Les 24 Heures du Mans Solo de LorenG

Laurent Guillot, alias "LorenG", est un ancien triathlète. Après une première participation aux 24 Heures du Mans roller en équipe, il a décidé l'année suivante de s'attaquer à l'aventure solo. Il nous raconte sa préparation en détail ainsi que la manière dont il a vécu sa course. Il terminera finalement 3ème. Suivons sa foulée...

Par alfathor

Les 24 Heures du Mans Solo de LorenG

Les 24 Heures du Mans Solo de LorenG LES 24 H SOLO DE LorenG Laurent Guillot, alias « LorenG », est un ancien triathlète. Après une première participations aux 24 Heuresu du Mans roller en équipe, il a décidé l’année suivante de s’attaquer à l’aventure solo. Il nous raconte sa préparation en détail ainsi que la manière dont il a vécu sa course. Il terminera finalement 3ème. Suivons sa foulée…

LorenG en solo… 24h pour faire joujou dans la cour des grands…

Premiers pas au Mans

En 2006, je débute dans le roller, et c’est tout de suite le coup de foudre. Au mois de juillet, je suis gentiment invité par les sapeurs pompiers du Mans pour compléter leur équipe sur les 24h et c’est un vrai moment de bonheur. Du coup, il faut absolument que je revienne rouler mes patins sur le Bugatti en 2007.

Le Mans en Solo

Cette fois, pour varier les plaisirs, c’est du côté des solos que je vais vivre la course.
L’an dernier, ils m’ont impressionné, mais je me dis qu’avec une préparation sérieuse, ça doit pouvoir coller. Quelques années de triathlon m’ont donné l’expérience de l’effort de longue durée, par contre au niveau de la technique de patinage, il va falloir faire avec les moyens du bord.
Les nouveaux copains du Club de Roller Sénonais sont des hockeyeurs avant tout, il ne sont pas chauds pour m’accompagner sur la route. L’essentiel de ma préparation va donc se faire en solitaire (déjà) sur les routes de la région.

Le choix du matériel

Je commence les sorties tranquilles de plus de deux heures à partir d’octobre, je roule tout l’hiver et pour faire comme les grands, j’essaie les chaussons bas. Je m’acharne jusqu’en mars à patiner avec des patins de vitness, mais j’ai du mal à gérer les descentes, et au bout de quatre heures, je ne supporte plus les points de pression sur le pied. J’ai tout essayé, le découpage du chausson au cutter, l’ajout d’une chevillère néoprène, le maintien de la cheville avec des sangles… rien à faire, reste plus que l’amputation !
Du coup, je rechausse les fitness et là, tout de suite le plaisir de patiner revient. C’est donc avec les chaussons hauts que je prendrai le départ, tant pis pour le look… Gros avantage des fitness, à l’entraînement, ils me permettent de passer les descentes au tampon sans problème, et donc d’aller travailler le patinage en côte sans arrière-pensée…
Côté matos par contre, j’avoue, je suis un peu léger. J’utiliserai les K2 VO2max de mes débuts ( l’ancêtre du Motto), montés en 90, retravaillés au cutter pour éviter les points de friction. Ils sont rendus plus confortables par l’apport d’un morceau de tapis de sol en mousse scientifiquement enroulé autour de la cheville… Ben quoi ? pourquoi tu te marres ? c’est pas de la haute technologie, ça ?

Une préparation… en solitaire

De mars à mi-juin, j’essaie de respecter la vision perso que je me fais d’une préparation solo pour les 24h : je fais en moyenne 200 km par semaine sans m’occuper des conditions météorologiques (normalement, il ne pleut jamais sur le Bugatti, mais, bon, on sait jamais…).
J’alterne les sorties longues et le travail spécifique en côte ( je veux pouvoir passer le Dunlop sans forcer), je cale une sortie plus longue tous les quinze jours (de 6h à 10h de patinage). Je m’efforce de respecter au maximum un juste équilibre entre ma vie familiale, la vie professionnelle et l’entraînement, ça permet d’optimiser la préparation en évitant les excès et en restant bien dans sa tête.

Elaborer une stratégie

Au mois de mai, j’y vois plus clair, j’ai à peu près tenu le plan d’entraînement que je m’étais fixé, je peux commencer à élaborer une stratégie de course en fonction des sensations à l’entraînement. Je me règle sur l’objectif des cents tours en me disant que c’est peut-être jouable… Pour y arriver, je décide de patiner lentement et régulièrement, mais longtemps, et en réduisant le plus possible les temps d’arrêt.
J’ai calculé qu’il suffit de tourner en 13 minutes, avec 2 heures d’arrêt pour que ça passe… Sur le papier, ça paraît réalisable. La stratégie de course sera donc la suivante : 15 minutes d’arrêt toutes les cinq heures de patinage, et une heure de battement pour gérer les impondérables. Fastoche !

Quelques conseils de techniques bienvenus

A un mois de l’objectif, je rencontre quelques patineurs de vitesse auxerrois, c’est le premier échange avec des vrais… Il m’apprennent que “vouais, j’avance pas trop mal, mais que bon, c’est dommage que je m’obstine à patiner comme une savatte…”
Du coup, je me remets au boulot en essayant de suivre les conseils (merci Reno, merci Sandrine ! ) et je rentre de mes sorties avec le dos en compote et mal partout. Finalement, ce n’est pas gagné…

Le jour J

Le 30 juin, on se retrouve enfin dans les stands. Je suis logé avec les Sapeurs Pompiers du Mans, au 18 (ça s’invente pas ! ).
J’y retrouve Xav, Seb, Micka, Yoshi, Guillaume, Arnaud et Didier, mon Beauf’, élément solide et fiable du staff technique, qui, en plus de rouler avec ses potes pompiers assurera l’intendance aux côtés de Valérie, ma douce moitié. Week-end chargé en perspective, beau-frère !
Xavier m’annonce que de leur côté, ils ne sont pas au top. Depuis l’an dernier, ils n’ont pas beaucoup roulé. Aujourd’hui, ils ne sont que sept et en plus, ils ont fait la foire toute la nuit. Sinon, tout va bien. Une place honorable au challenge entreprise paraît cependant compromise. Par contre, ils se proposent de me donner un coup de main sur la course, si besoin est. L’idée paraît sympa, ça peut servir !

Qualifications

Pour tuer le temps, je me présente aux qualifs avec la dernière ligne et je boucle mes 300 m en roue libre dans le temps reccord de 57 secondes et 7 dixièmes, qui dit mieux ?
Avant le départ, j’avale une énorme platrée de pâtes. Il n’y aura pas de souci de digestion, j’ai prévu de démarrer à 2 à l’heure ! Je traîne un peu dans les stands à la recherche des solos qui vont s’embarquer dans l’aventure, juste histoire de faire mieux connaissance avec ceux qui fréquentent régulièrement le forum de REL.
Malheureusement, je ne trouve pas grand monde avec qui échanger les impressions d’avant course, ceux que je croise ont déjà le nez dans le guidon… normal, ils viennent sûrement pour la performance. Pas de chance, je n’ai pas rencontré les plus décontractés.
Heureusement, juste avant le départ, j’échange quelques mots avec Tof Tof en Roue Libre et un de ses potes. Eux ont l’air détendus, ça fait du bien… On se croisera d’ailleurs régulièrement tout au long de ces 24h00, et ils auront toujours un petit mot d’encouragement… Merci Tof et son pote !

Départ !

Le départ est conforme à l’idée que je m’en faisais : grosse pagaille et forte densité de riders pressés, petite bousculade et rythme trop rapide qu’il faut sans arrêt contrôler.
Les premiers tours se font dans l’allégresse. On roule tranquille, et pourtant l’allure reste constamment trop élevée par rapport à mes prévisions. Je suis régulièrement en dessous des 10 minutes et 40 secondes tout en essayant de tempérer. Rien à faire, ça roule tout seul.
Au bout de 2h30, malgré ce rythme largement trop rapide, Valérie ne me pointe qu’à la 19ème place… Les autres doivent être très forts ! Et c’est vrai qu’ils ont l’air d’envoyer !
Je vois passer régulièrement Youbsolortgleretour, Sylvoutch et quelques autres dossards rouges qui patinent comme des dieux. Et là, d’un seul coup, je me sens tout petit… d’autant qu’un frottement désagréable commence à se faire sentir au niveau du tendon d’Achille. Il s’agit sûrement d’un mauvais positionnement de la chaussette. Je ne comprends pas, ça ne m’est jamais arrivé à l’entraînement. C’est chiant, mais je n’ai vraiment pas envie de m’arrêter. Tant pis, on verra bien. Roule ma poule !

Premières douleurs

C’est au bout de trois heures que les premières crampes se font sentir, dans le haut du Dunlop ( et dans les cuisses) ! Grosse frayeur ! Et pourtant, j’ai l’impression d’être bien, la bosse passe toute seule, la descente se fait à l’aise, le retour sur le plat est facile…
Mes camarades pompiers font leur course de leur côté. De temps en temps, on se retrouve. Ils m’accompagnent. On discute. Ils me ravitaillent, me font la conversation. Le temps passe plus vite. L’inquiétude, elle, ne passe pas. Les crampes non plus ! Dans la bosse, à chaque tour !
Je respecte quand même le timing que je me suis fixé. Quand je m’arrête pour la première fois, à 21h00, je pointe à la cinquième place, mais le moral est dans les chaussettes… et côté chaussettes, ce n’est pas brillant. J’ai une énorme ampoule derrière le pied, des crampes au niveau des cuisses. On n’est qu’au début de la course. Valérie et Didier me massent, chacun une jambe, pendant que j’avale une assiette de pâtes qui remue au rythme de leurs efforts. J’arrive quand même à viser la bouche.

Reprise difficile

Je repars 22 minutes plus tard. Les jambes sont raides, les chevilles douloureuses. Seul point positif, l’ampoule soignée s’est faite oublier. Le premier Dunlop, franchi à vitesse réduite, réchauffe la machine. Et dès l’ascension suivante, les crampes reviennent. Je tourne maintenant nettement moins vite, 12’30” au tour. Rien à faire, les crampes ne passent pas. Elles arrivent de plus en plus tôt. Je gère comme je peux, j’étire les cuisses au maximum dans la côte. J’essaie de rouler à petits pas, en restant bien droit dans les patins… ça passe comme ça peut.
La prochaine pause est loin, il faut tenir en douceur.

Le Mans nocturne

La nuit arrive. Je ne vois plus mes camarades pompiers. Ils sont partis se coucher en laissant un relayeur seul en piste pendant une heure. Je ne suis plus renseigné sur les écarts et ça roule de plus en plus mal. J’arrive à peine à tourner en 13’ et le Dunlop fait de plus en plus de dégâts au niveau des cuisses, les crampes se pointent maintenant dès le bas de l’ascension.
La fin de cette deuxième partie est un calvaire. Il faut maintenant gérer les crampes jusque dans la descente. Pour arranger tout ça, la pluie annoncée se met à tomber, la piste devient glissante, mes 85A adhèrent mal…
J’ai décidé de tenir, alors, je tiens, mais c’est sans conviction. Après 10 heures de course, seulement, je suis dans le dur.

Arrêt au stand

Je rentre aux stands pour ma deuxième pause. Didier, la moitié du staff technique affectée à la mécanique, est parti roupiller. Normal, il est 2h00 du matin.
C’est donc seul que je change de roues pour monter mes vieilles 83A, plus adhérentes sous la pluie, mais tellement usées que leur 90 d’origine n’est plus qu’un lointain souvenir.
Les nouilles amoureusement réchauffées par Valérie (je parle de cuisine) sont avalées sans grand appétit. Même si j’essaie de le cacher, le moral est au plus bas. Jamais jusqu’à maintenant je n’ai eu l’expérience de crampes qui vont en s’améliorant au fil de la course. C’est mal barré.

Nouvelle reprise

Je repars 27 minutes plus tard. Comme tout à l’heure, les muscles sont raides, le départ est laborieux. La descente, rendue glissante se fait au tampon, les tours s’enchaînent doucement. Surprise, les crampes attendues ne sont pas au rendez-vous…
Au début, je n’y crois pas, et puis, je sens que le mouvement devient plus fluide, mes vieilles roues sont celles que j’ai employées toute l’année, je me suis adapté à leur diamètre, il est plus faible que celui des neuves que j’ai montées juste avant la course. Il semblerait que les quelques millimètres de différence de diamètre aient suffit à dérégler ma technique de patinage et soient à l’origine des crampes de tout à l’heure.
Maintenant, les tours s’enchaînent plus agréablement, je reste prudent dans la montée du Dunlop, mais tout se passe bien. Si je tourne maintenant régulièrement en 13’30, c’est surtout dans la descente que je perds du temps. Je vois régulièrement des solos me passer comme des balles, je n’essaie pas de rester au contact, je gère ma course comme prévu, en restant dans mon rythme. Les seules accélérations que je m’autorise sont celles qui me permettent de choper une aspiration pour le retour, après le virage du garage vert.
Les équipes sont toujours aussi sympas avec les solos, même si tout le monde commence à fatiguer, les encouragements sont encore aussi nombreux, les poussettes aussi, ça fait plaisir.

3ème pause

A sept heures, je fais ma troisième pause. Tout va bien. Je reste 20 minutes au stand, le temps d’avaler mon inévitable plâtrée de nouilles. Didier qui a remplacé Valérie se colle au massage. Je repars en 6ème position, gonflé à bloc. Je reste dans mon rythme, en m’efforçant de passer la bosse tranquillement, d’avaler la descente avec prudence et de choper un wagon au retour.
Les choses sont maintenant rendues plus facile par le retour de mes camarades pompiers qui se relaient pour m’accompagner et par le fait que le bitume ait séché. Pas de pot, j’ai maintenant perdu la belle confiance que j’avais au départ dans la descente et je n’arrive plus à me lâcher. En plus, le vent s’est levé et il ne fait pas semblant !
Une heure trente après la pause, j’accroche la 5ème place. C’est inespéré, et je vais tout faire pour la garder. Je suis toujours dans l’allure, les tours continuent à s’enchaîner régulièrement. Seuls les arrêts-pipi en haut du Dunlop, ou après le garage vert, font un peu chuter la moyenne. Je gère tranquillement, en veillant à boire beaucoup et à grignoter régulièrement.

Avec les autres solos

Pendant ce temps là, sur la piste, Ratus est de plus en plus beau, Tof Tof toujours aussi sympa, et je fais la connaissance de mimie 18 qui patine avec le sourire. Je vois passer régulièrement GoldJM et Bioforever qui semblent impressionnants de facilité.
A midi, c’est l’heure de ma dernière pause. Tout va bien, je décide de réduire l’arrêt au maximum. J’avale mes nouilles debout sur la moquette, pendant que Valérie me masse le dos à travers le maillot.
Je repars dix minutes plus tard. toujours avec la même envie d’aller au bout. L’objectif des 100 tours semble maintenant réalisable. Quand Xavier m’annonce que je pointe en 4ème position, j’ai du mal à y croire, tant les écarts étaient importants tout à l’heure. Je ne sais pas qui occupait la 4ème place, mais manifestement, il a dû s’écrouler…
Sylvoutch, lui, est toujours devant, mais il a l’air de souffrir, il est maintenant collé dans le Dunlop. Je le double régulièrement. Micka, Seb, Yoshi, Didier, Guillaume, Arnaud et Xavier se donnent à fond. Ils ne se contentent plus de m’accompagner, ils m’abritent au maximum et m’attendent quand je décroche.
J’ai encore l’occasion de faire quelques tours avec Mimie 18, toujours aussi souriante et efficace dans ses relais. Merci Mimie ! L’allure est toujours la même, tout va bien.

Le podium est proche !

Aux alentours de 14h30, je passe en troisième position. J’ai un pied sur le podium ! C’est tellement incroyable que je sens l’émotion qui me pique les yeux, alors, je m’efforce de penser à autre chose, ce n’est pas le moment de se relâcher, ce n’est pas fini, d’autant que j’ai de plus en plus de mal à maîtriser les descentes. Mes patins ont décidé de ne plus m’obéir… Au 95ème tour, dans le virage du garage vert, j’évite les graviers de justesse !
Il faut absolument assurer jusqu’au bout. Je passe le 100ème tour vers 15h00, objectif atteint, j’ai même de la marge ! J’ai encore le temps d’ajouter 4 tours au compteur de ces 24h de folie, et quand je franchis la ligne, entre Seb et Yoshi (qui nous a attendus pour la photo), je n’arrive toujours pas à y croire !

Epilogue et remerciements

Voilà, c’est fini ! Un grand moment de bonheur que je ne suis pas prêt d’oublier !
Un immense merci à Valérie, Xavier, Seb, Micka, Yoshi, Arnaud, Guillaume et Didier, toujours disponibles, généreux dans l’effort, qui ont donné à cette première expérience solo, une dimension intense et particulière…

Liens utiles

Site de l’organisation
Présentation de l’équipe des PUC Speedy Girls 2007
résultats des qualifications (pdf)
classement scratch complet (pdf)
Galerie photo de rollerenligne.com
Galerie 1 Arteos (pour rollerenligne.com)
Galerie 2 Arteos (pour rollerenligne.com)
Galerie 3 Arteos (pour rollerenligne.com)
Galerie 4 Arteos (pour rollerenligne.com) Article sur de présentation des P.U.C. Speedy Girlz
Photos sur roller-skating.fr
Photos sur www.cpal.eu
Vidéo du journal de France 3 (20 secondes)
Vidéo des 24 heures du Mans Roller 2007
Photos de Baozi
Photos sur Roller-Point
Photos de DDRiders
Texte : LorenG
Photos : Droits réservés

Solo Les Mans Heures LorenG
Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Bonjour à tous, je suis Alexandre Chartier, fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001 avec infosroller.free.fr. Le modeste projet d'étude est devenu un site associatif qui mobilise une belle équipe de bénévoles. Passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne, j'étudie le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

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