Interview de Guillaume Wattré, l’inventeur de l’EFPA

De retour à la Direction Technique Nationale après une petite pause, le père de l’Ecole Française de Patinage Artistique, nous consacre un peu de temps pour une interview...

Par alfathor

Interview de Guillaume Wattré, l’inventeur de l’EFPA

Rencontre avec Guillaume Wattré, le père de l’EFPA

Bonjour Guillaume Wattré. Avec une progression constante des licenciés en artistique (pratiquement 8600 l’année dernière), l’EFPA est un outil remarquable. En effet, il à la fois des outils pour le développement et plus la progression du plus grand nombre. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cet outil ?

Bonjour, je suis Guillaume Wattré. C’était un projet de grande envergure qui avait pour objectif d’apporter une aide pédagogique à l’ensemble des clubs français pour la formation de nos jeunes licenciés. Dans un premier temps, je me suis intéressé à tout ce qui se faisait déjà dans les clubs, notamment les plus expérimentés. Puis, je me suis servi de mon vécu d’athlète de haut-niveau, de mon expérience d’entraîneur et de ma formation universitaire pour réunir l’ensemble des connaissances et des compétences collectées dans un seul et même dispositif, l’EFPA.

Guillaume Wattré
Guillaume Wattré

Par quelles étapes es-tu passé Guillaume Wattré ?

Après cette étape de réflexion et de conception, je suis passé à l’étape de test. Une dizaine de clubs ont accepté de mettre en œuvre les prémices de mon travail. C’était, à ce moment là, un projet pilote. Je crois que je modifiais les documents tous les jours, tant l’aller-retour entre théorie et pratique était riche.

Puis est venu le temps de convaincre mes collègues de la Direction Technique Nationale et les élus du Comité National de Patinage Artistique. Je leur ai donc présenté un projet ambitieux qui possédait trois axes :

  • l’EFPA (pour former les enfants)
  • le BEF (le Brevet d’Entraîneur Fédéral pour former les entraîneurs à l’EFPA) 
  • le PNDPA (Plan National de Développement du Patinage Artistique pour aider les dirigeants à mettre en place un vrai projet de développement dans leur club).

 » Mes collègues et les élus m’ont fait confiance en me donnant carte blanche, alors je suis parti à fond ! « 

Guillaume Wattré

Je suis passé à l’étape de communication, j’ai fait des présentations aux clubs, aux CRPA lors de toutes les compétitions nationales. Et en même temps, je commençais à organiser mon « double tour de France ».

Et ensuite ?

A la rentrée suivante en septembre, j’étais parti pour une saison de 32 stages (2 stages dans 16 régions différentes) pour présenter l’EFPA à l’ensemble des clubs français. C’était un vrai succès, plus de 400 entraîneurs sont venus, représentant plus des 2/3 des clubs. A l’issu de cette saison, j’avais atteint presque les 100 signatures de conventions au PNDPA et plus de 200 entraîneurs s’étaient inscrits pour passer les examens du Brevet d’Entraîneur Fédéral.

Satisfait de ces premiers résultats, j’étais aussi éreinté par ce projet qui s’additionnait à d’autres missions : les stages d’équipe de France,  le montage des chorégraphies du Pôle de Talence, le Projet de Développement de la Ligue Ile de France et la Détection.

Avais-tu d’autres objectifs Guillaume Wattré ?

Je voulais aussi créer une proximité avec les clubs qui n’existait pas auparavant. D’autre part, je voulais que l’on fasse quelque chose pour eux car le patinage français est d’abord dans les clubs. Ensuite, je voulais qu’ils aient quelqu’un à qui poser des questions, demander un conseil. Le problème fut que tout seul pour aider 164 clubs, en répondant aux mails, au téléphone tous les jours et en prenant le train tous les weekends, je ne pouvais pas tenir longtemps comme ça.

Je voulais être à l’écoute de tous, de leurs remarques, de leurs critiques et cela pour deux raisons : parce qu’il était important que chacun sente qu’il participe au projet et parce que j’avais conscience que les critiques permettaient de perfectionner le dispositif.

Résultat : j’ai modifié 29 fois le règlement EFPA pendant la saison, ce qui m’a bien évidemment été reproché. Ecouter toutes les critiques que l’on me faisait, fut un exercice éprouvant mais personnellement extrêmement positif.

Par ailleurs, j’ai donné beaucoup d’énergie pour expliquer, convaincre jusqu’au dernier entraîneur du plus petit club au fin fond de nos campagnes, que l’échauffement sans patins est fondamental, que les figures imposées sont des bases importantes pour l’évolution du patineur, que les éléments gymniques font partis d’un développement psychomoteur incontournable pour des enseignements plus spécifiques en patinage.

Bref, j’étais content mais très fatigué.

EFPA - crédit  Noisy le grand
EFPA – crédit Noisy le grand

Aujourd’hui les conventions entre les clubs et la FFRS sont devenues caduques. Sans dévoiler de secrets, pouvez-vous nous dire, s’il y aura un nouveau Plan National de Développement du Patinage Artistique pour la nouvelle Olympiade ?

Vous savez, il s’est passé beaucoup de choses au sein de la DTN ces derniers temps. Nous avons encore de bons résultats au niveau des équipes de France et je tiens à profiter de cette interview pour féliciter tous nos médaillés des championnats d’Europe et du Monde.
Les projets BEF, EFPA et PNDPA ont produit des effets très positifs qui perdurent encore aujourd’hui, mais je vois une situation générale affaiblie car les dispositifs sont presque tous en sommeil.

Nous devons nous réorganiser au sein de la DTN et redéfinir une politique sportive. Ce sera l’objet de notre prochaine réunion. Je n’ai donc aucun projet à dévoiler pour l’instant.

Il est évident que nous devons relancer une dynamique de développement car je crains que la croissance de l’olympiade 2008-2012 ne s’essouffle.

Les conventions que nous avons signées avaient eu l’avantage de mettre les dirigeants de clubs dans une logique de projet. Chaque Président s’était donc posé des questions sur la situation de son club, sur des objectifs qu’il pouvait se fixer et sur ce qu’il fallait mettre en œuvre pour y arriver. Mais la faiblesse du PNDPA était mon incapacité à traiter la dernière étape des projets, à savoir l’évaluation. L’idéal aurait été de pouvoir faire le point avec chaque club sur son évolution, les difficultés rencontrées et sur les ajustements à opérer pour la saison suivante.

Que t’as apporté ton expérience Guillaume Wattré ?

Aujourd’hui avec l’expérience, je vois les choses différemment. Je perçois mieux la charge de travail que cela représente. Il faudra donc proposer un plan de développement plus raisonnable. Ils sera peut-être moins ambitieux.

Par ailleurs, la situation économique et politique actuelle est très différente par rapport à il y a 4 ans. Le Ministère réduit les moyens alloués aux fédérations. Ainsi, les pin’s, les plaquettes, les Flyers, les affiches et les carnets de patineurs gratuits pour les clubs, c’est fini ! Donc, ne vous attendez pas non plus à un plan de développement généreux où l’on donne tout à tout le monde.

Je réfléchis  à ce que nous pourrions proposer, mais je ne veux pas être seul à y réfléchir. Je pense que les clubs se sont plutôt bien appropriés l’EFPA. Le BEF a bien fonctionné, mais aurait pu avoir plus de succès si nous n’avions pas changé les règles en cours de route. Par contre, en ce qui concerne le PNDPA, beaucoup de clubs ont signé mais il n’y a pas eu de suite. J’ai l’impression que peu d’entre eux se soient appropriés le projet de développement. Si nous voulons créer une vraie dynamique de développement, tous les acteurs de notre sport doivent y jouer un rôle : entraîneurs, juges, dirigeants, clubs, CRPA et CPA.

Si nos lecteurs ont des idées, ils peuvent m’en faire part.

Jeunes patineurs artistique

Concernant les grilles de progressions des roulettes et des patins, pensez-vous les faire évoluer dans les prochaines années en fonction des évolutions du niveau international et national ?

L’évolution du patinage international doit avoir un impact sur les entraînements, mais plutôt sur les catégories supérieures. Au niveau de l’EFPA, je ne vois pas de modifications à opérer par rapport à l’exigence international.

Concernant le niveau national, je pense que tous les éléments nécessaires à la formation d’un compétiteur sont présents dans l’EFPA. Cependant, tous les clubs ne font pas passer tous les tests à leurs patineurs. Or, le Patin d’Argent et le Patin d’Or contiennent les éléments techniques essentiels à la compétition. Si tous les compétiteurs avaient validés les Patins d’Argent et d’Or, le niveau national serait encore meilleur.

Quand je regarde les sorties de sauts et de pirouettes des compétiteurs nationaux, je pense que l’on pourrait ajouter la réception sur un pied à tous les sauts sans patins dans chaque niveau de l’EFPA.

Mais n’oublions pas que l’EFPA n’a pas pour seule vocation de former des compétiteurs. Elle doit également permettre aux clubs de proposer une activité ludique, attractive et de qualité au niveau local. Et je ne parle pas de pratique « loisir ». Je veux simplement dire que l’EFPA est une école où l’on apprend des choses qui dépassent le cadre du patinage artistique.

Quels sont tes retours d’expérience en club Guillaume Wattré ?

Depuis un an, je me suis réinvesti en club et bien entendu dans l’école de patinage. Cette expérience m’inciterait à proposer de mettre la chute à la fin de la première longueur de la Roulette de Bronze plutôt qu’au début. Ainsi, le patineur devrait tomber en roulant et non à l’arrêt. Ce qui est plus proche de la réalité. L’idée étant de savoir tomber sans se faire mal. Tomber à l’arrêt doit tout de même rester une des premières situations afin de dédramatiser la chute.

Avec un club proposant le hockey et l’artistique, nous avons réfléchi à une école de patinage commune sur les deux premiers niveaux, c’est-à-dire la Roulette de Bronze et d’Argent. Nous avons ajouté un « S » chronométré autour de deux plots en Roulette de Bronze et le dérapage latéral en Roulette d’Argent. Tout le reste convenait déjà pour le hockey, donc nous n’y avons pas touché. Les éléments ajoutés répondaient bien entendu à une exigence spécifique du hockey, mais je pense qu’ils seraient bénéfiques pour la formation des patineurs artistiques. Je me demande donc si on ne pourrait pas intégrer ces éléments au niveau national. Auquel cas les clubs de rink-hockey y trouveraient aussi leur compte.

Si je poursuis cette réflexion : il y a trois types de matériel utilisé au sein de notre fédération. Il serait donc logique qu’il y ait 3 écoles pour l’enseignement des bases :

  • Une école patin en ligne (Acrobatique, Course et RILH)
  • Une école patin à axes articulés (Artistique et Rink)
  • Une école de planche à roulettes.

J’invite donc les autres disciplines à réfléchir sur les premiers contenus techniques qu’ils peuvent partager. C’est possible avec les disciplines qui utilisent le même matériel. Ainsi, les contenus techniques représenteraient un premier stade de spécialisation dans leur discipline.

Le mondial junior vient de se terminer avec de très bons résultats. Ces derniers prouvent que le niveau français est chaque année de plus en plus élevé. L’ EFPA est sans doute à l’origine de ces succès. Avez-vous des retours des entraineurs nationaux ?

Je suis fier de l’impact des projets que j’ai menés au sein de la Fédération. Mais l’EFPA n’a rien à voir avec les résultats actuels de l’équipe de France. Reposez-moi la question en 2019 quand la première génération EFPA sera junior. Vous savez, l’EFPA n’est qu’une première pierre à la construction d’un patineur de haut niveau. Après l’EFPA, le chemin est encore très long.

De nombreux facteurs rentrent en compte. Je pense notamment l’accès à des infrastructures de qualité. Mais aussi à la disponibilité d’un entraîneur compétent. Egalement au soutien moral et financier des parents. Sans compter l’investissement des dirigeants bénévoles qui font tout pour offrir un contexte favorable à la progression…

L’EFPA s’inscrit dans une vision à long terme.

Patineuse artistique à roulettes à Auckland
Patineuse artistique à roulettes à Auckland

Que souhaiteriez-vous pour le patinage artistique français ?

J’aimerais que le jugement évolue vers un système plus objectif avec des critères. A la glace, la médiatisation les a obligés à mettre un système de points accordés à chaque élément technique. Mais aussi à ce qu’ils appellent les éléments de liaison (choré et petits pas). Notre système de jugement date de plusieurs dizaines d’années. Nous ne pouvons pas garder un système aussi subjectif et approximatif. Ce n’est pas professionnel. Nous devons réfléchir à un système de valeurs accordées aux différents éléments techniques et aux qualités artistiques. Tout en prenant en compte la qualité de réalisation selon des critères objectifs.

Mais pour cela, il faudrait que nous soyons plus ouverts. C’est mon deuxième vœu pour le patinage artistique français. Je trouve que nous sommes trop fermés. Si nous voulons que notre sport évolue, nous devons être plus ouverts et regarder ce qui se fait à côté. Exemple : si nous voulons créer des chorégraphies originales, nous devons regarder des spectacles de danse. Nous pouvons aussi nous inspirer des compétitions de patinage sur glace. Mais je pense aussi aux compétitions de natation synchronisée. Nous pouvons aussi prendre des cours de danse tout simplement.

Mon troisième vœu est que le patinage artistique à roulettes français soit reconnu et respecté. C’est ce qui m’a motivé à passer le Professorat de Sport. Et à lancer tous les projets dont nous avons parlé. C’est MA motivation : travailler pour faire en sorte que notre sport devienne autre chose que ce qu’il est aujourd’hui.
J’imagine 15.000, 20.000 licenciés, 200, 300 clubs, un système de compétitions dans lequel on serait obligé d’ajouter une étape départemental. Puis ensuite régional avant d’accéder à une compétition nationale. J’imagine des patineurs qui s’efforceraient de dégager la meilleure impression artistique entre des éléments techniques réalisés avec la plus grande pureté. Je m’arrête là, sinon on n’a pas fini.

Tribune libre, Guillaume Wattré, tu peux aborder un sujet qui te tient à coeur…

Je profite de cette occasion pour vous annoncer la publication de mon livre sur l’école de patinage. J’espère pouvoir sortir l’édition numérique d’ici la fin de l’année. Tous les éléments y seront décrits très précisément et illustrés par des photos. J’y explique l’intérêt de chacun d’entre eux, leur organisation au sein de l’école de patinage et la philosophie avec laquelle ils doivent être enseignés.

L’idée est de transmettre mes connaissances et surtout de combler le manque de documentation pédagogique dans notre sport. Je pense que beaucoup de gens seront intéressés. L’inconvénient est qu’il faut posséder une tablette numérique. Mais si j’arrive à dégager des fonds, je devrai investir dans une édition papier par la suite.

Interview de Guillaume Wattré en vidéo – à propos de l’EFPA

Pour aller plus loin

Page facebook de Guillaume Wattré

Texte : RollerEnLigne.cpù – Photos : Noisy-le-Grand & Intrépides Angers Roller

Ecole française de patinage artistique Guillaume Wattré
Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Bonjour à tous, je suis Alexandre Chartier, fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001 avec infosroller.free.fr. Le modeste projet d'étude est devenu un site associatif qui mobilise une belle équipe de bénévoles. Passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne, j'étudie le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

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