Bruno Pettersen Coulombe repousse les limites de l’ultra-endurance
Avec 652,32 km parcourus en 24 Heures à Montréal, Bruno Pettersen Coulombe a repoussé les limites de la course de fond en roller. Il succède ainsi à Christian Beausoleil et Philippe Coussy. Rencontre avec le personnage...
Par alfathor

Rencontre avec Bruno Pettersen Coulombe
Bonjour Bruno, tout d’abord félicitations pour ta performance remarquable à Montréal ! Comment es-tu venu au roller ?
Merci! Je fais du patin courte piste depuis que j’ai huit ans. Je m’étais intéressé toute ma vie au roller de vitesse, mais puisque cette discipline était vraiment peu développé au Québec, je ne savais pas trop où débuter. En 2007-2008, ma saison de patin sur glace fut assez décevante et je me cherchais de nouveaux défis pour retrouver la motivation. C’est alors que j’ai fait des recherches plus poussées pour débuter le roller. Ce n’est qu’à ce moment, en 2008, que j’ai trouvé les contacts nécessaire pour m’équiper et trouver des compétitions. Dans les années suivantes, je faisais alors de plus en plus de roller malgré le fait que ma priorité restait le patin à glace. Même si j’ai eu une progression époustouflante ces dernières années en short track, lors de ma dernière saison (2013-2014), j’ai à nouveau eu une perte de motivation liés à plusieurs facteurs. J’ai alors pris la décision récente de me concentrer entièrement au roller.
Qu’est-ce qui te plaît dans le roller ?
Premièrement, le sentiment d’évasion et de liberté. En roller, je peux mettre mes patins et rouler à tout heure, me déplacer, m’entraîner moi-même. Toutes des rues sont des terrains de jeu potentiels. Puisque c’est un sport encore underground au Québec, je m’entraîne à la Rocky, sans entraîneur particulier. Comme je suis quelqu’un d’assez autonome, j’aime bien cette façon de m’entraîner! Finalement, la température extérieure me plaît, l’ensoleillement est beaucoup plus agréable que les froides arénas du Québec.
As-tu pratiqué d’autres sports ?
Autres que le patin, j’ai également joué au soccer (foot) pendant une douzaine d’année, du cyclisme de compétition pendant 2 ans, également quelques compétitions de course à pied. Sinon le ski pour le plaisir, très populaire où je vis, et un peu de natation lorsque j’étais plus jeune.
Pourquoi avoir choisi de faire des courses d’ultra-endurance ?
On va corriger la question : Pourquoi avoir choisi de faire une course d’ultra-endurance ? C’était en effet un premier essai. Lors de ma dernière saison sur glace, j’ai décidé d’y mettre un terme faute de plaisir. Nous étions alors au mois de janvier. Mon esprit d’athlète se cherchait des défis pour combler un vide.
De plus, j’ai toujours été plus à l’aise dans les épreuves d’endurance. J’ai toujours eu de l’énergie à revendre. Cependant, je m’étais suis toujours cantonné aux épreuves de sprint du courte piste. Il était enfin temps pour moi de tester ce talent que je soupçonnais chez moi : l »ultra-endurance. Ma jeune folie et mon ambition ont fait le reste : c’était le moment ou jamais!
Comment as-tu préparé tes 24 Heures de Montréal 2014 ?
Puisque je viens du patinage courte piste, j’avais amplement la vitesse nécessaire (même trop : j’ai déjà fait des tours qui frisent le record de piste du circuit Gilles-Villeneuve). Il me fallait donc développer mon endurance. Mon idée était donc d’accumuler beaucoup de volume à base intensité.
J’ai commencé par courir au mois d’avril. J’avais un été assez occupé avec une pleine session d’école en plus de travailler. J’ai donc dû trouver des moyens de m’entraîner qui étaient compatibles avec mon horaire. Ainsi, quand la neige a fondu, je me servais de mes roller pour absolument tous mes déplacement : pour aller à l’école, au travail, chez des amis, chez mes parents… Ainsi, je roulais énormément sans que cela ne m’empêche de vaquer au reste de mes occupations. Je roulais peu importe la température, l’heure ou la distance. Ce fut très bénéfique mentalement : je devais toujours continuer peut importe les conditions, le vent, la nuit, la chaleur… Cela a constitué la majorité de mon volume entraînement. Je m’organisais bien sûr des sorties plus sérieuses avec intervalles. J’ai également continué à courir, fait quelques randonnées à vélo et nagé, en plus de faire d’importants exercices de renforcement de chevilles et de dos à la maison. Avec tout cela, je m’entraînais facilement 4 à 5 fois par semaine.
Dix jours avant l’événement, je me suis testé pour découvrir d’éventuels problèmes. J’ai fait un 150 km en six heures (non-assisté, dans des conditions exécrables) pour me rendre compte que j’avais des problèmes d’engourdissement de pieds. J’ai pu trouver une solution pour la course. Sans ce test, j’aurais eu à m’arrêter fréquemment pour enlever les patins et la course aurait été perdue.
Peux-tu nous décrire ton programme d’entraînement de l’année avant ta course ?
Jusqu’en janvier, je m’entraînais encore en courte piste. Je partais d’une très bonne forme physique via mes 15 années d’entraînement en patinage sur glace.
Par la suite, je n’ai pas vraiment suivit de programme très précis. J’ai suivis quelques lignes directrices : volume, cross-training, renforcement des éléments-clefs (dos, chevilles), affûtage avant l’événement. Sinon, j’y allais au jour le jour.
Je n’ai pas le problème de certains qui doivent planifier l’entraînement à l’avance faute de quoi ils ne s’entraîneront pas ; pour ma part, bouger est une hygiène de vie et je le fais par réflexe. Mon problème est plutôt de ne pas trop en faire!
Tu avais à l’esprit de battre le record ?
Oui, depuis le début, j’avais en tête de faire le record. C’est ce qui m’a motivé à faire ce défi et c’est resté mon inspiration tout au long de mon entraînement. Publiquement, j’étais modeste dans mes intentions parce que je n’avais aucune idée de la faisabilité de la chose. Mais à l’intérieur de moi, c’était ce qui me poussait à remettre mes rollers jour après jour.. Bien des gens doutaient que je serais capable, certains me disaient carrément que n’y arriverait pas. Je les remercie, ça m’a donné un coup de fouet salutaire.
J’avais calculé qu’avec une moyenne de 9 minutes 30 au tour, je faisais 150 tours. Le record était alors de 146 tours par Christian Beausoleil, qui venait de battre le record absolu de Philippe Coussy (qui a été le premier à dépasser les 600 kilomètres en solo). Neuf trente au tour, je trouvais ça jouable…
T’es tu organisé avec d’autres patineurs pour avoir tout le temps un peloton à suivre ?
Oui, je m’étais très bien organisé pour la course. Je me suis carrément entouré d’une entière équipe de support, équipe constitué d’amis patineurs que je connaissais bien. L’idée pour eux était de passer l’épreuve des 24h dans une ambiance amicale et pour le plaisir en me draftant et me supportant tout au long de l’événement. Ainsi, tout le monde y trouvait son compte.
Cette équipe m’a drafté tout le long de l’événement, prenaient les temps, me ravitaillait en nourriture à chaque tour, transportait mes bouteilles de liquide, m’encourageait… sans eux, je n’y serais jamais arrivé. C’est surtout cela qui a fait la différence : j’étais super bien préparé. Je ne pense pas qu’un professionnel aurait été mieux organisé.
Quelle a été ta stratégie sur ces 24 Heures ?
La stratégie était de patiner entre 9 minutes et 9 trente au tour tout au long de l’événement afin de gratter quelques secondes à chaque tour (sur le temps de référence de 9:30 par tour) qui me permettraient de prendre des pauses si le besoin y était.
Lors des premières heures, mon équipe de support (qui était constitué de patineurs de haut niveau) allaient toujours plus vite que le temps prévu. Mes 40 premiers tours étaient en 8:32 de moyenne. J’avais déjà 25 minutes d’avance sur le record. Certains membres de mon équipe s’inquiétaient de cette vitesse de croisière qu’ils jugeaient excessive ; cependant, mes jambes étaient fraîches. Je savais qu’éventuellement ce serait mon dos qui me causerait du mal. À ce moment je me disais que 30 secondes par tour n’allait pas changer quoi que ce soit sur la fatigue de mon dos. Comme les jambes tenaient et que l’énergie était là, j’ai préféré garder cette vitesse, profitant d’une avance de plus en plus confortable sur le record. Bien que la fin de la course fut atroce, la fin du 24h m’indique que c’était là une stratégie gagnante.
Tu as fait des pauses ?
Les pauses n’étaient pas prévues ; j’allais gérer lorsque j’en aurais besoin. Je savais que je m’arrêterais au moins une fois.
Finalement, j’en ai fait deux. Vers minuit, je commençais à avoir de la difficulté à manger, et je commençais à ralentir. J’ai donc pris une pause toilette de 20 minutes vers une heure du matin. J’en ai profité pour avaler un grand café. Ce fut une pause très bénéfique ; j’avais retrouvé mon appétit, les petites douleurs localisées se sont estompées et le café m’a bien réchauffé pour la suite.
Après quelques autres heures à rouler à bonne allure, je commençais à avoir sérieusement mal au dos malgré toutes les techniques que j’avais prévu pour limiter ce problème. J’avais étudié les temps intermédiaires (splits) du précédent record, je savais que Christian s’était arrêté autour de 6 heures du matin. J’ai donc fait comprendre à mon équipe de support que j’allais en profiter pour me faire masser le dos sans perdre mon avance. Après cette pause-massage nécessaire vers 6 heures trente du matin et mon second café, j’ai terminé la course d’un trait. Ce fut la période la plus difficile.
Que dirais-tu à un patineur qui hésite à se lancer dans une course d’ultra endurance ?
On sort transformé de ces épreuves, qui sont une sorte de pèlerinage moderne. C’est presque spirituel. Cependant, pour réussir, il faut vraiment se commettre et se lancer à fond. La satisfaction d’après course est proportionnelle à l’effort pour y arriver. Si ce patineur est prêt à y mettre les efforts, il en sortira gagnant humainement.
Pour ceux qui se lancent… les conseils.
Il ne faut surtout pas sous-estimer l’importance de l’organisation : on ne peut pas être trop préparé. Durant l’épreuve, il faut s’attendre à souffrir énormément, donc il est important durant la préparation de trouver des épreuves mentales qui permettent de se durcir la caboche.
« Utilise la force, Luc », comme dirait Obi-Wan Kenobi
Je dirais aussi de ne pas se laisser distraire par les nombreux « accessoires » d’entraînement (moniteur cardiaque, GPS, suppléments). Bien que ce sont des outils utiles pouvant être bien utilisés, il faut toujours mettre l’accent sur les bases (efficacité technique, volume d’entraînement, équipement). Par exemple, je n’ai jamais utilisé de moniteur cardiaque ou de GPS -pour la vitesse-, ni en entraînement ni pendant la course. Écouter son instinct est le plus important. Je ne dis pas qu’utiliser ces outils est néfaste, mais il est facile d’en oublier les bases et c’est ce qui est dangereux. Bien que je suis un geek du sport et j’aime bien m’informer à propos de ces gadgets pour optimiser la performance, je garde en tête que 95% de mes performances sont attribuables aux bases, je mets donc 95% de mon énergie à travailler les bases. Le reste n’est qu’accessoire.
Quel est ton métier ?
Je suis encore étudiant. J’ai mon diplôme de technicien informatique en main, je suis en train de terminer mon baccalauréat en Génie logiciel à l’École de technologie supérieure (ÉTS). J’étais technicien de Photo-finish pour les Mardis cyclistes de Lachine cet été. Il s’agit de la série de courses cyclistes la plus relevée en Amérique du Nord. Présentement je suis en stage chez Doculibre, qui offre des solutions de moteur de recherche pour les entreprises. Sinon, je veux me partir en affaires plus tard.
Comment arrives-tu à concilier travail et patinage ?
Je vais au travail en roller (rire).
C’est vrai mais plus sérieusement, j’ai toujours eu à concilier école et patinage, qui, de mon expérience, est encore plus difficile. Quand on travaille, on a pas à se taper trois heures d’étude en revenant à la maison. Concilier école et entraînement de haut niveau demande une très bonne organisation couplé avec une efficacité d’apprentissage redoutable, deux qualités que j’ai développées à travers les années. Concilier travail et patinage (comme je suis en stage présentement) n’est donc pas très difficile pour moi.
Quel est ton prochain objectif ?
Je veux continuer à progresser en roller. Je veux tenter ma chance aux qualifications canadiennes des Championnats panaméricains de 2015.
Souhaites tu ajouter quelque chose ?
Je suis à la recherche un commanditaire si jamais ça intéresse quelqu’un.
J’aimerais remercier toute mon équipe de support, soit:
– La capitaine de l’équipe Manon Langlais
– Mon frère Jérôme Pettersen Coulombe
– Mon patron Nicolas Belisle
– Mes amis Jesse Hébert, Jesse London-Wallace, Gabriel Desjardins, Jean-Chrisphe Marando, Jérôme Boisvert-Lacroix, Mathieu Bergevin
– Mon patineur Patrick Bisaillon
J’aimerais également remercier Élisabeth Lipton pour la raison qu’elle connaît.
Finalement : Hossam voulait que je dise qu’il est ma plus grande inspiration ;)
Fiche technique
Nom: Pettersen Coulombe
Prénom : Bruno
Surnom : Aucun en particulier
Né le : 31 août 1990
Taille : 1m 70
Poids : 63 kg
Province / pays : Québec, Canada
Né à : Montréal
Vit à : Montréal
A débuté le roller en : 2008
Catégorie : Senior
Etudes : Informatique, génie logiciel et entrepreneuriat
Points forts : Mental, efficacité technique, endurance
Points à améliorer : Départs, vitesse de pointe, longueur de foulée
Autres sports : Course à pied, vélo, natation, ski, soccer.
Le dernier film qu’il a vu : The amazing spider-man 2
Musique favorite : Électronique et Rock. Pour la musique Québécoise : Jean Leloup et Les Cowboys Fringants.
Jeux vidéos : J’aime bien les jeux de Valve (Half-life, Team fortress). Sinon une partie de Age of Empire entre frérots, le classique.
Lectures : Mes derniers furent La biographie de Nadal, Les dessous de la politique de l’oncle sam, The Sports Gene, et la bio de Steve Jobs
Aime : Les défis
N’aime pas : La banalité
Qualités : Je suis très fiable et autonome
Défauts : J’ai parfois du mal à gérer mes émotions
Club : Montréal-Gadbois
Team : J’étais avec les Rockets avant mon solo. Nous avons d’ailleurs fait le 24h du Mans en 2012 (11e au cummulatif).
Meilleur souvenir : On va y aller avec la course : les derniers tours de la course sous les encouragements.
Pire souvenir : Ma double chute à 7h30 du matin
Langues : Français, Anglais, Espagnol
Alcool ou jus de fruit ? Alcool, voyons!
Patinage sur glace ou roller-skating ? J’adore les deux
Route ou piste ? Route
Sprint ou marathon ? Marathon
Roues dures ou roues tendres ? Dures
Plage ou montagne ? Montagne avec les copains, plage avec les copines
Matin ou soir ? Soir
Fromage ou dessert ? Pourquoi choisir?
Rap ou techno ? Techno
Football ou rugby ? Soccer qu’on dit ici
Simple ou double poussée ? Double
Photos : droits réservés
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