Les 24h du Mans en solo de Turtle
Katy, s'est lancée dans le roller en 2005. 3 ans plus tard et à 53 ans, elle se lance le défi de participer en solo à cette épreuve mythique du Mans 2007 en toute simplicité. Son objectif n'est pas de devenir la championne mais plutôt de montrer que ce type d'épreuve peut se faire avec beaucoup de persevérance et un minimum d'entraînement...
Par alfathor

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » dit la « Turtle »
24h en solo en toute simplicité
J’ai découvert Le Mans avec l’équipe Roll’Air Mousseaux en 2005, devenu depuis Mant’Roll 78, et en même temps qu’il était possible de participer à l’épreuve en solo. Je suis revenue avec l’équipe en 2006. L’idée a fait son chemin et dès la fin de de l’édition 2006, j’annonçais à Apache que le prochain je le ferai en solo !
J’ai 53 ans, je monte les côtes au ralenti, je panique devant des descentes inconnues, mais je suis décidée. Pour moi, pas de super défi, juste le faire… cool, à ce moment-là sans autre objectif.
Ce n’est qu’en février que je pense sérieusement à me préparer. Je vais aux entraînements le mercredi soir et je roule le dimanche matin. Enfin, en théorie, car la météo n’est pas très coopérative. Mais surtout, je commence à lire tout ce que je trouve sur cette épreuve et je découvre que ceux de mon niveau ne témoignent pas, que tous ont fait 500 km, qu’ils en ont bavé malgré un super entraînement, un régime adapté, etc.
Objectifs… tranquille
Pas de panique… et fin mars, suite aux conseils qui me sont donnés, j’abandonne mes roues de 80 pour des Fila M90 Lady. Je me retrouve avec de super ampoules à vif qui m’obligent à faire une pause d’une dizaine de jours. Je m’équipe donc de pommade, de pansements (merci Epitact), d’anti-frottements et c’est vraiment parti.
Je roule le mercredi seule pendant 2h, puis Anne-Marie vient me rejoindre et me force à aller plus vite, avant de m’abandonner suite à une chute !
Deux copines du club m’accompagnent à tour de rôle chacune à leur niveau et cela me motive. Ma seule idée étant : rouler, rouler, rouler…
Les plus courageux se retrouvent certains vendredi soirs dans une zone commerciale de 21h00 à 1h00 ou 2h00, je me joins à eux seulement 2 fois et jusqu’à minuit pour tourner toute seule mais avec les encouragements de tous.
Le dimanche je fais les sorties avec le club. Quand il pleut, je fais du stepper en réfléchissant et me trouve un objectif : 50 tours.
Préparation
Côté alimentation, je ne modifie rien. Je ne suis pas très viande rouge. Je ne mange pas gras, pas salé, pas sucré sauf chocolat noir et céréales. Il m’arrive juste, certains midis, de ne manger que des fruits avec l’espoir de perdre 3 ou 4 kg en pensant que la côte sera plus facile !
Week-end du Mans
Je vais au boulot le vendredi mais dans ma tête je suis déjà là-bas, aussi je rentre tôt et je prépare mes affaires.
Je prend mes deux paires de rollers en espérant que mes 80 ne quitteront pas le coffre de la voiture, ma tenue, de quoi me changer dont 6 paires de chaussettes, ce que j’ai acheté à chaque passage au rayon nutrition : barres de céréales, pâte d’amande, gel énergétique, pain d’épice, comprimés à sucer, boissons et même un gâteau super énergie à faire soi-même que je prépare pour toute l’équipe… bref de quoi m’alimenter pendant 10 ans !
Je n’oublie pas mes pansements. J’en profite pour faire un planning très simple : je divise ces 24 heures en 6 fois 4 heures et calcule qu’en faisant 10 tours par cycle c’est jouable. L’idéal prévu est de tenir jusqu’à 8h00 pour dormir 2h ou 3h et finir cool.
J’ai un super moral ! Joël, mon mari, qui ces deux dernières années est venu chronométrer, rentre du travail. Vers 18h00 nous partons tous les deux. Nous commençons à avoir nos petites habitudes et avons réservé une chambre à l’hôtel afin de bien dormir et nous en profitons pour faire un petit restaurant en amoureux.
Jour J
Après une bonne douche et un copieux petit déjéuner, nous rejoignons l’équipe au camping. Agitation, excitation, bonne humeur et la question fatale : comment tu le sens ? « Je vais bien, tout va bien… » ( cf. Dany Boon ). En fait je suis plutôt zen, surtout que Apache s’est occupé de tout et me remet mon dossard, la puce et un maillot du club avec mon surnom. Merci !
L’équipe est divisée en deux : une partie attend l’ouverture de la grille pour se précipiter et avoir une bonne place au paddock, l’autre reste au camping pour préparer les dernières affaires et manger un peu. Anne-Marie a préparé une très bonne salade de pâtes… un morceau de gâteau et un thé, le tout en papotant avec Céline, Agnès, Amandine, Gilbert, Gillou un autre solo.
Il faut enfin rejoindre le circuit et trouver une petite place pour ses affaires. Là, Joël apprend qu’il va pouvoir s’occuper uniquement de moi pendant 24h puisqu’il y a 7 accompagnateurs pour le chrono, les massages, « chouchouter » les coureurs.
Pas de qualififications pour le départ
Pour moi, pas de qualifications. J’ai peur du ridicule si je vais trop doucement, j’ai la flemme de mettre les rollers, mais je suis celle de l’équipe qui s’en sort très bien. Je ne savais pas que Gillou était capable d’aller si lentement !
Je prends donc le départ à la queue avec d’autres solos pas plus courageux que moi. Pour la première fois je me retrouve en chaussettes face à mes rollers. Quelle ambiance !
Je me rend compte que je me dépêche pour être prête, ridicule ! Ca y est, je roule, je passe devant l’équipe que je repère au drapeau de Mant’Roll. J’entend les encouragements. Je monte la côte lentement, vient la première descente pour me rassurer, la ligne droite avant ce passage où ça descend tranquille, la ligne droite avec le ravitaillement en eau, deux virages légèrement montants et la ligne des stands. Ouf, un de fait, grâce au revêtement ça roule super bien. Joël et Apache me font de grands signes pour que je ralentisse.
Vitesse de croisière
J’enchaîne le deuxième et Joël m’indique que je tourne en 13 mn, trop vite pour moi si je veux tenir mais je me sens super bien, je ne force pas.
Je m’oblige à aller plus doucement pour enchaîner les tours, la météo est idéale, pas trop chaud, tout va bien. Au bout de 2 heures, mon petit orteil me fait mal, je m’arrête pour mettre un pansement. Joël me donne une barre, à boire, un bisou et c’est reparti.
J’ai trouvé mon rythme et le circuit défile régulièrement, plus vite que prévu. De plus je suis surprise de tous les encouragements des autres solos, de l’équipe à chaque passage, de Joël qui me surveille, de Gillou qui a un petit mot gentil à chaque fois qu’il me dépasse, d’anciens du club et même de bons rouleurs qui me motivent dans la montée.
Mon orteil me pose problème et vers 20h00, je fais une nouvelle pause : changement de pansement. Je profite même d’un massage d’Agnès. Nouveau départ, je prend mes petites habitudes et selon les conseils de Gillou je profite de certaines côtes pour manger, je prend de l’eau au tour qui suit, je continue à me concentrer dans la descente, je profite du paysage et repère ceux qui ont le même rythme que moi (rare !). Je roule, je roule…
Voilà qu’en plus de mon doigt de pied, j’ai un point au genou et un autre au dos. Nouvel arrêt. Super nouvelle : l’équipe d’à côté a des osthéopathes qui proposent gentiment de s’occuper de nous. Après 20 bonnes minutes de manipulation, mes points ont disparu et ne reviendront pas !
Joël m’a préparé des pâtes asiatiques et un thé chaud et sucré.
Passage de la nuit
Je vais bien, tout va bien… et je suis de nouveau sur le circuit. Le soir est tombé, il y a un peu moins de monde. J’aime ce moment et la nuit qui arrive…sauf que la pluie arrive aussi.
Ceux qui me connaissent vont vite reconnaître mes réflexes : je me contracte, je freine les 3/4 de la descente, je me crispe même en ligne droite… le grand n’importe quoi. Mais je continue en me disant que l’équipe est là, que Joël est là et que mes enfants savent ce que je tente, donc je n’ai pas le choix, je dois faire mes 50 tours.
A 4h00 je suis obligée de faire une pause, je tremble, j’ai froid… Il faut que je me détende. Joël qui partait dormir reste me préparer un thé bien chaud avec du pain d’épice, je change tous mes pansements et mes chaussettes, et je saute littéralement sur Agnès qui revient de se reposer au camping pour un massage de la totalité de mes 2 jambes sans même lui laisser le temps de boire un café. Miraculeuse Agnès qui stoppe mes tremblements et me permet de repartir.
Dur, dur, la fatigue m’envahie
Malgré la répétition je ne ressens aucune lassitude. Gillou qui me dépasse de temps en temps, vers 5h me dit qu’il est fatigué, j’ai l’impression pour ma part d’être en forme mais 2 tours plus tard je n’avance plus. Je trébuche toute seule sur le plat et bien qu’il ne soit que 6h45 je décide d’aller dormir (une bonne heure plus tôt que prévue).
Anne-Marie m’annonce qu’elle m’a préparé un hamac avec deux duvets, génial, sauf que Gillou m’a piqué la place et qu’il dort. Un roller de l’équipe d’à côté me propose son matelas, trop gentil, et je m’écroule.
Lorsque Gillou repart je prend le hamac, je sais alors que mes 50 tours ne sont pas loin (plus que 5 ou 6 tours) aussi je prend mon temps. Dodo jusqu’à 8h30, puis petit déjeuner. Je remets des Epitact sur mes ampoules et sur mon orteil, de l’anti-frottement pour faire tenir et des chaussettes sèches.
Je décide de repartir cool jusqu’à midi, pas facile de relancer la machine mais il ne pleut plus et le sol est sec, et pour cause : le vent souffle et me surprend à la sortie du virage de la descente. Merci au solo qui m’a proposé de m’abriter derrière lui pendant le reste du tour.
Turtle (Tortue), mon surnom bien mérité
A partir de maintenant, je roule vraiment comme une Turtle, je m’arrête toutes les 2h et je prends mon temps pour m’alimenter, toujours très peu mais régulièrement. Je discute aussi avec l’équipe. A 15h00 je fais un tour en filmant tout le circuit. En haut de la côte, je me fais plaisir en faisant un arrêt pour me retourner et voir les rollers qui peinent (un peu sadique !).
Je touche au but
Et enfin je fais le dernier tour, je m’arrête pour regarder passer les meilleurs et je suis rejointe par Gillou qui gentiment me propose de faire l’arrivée avec lui. Merci encore. Cette dernière droite des stands restera un bon souvenir.
Pas de fausse modestie, je suis super contente, j’ai fait 55 tours soit 230 km.
MERCI
– à tous ceux qui ont roulé avec moi pour m’entraîner, surtout Anne-Marie, Gillou et Apache qui m’ont supportée certains dimanches quand je traînais,
– à toute l’équipe et aux accompagnateurs qui n’ont pas cessé de m’encourager, – à Agnès pour ses massages,
– et tout spécialement à Joël qui a supporté (parfois en râlant) toutes mes absences pour cause d’entraînement et qui s’est si bien occupé de moi pendant ces 24h.
Depuis le 2 juillet je suis super motivée pour tenter 60 tours en 2008 !
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