Portrait : Xavier Bleuzen prend sa retraite d’arbitre de rink hockey

Xavier Bleuzen, arbitre international de rink hockey, a décidé de prendre sa retraite sportive à l'issue des World Roller Games 2019 à Barcelone (Espagne). Il revient avec nous sur l'ensemble de sa carrière et sur ses projets pour les années à venir...

Par Vernon SULLIVAN

Portrait : Xavier Bleuzen prend sa retraite d’arbitre de rink hockey

Rencontre

Bonjour Xavier, comment as-tu débuté le rink hockey ?

Xavier BleuzenA Ergué-Gabéric, le rink est une institution, donc il est normal de faire ce sport plutôt que du football. J’ai commencé à l’école de patinage à un peu plus de 4 ans et j’ai joué jusqu’à l’âge de 10 ans. Ensuite, divers déménagements ont fait que j’ai dû arrêter.

Puis, à 18 ans je suis rentré en STAPS à Dijon. J’ai découvert Internet et j’ai fait des recherches sur le rink. J’ai pris contact avec Jean-Yves Philippe, dirigeant de Colmar qui est maintenant à Blain (44). Puis j’ai été contacté par Richard Perez de Gleizé (69). J’ai repris le rink hockey en partant de zéro (patinage, technique, tactique). Je faisais les trajets Dijon-Gleizé 2 à 3 fois par semaine.

Comme c’était assez difficile de concilier les trajets et les études, j’ai décidé de m’installer dans la ville des conscrits, à Villefranche-sur-Saône (69). J’y suis resté 8 ans.

A la naissance de ma première fille, je suis revenu habiter à Ergué-Gabéric (29).

Les débuts en tant qu’arbitre de rink

J’ai passé mon examen d’arbitre régional à 20 ans, sur un match de Coupe de la Ligue Rhône-Alpes : le RHC Lyon contre Vaulx-en-Velin, les 2 équipes jouaient en N1 Elite. Et un an après, j’ai passé l’examen national au tournoi international des Alobroges de Chambéry (73).

Pour l’anecdote, mon premier match officiel en N1 a encore été Lyon contre Vaulx-en-Velin en 2009. J’ai arbitré avec Philippe Aubre, aujourd’hui élu à la fédération. J’ai pris une mauvaise décision qu’il a corrigé. J’ai compris qu’il fallait se mettre vite dans le bain, ne pas tergiverser, ne pas être « gentil », faire appliquer le réglement et se faire respecter.

Enfin, en 2010, j’ai passé mon examen d’arbitre international sur un match amical entre 2 équipes Allemandes pendant le Championnat d’Europe masculin de rink hockey de Wuppertal (Allemagne). Il m’a paru relativement facile avec un examen théorique à l’écrit, un examen pratique.

Qu’est-ce qui t’a fait faire le choix de l’arbitrage ?

J’arbitrais les jeunes à Gleizé le dimanche pour dépanner. Au final, on m’a demandé si je voulais passer mon examen d’arbitre régional, ce que j’ai fait. Après quelques matchs, on s’améliore et on prend du plaisir. On a envie d’aller voir ce qui se passer au dessus, au national.

Ce n’est pas forcément facile de se dire qu’on va se consacrer uniquement à l’arbitrage. Mais en tant que joueur, je n’aurais jamais pu atteindre ce niveau.

 » Je pense que si on veut être efficace dans ce qu’on fait, il ne faut pas courir plusieurs lièvres à la fois. »

Si on veut être un bon arbitre, il ne faut faire que de l’arbitrage et surtout beaucoup de matches afin d’acquérir de l’expérience. Plus on commence tôt mieux c’est.

Aujourd’hui, je ne regrette absolument pas ce choix, cela m’a permis d’arbitrer des grands matchs, de grands joueurs, de faire de beaux voyages, d’aller dans des villes, pays et des salles où je ne serais sans doute jamais allé sans l’arbitrage.

Xavier Bleuzen

Cela t’a quand même demandé beaucoup de sacrifices ?

Oui, tout le temps. En termes de temps, on arbitre à peu près 30 matchs dans la saison. Dans le Championnat de France par exemple, on voyage beaucoup : Lyon, Saint-Omer sur tout un weekend. En Coupe d’Europe de rink hockey, on part 3 jours, du vendredi au dimanche, sur une saison de 10 mois (septembre à juin) . Ensuite, il y a les formations, les séminaires, les supervisions de jeunes arbitres sur les phases finales de Championnat de France. Il faut 5 à 6 arbitres sur ces matchs-là. Sur une saison, il nous reste donc 4 ou 5 weekends de libres environ.

Ta mise en lumière a-t-elle provoqué des réactions ?

Certains arbitres me jalousent mais ne se rendent pas compte de l’engagement que cela nécessite : regarder les matchs en analyse vidéo (des heures et des heures devant l’ordinateur), la préparation physique, la préparation alimentaire, l’entraînement. Je ne bois pas, je ne fume pas. C’est un choix. Il n’y a pas de surprise. C’est normal d’être sur de gros matchs. On voit la différence entre ceux qui sont professionnels dans leur état d’esprit et ceux qui ne le sont pas.

Toutefois, j’ai reçu des messages de dirigeants, de joueurs pour me féliciter pendant le mondial 2019, par rapport à mes différentes désignations. Dans le car du retour, une maman est même venue me voir car son fils m’avait suivi pendant toute la compétition !

Xavier Bleuzen

Que fais-tu comme travail à côté ?

J’en ai fait plusieurs ! A la base, je suis préparateur physique. J’ai fait plein de petits boulots : technicien dans le médical, de la livraison dédiée…

Comment concilies-tu le travail et ta passion du rink  ?

Dans tous les jobs que j’ai eu, j’ai toujours fait en sorte que le hockey passe avant le travail. C’est une vocation. J’organise toutes mes vacances, mes weekends, tout en fonction du hockey. J’ai pris trois semaines de vacances pour Barcelone !

« La différence entre un arbitre et un joueur, c’est que le joueur joue tous les 15 jours à domicile. »

En N1, on touche 100 € par match. C’est ridicule. Certains joueurs diront qu’ils ne sont pas payés. A eux de négocier avec leur club. Certains joueurs dans le Championnat de France gagnent bien leur vie. On s’est battus pour avoir cette somme-là.

As-tu atteint tes objectifs personnels grâce à ce dernier mondial en Espagne ?

A chaque fois que je commence une compétition (N1 élite, Coupe de France, Championnat international…), je me fixe comme objectif d’aller le plus loin possible ou d’arbitrer les meilleurs matches. 

Mon objectif final senior était d’arbitrer une finale de Championnat du Monde. Je n’ai donc malheureusement pas atteint cet objectif. L’Espagne n’étant pas passée en finale, ils ont privilégié des arbitres espagnols. C’est indépendant de mes compétences. J’aurai pu être le meilleur du monde, cela n’aurait rien changé. Les arbitres Espagnols ont été très bons sur la finale.

Xavier Bleuzen

Tu as quand même arbitré 3 matchs de très haut niveau à Barcelone…

Oui, j’ai fait la finale U19, c’est déjà une belle récompense et une belle reconnaissance. Sur les seniors, j’ai fait de très beaux matchs avec la demi-finale Portugal-Espagne qui vaut largement une finale à mes yeux. Même si je n’ai pas fait de finale, le job a été fait, il est temps pour moi de passer à autre chose. Il faut savoir arrêter au bon moment.

Qu’est-ce qui t’a poussé à arrêter ?

Xavier Bleuzen et ses filles

Dans le Championnat de France, je n’arrive plus trop à prendre de plaisir. J’ai deux filles. Je voudrais bien pouvoir profiter d’elles. Ma grande a 10 ans, la petite en a 5. Elles ne m’ont jamais vu le weekend. Elles ne savent pas ce que c’est que d’avoir papa le weekend, en plus du travail la semaine. J’ai une perte de motivation et le besoin de retrouver mes filles.

Qu’est ce que tu souhaites pour l’arbitrage français ?

Je souhaite que l’arbitrage français soit plus « professionnel ». Comme je disais avant, on ne peut pas être arbitre et joueur. De même je pense qu’il est difficile d’être arbitre et formateur. Nous manquons de formateurs en France et les arbitres en activité manquent de temps pour faire ce travail correctement. On ne peut pas être superviseur ET arbitre.

Les arbitres de N1 Elite sont supervisés quasiment à chaque match, mais en N2, en N3, en Régionale…rien ! Le problème est là. Comme pour une équipe qui accède à l’échelon supérieur, la marche est dure à passer. Pour les arbitres c’est pareil. Passer de la N2 à la N1 Elite, c’est très compliqué. La première raison est l’arbitrage à deux. Je n’ai pas la solution, mais je pense que TOUS les matches, peu importe le niveau, devraient être arbitrés par des binômes. Ces paires d’arbitres doivent être fixes pour travailler les automatismes et la confiance. Et des superviseurs devraient être présents sur les terrains pour évaluer TOUS les arbitres et établir des classements en fonction du niveau des arbitres et non de leurs disponibilités.
Et surtout, les arbitres se sentiraient beaucoup moins seuls.

J’ai arbitré il y a peu de temps, seul en Régionale, je n’ai pris aucun plaisir.
Mais pour avoir 2 arbitres, les règles de fonctionnement doivent changer.

Que vas-tu faire maintenant ?

Là maintenant, je vais travailler avec la WorldSkate pour continuer de former des arbitres en France et dans le monde entier. Cela me permettra de continuer de voyager, ainsi que d’aider d’autres pays moins bien lotis que la France comme les USA ou en Asie de pouvoir bénéficier de mes compétences pour former leurs arbitres et espérer créer des vocations.

Je vais travailler sur les règles du jeu avec la WorldSkate pour faciliter le jeu et l’arbitrage. Je vais davantage travailler de chez moi, ça sera beaucoup moins lourd en déplacements. Je pourrais faire des supervisions en vidéo en N1, voir des arbitres N2 à Ergué, la salle est à 500 m de chez moi. Pas forcément tous les weekends !

Ce n’est donc pas un arrêt complet du rink… plutôt une reconversion

C’est plutôt une suite logique. Après avoir été arbitre, il faut faire profiter les jeunes arbitres de mes compétences et connaissances pour mieux les former. Certains diront que je suis jeune (37 ans) pour m’arrêter. Je pense qu’il n’y a pas d’âge. Je ne me sens pas de continuer l’arbitrage jusqu’à 50 ans. Je vais garder mon hygiène de vie et faire du sport avec mes filles, j’aurai davantage de temps.

Quels ont été tes plus beaux matches ?

Depuis notre dernière interview en 2016, de nouveaux matchs sont passés devant. Il y a des matchs de Championnat de France avec de jeunes arbitres sur lesquels j’ai pris énormément de plaisir. A côté de ça, il y a eu des finales prestigieuses qui m’ont donné autant de plaisir. ça n’est pas forcément comparable malheureusement.

En général, je considère que les beaux matchs sont faits par les joueurs. S’ils jouent le jeu, on fait de bons matchs. Peu importe le prestige du match, que ce soit une finale internationale ou un match de N2, cela peut donner la même sensation de plaisir.

Je me souviens d’un match de N3 en ouverture de la N1 à Lyon. Les joueurs étaient heureux d’avoir deux arbitres internationaux pour les arbitrer et ils nous ont remerciés d’avoir été là. Pour nous c’était normal. On avait pris énormément de plaisir à les arbitrer.

Xavier Bleuzen

Un dernier mot pour conclure sur un sujet qui te tient à coeur ?

Xavier Bleuzen au mondial rink hockey 2015Je pense que le rink doit faire un effort pour évoluer. Il faut que les gamins aient 10 clubs proches de chez eux. C’est ce qui fait qu’ils feront du hockey. Ils n’auront pas les problèmes de déplacement à 250 km le samedi pour jouer 4 matchs.

Il y a trop peu de clubs pour qu’on se permette de se tirer dessus. Si chaque club de N1 Elite et de N2 aidait à la création de petits clubs satellites autour d’eux en permettant notamment à leurs entraineurs de faire des heures d’entrainement dans ces petites structures, on pourrait augmenter de manière significative le nombre de licenciés : un club de 20 licenciés est aussi important que celui qui en a 300, mais pour ça, il faut de l’entraide et ne pas avoir une vision nombriliste de notre sport. Plus il y aura de petits clubs de 20 licenciés, plus l’attrait de notre sport sera intéressant.

Les instances fédérales pourraient aider financièrement à l’achat de patins, de crosses, de matériel de base. Il pourrait y avoir dans chaque club de rink une équipe de inline et inversement, cela permettrait aux deux sports de se développer.

« Il faut arrêter la séparation entre le inline et le rink, les deux doivent s’aider mutuellement. »

Le rink hockey fait un complexe d’infériorité. Il ne faut pas peur avoir faire de la pub, de créer des équipes féminines, de verser des salaires aux joueurs, de dédier des entraîneurs aux petits clubs voisins. On doit viser l’intérêt commun, pas l’intérêt individuel. Ayons une ambition de croissance, de développement, plutôt de maintien et de survie.

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Auteur
Vernon SULLIVAN 'SULLIVAN'

Passionné de roulettes devant l'éternel, le jour j'écume le bitume. Si je me crashe, si je tombe, ma peau s'arrache mais pas mon coeur de roller !

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