Interview avec Fernando Regueiro, président du comité Roller Derby de la FIRS

Fernando Regueiro évolue dans le monde du Roller Derby depuis presque dix ans. Il a été nommé président du comité Roller Derby au sein de la Fédération Internationale de Roller Sports. Interview...

Par alfathor

Interview avec Fernando Regueiro, président du comité Roller Derby de la FIRS

Entretien

Bonjour, M. Regueiro, pourriez-vous vous présenter ?

Fernando RegueiroJe m’appelle Fernando Regueiro et j’ai récemment été nommé président du comité technique de Roller Derby à la FIRS. Cela fait bientôt dix ans que je suis dans le Roller Derby, à travailler directement avec les athlètes, les officiels et les ligues. J’ai travaillé à la fédération américaine, au sein du comité sportif pendant quatre ans, et au conseil d’administration pendant deux ans. J’ai été président du comité pendant deux ans, et j’ai tenu un rôle important dans le développement de leur programme de Roller Derby et dans l’organisation de chacun de leurs championnats nationaux.

Je suis également le directeur général des Chicago Red Hots, un des clubs précurseurs du mouvement qui cherche à importer dans le Roller Derby les types de structures organisationnelles utilisées dans les sports reconnus à grande échelle. Avant cela, j’étais à la tête du comité événementiel et je faisais partie du conseil d’administration des Windy City Rollers, une des équipes majeures du renouveau de ce sport.

Comment avez-vous commencé à rouler ?

Je ne roule pas en compétition, je suis surtout passionné par la partie organisation du Roller Derby, et du patin en tant que sport. J’ai des années d’expérience en marketing sportif, branding, promotion et organisation d’événements. J’ai également une connaissance directe de la structure des sports traditionnels, et des bénéfices qu’un sport peut retirer de telles structures.

Qu’est-ce qui vous a amené au Roller Derby ?

Il y a plus de dix ans, ma femme, Dakota (Kola Loka), et moi avons assisté à l’un des premiers matchs de Roller Derby à Chicago, entre deux home teams des Windy City Rollers. Elle s’est inscrite peu de temps après et joue au plus haut niveau depuis. Elle a, entre autres, participé à quatre championnats nationaux WFTDA et à trois championnats nationaux USARS. Depuis qu’elle a commencé, je suis impliqué dans l’organisation des équipes, des comités, des administrations, des événements et partout où je peux être utile.

Avez-vous pratiqué d’autres disciplines en patins ?

Pas en compétition. Il y a longtemps, j’ai été footballeur professionnel à Mexico durant quelques années, et cette expérience a définitivement influencé mon point de vue sur ce que peut être le Roller Derby.

Vous étiez d’abord dans une ligue WFTDA, puis vous avez rejoint une ligue USARS. Quelle est la différence ?

J’ai adoré mes années passées avec les Windy City Rollers. Quand j’ai commencé, la WFTDA n’existait pas encore, mais il y avait l’ULC. La toute première réunion pour créer la WFTDA a eu lieu à Chicago à l’époque, et nous étions l’une des ligues fondatrices. Nous étions aussi une des ligues pilotes pour le programme d’assurance WFTDA quand je faisais partie du comité directeur de la ligue, et nous avons organisé les championnats nationaux WFTDA 2010 à Chicago. En fait, nous avons grandi en tant que ligue avec la WFTDA. Par rapport à toutes ces années d’expérience, j’ai un énorme respect pour ces deux organisations et pour ce qu’elles ont apporté au sport. Je leur en suis extrêmement reconnaissant et j’ai beaucoup appris de ces années-là.

J’ai, hélas, connu des dernières années difficiles à Windy City, à cause du lien direct de cause à effet que nous avons observé entre la lenteur de notre style de jeu et la conservation de nos fans. Certains d’entre nous ont tenté de mettre l’accent sur l’importance du ressenti des spectateurs, mais sans grand succès. Le nombre de nos fans est passé de 4500 à 500 personnes, et nos revenus ont chuté. C’est à ce moment-là que trois d’entre nous ont décidé de créer les Chicago Red Hots.

Pour ce qui est des différences, en plus de jouer avec les règles USARS, qui sont très centrées sur l’aspect spectateur, nous avons décidé de recommencer à zéro avec les Chicago Red Hots, et de challenger tous les concepts qui se cachaient derrière les « ligues » de Roller Derby traditionnelles, en utilisant toutes nos expériences passées pour en améliorer les procédures. Nous nous concentrons en interne à traiter les athlètes en tant qu’athlètes. Nous n’avons pas de comités, d’heures de volontariat, etc. ni même d’exigences en matière de présence. Nos joueuses viennent à l’entraînement et jouent, elles ne font rien de plus. La Head Coach est à la tête de la partie athlétique de notre club et décide de qui joue ou pas, en se basant sur les performances des joueuses. Je suis directeur général et je m’occupe de la partie business du club. J’ai une équipe de professionnels (qui ne sont pas joueurs) qui gèrent les partenariats, le marketing et la production, et certains d’entre eux travaillent sur commande. Ils prennent des décisions rapides et efficaces, sans passer par des votes, sans rencontrer d’obstacles, en suivant un plan stratégique. Nous avons des investisseurs et nous sommes à but lucratif, mais tous nos profits annuels sont réinvestis dans l’équipe. Tous nos membres, c’est-à-dire les joueuses, les officiels, les annonceurs et le staff, ont des entrées gratuites et perçoivent 33 % des recettes qu’ils génèrent. Nos joueuses touchent en moyenne 45 $ par match et certaines on fait près de 400 $ en un seul match.

En externe, notre priorité numéro un, ce sont nos fans. Nous nous concentrons sur les familles et les enfants : l’entrée est gratuite pour les moins de 17 ans, nos matchs commencent à 17 h 30 et nous limitons nos événements à un seul match par soirée, pour que les familles puissent rentrer tôt chez elles. Nous avons 4 joueuses élites juniors qui ont entre 14 et 18 ans et qui sont autorisées, conformément au règlement USARS, à jouer avec les adultes. Cela les a non seulement aidées à se construire en tant que joueuses, mais nous a aussi aidés à faire passer notre message sur l’importance de la famille. Nous gérons notre marque avec soin et observons des lignes directrices très précises pour assurer une cohérence globale. À l’exception de nos entraîneuses sportives, nous n’acceptons que de l’argent liquide et refusons les contributions en nature, afin d’augmenter la valeur perçue de notre marque. Il y a bien trop de différences à énumérer, mais le concept est que le club des Chicago Red Hots est conçu d’après des organisations sportives prospères, où les domaines sportif et commercial sont dédiés à la réussite dans leurs champs d’expertise respectifs, sans mélanger les responsabilités.

Quels sont vos rapports avec la WFTDA, qui est considérée comme la référence dans le milieu du Roller Derby ?

Chicago Red HotsComme mentionné plus haut, tout au long de mes fonctions à Windy City, j’ai beaucoup été en contact avec la WFTDA. J’ai arrêté d’être membre de la WFTDA quand leur accord de non-divulgation a commencé à inclure des clauses qui interdisaient spécifiquement la promotion d’autres « instances sportives dirigeantes », ce qui visait le travail que j’avais récemment commencé à entreprendre avec l’USARS. Mon rôle au sein de l’USA Roller Sports consistait entre autres à être en contact avec la direction de presque toutes les organisations de Roller Derby du moment, dont la WFTDA.

Comme vous le savez, la WFTDA ne souhaite pas coopérer avec la FIRS, et essaie de faire reconnaître le Roller Derby par le CIO. Que pensez-vous de cette situation ?

Cette décision a été prise par la WFTDA, et je laisserai à d’autres le soin d’analyser leurs raisons et leurs objectifs. Cependant, je pense qu’il est important d’apporter quelques éléments de contexte. La relation entre la FIRS et le CIO n’est pas basée sur un seul et unique sport : la FIRS représente 10 disciplines distinctes des Roller Sports. La FIRS entretient aussi des liens étroits avec la PASO (Organisation sportive panaméricaine), l’ARISF (l’Association des fédérations internationales de sports reconnues par le CIO), SportAccord, l’Organisation des Jeux mondiaux ainsi qu’avec d’autres instances sportives. Perturber ces liens et compromettre les neuf autres disciplines semble improbable, mais c’est très certainement une décision qui correspond au CIO. De plus, le seul chemin viable pour que notre sport soit représenté dans les différents Jeux, olympiques, mondiaux, panaméricains, européens, et autres championnats continentaux, ainsi qu’aux Roller Games mondiaux, passe par la FIRS. C’est la raison principale pour laquelle j’ai accepté ce poste.

Le Roller Derby est un sport féminin et féministe. N’est-ce pas un paradoxe de nommer un homme à la tête de ce comité ?

Je pense qu’il est important pour toutes les personnes impliquées dans le Roller Derby d’honorer et de respecter le travail qui a été fait, et ce principalement par des femmes, pour créer la version moderne de ce sport. C’est un exploit incroyable, dont il faut être fier.

En même temps, je sens que j’ai la responsabilité de reconnaître et de respecter les athlètes, femmes et hommes, qui ont fait partie des versions précédentes du sport, depuis 1935, ainsi que l’énorme contribution et le soutien des officiels, annonceurs, bénévoles, qu’ils soient hommes ou femmes, depuis les 13 dernières années.

Tout au long de ma carrière, j’ai toujours été un fervent supporter du mouvement féministe dans le Roller Derby et j’ai exclusivement pris part à des équipes féminines, mais la réalité est que le Roller Derby a évolué organiquement, de manière à inclure tous les genres. D’après ce postulat, je crois que c’est de notre responsabilité à tous, en tant que dirigeants, de défendre équitablement tous les participants et de promouvoir le sport dans son ensemble. Ce serait un vrai paradoxe de parler de l’évolution du sport vers le CIO et le monde sportif, tout en préservant une mentalité exclusive, concentrée sur un seul genre.

Il est de mon rôle de promouvoir l’unité, l’inclusion et la collaboration au sein de notre communauté, pas seulement en termes de genres, mais aussi en termes de styles de jeu, de types de tracks, d’âge, d’expérience, de niveaux de compétences, etc.

Quels sont les objectifs de la FIRS concernant le Roller Derby ?

La FIRS, comme toutes les autres instances dirigeantes internationales dépendant du Comité international olympique, cherche à promouvoir le développement et l’évolution du sport pour augmenter la portée du Roller Derby à une échelle globale et internationale. L’un des principaux objectifs de l’organisation est d’arriver à faire entrer les disciplines du roller aux Jeux olympiques pour qu’elles touchent la plus large audience possible.

Est-ce que la FIRS veut imposer des règles standards ? Si oui, celles de l’USARS, de la WFTDA ou de nouvelles règles ?

FIRSBeaucoup de sports ont un règlement international de compétition différent de celui adopté par les organisations nationales ou professionnelles. L’IIHF et la NHL en hockey, ou la FIBA et la NBA en basket-ball font partie des meilleurs exemples. Cela peut arriver quand les publics, les philosophies ou les besoins ne sont pas les mêmes. Lorsque les athlètes jouent dans leurs ligues nationales ou professionnelles (NBA ou NHL), ils jouent avec des règles spécifiques, mais quand ils prennent part à des compétitions continentales ou internationales, ils s’adaptent aux règlements internationaux (FIBA ou IIHF). Alterner entre les règlements n’est pas un problème pour les bons joueurs, qui n’ont en général besoin que de quelques entraînements pour s’habituer aux différences.

En terme d’adoption, c’est le règlement FIFA en football qui a connu le plus de succès. Il est utilisé par la plupart des ligues nationales et professionnelles, ainsi que pour les tournois internationaux… le point intéressant étant que le règlement FIFA n’est pas géré par la FIFA, mais par une instance « gardienne » indépendante, l’IFAB (Conseil International du Football Association). Ce Conseil détermine les règles en se basant sur la sécurité des participants et sur l’effet que les règles ont sur la satisfaction des fans.

La FIRS, au même titre que la FIBA et l’IIHF, établira un règlement international qui sera utilisé dans les compétitions internationales du Mouvement olympique, y compris pour les Roller Games mondiaux de 2017. Sur le long terme, l’idée est de créer un conseil d’experts similaire à celui de l’IFAB pour gérer et mettre à jour ce règlement.

Est-ce que le Roller Derby sera aux Roller Games de 2017 ?

Les Roller Games mondiaux de 2017 se dérouleront à Nankin, en Chine, et marqueront une étape historique pour le Roller Derby, en tant que premier tournoi reconnu par la FIRS incluant cette discipline, et en tant que premier événement international regroupant toutes les disciplines du roller, dont le Roller Derby. Notre objectif est de faire de ces Jeux une réussite, pour les fans comme pour les athlètes. L’événement aura lieu dans un an et demi et nous contactons toutes les fédérations nationales en leur offrant l’opportunité de faire partie des 16 équipes qui joueront à cet événement, dans les catégories féminine et masculine.

Souhaitez-vous ajouter autre chose ?

Les Roller Games mondiaux de 2017 en Chine regrouperont plus de 6000 athlètes et coachs, de 100 nationalités différentes, dans 10 disciplines des Roller Sports. L’événement verra non seulement un rassemblement massif des acteurs du monde du roller et du Comité olympique international, mais aussi plus de 200 000 supporters et fans qui profiteront de 16 jours d’effervescence et de célébration, de sport et de spectacle, retransmis par des médias internationaux.

J’aimerais profiter de cette occasion pour encourager tous les athlètes qui font partie d’équipes nationales à profiter de cette chance incroyable que nous avons de représenter notre sport. Contactez-moi sur les médias sociaux ou à rollerderby@rollersports.org pour toute question ou commentaire.

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Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Bonjour à tous, je suis Alexandre Chartier, fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001 avec infosroller.free.fr. Le modeste projet d'étude est devenu un site associatif qui mobilise une belle équipe de bénévoles. Passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne, j'étudie le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

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