Les 24 Heures Solo de Mister Explosion
Jamais deux sans trois ! François Bagnard s'est élancé fin juin 2012 dans ses troisièmes 24 Heures du Mans roller en solitaire. Avec plus de 120 tours au compteur, Mister a remporté sa course... lors du sprint final ! Récit...
Par alfathor

Du vélo au roller de vitesse
J’ai toujours aimé les épreuves longues et je n’ai jamais été performant sur des marathons. Jurassien d’origine, j’ai d’abord fait mes classes dans le club de vélo du village en alternant les pratiques selon les saisons. Ce n’est qu’à 18 ans, en débarquant à Cergy-Pontoise pour mes études, que je découvre le roller de vitesse.
Zone 4 Roller m’a permis de faire mes gammes et de participer à de très beaux challenges, pour le Téléthon notamment (Liévin-Paris, Paris-Dreux, Evreux-Paris et St Gervais-Paris).
C’est aussi à ce moment-là que je découvre les 24 Heures du Mans Roller, et j’en suis maintenant à ma huitième édition. Le solo m’a attiré quand j’ai lu les témoignages de Philippe Coussy, multiple recordman des 24 heures à roller.
Mes deux premières participations m’ont permis de découvrir cet effort, sans objectif particulier, à part rouler, prendre du plaisir et aller au bout de moi-même. 340 km effectués pour ma première année et 386 km la deuxième.
Suite à cela, j’avais envie de franchir une marche plus importante, et il me fallait donc un entraînement bien plus soutenu. C’est donc tout naturellement que je me suis rapproché de Hubert Maniabal (Youb), connu dans le monde du roller et de l’ultra-distance.
Les neuf mois d’entraînement ont été intenses, mais cela a toujours été un plaisir à chaque sortie, et le travail a porté ses fruits : mes moyennes sur les sorties longues ont augmenté sensiblement.
Le jour J
J’arrive aux 24 heures avec moins de stress que les années précédentes. Concentré, précis sur les derniers préparatifs. Et le départ retentit.
Je lace mes patins avec calme, un 24 heures ne se gagne pas là, mais une ampoule peut ruiner tout espoir. Patins aux pieds, je file pour rattraper les collègues solos connus depuis plusieurs éditions, et qui ont cette année les mêmes objectifs que moi. Au bout de deux tours, le peloton de tête des solos d’une dizaine d’unités est constitué. Ça file à vive allure, et l’averse tombée dans la première heure nous ralentit à peine.
Ça ne tourne qu’à 24 km/h à cause de la pluie ! La descente de la Dunlop s’effectue comme si je marchais sur des œufs, à 45 km/h. Thibaut Dejean, dans ces conditions, mène la tête avec aisance, plus propre sur ses patins que beaucoup d’entre nous. Nous évitons néanmoins toutes les chutes et restons soudés en attendant l’accalmie. La deuxième heure, avec la piste qui sèche, restera la plus rapide pour moi avec 26 km parcourus. Le groupe est toujours soudé et les temps tombent, les relais s’effectuent tous les tours, au début de la ligne droite des stands.
Sagesse et expérience
Après 3 heures de course et 75 km parcourus, je décide sagement de sauter du peloton de la tête de course. Ils sont partis sur le même rythme que mes 6 heures, je sais d’avance que je pourrai tenir cette cadence sans défaillance par la suite. Je reprends un rythme plus sage, 23 km/h environ afin de reprendre des forces, 24 heures c’est long. Et il faudra en garder sous le pied pour aller loin.
Au bout de 6 heures, la tête des solos m’a déjà pris deux tours, je roule depuis quelque temps avec Sabrina, la seconde solo féminine. Nous collaborons parfaitement, et les tours s’enchaînent à bonne allure. 10 min 40-11 min, cela nous permet de ramasser plusieurs solos ou d’autres patineurs contents de trouver un train régulier. Néanmoins, peu de personnes se bousculent pour venir prendre le vent, et Sabrina et moi réalisons 70 % des relais du groupe. Peu importe, nous avons plaisir à rouler, ensemble.
Patinage en nocturne
La Dunlop passe sous nos roues tour à tour dans la nuit noire. Maintenant, c’est notre satellite qui nous permet d’apprécier l’évolution de la nuit. Nous l’apercevions très nettement par cette nuit claire, au bout de la piste, avant de retourner sur la ligne droite des stands.
2 heures du matin, 10 heures de course, Sabrina s’arrête au stand, je la retrouverai une heure plus tard en ayant fait des tours quasi seul. La différence avec les années précédentes, c’est qu’aucun train de solo/duo ne s’est constitué durant la nuit. Nous sommes dispersés avec des rythmes différents et certains, partis trop vite ou refroidis par la pluie, n’ont pas résisté à l’appel de l’oreiller.
11 heures de course et je prends la troisième place après deux arrêts de Laurent l’Alsacien. Nous reformons notre duo avec Sabrina, la nuit est toujours là… Les tours reviennent avec une certaine lassitude… Il est dur de garder un rythme correct avec la fraîcheur de la nuit qui nous endort. Il faut penser à l’aube qui viendra dans 3 longues heures maintenant. C’est là qu’il faut songer à avaler des boissons chaudes afin d’aider son corps à lutter contre le froid. Mais attention, les boissons laxatives sont à bannir si l’on veut tenir avec une stratégie sans arrêt.
13h20 de course et un nouvel arrêt de ma partenaire, le soleil se lève, il mettra du temps à me réchauffer, ce n’est qu’après 9 heures que j’enlèverai ma veste. Le retour du soleil fait quand même du bien et marque la première moitié de course écoulée. Reste la seconde, la plus dure… Ne pas penser à s’arrêter, se rappeler des entraînements hivernaux, avec le gel, le froid, la pluie… Repenser aux sacrifices d’une année, aux heures d’entraînement, aux personnes qui comptent sur vous, aux membres de la team BioRiderNature, aux amis, aux amis de club, à ma chérie.
Il faut se dire que l’on n’a pas fait ça pour rien, c’est dur mais c’est bon en même temps, effacer la Dunlop à chaque fois et recommencer tous les tours. Non, tu ne m’auras pas, je ne m’arrêterai pas, je continue, on continue.
Troisième !
L’annonce de ma troisième place m’a fait du bien et m’a donné des ailes. En 4 heures, je prends 2 tours à mon poursuivant, les jambes suivent, le moral tient. Mon staff tourne bien, ils se sont relayés pendant la nuit, et maintenant tout le monde est là. Leur présence rassure et motive.
Arrivé à 16 heures de course, je trouve enfin un bon peloton emmené par deux habitués de l’épreuve : Dan et Chicken. Ils travaillent quasi exclusivement en binôme, sans l’aide de personne, et je suis vraiment ravi de les retrouver. Mes jambes commencent à peser, le passage de la Dunlop, qui au début n’est qu’une formalité, voire même comme dit le coach « une jouissance à chaque montée », devient une côte, puis un col et, dans les moments les plus durs, de l’escalade…
Je resterai 4 heures avec eux, en troisième ou quatrième position dans le peloton, derrière la petite Manue qui tourne bien.
20 heures de course, barrière très très dure à franchir pour moi. La tête et les jambes n’y sont plus. Pas de souci d’alimentation ni d’hydratation, mais rien, plus rien. D’habitude, quand la tête ou le corps te lâche, il y a toujours l’autre pour t’aider, garder le dessus et continuer à te pousser. Là non, je suis sec, la motivation est partie, l’esprit divague, je suis dans le flou. Le corps, les jambes ne veulent pas répondre, on s’invente des trucs pour prendre les stands, s’assoir…
Début d’un duel au long cours
En 2 heures, je me fais reprendre mes 2 tours d’avance. Laurent, qui a su mieux gérer son effort, est parti à l’assaut et a pris le vent pour me les reprendre. Chapeau gars !
Youb me prévient, cela me fait l’effet d’un électrochoc et me ramène à la réalité. Ma chérie, qui a les mots qui font mouche, reprend une expression qui m’a toujours fait marrer : » Tu ne vas pas craquer à 2 mètres du bol de sangria quand même ! »… (Mdr).
Je refais le plein gentiment, je sais que ce sera un combat rude à présent pour cette troisième place, et quel combat !
Après avoir fait un tour avec Laurent et son peloton, mon ami Rglod vient me soutenir, et il durcit l’allure. On refait des tours en 10 min 30 ! Je m’accroche en serrant les dents, et Laurent est dans mes roues. On souffre, on souffle aussi… Après 4 tours à cette allure, il faut faire quelque chose, tenter un truc… Je décide d’attaquer dans la Dunlop et, à deux reprises, je jette toutes mes dernières forces dans mes patins. En vain, Laurent revient sur moi, rapidement, ça m’abat. Où en est-il ? Bluffait-il dans la Dunlop en soufflant ? Va-t-il me mettre une attaque foudroyante ?
Travail d’équipe pour un sprint épique
On continue de rouler un tour et puis on discute… On décide de faire ensemble notre objectif, 120 tours, et que de toute façon on tiendrait dans les roues, donc que ça se jouerait dans l’ultime tour, à la loyale, sans aide extérieure. Nous passons le cap des 120 tours ensemble, côte à côte, contrat rempli donc. Reste 25 min de course. On a le temps d’en refaire deux. Nous les faisons tranquille. Je profite de ces moments pour refaire le plein de moral, quelques gestes d’assouplissement… On se rend compte que les muscles sont durs.
Dernier virage, j’ai enfin pu faire passer Laurent devant, on avance à 10 à l’heure. À hauteur de l’horloge de l’entrée des stands, environ 400 m, je mets une attaque, je savais qu’elle ne serait pas suffisante, mais le but était d’accélérer le rythme, de le tester. Laurent revient et passe devant.
On est sur la gauche de la piste, il garde la tête en se retournant tout le temps. Je me positionne tantôt à sa droite, tantôt à sa gauche, puis, sentant que la distance devient correcte, 130 m environ, je gicle à sa droite et vais tout de suite coller la zone moquette afin qu’il prenne le plus de vent possible. Je le sens derrière moi. Je m’arrache jusqu’au bout, je vais chercher les dernières ressources pour finir.
Arrivée de Youb et de Claude autour de moi, je leur demande si c’est bon. À leur réponse, je suis sur un nuage. Arrivé au stand, j’enlève mes patins avec de l’aide, finalement très peu de traumatismes visibles. Restera à retrouver toute la sensibilité de mes plantes de pieds. Le podium est une délivrance aussi, les nerfs se relâchent, je suis heureux. Heureux d’avoir accompli cela.
Remerciements
- Merci à Laurent, car pour un beau combat il faut deux adversaires valeureux, et il a été très fort.
- Merci à Sabrina pour avoir fait au total avec moi 50 tours de circuit, bravo à toi et, c’est sûr, nos routes se recroiseront.
- Merci à la team BioRiderNature pour les tours faits avec eux au Mans.
- Merci à Jean-Stéphane Sierra pour m’avoir fait des formules 1 sur mesure.
- Merci à Rglod pour le partage de nos expériences et sensations durant ces longs mois de préparation. Merci d’avoir dynamité la fin de course aussi.
- Merci à Youb pour ces 9 mois d’entraînement, mission accomplie, l’accouchement s’est passé comme sur le plan. Que du bonheur, le plaisir dans l’effort.
- Merci à ma chérie pour avoir supporté mon absence et mes priorités pendant ces 9 mois… Tu vois, le travail a payé.
Liens utiles
Résultats de la 13ème édition pour des 24H Rollers du Mans 2012
Photos : Kevin Lesueur, Franck Racker
Christine Dumouchel, droits réservés
mystic
3 octobre 2012 at 22 h 37 minKat seulette
3 octobre 2012 at 17 h 50 minFrançois
3 octobre 2012 at 17 h 14 minévinrude
2 octobre 2012 at 22 h 51 minCharly
2 octobre 2012 at 19 h 29 minCarine
2 octobre 2012 at 18 h 24 min