Les 24 heures du Mans Roller 2005 en solo de Thibaut Dejean

Après le témoignage d'Alain Decayeux sur les 24h du Mans en solo, nous vous proposons de lire le récit de Thibaut, alias "je roule donc je suis". Du haut de sa majorité, le fan des ascensions de Ventoux nous raconte ses moments d'euphorie, de souffrance, ses bonheurs et ses doutes... ses 101 côtes Dunlop et ses tours de circuit...

Par COMMUNIQUE DE PRESSE

Les 24 heures du Mans Roller 2005 en solo de Thibaut Dejean

Avant le départ

Après mon arrivée au Mans, tout est allé très vite jusqu’au départ : préparation des boissons, transport des kilos de matériel jusqu’au circuit, installation sur les lieux, qualifs, briefing avec les accompagnateurs… Une première mauvaise surprise a été la découverte de nos quartiers. Je craignais cet instant mais m’attendais quand même à un box près de la piste, mais non. Ce fut une tente située à 300 m du circuit, pour tous les solistes. Sans électricité. Finalement, cela ne s’est avéré pas si mal car nous étions isolés des autres coureurs et nous utilisions la place autour de la tente. De plus, nous avions un stand de ravitaillement. Mais heureusement que beaucoup de solistes ont préféré les boxes de leur club, qu’il n’a pas plu, et que les accompagnateurs avaient de suffisamment bons yeux pour trouver les choses dans la pénombre ! 

Qualifs

En ce qui me concerne, j’ai fait les qualifs d’une façon très décontractée, habillé « en touriste » avec de la musique pour passer le temps (25 minutes d’attente sur la ligne), et sans me dépouiller. M’étant presque fait rattrapé par la ligne qui partait après, j’ai eu le droit à beaucoup d’applaudissements…

Un départ fulgurant

Le départ est particulièrement stressant et délicat : on s’apprête à traverser la piste en courant pour chausser ses patins pendant que se fait le décompte avec une espèce de sirène au volume croissant… 155 pulses avant même de bouger ! Puis c’est le départ avec une seule idée en tête pour moi, accrocher le leader des solistes. Car je prévoyais des pauses et devais donc rouler plus vite que ceux qui n’en faisaient pas. Ca part alors très très fort : Pascal roule très vite, derrière les patineurs d’SKF 2 et les premiers tours se font au moins dans les 8 minutes. Le cardio frise 200 dans la côte Dunlop. Je me souviens très bien que j’avais conscience que c’était trop. Mais j’avais l’impression que mes jambes poussaient toutes seules et que je ne me grillais pas, puis que Pascal allait ralentir et que j’avais donc intérêt à m’accrocher. Et mon cardio était peut être faussé par ceux des autres, me disais-je naïvement. J’ai très vite mis un tour à Cédric, puis à Alain et JP. Mais je me suis vite fait lâché par Pascal qui a fait une grosse accélération pour suivre un copain…

Jusqu’à la nuit

Je cours tout le début de la course avec Cédric sur qui j’ai un tour d’avance. On roule relativement vite, trop vite, et on en a pleinement conscience : on se le dit à chaque côte Dunlop quand on regarde nos cardios. Mais on suit Chris (RSV) qui roule fort et relaie beaucoup : l’habitude du marathon est trop forte pour le laisser partir. Je sens après quelques heures mes premiers débuts de crampes ; j’essaie alors de bien m’hydrater mais je commence déjà à en avoir marre du sucré et de l’arrière goût mentheux de l’hydrixir. Mais je me dis que je suis fidèlement ma stratégie prévue et que tout va bien. Vers 20h00, je m’arrête pour ma première pause un tour après Cédric (prévu comme ça pour éviter un encombrement au stand). Quitter le circuit par l’itinéraire prévu suppose un détour dont je souhaite me dispenser et je décide alors d’enjamber le muret  séparant les boxes de la piste. Ce fut une grosse erreur, car en voulant l’enjamber, je me retrouve tétanisé par des crampes à tous les muscles des jambes. Je déclenche immédiatement mon chrono car c’est la durée de la pause qui me préoccupe le plus. Les assistants ont alors tout préparé. Xsfred m’aide à faire passer les crampes, Florent m’apporte mon taboulet pendant que Fred retourne au bord de la piste,  puis j’ai le droit à premier massage par les soins de Mag : c’était tellement agréable que je ne regrette pas d’avoir déclenché mon chrono qui me rappelait qu’il fallait repartir.

Je repars donc avec Cédric en luttant contre les crampes. On roule toujours relativement vite, mais régulièrement, entraînés peut être par la musique de nos baladeurs mp3 qui fut d’une grande aide. On forme une bonne équipe complétée souvent par Sylvain (RSI) et on passe deux fois JP et Alain, mais on se fait doubler très vite par Pascal, toujours aussi rapide. Quelques petits tours avec Gelly dont la fluidité et l’aisance dans la côte nous impressionnent. Je commence à trouver ça dur, mais la tombée de la nuit sur le circuit est tellement belle qu on est vraiment content d’être là. Et les encouragements des uns et des autres y contribuent aussi beaucoup. Vers minuit, on s’apprête à s’arrêter pour une deuxième pause. Je continue à rouler un peu après le départ de Cédric qui souhaitait dormir et je me sens à nouveau assez bien. Les tours ont l’air de s’enchaîner facilement. Je décide donc de limiter la pause le plus possible, d’autant plus que les minutes d’arrêts sont autant de tours perdus au classement. Et en début de course, je n’avais pas encore compris que les autres aussi avaient le même besoin de s’arrêter. Je m’arrête 15 minutes le temps de manger un peu et de changer de tenue (car il ne faisait pas chaud) et de patins.  J’ai en effet couru les huit premières heures dans mes moulées Renard sans douleurs particulières, et profitant ainsi de leur légèreté. Mais je préfère changer pour mes chaussons vitness pour aborder la nuit, à titre préventif.

La nuit

Une fois passée la difficulté qui consiste à se lever de sa chaise, les jambes faisant d’autant plus mal qu’on a pris une pause, je repars seul doucement vers le circuit. Une petite prise de tête avec un juge qui me contraint de reprendre moins loin sur le circuit que là où j’avais stoppé, en passant sur un terre-plein à enjamber… Puis l’histoire recommence inlassablement : monter la côte Dunlop en se faisant le moins mal possible, essayer de prendre la roue de quelqu’un en haut pour ne pas être seul dans la descente (2 fois sur 3 tout seul à peu près), patiner à bon rythme dans le faux plat descendant, négocier les derniers virages, passer les stands en essayant de se faire voir au PUC dans l’espoir d’un encouragement (merci car j’y avais le droit dès que vous me voyiez), puis remonter la côte etc. Et à chaque fois, je me dis « Thibaut, il faut que tu manges quelque chose même si tu n’as pas faim et que tu boives ton Hydrixir 5boisson isotonique Overstim) même si c’est carrément mauvais et que tu peux plus supporter le sucré… ». D’ailleurs, dès que mon bidon est vide, je hurle au talkie ou en passant au stand en balançant mon bidon « Hydrixir plus cassis et sac ravito !!!» Et à Fred ou Florent de voir s’il devait me donner de l’Hydrixir chargé normalement ou sous chargé, et quelle dose de sirop de cassis il fallait y ajouter pour que je puisse l’ingérer…

Le pire pour le mental est en fait l’appréciation du temps. Car je pars en prévoyant rouler non stop 4h. Et 4h c’est très long. Savoir qu’à telle heure je prendrai enfin une pause méritée, avec un fantastique massage et un vrai repas consistant et salé, ça aide à tenir. Et si je regardais l’heure ou le chrono de la course pour savoir ? Non, je risquerai d’être déçu : mieux vaut rouler sans y penser. Pour être franc, j’estimais consciemment l’heure qu’il était, en trichant volontairement dans mon estimation de manière à être agréablement surpris au moment où je regarderai enfin ma montre pour m’apercevoir que j’ai roulé plus longtemps que prévu ! Mais le pire est que malgré ma « tricherie », il me reste encore 1h40 à rouler ! Et là c’est très dur à avaler ! J’avale d’ailleurs une gorgée d’Hydrixir au cassis pour oublier au plus vite. De plus, les 4h du matin représentent la moitié de la course : et déjà là je commence à douter sérieusement que j’arriverai à rouler comme ça encore autant de temps. J’ai vraiment l’impression d’avoir déjà dépassé mes limites et commence à perdre sérieusement ma motivation. Puis plus de pile dans mon lecteur au moment où j’ai besoin de ce réconfort ! Et encore la côte Dunlop pour changer ! Heureusement, après, ça redescend ! Mais c’est pour mieux la remonter quelques minutes après, non ? De toutes façons, à 150 euros l’inscription, c’est sûr que je suis en train de faire un truc cool ! Perdu dans ces pensées matérialistes, je réalise qu’une charmante patineuse d’à peu près mon âge me double avec quelques km/h de différence seulement : donc je prend la roue et m’efforce à relayer dans la côte que je passe plus facilement qu’elle. Puis quand je ralentis, c’est elle qui décide de passer devant pour relayer, comme en course (mais à ses patins, je dirais que ce n’était pas une coureuse). Un petit sourire échangé avant de son arrêt  au stand, et je me trouve à nouveau seul dans la côte Dunlop. Merci à Cyril de SGS roller qui m’a emmené sur un tour.

Peu avant 4h, Cédric qui avait repris après un peu de sommeil me double trop vite pour que je puisse le suivre et je décide de m’arrêter peu après 4h. Toujours soucieux de minimiser la durée des pauses et sous estimant gravement les bénéfices de ne serait-ce qu’une heure de sommeil, je m’arrête 25 minutes seulement (ce qui fait 1h05 de pause au total entre 16h00 et 5h00). Le massage de Magali me soulage, mais la fatigue et le froid me font trembler de tous mes membres. Je constate en plus une douleur à la malléole. Etant apparue avec les patins vitness, je remet mes moulées Renard. Malheureusement le mal était fait et influence mon patinage  ce qui va vers l’aggravement de la douleur.

L’enfer du lever du jour

Depuis le début de ma reprise, peu avant 5h00, je guette les premières lueurs du jour. Mais ce ne sont souvent que des illusions provenant de lumières lointaines. Je réalise que je roule de moins en moins vite et de plus en plus seul, et que la montée Dunlop est de plus en plus longue et cruelle. Je suis aussi à nouveau au bord des crampes et parle même à mes muscles pour leur dire d’être sympa avec moi et d’éviter la crampe, car après tout j’ai essayé d’être sympa avec eux depuis le début en leur épargnant presque tout changement de rythme. Je crois d’abord qu’ils m’écoutent et me laissent un peu tranquille… mais un petit croisé involontaire dans le dernier virage avant les stands et je comprend que non. Tant pis, je ne vais tout de même pas les punir de ne pas m’écouter ! Un peu d’Hydrixir, un Kit Kat, une côte Dunlop et ça continue… Je crois que le jour se lève enfin et je me dit que je me sentirais beaucoup mieux quand je verrai le soleil. Mais il met très longtemps à se dévoiler. C’est étonnant puisqu’il devrait être presque 7h30-8h00 d’après mes calculs. Je regarde ma montre pour m’en assurer : il est bien sûr………. 6h05 ! Vite, au secours, un peu d’Hydrixir pour oublier ce mauvais rêve !

Les tours s’enchaînent de plus en plus difficilement. Je marche avec mes rollers dans la côte, me laisse descendre sans rouler dans la descente, et roule au ralentit jusqu’à la prochaine côte. Je ne peux plus suivre le moindre patineur. Ils vont tous trop vite pour moi. C’est très dur à accepter. Car les 24h solo, c’est aussi réaliser que même si on sait faire un marathon en 1h15, on peut avoir à supplier un patineur en jeans avec des patins en plastique 4 roues qui roule « pour le plaisir » de réduire sa vitesse de quelques km/h afin de pouvoir prendre sa roue… (Attention, ne voyez rien de péjoratif ici : je n’ai pas d’a priori sur la pratique du roller non compétitive que j’ai longtemps adoptée ! Je cherche juste à mettre en évidence le contraste avec une compétition plus conventionnelle et je remercie du fond du cœur tous ceux qui m’ont aidé par leur relais ou leur mots). Je suis seul, ne roule plus, et suis très fatigué.

Puis j’ai horriblement mal à la malléole. Je n’arrive plus à boire ni à manger, j’en n’ai pas envie. Je doute sérieusement de ma capacité à continuer quand je vois qu’il reste près de 10h de course, et même pour ce qui est d’aller jusqu’à la prochaine pause prévue vers 9h. Je savais bien que les 24h solo seraient très dur et je n’ai jamais sous estimé cette difficulté. J’ai par contre sur estimé ma capacité mentale à la surmonter. Et je me suis rendu compte de ça sur le circuit vers 6h30 du matin dans cet état de détresse physique et mentale. Je me dit qu’il faut maintenant renoncer à mon programme de départ, qu’il était irréalisable d’autant plus que je suis parti beaucoup trop fort. Et encore cette côte Dunlop, et tous ces patineurs qui défilent. Je me met alors à pleurer ce qui ne m’était pas arriver depuis des années. Et ça fait du bien. Un patineur vêtu d’une combi rose (peut être R.S. Hyérois ?), je me souviens ralentit et me dit quelques mots. Un grand merci à lui s’il me lit, ça m’a réconforté. Je fait encore un tour, je ne pleure plus, mais suis toujours dans le même état. Puis revient à nouveau la côte Dunlop qui n’en finit plus et je fonds en larmes à nouveau. J’ai envie de faire demi-tour pour regagner le stand, mais je vois l’arche Dunlop qui signifie un court répit et repense à mes derniers kilomètres du Mt Ventoux quand on voit l’Antenne du sommet annonçant que tout est bientôt fini. Donc j’arrive en haut, redescend et m’arrête au stand peu avant 7h00.

Je déchausse et m’installe sur mon matelas, étalé à côté de la tente. Je n’avais pas prévu de dormir mais m’y résout. Toujours accroché à mon programme, je demande cependant à Fred de me réveiller dans 25 minutes, et lui dit que je n’ai besoin ni de couverture ni de duvet pour si peu de temps. Je somnole et me refroidis très vite et suis trop déprimé pour repartir après les 25  minutes. Fred, et Florent m’apportent une couverture et Fred me propose de me réveiller dans deux heures. Je lui dis une heure. On tranche avec 1h30 et je m’endors.

Un second souffle

Je me réveille totalement après 1h30 et sens que j’ai fait le ménage dans ma tête, que je suis calmé. Je reste allongé et réfléchis. Que faire jusqu’à 16h00 au point où j’en suis ? Je me dis un moment que je vais peut être rester me reposer et encourager les autres solistes jusqu’à 15h50 ou je ferai un dernier tour en roller. Mais je me souviens de toutes les fois où j’ai pensé à ces 24h depuis Noël. Je me dis que l’an prochain à la même date je passerai mes concours. Puis je me dis qu’ayant 18 ans, ce n’est pas grave si ma perf n’est pas à la hauteur de ce que j’avais espéré : je ferai mieux quand je serai plus âgé et donc plus apte pour ce type d’effort. J’ai qu’à continuer en me faisant plaisir et c’est tout. Puis je repense à tous les moments où j’ai rêvé en lisant Ultrafondus magazine (www.ultrafondus.com) et ses récits d’Ultra-trails, de 100 km, 24h, ou 48h en course à pied. Donc je me prends un bol de Miel Pops, quelques Pims, et un peu de Pringles puis un grand verre de nectar de poire, et je repars tranquillement avec un chausson en néoprène pour protéger la malléole.
Je me sens alors renaître sur la piste. La douleur à la malléole diminue au fur et à mesure que le pied devient bien chaud et que je me concentre sur autre chose. Je retrouve du plaisir à rouler, à accrocher des pelotons, à doubler du monde en particulier dans la côte qui passe toute seule, et à écouter tous ces gens qui m’encouragent. Les tours s’enchaînent assez vite, et tout va bien ! Merci Fred de m’avoir envoyer au lit (sans manger) ! Cette euphorie dure jusqu’à la fin de la matinée où la chaleur s’installe.

Un nouveau moment difficile

Mes jambes et mes pieds me rappellent vite la dure réalité d’un 24h et d’une côte Dunlop. Une fois encore, mes chronos s’effondrent, je ne peux plus suivre personne, j’ai mal partout et le nombre d’heures restantes me déprime… et il fait chaud ! Mais à la différence de tout à l’heure, je commence à sentir que le moment où je verrai la « lumière du bout du tunnel ». Donc j’arrête de penser à tout ça et je roule ( « je-roule-donc-je-suis » et non « je pense donc je suis », attention !). Heureusement, Fred qui était également membre d’une autre équipe débarque sur le circuit et relaie à ma vitesse pendant quelques tours. Ca me redonne un peu le moral. Je me fait par contre un peu de souci pour Alain que j’ai vu très mal en point… C’était apparemment passager.

Je refais une petite pause avec un massage express et met une Compeed à un endroit où ça fait mal, puis je me lâche sur mon paquet de mini-quiches  Belin et mes Pringles. J’apprends la mésaventure technique d’Alain, mais aussi  son classement, notamment par rapport à celui de Gelly. Je repars un peu boosté par le massage et les mini-quiches et retrouve Cédric qui ralentit un peu et relaie beaucoup pour moi. On roule ensemble en discutant pour faire passer le temps, puis on rattrape vite Alain et JP. Alain décide après accord de JP de se joindre à nous pour tenter de reprendre son tour de retard conséquent à sa mésaventure et dépasser Gelly. Cédric surtout et moi dans une moindre mesure l’aidons en relayant un peu plus fort que sa vitesse habituelle et nous dépassons Gelly. Je reste un peu avec eux puis refait une pause car je ne me sens pas très bien.

Vers la sortie du « tunnel »

J’entame difficilement mes quatre dernières heures : je roule très lentement mais sûrement, régulièrement et je n’hésite pas à faire un ou deux courts arrêts au stand pour m’asseoir. Je souffre, mais la proximité de la fin me permet de trouver la force de continuer. Je fais un tour accompagné de Cyril de roller-numérique qui me photographie de tous les côtés : ça me change un peu les idées. Je bois beaucoup et me verse de l’eau sur le corps pour lutter contre la chaleur. Je regarde avec surprise et compassion un coureur Bont se faire arrêter par une voiture de juges dans la descente. Je fais une dernière pause au stand de ravitaillement à 14h05. J’ai une petite discussion avec Florent : combien ai-je fais de tours ? 89. Combien faut-il en faire pour passer la barre des 400 km ? 96. Combien de temps reste-t-il ? 1h50. Il fait le calcul sur son téléphone portable et me dit que c’est jouable sans rouler trop vite. Je pars sans trop savoir car j’étais vraiment dans un sale état avant ma pause.

Le dernier sursaut

Retrouver un objectif me permet de retrouver des forces que je devais avoir gardées quelque part. Je me mets alors à rouler beaucoup plus vite qu’il ne l’aurait fallu pour me contenter de cet objectif des 400 km. Je double pleins de monde dont Alain et JP qui me semble tout frais… Je fais même des accélérations dans la côte Dunlop que j’ai le sentiment d’avoir vaincu, prend des pelotons et relaie fort ; bref je m’amuse comme en marathon et compte le nombre de tours restants pour les 400 à chaque passage à la ligne : 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, 0 ! Quelle joie ! Il me reste du temps et sens le contrecoup de ces tours rapides et ne sachant pas que j’étais à un tour du 5é, je ne tente rien. Je lève le pied en m’accordant même une pause en haut de la côte pour regarder derrière moi à quoi ressemble cette côte d’en haut. Je roule régulièrement en pensant à mon arrivée et regarde le spectacle derniers tours des équipes en tête du général. Au milieu d’un de ces gros pelotons roulant à fond, je vois Sébastien Henry qui se tourne vers moi en souriant et en me disant que c’est bientôt fini. Merci à lui. Puis quelques centaines de mètres avec Yannick, aussi.

Je passe la ligne 12 minutes avant la fin et Goyan me dira un peu plus tard dans la deuxième partie de la descente qu’il reste 8 minutes pour passer la ligne, ce qui est largement suffisant. Je passe la ligne pour la centième fois au bout de 23h58 je crois. Puis c’est avec une vive émotion que j’attaque ma dernière côte Dunlop ! Je fais une grosse accélération en haut et pousse un cri de joie : j’en suis venu à bout 101 fois ! Je finis mon tour assez rapidement, mais pas assez pour justifier une fréquence cardiaque dans les 180… Dernier virage, passage devant les stands, je suis heureux et ému comme je l’ai rarement été ! Je suis à la limite de pleurer, de joie. Je passe enfin la ligne et retrouve les autres solistes, et tous les amis. C’est un moment d’émotion inoubliable ! Je réalise alors ce que je viens de faire et ressent un bonheur immense.

Pour conclure

J’ai vécu 24 heures exceptionnelles. J’y ai pensé tous les jours depuis le mois de Novembre, et c’est arrivé. J’ai fait le nombre de kilomètres que j’espérais même si je ne pouvais que très difficilement l’estimer. J’ai fait des erreurs notamment au début, mais c’est ainsi et j’ai fait avec. J’ai beaucoup appris sur moi-même : j’ai entres autres compris que même dans les moments où l’on va très mal, où  « le feu qui me fait avancer s’éteint », il reste une « étincelle » quelque part qui peut le rallumer, peut être à condition de s’écouter et de dormir un peu pour ne pas risquer de l’étouffer (désolé pour cette métaphore un peu pompeuse, mais je crois qu’elle exprime bien mon sentiment). C’était aussi humainement très enrichissant tant en ce qui concerne les relations avec les autres coureurs avec lesquels j’ai couru plus ou moins longtemps qu’en ce qui concerne la collaboration avec Fred, Mag et Flo. Je suis encore ému et  plein de reconnaissance quand je pense à tout ce qu’ils ont fait pour moi. Je les remercie de tout cœur. Se sentir soutenu par tous ces gens qui m’ont encouragé a été aussi non seulement nécessaire pour continuer mais a contribué à ce que ces 24h soient un si grand moment pour moi. Donc un grand merci à tous ceux qui m’ont encouragé. Je voudrais également féliciter tous les autres solistes et en particulier JP, Alain et Cédric avec qui nous formions dans une certaine mesure une équipe.

Après trois jours d’inactivité, je n’ai plus de courbatures mais entame la pause saisonnière. Cependant, les 24h restent tellement ancrées en moi qu’elles en affectent encore mon sommeil et même mes rêves : j’ai fait un rêve dans lequel je me déplaçait (pas en roller) dans une maison puis dans un jardin, mais avec la particularité que je reproduisais exactement le même itinéraire dans ces lieux un très grand nombre d fois. Je repense aussi à une réflexion que j’ai faite à Cédric pendant la course : tourner un si grand nombre de fois sur un circuit, en montant, et descendant pour remonter au prix d’efforts énormes me rappelait un cours de philo sur le mythe grec de Sisyphe. Ce héros de la mythologie grecque était condamné aux Enfers à (faire) « rouler » une lourde pierre  jusqu’au sommet d’une montagne, laquelle pierre retombait ensuite de l’autre côté, condamnant Sisyphe à reproduire infiniment son effort devenu symbole de l’absurde. Je me suis dit alors : « oui, mais moi, j’ai en plus payé 150 euros pour pouvoir faire ce genre de choses ! ». Voilà, je crois que j’ai enfin compris pourquoi j’ai voulu faire les 24h du Mans en solitaire.

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Texte : Thibaut Dejean
Photos : Sylvain Rouillard

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Auteur Coupure de presse sur l'équipe du Burdigala
COMMUNIQUE DE PRESSE 'Press Release'

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