible pour voir si une pratique plaît. Il vaut mieux passer tout de suite sur du bon matériel pour avoir une bonne expérience et continuer dans de bonnes conditions. Une bonne paire dure plusieurs années et permet d’apprendre plus vite. Au lieu d’acheter 3 paires par an, achetez-en une bonne ! Nous aimerions que de plus en plus de gens restent dans le roller et transmettent cette passion à leurs enfants. C’est ainsi que le roller continuera de se développer.

Liens utiles autour de Sébastien Laffargue

Test du Seba 1 sur rollerenligne.com

Site personnel et page Facebook

Interview : Walid Nouh et Alexandre Chartier – article initialement écrit le 6 décembre 2005 et mis à jour le 5 mai 2022. Photos : Sébastien Laffargue et Pierre-Yves Le Gal

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Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Bonjour à tous, je suis Alexandre Chartier, fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001 avec infosroller.free.fr. Le modeste projet d'étude est devenu un site associatif qui mobilise une belle équipe de bénévoles. Passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne, j'étudie le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

1 response to “Interview de Sébastien Laffargue : l’entrepreneur (2/2)”

  1. Locus
    13 juin 2022 at 20 h 22 min
    Très belle aventure humaine et professionnelle !!! Si je me souviens bien, Julien Laffargue fut avec Luc Bourdin mon jury à l'épreuve pratique de mon B.E ! Ce fut un bon moment de stress ! Merci à eu pour leur justesse et honnêteté. Merci à toute l'équipe pour vos podcasts !

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