Un raid Irlande/Ecosse sur roulettes

Emmanuel Dambier et Anthony Cauchy ont pris le pari de traverser l'Irlande en direction de l'Ecosse l'hiver dernier sur leurs rollers. Les deux compères, harnachés de leur paquetage sont partis sur les routes les plus variées, les meilleures comme les pires. Rencontres...

Par alfathor

Un raid Irlande/Ecosse sur roulettes

Questions/réponses à Emmanuel et Anthony

Comment est née la volonté de mettre en place ce projet ?

Ce projet est né d’une passion commune : le sport et plus particulièrement le roller. Étant tous les deux très sportifs et aventuriers dans l’âme, nous avons donc décidé de relever cet incroyable défi pour allier l’aventure sportive et humaine, la découverte de nouveaux horizons, les rencontres avec la population locale aussi bien en Irlande qu’en Ecosse.

En quoi a consisté votre préparation ?

  Cela s’est fait en plusieurs temps, pour continuer à prendre notre dose quotidienne de sport, nous alternions entre :

  • les randos hebdomadaires rollers organisées par l’une des plus grandes associations sur Lyon (petite anecdote : un soir, histoire de se préparer à galérer, nous avions chargés chacun un sac à dos de 15 kg de boites de conserves et bouteilles d’eau. Nous avons effectués une trentaine de kilomètres avec, c’était tout simplement insupportable. Déséquilibrés, nous faisions du sur place ! Ah ça oui rien de tel pour perdre du poids ! Mais pour faire 700 km, c’était inenvisageable, surtout quand on sait que l’on a eu plus de 70% de montées au cours de notre trip… mais heureusement le Skatedrive®  nous a permis de faire face à cette inévitable question existentielle : quelle est la meilleure solution de portage ?
  • Des parcours que l’on se fixait régulièrement tous les deux autour de Lyon, histoire de garder la forme
  • De nombreuses heures passées dans la salle de musculation. Bon ok, ça nous arrivait aussi de terminer par sauna et hammam, bien mérités !
  • Des week-ends et soirées passés aussi à faire du street-hockey, sous la pluie, en pleine nuit, rien ne nous arrêtaient…si peut-être les coups de crosses dans la tête !
  • Définir notre parcours (à l’aide de Google map et les cartes routières que l’on avait déjà)
  • Etablir la check list : prendre l’essentiel, choisir ce qu’il y a de plus léger et surtout ne rien oublier!
  • La recherche de partenaires : présentation de notre projet en power point, mails, appels téléphoniques…

La recherche de partenaires a été difficile ?

Nous avons passé beaucoup de temps dans cette phase là. Il s’est avéré que ces derniers étaient beaucoup plus ouverts lorsqu’ils s’agissaient de sociétés plus spécialisées par rapport aux grands groupes qui avaient sûrement beaucoup plus de moyen financiers et matériels mais qui nous fermaient systématiquement leur porte…
Nous tenons donc à remercier profondément encore une fois ceux qui nous ont fait confiance et qui nous ont suivis dans notre  démarche :

Trailskate – 4ème millénaire : Leader mondial du roller tout terrain. Ils nous ont soutenus en nous fournissant un matériel adapté aux routes d’Irlande et d’Ecosse, c’est à dire les Trailskates, modèle standard sans freins, une paire pour chacun. Nous tenons à remercier tout particulièrement Gérald Faure qui a cru en notre projet.
Les Trailskates nous ont permis de rouler sur certaines routes sur lesquelles nous n’aurions pas pu rouler autrement ; et ce de façon confortable, efficace, nos pieds étaient surexcités à l’idée de les chausser car les vibrations dues aux routes cabossées, étaient tout bonnement insupportables, avec les rollers.

Notre ressenti :

Les + : pratiques (pas besoin d’enlever les chaussures), confortables avec un bon maintien du pied grâce à un système de fixation recherché (impression d’être comme dans des boots) mais aussi grâce aux roues de 200 mm tout terrain, « tueuses » de vibrations, bonne adhérence sous la pluie, résistants, faciles et rapides aussi bien à chausser qu’à déchausser, précision dans le serrage…
Idéaux lorsqu’il faut rouler sur des routes en mauvais état (on était servi sur ce point là), sous la pluie, sur des chemins caillouteux…
Les – : requièrent d’avoir une bonne condition physique due aux diamètres des roues et à la longueur de la platine, lourds (notamment lors du portage).

Skatedrive® : Moyen de déplacement intermodal non polluant, sécuritaire, ludique et sportif, d’une maniabilité et une polyvalence exceptionnelles. Une réelle innovation !  Un grand merci à Michel Humeau gérant de la société distribuant les Skatedrive®.Il nous a apporté son soutien en nous fournissant un Skatedrive® à chacun avec portes charges pour la bonne réussite du raid, sans quoi il nous aurait été quasi impossible d’avancer avec les 40 kg que nous avons eu à porter. C’est une véritable révolution dans le monde du portage en roller. Nous lui en sommes donc reconnaissants.
On s’est également aperçu que le Skatedrive®  était non seulement incroyablement efficace pour le portage mais aussi pour se déplacer, sans charge dessus, nous l’avons testé et il offre de multiples possibilités (déplacement, promenade, acrobaties, tout terrain…) de par sa maniabilité, très utile dans les montées car il offre un effet moteur que ce soit par appui propulseur ou par tractions. Enfin, si vous aimez le ski, vous êtes servis, le Skatedrive® reproduisant en grande partie les sensations.

Notre ressenti :

Les + : Moyen de portage par excellence avec charges importantes, transporter des choses en rollers lourdes et/ou encombrantes devient aisé. Le porte charge a parfaitement résisté au poids contenu dans le coffre (40 kg). Même très chargé, l’équilibre du Skatedrive® reste plutôt bon.
Extrêmement maniable, léger, son réglage facile et rapide, peu encombrant (une fois plié, il ne prend que très peu de place), il se faufile partout.
Sécurisant, il possède d’un système de freinage redoutable !
La prise en main se fait plutôt rapidement (environ une dizaine de kilomètres). Rollers et Skatedrive® donnent l’impression de ne faire qu’un !
Le couple Trailskate – Skatedrive® se marie bien, étant complémentaires l’un et l’autre.
Les – :l’équilibrage des 2 patins de frein nécessite d’être particulièrement bien réglé au départ car sinon il y a frottement et ce qui entraîne donc une perte d’énergie. Cette sensibilité n’enlève en rien la qualité et l’efficacité du freinage.

Moana Shop : Moana Shop est un magasin orienté sur les sports de glisse : Roller, Kitesurf, Skateboard, Waveboard, Monocycle, Powerkite, Surf, etc.
Nous tenons à remercier tout particulièrement son gérant, Florian Masoni qui nous a fourni gracieusement les roues (8 pour chacun) : les Nano en 4*100 et 2*100/2*90 et 85A/86A pour la dureté ont formidablement bien tenu la route et quelle route ! Rien à dire, bonne adhérence, une usure plus que raisonnable sur une telle distance !

Notre ressenti

Les + : Excellente adhérence sur route sèche, une bonne résistance à l’usure (environ 50% à la fin du raid, c’est-à-dire environ 700 km), une excellente qualité de gomme (sur des routes aussi dégradées, la gomme a plutôt bien résistée).
Les – : Adhérence plus aléatoire sur route humide.

Kite-Tek : Site spécialisé dans les sports d’eau, d’air et de glisse, Kite-Tek propose la vente de matériel et d’accessoires pour le Kite surf, le cerf volant, le mountainboard sans oublier son rayon bagagerie et ses caméras embarquées.
Merci beaucoup à cette société et notamment à Xavier qui a manifesté beaucoup d’intérêt pour notre projet et nous a, spontanément et sans hésiter, offert une super caméra embarquée : la Go Pro Helmet avec ses 5 millions de pixels, son caisson étanche et l’ensemble des accessoires (supports et fixations).
Cette caméra embarquée nous a été très utile tout au long de notre parcours, je l’ai fixée essentiellement sur le casque, elle tenait parfaitement grâce à un système de fixation bien pensé mais nous aurions très bien pu la fixer au guidon du Skatedrive®.

Notre ressenti :

Les + : peu encombrante car petite et légère, résistante à l’eau grâce à son caisson étanche, films de bonne qualité avec ses 5 millions de pixels, ergonomie bien étudiée (2 boutons principaux faciles d’accès et simple d’utilisation lorsqu’on est en pleine action), de nombreuses fonctionnalités, un vaste de choix de supports et fixations vraiment très appréciables !
Les – : une résistance au froid limitée, consomme pas mal d’énergie, malgré des piles AAA au lithium vivement conseillées dans la notice.

Autre recherche de partenariat :
Pour ce qui est des médias, nous avons effectué là aussi pas mal de démarches aussi bien en France qu’en Irlande/Ecosse et sur ce point le résultat n’a pas été favorable.
Heureusement qu’Alexandre Chartier de rollerenligne.com a relayé notre projet sur son site, son soutien a été important pour nous, son site est un véritable bijou, une mine d’or d’informations, alors un grand bravo pour l’énorme travail que tu effectues sur ce site !
Et pour finir, au sujet des associations (dont notre projet initial était de leur reverser une grande partie des bénéfices réalisés suite à une exposition photo), cela a été un véritable échec pour nous (car cet objectif nous tenait particulièrement à cœur).
Notre but était au préalable de cibler de grandes associations environnementales basées sur certains critères tels que leur sérieux et leur transparence.
Avant de partir, nous en avons donc démarché de nombreuses et ces dernières se refusaient de nous accompagner, d’accepter notre aide.
Incompréhensible, avec toujours des motifs aussi surprenants les uns que les autres : une fois parce que notre projet ne se faisait pas en France, une autre fois, un problème de communication, sans parler des associations qui ne nous donnaient aucun motif de leur refus.
Nous leur demandions pas grand chose pourtant, si ce n’est de donner leur accord pour recevoir des fonds suite à l’exposition et qu’apparaisse notre projet et les noms de nos partenaires dans les documents ainsi que leurs sites.
Nous ne citerons bien sûr aucun nom mais le propre d’une association qu’elle soit environnementale ou autre n’est-il pas de rechercher des fonds ?
Il faut avouer que nous étions au départ plein de bonne volonté mais les échanges que l’on a eu avec les associations nous ont véritablement freinés !  

Avez-vous pu mener tous vos objectifs à bien ?

Presque entièrement. Nous sommes allés au bout de ce que nous avions prévu au départ, c’est à dire de relier en 21 jours Dublin (Irlande) à Aberdeen (Ecosse) et ce malgré les nombreuses difficultés…
Donc finalement, le seul objectif que l’on n’a pas pu mener à bien était la réalisation de l’exposition photo que l’on souhaitait réaliser à notre retour, sans le moindre accord d’associations que l’on avait au préalable démarchées, il n’y avait plus d’intérêt de remplir cet objectif, cela fût bien frustrant !  

Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées ?

Les plus grandes difficultés rencontrées ont été :

  • l’état des routes : nids de poules, crevasses ce qui nous ne mettaient pas dans les meilleurs conditions pour aborder les routes sinueuses et les cols à franchir…
  • la dangerosité des routes : soit trop étroites avec les camions nous frôlant, soit carrément de grandes nationales avec une forte circulation avec surtout là encore une très forte présence de poids lourds ce qui ne nous pardonnait aucune d’erreur et ce qui nous a d’ailleurs valu quelques belles frayeurs !
  • les nombreuses douleurs qui se faisaient de plus en plus présentes et devenaient latentes : ce sont nos chevilles qui ont en pris un maximum, sur la fin de notre parcours, on boitait, cela donnait plus l’impression de chevaux qui avaient raté une haie que de personnes faisant du roller.
  • les conditions météo : pluie, vent, et pourtant…les locaux que l’on rencontrait nous disait que le temps était plus tôt correct pour la saison cette année, alors oui malgré de mauvaises conditions, on s’attendait à pire !
  • une charge non négligeable : les 35 à 40 kg de bagages (vivres inclus) que l’on avait à pousser quotidiennement (malgré le confort énorme que nous a donné le Skatedrive® nous avons quand même atteint un poids limite, car un tel poids le déséquilibrait par moments (faible vitesse, montées). Mais cela nous a permis de revenir avec des bras en acier! Excellent comme travail musculaire!
  • Les nuits : où l’on récupérait difficilement, surtout Tony, sa tente prenait l’eau avec l’humidité…
  • Le rythme, rouler 8 à 10 heures quotidiennement (sauf 2 jours off), que l’on devait maintenir sans relâche jusqu’au dernier kilomètre.

  A vrai dire, malgré de nombreuses galères nous nous étions préparés psychologiquement et physiquement à tout cela, sachant qu’un raid est on le sait loin d’être un parcours  de santé. Sans difficultés, où est donc l’intérêt ?

Quel est votre meilleur souvenir ?

Question d’une extrême complexité puisque l’on garde tellement de souvenirs aussi merveilleux les uns que les autres, entre les somptueux paysages, les chaleureuses rencontres avec les Irlandais et Ecossais, des moments riches en émotions, mais peut-être que le meilleur souvenir reste celui d’être allé jusqu’au bout tout simplement en ayant partagé des moments uniques…
C’est dans ce genre d’aventure que l’on se rend encore plus compte de la vrai valeur des choses et de ce que c’est de profiter pleinement et à chaque instant du moment présent !
On se laisse aller à redécouvrir les bonnes choses comme un repas, apprécier les choses simples comme une douche ou un café, réapprendre à respirer le bon air de la nature, se replonger dans son soi intérieur, voir repousser ses limites… mais là nous sortons du sujet du meilleur souvenir, désolé.  

Le matériel a souffert ?

Oui, mais au final moins que ce que l’on aurait pu penser :
-les Skatedrive® : Anthony a crevé 2 fois. Mis à part ces incidents, le sien n’a pas trop souffert dans l’ensemble. Quant à moi, je n’ai crevé qu’une fois mais mon Skatedrive® a été mis a plus rude épreuve car j’ai chuté et suis passé par dessus peu avant Belfast.
Le guidon s’est plié (Heureusement Tony le mécano était là et a remis tout ça en place tant bien que mal) et le coffre (permettant de transporter nos bagages) s’est fragilisé… Mais tout ceci est détaillé un peu plus bas, dans la partie « anecdotes »…
Pour finir, lorsqu’on est arrivé à Paris, une fois le Skatedrive® démonté et chargé dans le coffre avec les autres affaires, il a fallu prendre à bras le corps ce coffre qui dépassait allégrement les 35 kilos et traverser les bouches de métro comme cela.
Difficilement transportable, j’ai poussé, traîné, malmené dans les rues de Paris, ce pauvre coffre qui est donc maintenant dans un piteux état…
-Les Trailskates : Ils ont bien tenus le coup, ma roue arrière s’est dévissée une fois, je me suis retrouvé dans le fossé, mais finalement c’était un incident mineur. Anthony n’a pas eu de souci particulier.
-Les roues ont parfaitement résisté malgré les avoir malmenées sur tous types de terrain.
Nous n’avons eu à aucun moment besoin de les regonfler, ce fût bien agréable !
-Les rollers : les Lightning TF  de chez Rollerblade en 4*100mm d’Anthony ont bien résisté malgré le fait qu’il ait perdu sur la fin du parcours sa roue arrière et la visserie avec, il a fait les 20 derniers kilomètres sur 3 roues, c’était dantesque, je pense que c’était pour fêter à sa manière l’arrivée tant attendue à Aberdeen, no comment !
Quant à mes Moto Extrême de chez K2, j’en suis plutôt content car ils ont également bien résisté à la pluie, à la boue, aux chocs, aux trous et j’en passe !
J’ai juste les lacets qui se sont arrachés sur la fin mais normal, ils n’étaient pas tous jeunes !
-Les roues : Les Nano en 4*100 et 2*100/2*90 et 85A/86A pour la dureté ont excellemment bien tenu la route et quelle route! Rien à dire, bonne adhérence, une usure plus que raisonnable sur une telle distance !
-Les roulements : ILQ9 pour mes K2 : ils ont bien résisté, surtout que je ne les avais pas changés depuis 1 an. Avec juste un bon nettoyage régulier, ils m’ont permis de bien rouler ; cependant vers la fin (après Glasgow), ils se sont vraiment bien encrassés, rouillés et abîmés mais il faut dire qu’il ont connus les pires conditions (boues, pluie, humidité, gravillons et j’en passe !) et nous n’étions plus aussi assidus quant à leur entretien.
ABEC 7 pour les Rollerblade de Tony : roulements qui ont également bien tenus la route ! Comme moi, le fait de les avoir maltraités, à écourté leur durée de vie.
-Les appareils photos (numériques) : nous n’avons pas rencontrés de soucis particuliers avec nos Samsung respectifs.
-La caméra embarquée (Go Pro Helmet) : Elle est restée intacte tout au long du trajet, aussi bonne résistance qu’étanchéité malgré de mauvaises conditions météo (humidité, pluie, brutaux changements de température, etc.) Les différents systèmes de fixation ont également bien tenus.

Quel a été l’accueil des habitants des lieux traversés ?

La population locale aussi bien en Irlande qu’en Ecosse, nous a réservée un accueil extrêmement chaleureux. Sans même parler des gens qui nous arrêtaient nous demandant ce qu’on faisait là. Les coups de klaxons sans cesse pour nous encourager, des enfants nous suivant sur des dizaines de kilomètres à vélo… Mais au final, le plus bel accueil que l’on ait pu avoir est celui des locaux qui nous recevaient parfois le soir dans la semaine lorsqu’on leur demandait s’il n’avait pas un petit bout de leur terrain ou de leur champ… de fil en aiguille, non seulement ils acceptaient dans bien des cas, mais en plus ils nous proposaient de prendre un café, un thé, parfois un repas. Et c’est même arrivé que pendant nos deux journées off, nos hôtes nous invitent même à dormir au chaud chez eux, prendre le petit déjeuner, une douche et on en passe…vraiment incroyable ! Un accueil hors du commun, une générosité exceptionnelle et nous les remercierions jamais assez (alors un p’tit clin d’œil à Lesley & Peter, May & Tom, Jim & Elaine, Jenny & Paul et à tous ceux qui nous ont soutenu tout au long de notre parcours).  

Des anecdotes à nous faire partager ?

 Il y en a tellement… Cependant, nous pourrions en retenir deux principalement qui nous ont particulièrement marquées :
Une arrivée à Belfast retardée :
Quelques dizaines de kilomètres avant d’arriver à Belfast, après avoir roulés toute la journée et en traversant un petit village, lors d’une longue descente, j’ai baissé mon Skatedrive® pour passer un trottoir assez haut ; jusque là sans trop de difficultés, sauf que cette fois ci ma roue étant en grève à cet instant précis, mon cerveau déconnecté et mon corps suivant le mouvement comme un mouton. Ce cocktail explosif ne pouvait que me mener dans le décor et c’est ce qui s’est passé. J’avais tout simplement baissé ma garde mais pas assez mon Skatedrive® et je me suis donc immédiatement retrouvé projeté par dessus celui ci en me fracassant lamentablement sur le bitume.
Tony était bien loin devant. Comme je ne bougeais plus, il est venu voir ce qu’il s’était passé… Et à ce moment là, m’avoua t-il plus tard, il voyait déjà le raid s’arrêter là. Il est vrai que la situation n’était pas des plus réjouissantes.
Heureusement, de mon côté, plus de peur que de mal, je souffrais terriblement du poignet sur lequel j’étais tombé. Mais apparemment, ni cassure ni entorse (et oui mes protèges poignets ont bien fait leur boulot).
Sonné, en reprenant mes esprits je regarde Tony qui me fais un signe de la tête et je comprends tout de suite que pour le matériel ça sent pas bon. Effectivement, le guidon du Skatedrive® s’était presque plié en deux, le coffre, mis à part de profondes rayures et une attache fragilisée, a miraculeusement tenu le choc.
La nuit tombant rapidement, je n’avais pas le temps de me remettre de mes émotions, ni de réparer le Skatedrive®.
Epuisé et le poignet en compote, le Skatedrive® devenait quant à lui difficilement contrôlable une fois le guidon tordu, me mettant ainsi dans une position bien inconfortable (avec la main gauche à hauteur du torse et la main droite à celle de la cuisse).
Déséquilibré et complètement ailleurs, je repars dans la descente à vive allure et là, arrivé à une petite intersection, jetant un rapide coup d’oeil à gauche et devant moi (et non à droite, mon esprit s’étant absenté l’espace d’un instant et oubliant déjà qu’il fallait penser aux réflexes de conduite Irlandais et non français), je continue donc ma route sans même ralentir. A ce moment là, heureusement que Tony a crié un grand coup pour m’avertir du danger et que j’ai eu le réflexe instantané de longer le trottoir, et non de freiner ou de continuer mon chemin, car une voiture a déboulé de par la droite, et à une demi-seconde près c’était le choc assuré. J’ai cependant senti la carrosserie de la voiture me frôler, un souffle que je n’oublierai jamais. Le conducteur je pense, lui n’a jamais dû m’oublier, au final tout le monde était paniqué sauf moi, comme si l’on m’avait propulsé sur une autre planète.
Au final, le pire a été évité, mais cela aura été une fin de journée pour moi à la fois maudite et miraculeuse.
J’ai donc retenu la leçon et il n’était plus question de rouler en étant aussi déconcentré, à cause en grande partie du mélange douleur-fatigue.
Après avoir donc roulé plus de dix heures et au bout de quelques kilomètres interminables, Tony m’ayant remis du mieux qu’il ait pu le guidon du Skatedrive®, nous décidâmes de nous arrêter enfin. Il était temps après toutes ces frayeurs. Cela tombait relativement bien car c’est il n’allait pas tarder à faire nuit.

Une dernière nuit sous la tente et une arrivée à Aberdeen très folklorique :
Déjà la veille au soir le ton était donné. Nous avons monté nos tentes très proches de Stoneheaven, sur une petite colline, avec vue magnifique sur la ville, notamment sur le port. Nous étions près d’un monument mais aussi très proche d’une falaise.
Après avoir mangé notre super festin qui se résumait à trois nouilles et deux bouts de pains (heureusement que nous avions nos paquets de muesli et barres énergétiques, il m’arrivait d’en grignoter un peu en pleine nuit pour me consoler ou tout simplement pour combler mon besoin constant de sucre).
Sous les coups de 22h00, nous nous couchâmes dans nos tentes respectives. Mais la nuit ne se passa pas du tout comme prévu…
Rien ne laissait présager une quelconque tempête avec une nuit relativement étoilée malgré quelques passages nuageux et un vent quasi absent du territoire.
Il était à peu près un heure du matin, quand soudain, j’entendis du bruit, exactement comme si plusieurs personnes donnaient un tas de coups de pieds dans la toile de tente…Une sensation à la fois étrange et effrayante. Qui à cette heure de la nuit viendrait s’amuser à donner des coups de pieds dans une tente et surtout pourquoi ? Je revins vite à la réalité et m’aperçut qu’en fait il s’agissait tout simplement de la répétition de micro rafales ultra violentes, ce qui donnait donc cette impression de coups répétés.
Au fur et à mesure, ces rafales de vent devenaient de plus en plus espacées mais beaucoup plus intenses et imprévisibles. Voilà une tempête qui se levait et dont on ne connaissait pas encore l’ampleur. Ce que nous venions de subir n’était qu’un amuse gueule.
Le vent se mis à souffler de façon continue et sa montée en puissance commençait à devenir sérieusement inquiétante. Et il y avait effectivement matière à s’inquiéter…
Mon double toit commença à se décrocher, à force que le vent pénètre par le dessous. J’essayais désespérément de m’y accrocher. On aurait dit à ce moment là que j’étais entrain de faire du Kite. La scène, avec du recul, était aussi typique que marrante valait d’être filmée.
Il était environ 3 heures du matin et depuis bientôt une heure qui me parut interminable, je restais là, accroché à ma toile de tente comme un crabe à son rocher…
Ne sachant plus quoi faire et face à la violence du vent sans rien autour pour le ralentir, nous étions tout simplement à sa merci, je décidai donc de lâcher mon double toit qui n’étais pas aisé à tenir. Il fallait le pincer avec ma toile de tente. Finalement, il valait mieux perdre mon double toit que de rester de façon indéterminée à m’acharner contre un combat perdu d’avance.
La tempête était si forte et si durable qu’elle finit par également faire plier mes arceaux en aluminium et même par nous soulever moi et ma tente par à-coups.
Cela devenait complètement hallucinant, surréaliste, non les mots étaient trop faibles pour ce que nous étions en train de vivre avec Tony, chacun de nos côtés dans nos misérables tentes, transformées en à peine quelques heures, en misérables bouts de tissus.
Dans cette lutte acharnée, je décidais donc de m’enrouler du mieux que je pouvais autour de ce qui me restait de tente. Je mis les Trailskates dans un coin et ce qui me restait d’affaires dans l’autre coin pour essayer de rester sur place car le vent avait tendance à me pousser doucement mais sûrement. Avec la falaise à à peine une trentaine de mètres, je ne faisais vraiment plus le  malin.
Vous allez dire mais pourquoi n’ont t-il pas quitté leur tente ? Facile à dire mais moins à faire lorsqu’on est pris dans un enchevêtrement de toiles, enroulé voir saucissonné. Je ne savais même plus où était l’ouverture, impossible de trouver la fermeture éclair dans ce noir intégral. Ma lampe de poche était dans ma tente mais où ? Puisque j’étais prisonnier de ma propre tente !
La situation était vraiment dantesque et moi qui ai tendance à rester assez cool, zen face au danger, là c’était une tout autre situation. Pris de panique, figé par la peur, je restais là à attendre, mais à attendre quoi? En plus pour agrémenter le tout, il ne faisait pas bien chaud en pleine nuit. Sans rien ou presque pour me protéger, transit et sans broncher, je priais pour que les cieux arrêtent de se déchaîner.
Gelé, paniqué, voyant que la tempête ne se calmait pas, les minutes devenaient des heures et les heures, des jours, c’était tout simplement infernal !
Finalement, à l’aube, le vent s’affaiblit un peu. J’en profitais donc pour m’habiller. Mais cette fois ci en dehors de ma tente, car je l’avais tenté à plusieurs reprises à l’intérieur mais en vain. Je sortis donc en caleçon, la tête dans les choux après une nuit quasi blanche, le vent frais me vivifia et je ne me fie pas prier pour rassembler mes vêtements éparpillés ici et là dans cet enchevêtrement de toile de tente.
Bref la journée commençait bien. Une fois sorti, je suis allé voir où en était Tony, mais il était toujours dans sa tente, enfin de ce qu’il en restait (les arceaux en aluminium s’étaient désemboités et tordus). Sa tente aussi était proche de la falaise.
Après avoir filmé et photographié nos tentes pour immortaliser ce moment et nous rappeler plus tard qu’il faudra relativiser lorsque l’on aura des périodes avec le sommeil un peu agité, revoir ces photos dans un bon lit douillet nous consolera…
20ème jour. Il était aux environs de 8 heures et la dernière journée s’annonçait longue, éprouvante avec encore la pression de respecter les délais prévus puisque là il s’agissait de la dernière ligne droite.
Nous nous sommes donc préparés à la hâte, sans trop parler, fatigués et énervés de notre nuit. Nous laissâmes rapidement Stoneheaven derrière nous. Des montées encore des montées me criait Tony (je ne disais rien mais n’en pensait pas moins, il est vrai que depuis le début de notre raid, l’on a atteint presque les 80% de montées). Nous étions lessivés, livides, nos pieds tous endoloris, nous roulions à moitié en boitant à moitié en canard, il s’agissait d’une démarche très originale mais fort peu efficace. Nos douleurs aux pieds étant trop insupportables, notre corps cherchait donc toutes sortes de postures pour apaiser un temps soi peu cette souffrance.
Il nous restait encore une bonne vingtaine de kilomètres avant l’arrivée, quand soudain, Tony perdit en roulant sa roue arrière de ses Rollerblade. Il essaya de la remettre mais en vain, le pas de vis était complètement foutu. Il hésita à mettre les Trailskates, mais autant nous les avons privilégiés dans de nombreuses circonstances au début sur les routes cabossées ou plus tard dans les descentes par exemple mais cette fois ci, dans nos conditions physiques, entre douleurs latentes et épuisement, avec de terribles montées qui nous attendaient, il se résolu donc à continuer à rouler avec ses Rollerblade et seulement trois roues sur un patin; il vivait un véritable calvaire car cette histoire de roues était vraiment la cerise sur le gâteau. Malgré la difficulté, il a tenu bon, n’est pas tombé, et a réussi à tenir un bon rythme.
Nous avions des mines à en faire pâlir plus d’un, mais notre détermination à fini par payer. C’est le milieu d’après midi et nous apercevons en contre bas enfin la ville d’Aberdeen ! Cependant, nous n’arrivons pas au bout de nos surprises. Après être arrivés par une petite route de campagne toute cabossée, celle ci donnant sur…pas grand-chose, nous avions le choix entre un semblant d’autoroute, repartir en direction de Dundee soit revenir sur nos pas…pas très enthousiasmant tout ça !
Nous  arrêtons des locaux et leur demandons quelle est la solution pour rejoindre la ville et nous finissons par comprendre que notre seule possibilité est de faire un détour d’une dizaine de kilomètres en passant par de petites routes. A vol d’oiseau, nous sommes à à peine un kilomètre, « c’est vraiment rageant » lançais-je à Tony !
Lui qui pensait se tirer d’affaire sur ses trois roues, moi qui m’était déjà bien relâché, et non, nous narguaient les panneaux de signalisation, le combat n’est pas fini !
Finalement, tant bien que mal, nous arrivons à Aberdeen en fin de journée, sous les coups de 17 heures.Nous n’apprécions même pas notre arrivée, exténués, nous traversons la ville sans à peine prendre le temps de la regarder. Nous prenons quand même quelques clichés (mal cadrés) histoire de nous déculpabiliser. Notre joie était dissimulée par nos douleurs, mais nous étions, au fond de nous, content d’y être parvenu…
Enfin ! Nous l’avons fait, 700 km, un délai respecté, encore en vie, et des expériences, des rencontres toutes aussi enrichissantes qu’inoubliables !

Vous avez un autre projet en cours?

Pour le moment non, mais cela risquerait bien de revenir, à mûrir ! En tout cas, rien d’immédiat car nos malléoles ne s’en sont toujours pas remises, d’ailleurs, on les entend et elles crient :  » pitié, pitié « ! Pour ma part, après que mes chevilles aient dégonflées, je me suis aperçu de la formation d’un kyste synovial, bien implanté et qui n’a toujours pas voulu se déloger depuis… il m’est donc très difficile de remettre des patins dans l’état actuel des choses.

Liens utiles

L’article de présentation du raid sur rollerenligne.com
Le blog d’Emmanuel et Anthony Texte : Alfathor et Emmanuel
Photos : Emmanuel et Anthony

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Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Bonjour à tous, je suis Alexandre Chartier, fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001 avec infosroller.free.fr. Le modeste projet d'étude est devenu un site associatif qui mobilise une belle équipe de bénévoles. Passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne, j'étudie le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

5 responses to “Un raid Irlande/Ecosse sur roulettes”

  1. PIerre
    15 février 2011 at 22 h 05 min
    vous avez des videos ?/
  2. imaleaf
    7 juillet 2010 at 23 h 17 min
    que de souvenirs ... on recommence quand !!? ;)
  3. Ginette
    7 juillet 2010 at 22 h 54 min
    Ca me rappelle des souvenirs tout ça !
  4. anthony
    7 juillet 2010 at 18 h 37 min
    Bravo les gars.. Je trouve que c'est vraiment un beau projet! C'est géniale de voir des gars mené à terme un aussi gros projet!
  5. alfalf
    6 juillet 2010 at 3 h 06 min
    Bravo ! Ca donne envie ! Vous m'avez surpris par l'utilisation du skatedrive, un outil qui me parait très peu pratique et dangereux !

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