Sollicitations articulaires et musculaires liées à l’usage des roues de roller de grand diamètre
Chez de nombreux patineurs, le passage au 110 mm ne se fait pas sans créer quelques douleurs tendineuses et articulaires : genoux et chevilles sont particulièrement mis à l'épreuve. Ainsi, la transition vers ce diamètre désormais devenu un standard nécessite quelques précautions...
Par alfathor

Article de 2009 réactualisé le 22 novembre 2012
L’accroissement des sollicitations articulaires et musculaires
Depuis quelques années, la montée progressive du diamètre des roues des rollers a entraîné une augmentation des contraintes sur les chevilles et les genoux. En moins de 10 ans, nous sommes passés de roues de 80 mm à des diamètres atteignant les 110 mm soit une augmentation de 37% du diamètre !
Une augmentation des contraintes sur les articulations de la cheville
En carre neutre (à plat), les contraintes excercées sur les chevilles sont identiques en 80 ou en 110 mm à condition que les platines soient parfaitement bien placées sous le pied.
En revanche, lors des prises de carres, les forces qui s’excercent sur les chevilles sont largement supérieures.
Aurait-on atteint des limites physiologiques avec le 110 mm ?
L’augmentation du diamètre des roues en 110 mm est devenue la norme. Est-ce sans danger pour nos chevilles ?
Il n’y a pas de réponse toute faite. Tout dépend du niveau du patineur et de sa morphologie. L’utilisation des roues de 110 mm nécessite un temps d’adaptation et un matériel adapté.
Les témoignages des pratiquants lambdas comme des élites montrent que les muscles des loges sont bien plus sollicités, les chevilles fatiguent plus vite, les appuis sont plus instables…
Dans un premier temps, même les nationaux et les élites ont cherché à atténuer le problème en adoptant des platines 3×110 1×100. Après quelques années, on voit que les athlètes ont renforcé leurs chevilles et montent désormais de plus en plus en 4×110 mm, preuve qu’une période de renforcement est indispensable.
Anatomie et biomécanique de la cheville
L’articulation de la cheville, appelée articulation talo-crurale, est de type pince/mortaise, et est composée du tibia, de la fibula (anciennement « péroné ») et du calcaneus.
Le mouvement simplifié de l’articulation est un roulement avant/roulement arrière ou flexion dorsale/flexion plantaire.
La « pince » est donc constituée du tibia formant le plafond et le coté interne et de la fibula formant le côté externe ; ces 2 os sont solidarisés par des ligaments permettant un jeu léger : trousseaux fibreux internes, ligaments antérieurs et postérieurs de la cheville ;
Il n’y a pas de muscles au niveau de la cheville mais des tendons devant (dorsiflexeurs, i.e. fléchisseurs dorsaux), latéraux, derrière (tendon d’Achille) et interne (fléchisseurs plantaires).
Nous avons donc une articulation dirigée à distance par des « rênes » qui vont assurer la puissance de la « pince » talo-crurale. Les mouvements de roulis (interne-externe) s’ils sont peu naturels, sont admis par l’articulation sub-talaire (articulation sous l’articulation talo-crurale, i.e. la « cheville »).
Lorsque le pied remonte (dorsi-flexion) le volume du talus (anciennement « astragale ») est plus grand et la pince talo-crurale est mise en tension passive, donc l’ensemble est plus solide. Le patineur est en phase de roulage et l’articulation est très stable.
En phase de poussée la cheville amorce une flexion plantaire et une éversion, le volume du talus est plus faible, la « pince » doit de resserrer et les tendons des muscles antérieurs, externes puis postérieurs vont assurer par leur contraction ce rapprochement péroné-tibia !
On comprend pourquoi la loge musculaire devant le tibia est souvent douloureuse chez le patineur.
Photo patineur cheville cassée »
En appui, la cheville supporte 70% du poids du corps (30% sur l’avant du pied) ; lors du patinage les appuis restent statiques, il n’y a pas de déroulement du pied comme à la marche, d’où une charge constante en angulation sur la cheville et donc une fatigue accrue.
Un peu de calcul ?
Pour une hauteur déterminée par la croissance osseuse soit : pilon tibial/tubérosité calcanéenne entre 9 et 10 cm, le roulage en 110 implique une hauteur = 12 cm de patin + 10 cm de cheville, soit h = 22 cm, plus une angulation interne alpha en poussée et externe en phase de roulage par rapport à la verticale au sol, la formule M = F.h.sin(alpha) donne alors le moment de la force appliqué à la cheville.
Ce qui nous intéresse est de savoir qu’un patineur de 70 kg équipé de roues de 110 mm subit un moment de force de torsion au niveau de la « pince » de 26,7 Nm (newton-mètre), alors que pied nu, cette valeur est de 12 Nm. En première approximation, la force F considérée est supposée égale au poids du patineur (on néglige la poussée de la jambe).
Il est démontré qu’avec le doublement de la hauteur (10 cm à 22 cm) les contraintes en torsion exercées sur les cartilages du talus, du tibia et de la fibula sont multipliées par un coefficient 2 et ce quelque soit la valeur de l’angle. Enfin pour un angle de 45° (virage serré) la contrainte en torsion est multipliée par 10 par rapport à un piéton dont la cheville serait inclinée de 10°.
Dans les mêmes conditions, pour un patineur équipé de roues de 84 mm, la hauteur totale devient h’ = 9,4 cm + 10 cm = 19,4 cm et le moment de force est de 23 Nm.
Donc quand on passe du roulage en 84 au roulage en 110, le facteur d’augmentation de contrainte sera h/h’ = 22/19,4 = 1,13, soit 13% d’augmentation quel que soit l’angle Alpha.
En somme le roulage en roues de 84 mm sous 30° équivaut au roulage en roues de 110mm sous 26,1° d’angulation (la prise d’angle est moins agressive pour les cartilages en 84 qu’en 110).
Mais la coque carbone vient ceinturer et renforcer la pince naturelle péroné-tibia ; les contraintes sont donc diminuées de manière passive, et deviennent supportables avec de l’entraînement.
Est-ce suffisant ?
De plus les forces illustrées plus haut, appliquées sur les cartilages vont à la longue accélérer sa dégradation. Nous manquons de recul mais d’ici une vingtaine d’années, il pourrait apparaître des pathologies importantes de la cheville chez les élites de la génération Gicquel, Loy, etc.
Néanmoins dans le geste du patineur la cheville n’est qu’un élément du puzzle, en effet cette articulation se trouve au bout de la chaîne du membre inférieur et les contraintes physiques seront plus importantes au niveau de la hanche, du genou et de l’articulations lombo-sacrée.
L’articulation qui va le plus souffrir est celle du genou qui va effectuer des rotations en flexion pour accommoder le passage de carre interne en carre externe, sous une tension musculaires importante qui « plaque » la rotule et le tibia sur les condyles fémoraux ; et donc augmente l’érosion cartilagineuse.
Questions à Julien Levrard (vice-champion du monde du marathon en 2008)
Bonjour Julien, tu es passé en 110 mm en 2008 ?
Oui, je n’avais pas envie de passer 2 ans à faire la transition.
Tu n’as pas eu de douleurs articulaires ou de tendons à la transition ?
C’est vrai que c’est un peu chaud ! Je roule depuis avril 2008 en 110 mm.
Dès que je suis fatigué, ma vigilance articulaire baisse et ce sont les tendons qui trinquent, tout à fait (NDLR: en fait, ligaments). Il faut aussi faire gaffe après des chutes parce que tout le système osseux a bougé et tes repères sont différents. Du coup, tu viens moins facilement en appui sur les bonnes parties du pied. C’est là que j’ai remarqué les problèmes de maintien de cheville.
Tu as essayé le 3×110 mm ?
Oui, rapidement aux championnats du Monde à Gijon. C’est une question de hauteur. J’aimais assez d’ailleurs. C’est vrai que c’est moins exigeant au niveau précision de la pose de pied. Tu peux pousser plus facilement, même si tu n’appuie pas proprement. Quand tu es un peu fatigué ça passe mieux aussi.
Je me suis dit : « si t’arrives à passer en 4×110 mm, tu passeras avec tout ». C’est simpliste comme raisonnement je te l’accorde.
C’est à déconseiller, selon moi, pour ceux qui ont les articulations fragiles ou qui n’ont pas un bon gainage articulaire (chevilles, genoux, hanches).
Je crois qu’il y a un gros travail de proprioception à faire en amont avant de passer à cette hauteur. De ce que j’en sais, les qualités de proprioception varient énormément en fonction de l’état de vigilance du corps, voilà pourquoi selon les heures et selon les jours, tu peux avoir ou pas des problèmes articulaires.
Que conseilles-tu ?
Je préconise tous les exercices d’équilibre sur un pied les yeux fermés, mains dans le dos, le pied sur un coussin, etc. C’est à faire après bon échauffement de toutes les articulations : cheville, genoux hanche (comme ils font en natation par exemple ou en handball).
Le tonus musculaire global de la personne est important avec le 110 mm : plus tu as de tonus, plus tu réagis vite aux déséquilibres.
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