Entretien avec Nicolas Belloir, président de la FFRS
L'Assemblée Générale élective de la Fédération Française de Roller Sports va avoir lieu les 8 et 9 décembre prochains à Saint-Ouen. Nous avons rencontré Nicolas Belloir, président de la FFRS pour dresser le bilan de son action. Première partie...
Par alfathor

Bilan et perspectives du mandat pour Nicolas Belloir en 2012
Bonjour Monsieur le président Nicolas Belloir. Pouvez-vous nous dresser un bilan de votre mandat ?
Nicolas Belloir : Le bilan des quatre dernières années : nous avons répondu aux attentes de notre ministère de tutelle en terme d’objectif sur le développement, le nombre de licenciés et les résultats.
Concernant le nombre de licenciés de la FFRS, fin 2008, nous étions à 47000 licenciés, l’année dernière s’est achevée avec 54500 licenciés. On a connu sur cette olympiade une augmentation de 7500 licenciés. C’est significatif mais dans une évolution classique : la course, la randonnée et le roller-hockey ont très bien progressé. Le freestyle également. Ce sont des points à souligner. Nous aurions souhaité une évolution plus importante.

Selon vous, quels éléments ont permis cette progression sur les dernières années ?
Nicolas Belloir :Il y a un travail important qui est fait sur la course et le roller-hockey pour démocratiser la pratique de ces disciplines. On ne rentre pas immédiatement dans un schéma très strict, très vertical. On a des approches, ludiques, ouvertes qui permettent au plus grand nombre de les tester et de les garder, de fidéliser. Ce qui a été frappant pour moi en 2001, c’était de voir le très fort turnover, pas loin de 50% chaque année, ce qui était énorme. Aujourd’hui, on a quand même réussi à fidéliser davantage les licenciés, notamment les plus jeunes, grâce à des approches plus ludiques.
Sur la pratique de la randonnée, un effort de communication important a été fait dans les régions où les clubs ont commencé à accepter l’idée que la randonnée pouvait exister à l’intérieur du schéma fédéral, traditionnellement très compétitif. On doit dépasser ce schéma, ça commence à se faire. Les acteurs de la randonnée l’ont bien compris et surfent là-dessus. C’est un travail collectif.
Les Randos Vertes Roller initiées par Alain Pigeyre avec le concept repris et amplifié par Stéphane Casteran est vraiment dans cette logique.
Il y a eu l’arrivée d’une salariée également, Nicolas Belloir…
Oui.
L’arrivée des nouvelles disciplines l’année dernière comme le roller derby a certainement joué un rôle ?
Nicolas Belloir : Oui, nous sommes aux alentours de 500 licenciés pour le derby. Je prône depuis que je suis à la fédération de sortir du schéma traditionnel du haut niveau. Oui, cela reste notre coeur d’activité, le développement de notre fédération passera par une consolidation de l’existant mais aussi par une ouverture sur les nouvelles pratiques sportives au sens large qui correspondent à des envies très diverses. Le roller-derby participe à cette ouverture. Je suis pour qu’on ouvre la fédération à toutes ces spécialités. Je ne parle pas volontairement de discipline, il faut que l’on sorte de cette logique là ou on va en mourir.
A l’instar du skateboard, pourrait-on voir arriver la trottinette à la Fédération Française de Roller-Sports ?
C’est une question qui a été posée au dernier bureau exécutif. Elle n’a pas soulevé beaucoup d’enthousiasme. Personnellement, en tant que président, je suis très favorable à cette ouverture pour la trottinette.
Nicolas Belloir, revenons au bilan sportif…
En terme de résultats sur les quatre dernières années, la France a gardé son rang mondial. Suivant les disciplines, nous nous situons à la troisième ou à la quatrième place mondiale. C’est quelque chose qu’il faut préserver. Le sport de haut niveau est une des modalités de reconnaissance de notre sport en France. c’est le système qui veut ça en France, nous n’y pouvons rien, il faut s’y adapter. Etre troisième ou quatrième nation mondiale peut avoir du sens quand vous parlez avec des acteurs institutionnels au niveau du ministère.

Nicolas Belloir, cela ne rentre-t-il pas en contradiction avec une volonté de s’ouvrir vers le grand public ?
Nicolas Belloir : Je pense que l’on peut concilier les deux. Le ministère alloue des financements publics extrêmement importants pour le développement du haut-niveau à la fédération. Il est financé à 80% par des fonds publics du ministère. C’est extrêmement important, on ne peut pas s’en priver. Sur un budget de 3 millions d’Euros à la FFRS, les subventions ministèrielle représentent 1,2 millions. C’est vital pour nous. Ils se positionnent sur la progression des effectifs de la fédération et les résultats, sur le haut niveau.
Pour cet aspect du développement « traditionnel », il faut rentrer dans cette logique du haut-niveau fixé par le ministère de tutelle. Ensuite, et ce n’est pas incompatible, il y a tout un travail que l’on peut faire en interne pour capter de nouveaux patineurs à travers le développement des nouvelles pratiques. Ce n’est pas antinomique, ça se conjugue et se complète.
Le modèle fédéral a 30/40 ans, certains responsables dans les comités défendent ce modèle là mais si on ne part que sur cette logique là, la FFRS va régresser. Je considère que l’on est une fédération sur deux jambes avec le haut niveau « traditionnel » et le développement tous azimut pour ceux qui veulent se développer au sein de la fédération. Cela veut dire davantage de travail sur les mentalités, le fonctionnement.
C’est le sens de la réorganisation que l’on a voulu mettre en place au niveau de la fédération où la logique a été beaucoup plus confédérale, avec chacun sa façon de fonctionner, à l’artistique, à la course, au rink-hockey, au roller-hockey…
Hé bien nous, nous avons un fonctionnement fédéral, cela fonctionne dans d’autres fédérations comme le cyclisme ou l’athlétisme qui n’ont pas une structuration aussi détaillée. Il faut donc dépasser cette logique là qui créé des pesanteurs. Tout ne doit pas venir d’en haut, la fédération ne doit pas être intouchable, sclérosée… J’avais dit il y a quatre ans qu’on ne devait pas tomber dans cette logique de bureaucratisation, hé bien je le maintiens avec conviction. Il faut que les disciplines apprennent à travailler ensemble.
Vous parlez là du processus de restructuration salariale en cours au sein de la fédération…
Bien sûr. Il faut que les disciplines travaillent ensemble. Bien sûr que chaque discipline a des particularités, mais comment font-ils au niveau du cyclisme ou de l’athlétisme ? Ils ont un modèle fédéral et ils arrivent à travailler ensemble. Il faut qu’on aille vers cette logique là.
Il existe quand même une certaine unité entre les pratiques de l’athlétisme culturelle entre les différentes pratiques, alors qu’en roller on trouve de grands écarts culturels dans la façon de pratiquer le roller…
Je suis d’accord avec vous sur l’approche culturelle, mais souvent on utilise cet argument pour évacuer le sujet assez rapidement. Je trouve qu’aujourd’hui qu’au niveau de l’athlétisme, entre une pratique très structurée comme le 100 m ou les courses hors stade ou les trails, j’ai du mal à voir la logique culturelle.
Même chose pour le cyclisme, entre le travail sur les vélodromes, le VTT et le BMX, où est la logique culturelle ?
Nous sommes une fédération, pas une confédération où chacun doit défendre son pré carré et son budget. Les comités sportifs n’ont pas d’existence juridique. Nous leur avons donné les moyens de fonctionner.
Les financements publics vont baisser de l’ordre de 5% par an sur l’olympiade à venir. La logique de mutualisation répond à cet objectif. Nous devons trouver les moyens de fonctionner. Nous donnerons aussi des moyens aux nouvelles pratiques pour avoir une structuration fédérale. C’est ce que l’on fait cette année avec le skateboard, trouver des moyens financiers et humains pour répondre aux attentes du skateboard.
Quand il faut réserver un déplacement pour une équipe de France, quelle que soit la pratique, la tâche est la même. On cherche le meilleur coût par rapport à un calendrier. Même chose pour la comptabilité, quel est l’intérêt d’avoir une comptabilité éclatée en sept ou huit au sein de la même fédération ?

Je pense que la crainte des clubs porte surtout sur le fait de trouver un interlocuteur spécialisé dans leur discipline, à même de comprendre leur problématique…
Oui, mais nous serions dans une logique très spécifique. S’ils appellent pour une réponse technique, la logique de mutualisation ne change rien. Le club s’adresse dans un premier temps au comité régional, puis au comité national. Il ne s’adresse pas alors à la secrétaire comptable, mais plutôt au responsable technique de sa discipline. En cela, la mutualisation ne change pas le réflexe par rapport aux disciplines. C’est un faux problème.
La mutualisation est une occasion pour nous d’apporter des réponses à ces nouvelles pratiques. Dans l’absolu, cela veut dire que dans la conception du modèle fédéral que l’on connaît aujourd’hui : on veut une commission, un président, un bureau, que la fédération donne des moyens à la commission de fonctionner, un salarié. Le développement historique s’est fait ainsi, c’était justifié, mais aujourd’hui, on ne peut plus se le permettre.
Le rapprochement avec les autres pratiques sportives, les grands équipements
Nicolas Belloir, y a t-il des collaborations avec d’autres pratiques sportives ou d’autres fédérations pour faciliter l’organisation d’événements sportifs en commun et accroître la visibilité du roller ? On pense notamment au marathon de Berlin jumelant roller et course à pied…
Nicolas Belloir : C’est l’exemple parfait d’une autre mutualisation sur laquelle on doit travailler pour faire connaître le roller. Je suis parfaitement en phase avec cette logique là. Le meilleur exemple pour le roller est certainement le roller course qui peut se rapprocher des marathons à pied.
Je me suis rapproché du Club des Organisateurs de Marathons. C’est un club qui fonctionne très bien. Ils sont aussi en demande pour proposer d’autres produits autour du marathon à pied. L’organisation d’une course de roller ou de marche nordique revient souvent dans les conversations. J’ai notamment eu des contacts avec le marathon de la Rochelle. Le président de ce marathon cherche à développer le roller en même temps que la course à pied.
Je rappellerai d’ailleurs que c’est la position qu’a défendu la France et la Fédération Internationale de Roller pour la candidature du roller aux Jeux Olympiques, en particulier pour la course. Il n’y a pas de coût supplémentaire parce que l’on peut utiliser la logistique et les installations du marathon pour en faire un circuit de course pour le roller. Nous avons eu des échanges très concrets avec la Rochelle, ça ne se fera pas en 2012, mais probablement en 2013.

Des actions sont-elles mises en place dans ce sens au sein de la Fédération ?
Nicolas Belloir : Aujourd’hui, il n’y a pas d’actions concrètes. Il faut voir comment on peut mettre ça en place dans les années à venir. Cela sera certainement un élément de motivation pour le Comité Course lors de la prochaine olympiade mais peut être aussi au niveau fédéral un axe de communication à mettre en oeuvre pour faire reconnaître le roller.
Si l’on veut travailler pour le développement du roller, cela passe par une politique de communication ambitieuse, pas forcément de l’affichage 4×3, mais aussi s’appuyer sur des événements qui ont une vraie légitimité médiatique et sportive. Le marathon a cette caisse de résonance, il faut s’appuyer sur ces événements pour y introduire du roller. On parle du marathon roller mais on pourrait très bien installer une rampe pour faire des démonstrations de freestyle. Ce sont des échanges à aborder…
A l’instar de ce qui se fait avec Rennes sur Roulettes ?
Oui, je ne serais pas forcément objectif à parler de Rennes sur Roulettes, étant très proche de cette organisation et la connaissant parfaitement, mais il faudrait faire un grand weekend de manifestation sportive.
Les organisateurs de marathons à pied veulent en faire de grands rendez-vous sportifs dans chaque grande ville. Plutôt que d’inventer un modèle roller difficile à mettre en place sur un calendrier saturé pour les collectivités locales, cherchons des complémentarités, la cohabitation avec des événements qui ont cette reconnaissance sportive et médiatique.

Y a-t-il eu des tentatives de rapprochement avec ASO et le marathon de Paris ?
Non, mais là aussi, il faut être raisonnable, nous sommes une fédération nationale sportive de 55.000 licenciés. Si l’on commence par envisager de discuter avec ASO, dans quatre ou huit ans, si je suis encore président, on se posera la même question.
Je crois davantage à des événements sportifs qui ont fait leur preuve au niveau régional comme la Rochelle ou Lyon, Lille… Regardons du côté des grandes capitales régionales. Regardons comment adosser le roller à ces grands événements sportifs. Paris viendra en son temps quand, peut-être, on aura fait la démonstration que cela a fonctionné ailleurs…
La FFRS réfléchit-elle à la mise en place d’un événement majeur pour attirer les foules ? Un événement pour tous, on pense à la grande randonnée du centenaire à Paris par exemple ou à un événement fédérant l’ensemble des disciplines…
Nicolas Belloir : Je n’ai pas de projet particulier. Je ne crois pas à la capacité de la Fédération à porter un tel événement elle-même compte-tenu de notre faible surface médiatique. On peut le faire sur un rendez-vous ou davantage à se rapprochant d’événements sportifs d’autres disciplines.
On organisera, peut-être en 2014, les mondiaux de roller-hockey. C’est une des compétences de la Fédération de savoir qui organise ou pas.
Nous devions initialement organiser le mondial d’artistique en 2013, ça ne se fera pas. L’artistique traverse une période de turbulence, nous avons donc annulé l’organisation en France en 2013. Le conseil d’administration se prononcera à la fin octobre sur l’organisation du mondial de roller-hockey en 2014. D’ores et déjà en 2015, nous organiserons le mondial de rink-hockey.
Concernant les équipements, la pratique loisir se développe de plus en plus sur les voies vertes, beaucoup de patineurs se plaignent de revêtements inadaptés au roller ou sans prendre le roller en considération. De quelle façon intervient la Fédération quand un projet de voie verte est lancé au niveau départemental ou régional ?
Je fais partie de ceux qui regrettent que l’on ne tienne pas compte davantage du roller. Avec la Commission Randonnée, nous avons fait remonter les informations au niveau national. Nous nous sommes appuyés sur toutes les problématiques d’accessibilité pour montrer l’intérêt de converger avec les personnes en mobilité réduite. Nous ne sommes pas suffisamment entendus. Je regrette une seule chose : que ceux qui ont des responsabilités au niveau départemental ou régional dans le roller ne s’investissent pas suffisamment dans des structures en dehors du roller que ce soit les CDOS, les sports natures…
Si nous restons confidentiels, c’est aussi parce que nous n’avons pas assez de représentants dans tout ce qui gravite autour du sport pour faire parler du roller. Il faut que chacun ait conscience que tout ne se joue pas au niveau de la Fédération. Tout ne se joue pas au niveau de l’échelle nationale pour faire bouger les lignes. Chacun au niveau local doit investir ces commissions pour représenter le roller et faire entendre sa voix. Nous n’avons pas de réprésentants dans ces commissions.

Le rapprochement avec l’AF3V va-t-il dans ce sens ?
Nicolas Belloir : C’est un élément qui contribue. La convention roule depuis quatre ou cinq ans, c’est très bien mais c’est au niveau national. Je me réjouis de ce rapprochement que j’ai voulu et signé, mais pour moi, il est insuffisant. Il faut qu’au niveau départemental et régional, quand un projet voit le jour, des personnes issues du roller disent « Stop ! Attention on est là ! voilà le type de revêtement qu’il faut ! « . On a souvent connaissance des projets de manière un peu tardive et il est trop tard pour revenir en arrière. Cela participe aussi de cette ouverture de la Fédération.
La Fédération ne se gère pas uniquement de Bordeaux, ceux qui pensent ainsi n’ont rien compris. Je passe plus de temps à Paris pour gérer la Fédération qu’à Bordeaux. On a un système centralisé en France qui fait que tous les échanges et les discussions avec les partenaires économiques, institutionnels et financiers, la communication, se gèrent à Paris. La Fédération se gère à Paris.
La Fédération, c’est aussi 22 régions et 95 départements, c’est au niveau de ce réseau là qu’il faut se développer. Il faut investir les réseaux de sport, de nature, le CDOS, le CROS, nous devons être présents à l’échelle régionale, locale, c’est un travail de réseau à entreprendre, nous ne sommes pas suffisamment matures à ce niveau. Bien sûr, ce sont des déplacements, des réunions, cela nous éloigne des circuits ou des gymnases pour les compétitions, mais le développement de la Fédération passe par là.
Comment avance le projet de grand équipement à Brétigny ?
Nicolas Belloir : Sur ce projet là : on s’est déplacés, on suit son évolution. Je pense qu’il y a peut-être une incompréhension : les responsables de ce projet souhaiteraient en fin de compte confier la maîtrise d’ouvrage à la Fédération. Ils ont à l’esprit que cela fonctionne avec le football ou le rugby. Et ils ont raison… Mais il ne faut pas comparer ces fédérations avec le roller. Il y a un peu une illusion de leur part de tout attendre de la Fédération. D’autant plus que les collectivités locales sur le secteur ont entendu la demande des responsables mais ont aussi d’autres projets.
Je crois qu’il faut être prudent. S’il y a des opportunités, on soutiendra et on défendra ce projet, parce qu’en France il nous manque un projet de grand équipement indoor.
Dans les années à venir, c’est une orientation sur laquelle il faudra travailler, qu’il se fasse en Île-de-France, en Loire-Atlantiques ou en Rhône-Alpes, peu importe le lieu. Ce qui m’intéresse dans les années à venir, c’est bénéficier d’un grand équipement… Mais ne misons pas tout sur un seul lieu. Le projet de Brétigny est un très beau projet, très gros. A mon avis, avec l’ensemble des collectivités, vu le foncier disponible, cela mettra énormément de temps à sortir de terre.
S’il y a des opportunités il faudra les saisir, mais encore une fois, n’attendons pas tout de la Fédération. Nous ne sommes ni le rubgy ni le football, on ne peut pas se caler sur le modèle de ces fédérations, c’est une question d’échelle.

Pensez-vous que l’on pourrait arriver sur un équipement du type de l’Arena de Geisingen en Allemagne dont l’essentiel du financement provient de fonds privés, cela impliquerait derrière que la Fédération « louerait » cet équipement ou mettrait en place une autre forme de collaboration ?
Nicolas Belloir : Oui, absolument, je crois à cette formule. Il y avait une option intéressante du côté de Lyon dans cette logique-là, mais le projet semble avoir été remisé. D’autre part, il aurait reposé sur un partenariat public/privé où les acteurs locaux et la Fédération auraient eu leur place, avec la mise en place d’un pôle France et une ouverture au public, donc je pense que c’est un schéma qui tient la route pour les années à venir.
Il faut suivre ces projets que ce soit dans le nord, en Rhône-Alpes ou à Brétigny, la Fédération s’y impliquera à hauteur de ses moyens, pas seulement financiers, mais aussi dans sa capacité à mobiliser les acteurs institutionnels. Nous n’avons pas besoin de multiplier les équipements. Si on pouvait en avoir deux ou trois dans les dix années à venir, ce serait bien. Il y avait aussi un projet du côté de Toulouse, mais il n’a pas avancé.
Deux exemples sont frappants dans le monde : la Corée avec une cinquantaine de pistes et l’Italie avec plus d’une centaine. Comment expliquer de telles disparités avec la France ?
Cela relève du fonctionnement et des financements du sport en France. Le sport en France est financé par les collectivités locales et c’est de plus en plus compliqué pour elles. Je prends l’exemple de Pibrac : les acteurs locaux sont très motivés, ils ont fait tout le nécessaire pour couvrir la piste. On a fait toutes les démarches, on a voulu prendre rendez-vous avec les élus de l’agglomération, on a trouvé des financements, ils n’ont jamais souhaité nous recevoir. Comment voulez-vous qu’on fasse ? Comment aller plus loin ? Encore une fois, cela tient aussi à la surface sportive et médiatique de la Fédération Française de Roller Sport… Nous aurions été la Fédération Française de Football ou de Basket, nous aurions été reçus…
C’est une question de volonté politique. En matière d’équipement, cette dernière est portée par les collectivités locales. C’est une grosse différence avec l’Allemagne. La culture est également différente. Si nous voulons parvenir à nous développer, il faudra le faire sur des régions et secteurs où la volonté politique locale est forte. La maîtrise d’ouvrage ne reposera pas sur la Fédération mais sur la collectivité. C’est elle qui portera le projet.
Comment expliquer qu’il y ait près de 3000 skateparks en France, avec quelques uns à plusieurs centaines de milliers d’Euros, et que la vitesse ait tant de mal à se développer ?
Oui, je le vois bien avec ma casquette de maire adjoint. Il y a une forte pression notamment chez les plus jeunes avec les conseils municipaux de Jeunes qui ont pour projet principal d’avoir un skatepark. Et donc, les élus locaux sont à l’écoute de la population, des doléances. Ils partent donc plus facilement sur la création d’un skatepark à cent mille Euros qui va répondre à une demande du plus grand nombre, qui répond à une demande sociale, qui ne pose pas de difficulté majeure, sur un foncier qui n’est pas très gourmand…
Si vous êtes sur une logique d’équipement indoor, en terme de foncier, ce n’est plus la même chose, ni le coût financier. En réponse à la demande locale, ce n’est plus du tout de même nature. Vous êtes au minimum sur un équipement à trois millions d’Euros.

Ultime volet : statut du roller
En 2001, le CERTU avait publié un Livre Blanc des Modes de Déplacement Doux (alternatifs). Un statut du roller aurait dû voir le jour en 2010. Où en est-on sur ce projet ?
Nicolas Belloir : Nous avons suivi les travaux très régulièrement, participé à toutes les commissions avec le CERTU. Un travail remarquable a d’ailleurs été fait par la Commission Randonnée. Malheureusement les pouvoirs publics en place qui avaient voulu faire évoluer le code de la Route en sont restés aux grandes intentions.
Le développement d’un statut du roller est prêt. Nous avons apporté toutes les réponses au plan technique par rapport au code de la route, nous n’avons pas tellement évolué par rapport à 2001.
Aujourd’hui, les pouvoirs publics ne donnent pas suite à cette volonté de développer un statut du roller. Nous sommes seuls. Seuls par rapport à des logiques très puissantes sur les modes de déplacement doux. Des fédérations plus âgées comme les deux roues ne partagent pas les convictions de la Fédération Française de Roller. Nous sommes en difficulté. Nous n’avons pas d’alliés objectifs. Les pouvoirs publics sont plus attentifs à ce qui peut se faire autour du deux roues qu’au développement et à l’évolution du roller en ville.

Nicolas Belloir, nous avons vraiment le sentiment que même si le roller est de plus en plus pratiqué sur la route, la tolérance des usagers ne cesse de diminuer…
J’ai le même ressenti. C’est un peu antinomique. De plus en plus de monde pratique sur la voie publique et inversement les collectivités locales, les préfectures sont de moins en moins réceptives à ces logiques là. Même en comparaison avec 4 ou 5 années auparavant où l’on se faisait davantage entendre. Le résultat n’est pas au rendez-vous au niveau du statut du roller. Il y a eu un travail très conséquent pour défendre le roller, participer aux ateliers, malheureusement, nous sommes seuls.
Le nombre d’épreuve de 6 Heures en roller augmente d’années en années, preuve d’un véritable engouement des patineurs pour ce format. Comment ce genre de format est-il reconnu par la FFRS ?
A partir du moment où les cahiers des charges des 6h, 12h ou 24h sont respectés, je m’en réjouis. Il faut multiplier des initiatives.
Pensez-vous qu’un circuit national pourrait se mettre en place comme au niveau des marathons ?
Nicolas Belloir : Oui, cela a commencé comme ça pour les marathons, c’était l’initiative de quelques uns, ça s’est multiplié.
A terme, on peut imaginer construire un circuit. La demande sportive évolue sans cesse, quel que soit le sport. Notre société évolue comme ça. En conséquence l’offre sportive de la Fédération doit pouvoir être en phase avec les demandes sportives de notre société. Ces organisations de course d’endurance, avec de la convivialité, avec un esprit d’équipe doivent se multiplier. Si cela doit se structurer autour d’un circuit, pourquoi pas…

Le longskate est en pleine croissance, une distinction avec le skateboard est-elle envisageable ?
Je ne suis pas fermé, ce que je demande simplement c’est que la traduction fédérale ne doit pas à chaque fois signifier : mise en place d’une commission, etc. On ne doit pas fragmenter à l’infini les spécialités, ça n’aura plus de sens. Oui pour le distinguo skate/longboard, mais on doit garder une cohérence d’ensemble quand on doit regrouper ces spécialités. Je peux l’entendre, c’est naturel.
Concernant la communication : il a été dit lors de la précédente assemblée générale que la FFRS enverrait une personne sur les grandes compétitions internationales pour suivre les résultats des Equipes de France. Quels sont les moyens engagés dans ce sens ?
Nicolas Belloir : On avait commencé à initier cela sur la saison 2011/2012 avec un dispositif pour informer nos licenciés et la presse. Pour moi, la formule était excellente. j’ai trouvé ça très bien parce que l’on avait de l’information rapidement. Cela permettait de suivre les manifestations et nos athlètes.
Pour la saison à venir, on va certainement connaître un recul à ce niveau là, pour des questions budgétaires. On a des épreuves très éloignées. On a privilégié l’investissement sur le sportif. C’est l’équipe technique qui va partir qui va assurer ce suivi. Nous n’aurons pas le même niveau d’exigence. Nous serons en deçà de ce que l’on pouvait envisager en 2013.
C’est un peu ce qui s’est passé avec la course au mondial 2012 en Italie…
Oui, mais ceux qui le souhaitaient pouvaient suivre en direct les épreuves à travers un dispositif live mis en place par l’organisation.
Nicolas Belloir, comment avance le dossier olympique ? C’est une question qui intéresse beaucoup de monde en ce moment…
Nicolas Belloir : La France doit retrouver une place dans les instances internationales au niveau européen ou au niveau international. Je défends la candidature de Jean-Paul Chiffoleau au Comité Européen de rink-hockey. C’est d’actualité. Nous devons investir ce champ international. Depuis 2 mandats, je me consacre surtout au plan national. C’est peut-être une orientation qu’il faudra envisager dans les années à venir pour davantage faire entendre la voix de la France au plan de la Fédération Internationale.
En ce qui concerne l’olympisme, c’est inéluctable si on veut avoir cette reconnaissance et ne pas être considéré comme un petit sport, parce qu’on fera partie de cette famille de l’olympisme. Ce travail de lobbying doit être fait au niveau international, ça passe par des déplacements, des rencontres, des échanges. Il faut là aussi sortir des gymnases. La place des responsables et des dirigeants du roller doit se faire dans ces instances extérieures pour faire entendre la voix du roller en France et à l’international.

Nicolas Belloir, quel sera votre objectif pour la prochaine olympiade ? On imagine que vous vous présentez comme candidat à votre propre succession ?
Nicolas Belloir : J’ai un ego très modéré. Je ne suis pas là pour défendre des intérêts personnels. Depuis 10 ans, je suis dans une logique de rassemblement, d’être consensuel, de ne pas chercher l’affrontement, parce que de toute façon, on est obligés de tous travailler ensemble. Je veux continuer dans cette optique là, faire progresser le roller en France et à l’international. Que ça se fasse avec moi ou sans moi, ce n’est pas ça la question. Ce qui m’intéresse dans cet engagement, c’est que l’on parle du roller. Qu’on parle de Belloir n’a pas tellement d’importance. Je préfère qu’on parle du roller.
Mon objectif dans les années à venir là où je serai, si je suis président, sera de continuer en équipe, à défendre et à ouvrir le roller. Je n’ai rien contre la structure fédérale, contre la construction très institutionnelle, très compétitive, c’est encore une fois notre coeur d’activité qu’il ne faut pas renier. Mais notre développement dans les années à venir passe aussi par une autre logique d’ouverture et de développement de toutes les spécialités pour répondre à cette demande sportive. Si nous ne sommes pas en mesure de répondre à cette demande sportive, nous allons plafonner. Si on doit faire un bilan dans les 10 années à venir, on aura régressé, ce n’est pas ma logique. Continuons à investir, mais ce n’est pas une seule personne qui doit le faire, la démarche est collective. Chacun à son niveau doit se sentir engagé pour faire progresser la cause du roller…
Il faut casser cette image d’une fédération qui se situerait au dessus de tout le monde, inaccessible, cette logique de bureaucratisation je la récuse, je veux être accessible. Nous avons peut être notre part de responsabilité. Cela passe aussi peut être par des éléments symboliques comme un compte Twitter, une page facebook, des rendez-vous trimestriels entre l’équipe dirigeante et le monde du roller, peut être une réflexion collective à travers des états généraux du roller en France. Cela participe d’une logique collective.
Merci monsieur le président pour cet entretien
Pour aller plus loin
Interview du président de la FFRS (2005)
Le projet de piste indoor en Essonne
La randonne roller du Centenaire de la FFRS
Texte : Alfathor – Relecture : Iggnorance – Photos : Rollerenligne.com, Pico12, droits réservés
bidi
23 octobre 2012 at 7 h 50 min