Les 24H du Mans Rollers 2018 d’Antoine Smerilli, vainqueur en solo
Antoine Smerilli a dompté le circuit Bugatti à 139 reprises à l'occasion des 24 Heures du Mans Roller 2018. Sous la chaleur étouffante, il a construit sa victoire à travers de multiples échappées face à des concurrents redoutables. Voilà son récit...

Antoine Smerilli nous raconte ses 24 Heures en solitaire
Par où commencer ? Par la rentrée sportive peut-être ? La mienne a eu lieu en octobre/novembre, après 3 semaines passées au C.E.R.S. de Capbreton en vue de soigner un problème de dos que je traîne depuis avril 2014. J’y ai d’ailleurs rencontré une certaine Marine à qui j’ai raflé quantité de desserts lors de sa période de sèche ! Période qu’elle a inversée quelques semaines plus tard lors du stade final de sa préparation à l’enduroman, qu’elle a couru avec brio !
Du short-Track au roller
Au sortir de cette hospitalisation, je mets mon entraînement de short-track au second plan pour privilégier celui des juniors du club, le Speedy on Ice Dijon Bourgogne (S.I.D.B.) ; difficile d’être au four et au moulin en même temps… Pour compenser et ne pas trop perdre (car la glace aura toujours ma préférence) je me rends à 2 entraînements de roller par semaine. Je profite donc de l’existence du Roller Skating Dijon Bourgogne (R.S.D.B.) pour m’entraîner avec eux en indoor (quelle plaie cette discipline ! ) jusqu’au changement pour l’heure d’été.
Roller : qu’il pleuve ou qu’il vente
A partir de là, ils retournent en extérieur sur la piste avec des horaires se chevauchant avec ceux du short-track. Je garde donc toujours la glace et vais m’entraîner seul sur la voie verte le long du canal de Bourgogne. On est alors fin mars et qu’importe le grésil, le vent et/ou la pluie, je roule 2 fois par semaine. Je suis bien content d’avoir ma combinaison en néoprène certains jours ! Le plus fastidieux reste le démontage et le nettoyage obligatoire des rollers de manière hebdomadaire à cause du mauvais temps.
Fin de la saison de short-track
Arrivent alors les championnats de France juniors de short-track : nos deux U17 dames en ramèneront trois médailles de bronze. La fin de la saison de glace est là. Début Mai, je suis donc « libéré » du short-track à cause de la fermeture estivale de la patinoire municipale. Je vais pouvoir me consacrer pleinement au roller. J’ai donc deux mois pour me préparer aux 24 h Le Mans. C’est peu et ça fait franchement peur… Mais c’est toujours mieux que l’année dernière et il est capital de garder à l’esprit ce genre de notions positives pour avancer.
Je réarrange alors ma planification et dégage :
- 2 créneaux par semaine pour la préparation physique,
- 2 créneaux par semaine pour l’entraînement en roller sur piste,
- 2 créneaux par semaine pour l’entraînement en solitaire sur voie verte.
Le dimanche, qui aurait dû être jour de repos, se transforme en sortie vélo de plusieurs heures sous l’impulsion d’une amie (Charlotte, si tu lis ces lignes). Tant mieux en vérité, ça change du patinage, ça fait voir du paysage et les routes sont beaucoup plus variées. Mention spéciale à la descente dans la Combe Lavaux qui s’est faite au milieu de dizaines de milliers de pyrales du buis. Au-delà de l’aspect féerique que cela donnait, l’impression d’évoluer au milieu d’une tempête de papillons s’est vite estompée en faveur de la sensation de prendre une pluie de grêlons sur la tête à plus de 60 km/h !
Les courses de préparation
Cette routine va m’accompagner jusqu’aux Championnats de France de roller sur route, auxquels je participe pour la première fois. Ce n’était pas franchement une réussite pour moi, la meilleure place que j’obtiens est la 17ème sur le 100 m… Suite à cette expérience, je décide d’écarter les Championnat de France piste roller course à Etables-sur-Mer (22) de mon calendrier et alloue mes ressources à la préparation exclusive des 24 Heures du Mans Rollers.
Je conserve la semaine-type comme décrite plus haut et me sers également des 6 heures de l’UT Troyes Roller ainsi que du semi-marathon Roller de Dijon pour tester l’avancement de ma préparation et une partie du matériel que j’utiliserai sur les 24 h. Une partie seulement car je n’avais jamais utilisé les roues avec lesquelles j’ai roulé sur le circuit Bugatti avant le départ du samedi à 16h. Véridique !
Le staff
On a l’entraînement et le matériel, il reste à bâtir l’équipe. Car bien que je sois en catégorie solo, il y a quand même derrière moi plusieurs personnes qui vont devoir me ravitailler et m’informer de l’évolution de la course. Après courte réflexion et un appel aux volontaires, mon staff sera composé de :
- Jean-Claude Perronnet : spécialiste de l’ultra-endurance (>24h) en course à pied avec la particularité d’être atteint de cécité.
- Ma mère, Véronique : spécialiste de… moi, et accessoirement médecin généraliste (ça peut servir, éventuellement).
- Son compagnon : grand connaisseur du circuit de par les courses de 24 heures moto qu’il a effectuées dessus, 1’40 au tour et une 3e place !
- Et Margot, jeune patineuse de short track dijonnaise.
Cap sur le circuit Bugatti
On part avec tout ce beau monde le vendredi soir de Dijon, direction Le Mans ! Ça y est le grand jour arrive. On arrive à l’hôtel à minuit passé pour y découvrir des chambres non climatisées. Choc et stupeur. Qu’à cela ne tienne, avec l’heure tardive et le sommeil qui nous guette, dormir ne devrait pas poser de problèmes. Et bien, plus ou moins… La chaleur fait que je vais me réveiller de nombreuses fois (entre chaque cycle de sommeil en fait) pour, au final, avoir quand même une nuit de 8 à 9 heures. Un sommeil morcelé comme celui-ci a de quoi faire douter, et pas qu’un peu. Cependant c’est quelque chose que j’ai déjà « expérimenté » sur d’autres compétitions sans que cela ait d’impact sur mes performances. Il ne me reste plus qu’à espérer qu’il en aille de même sur l’extrême longueur et la grande difficulté des 24 heures… On se rassure avec ce qu’on a.
Arrivée au circuit
Après un petit-déjeuner copieux (je m’en suis donné à cœur joie sur les divers pancakes, mini-crêpes, viennoiseries, charcuteries et autres fromages blancs proposés par l’hôtel), direction le Bugatti pour aller retirer dossard, puce, etc.
Ne pouvant accéder à l’intérieur du circuit avec notre véhicule, nous nous rendons à pied jusqu’au point info pour récupérer les accès paddocks et les tickets repas de mon staff (ça leur évitera de cuisiner eux-mêmes ou de manger « sur le pouce »). Dans le même temps je pars aux inscriptions chercher mon dossard. Pas de problèmes à ce niveau-là, en catégorie solo on n’attend pas longtemps et 5 minutes plus tard je pars retrouver ma mère à l’accueil. Nous découvrons alors que seuls les bracelets d’accès sont bien dans l’enveloppe correspondant à notre réservation. Nulle trace des 4 repas prévus pour mes 4 accompagnateurs ! On refait la queue, on explique le problème, on patiente, l’organisation le solutionne (ouf ! ) et on peut repartir décharger la voiture.
L’installation dans les paddocks
C’est donc chargé comme des mulets que nous partons nous installer dans les paddocks et là, bonne surprise : le nombre de boxes alloués aux solos est supérieur à celui de l’année dernière ! Effectivement, après installation complète, il reste de la place, beaucoup de place. Ça tranche avec les conditions de l’année dernière où on se marchait un peu dessus mais au final cela m’importe peu puisque je ne compte pas y retourner une fois la course commencée (prétention, quand tu nous tiens)… Je décide cette année de ne pas faire les qualifications et de partir chaussé du fond de grille. Dire que je suis lent à enfiler et serrer les patins serait un doux euphémisme. Cela laisse donc beaucoup de temps libre pour se reposer. J’en profite également pour montrer à mon staff comment me passer le sac à dos de ravitaillement ainsi que la façon de démonter et remonter les patins, au cas où. Voyant mes patins, un participant me demande alors si ce sont des moulés. Je lui réponds que non, car ce sont en effet des patins standards d’une marque canadienne de short track, Evo pour être précis. Voilà, l’interlude « placement de produits » est fini et maintenant, place à la course !
Le départ du fond de grille
15H50. Je pars me mettre sur la ligne des solos, en fond de grille. Je reconnais là certains protagonistes de l’édition 2017 et d’autres que j’ai pu croiser sur des 6 heures : Igor, Nico, Claude, Sessem,… La tension monte plus on se rapproche du départ, avant même d’avoir fait le premier mètre je me demande déjà ce que je fais ici ! A mon plus grand étonnement cette question ne reviendra jamais du reste de l’épreuve. Ce n’est pas plus mal, tant il aurait été dur d’y répondre.
Hop ! Le départ est donné ! Nous autres n’avons plus qu’à patienter jusqu’à ce que les juges veuillent bien nous libérer. Attendre comme ça est quelque peu angoissant et assez inhabituel pour moi je dois bien l’avouer. D’habitude, au coup de pétard, je suis déjà parti ! D’un autre côté, vu que l’on part pour 24 heures, je me calme en me disant qu’on n’est pas à la minute près…
Ça y est, ça part enfin. Ah mais quel plaisir de pouvoir rouler sur un revêtement pareil ! J’accroche tout de suite les solos les plus rapides et un petit train se forme avec notamment Igor, Nico, Claude, Simon, Patrick et d’autres dont j’ignore le nom. Le deuxième tour est effectué en 7’15 », ça roule fort et j’aime beaucoup ça. Très vite Patrick accélère dans la montée du Dunlop. Voyant là une belle occasion de se faire la malle, je lui emboîte le pas. Personne d’autre ne le fera.
Mettre un tour aux autres solos
C’est donc à deux, et avec l’aide d’autres équipes dont on a pu prendre l’aspiration, que nous partons dans le dur labeur de mettre un tour aux autres prétendants à la victoire. Je n’ai aucune idée du temps que ça a pris, ça m’a paru long mais ça a marché. Il fait encore jour et nos ombres s’étirent sur l’asphalte lorsque nous retrouvons enfin le peloton quitté plus tôt. On s’y replace et j’active le mode « économique » pour souffler après une échappée pareille. Nous passons ainsi de nombreux tours à nous relayer plus ou moins régulièrement. Certains semblent aimer les longs relais tandis que je les préfère courts.
Le principal adversaire : la chaleur
Nous suffoquons sous l’écrasante chaleur du jour; la température de piste atteindra 45°C. Afin de compenser cette chaleur terrible, je bois beaucoup et je m’arrose la tête ainsi que la colonne vertébrale à chaque entame de tour. Le vent généré dans la descente aura un effet glaçant sur mon maillot qui sera plus que bienvenu ! Puis vient une montée où Patrick décroche lentement du peloton, j’apprendrai bien plus tard qu’une cheville trop douloureuse l’a empêché d’évoluer à pleine capacité et a forcé son arrêt.
Quant à moi je m’accroche et ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine satisfaction à l’idée que mes concurrents sont désormais tous à un tour. J’essaie alors de creuser encore cet avantage et je profite des patineurs d’autres équipes pour prendre le large. Je réussis tant bien que mal à m’isoler mais l’hétérogénéité des équipes que je suis ne me permet pas d’aller au bout de ma tentative. Certains vont trop vite pour que je suive en montée et d’autres ne sont pas assez rapides pour que je prenne du temps sur les autres solos.
De nuit
La nuit tombe et plutôt que de continuer à errer seul ainsi, je profite de ma légère avance pour m’arrêter 2 ou 3 minutes auprès de mon staff. J’avale, entre autres, une canette de Coca et repars. Je m’incruste alors dans un autre groupe de solos et décide « d’attendre » ici que mes poursuivants au classement provisoire reviennent sur moi. Je repère ceux-ci lorsqu’ils reviennent à un tour de moi et constate que leur peloton a drastiquement diminué : il est maintenant constitué d’Igor, de Simon et de Karine. Autant il est diminué en nombre, autant les rouleurs(euses) réunis ici sont des costauds. Je m’y intègre à nouveau. La relative fraîcheur de la nuit est accueillie à bras ouvert et les relais s’enchaînent encore et encore, et encore…
Igor et Simon ne sont pas avares en efforts, leurs relais sont bien plus longs que les miens. Ils sont fous, me dis-je. Karine ne semble pas avoir les jambes pour rouler en tête mais reste collée au groupe. Le lever de la lune sur le circuit Bugatti est magnifique. En étant à ras de l’horizon, notre satellite naturel prend une teinte rouge-orangé du plus bel effet qu’elle n’abandonnera que plus haut dans le ciel. J’ai également la chance d’apercevoir une étoile filante (mon vœu est fait) ! C’est toujours bon pour le moral, car je commence à trouver le temps long, vraiment trèèèèèèèèèèèèès looooooooooooooonnnnnnnnnnnnnnnnng… J’utilise tout ce que j’ai de volonté et de motivation pour ne pas faillir, mais c’est dur. Je m’amuse alors à me donner des étapes à franchir : dans X tours il ne restera plus que X heures, allez faut tenir !
Duo de solos
Mais ça n’avance pas, nous si, mais l’heure non… Au bout d’un moment, on ne se retrouve plus que deux, Igor et moi. On va alors se relayer tous les tours en échangeant nos places à chaque fin de côte juste avant l’arche Dunlop. On va rouler ainsi de nombreuses heures. Je profite pour ma part de l’aspiration d’autre patineurs ayant un rythme similaire chaque fois que c’est possible, ça facilite le travail, autant physiquement que mentalement. Pas besoin de gérer les trajectoires ni l’allure, l’effet d’aspiration est proportionnel à la taille du groupe et permet également de glisser plus loin dans les descentes et de reprendre un patinage actif plus tard. Cependant Igor semble réticent à suivre les autres et laisse parfois quelques mètres d’écarts. C’est à ce moment que je me rends compte qu’il porte les stigmates d’une chute (intervenue dès les premiers tours sans que j’y assiste). Cela joue peut-être sur la confiance qu’il accorde aux patineurs le précédant, aussi prend-il soin de ne pas se mettre derrière « n’importe qui ». Nous retrouvons alors Simon et le groupe s’étoffe d’un troisième larron.
Au matin : attaque et contre-attaque
Aux alentours de la 14ème heure de course, Igor manœuvre habilement et me dépose littéralement dans les premiers pourcentages du Dunlop. La fatigue n’aidant pas, je mets du temps à réagir et Simon est déjà revenu sur lui alors que je commence à peine à accélérer… Je presse le pas et veille à monter le plus rapidement possible mais c’est dur et leur avance ne s’amenuise que peu à peu. C’est dans la descente du virage de la Chapelle que je réussirai à recoller grâce à une position plus aérodynamique que jamais. J’ai rarement été aussi fléchi et rien ne dépassait, pas même un cheveu !
Quelques tours plus tard, Xavier, partenaire du club de roller me dépasse en haut de la côte. Comme c’est mon à tour de relayer, je lui emboîte le pas afin de bénéficier de son aide. Igor ne suit pas. Sachant que c’est mon concurrent le plus proche pour la victoire, je fais en sorte de ne pas lâcher mon nouveau poisson-pilote et m’empresse de connaître le prochain relayeur de l’équipe qu’a aligné le R.S.D.B. Pour me préparer, surtout mentalement, à enchaîner quelques tours rapides afin d’augmenter mon avance d’un tour supplémentaire. Je patine tout ce que je peux sur les relais qui suivent pour rester dans les roues de Christophe et de Guy. Et l’effort paye ! Me voilà avec deux tours d’avance. Va falloir tenir jusqu’à la fin maintenant, il reste tout de même environ 9 heures de course…
Trois puis quatre tours d’avance !
De nouveau avec Igor, et la routine des relais se ré-installe. Elle durera 5 heures, jusqu’à une nouvelle accélération de mon concurrent. Au même endroit mais moins tranchante ; je parviens à recoller avant la fin de la montée. Hasard de la course, sur la montée suivante c’est Nicolas, un autre partenaire de club, qui nous dépasse. Voyant son rythme supérieur au nôtre, je plonge derrière lui et serre les dents pendant qu’il fonce. Je lui signale alors mon intention de mettre un tour de plus à Igor. Ce dernier n’ayant pas suivi, je profite des relais d’Emma, de Pierre et de Nicolas pour réaliser un autre coup de force et rajouter un tour à mon dauphin au classement provisoire. Il reste dans les 4 h de course si je ne m’abuse et j’ai désormais un peu plus de trois tours d’avance sur le second. La route est encore tellement longue. On pourrait pas avancer la fin de l’épreuve, hein, dites ?
La chaleur revient et par la même occasion les arrosages pour se rafraîchir. J’évolue maintenant au gré des groupes et personnes qui ont un rythme similaire au mien. Je ne sais plus où est Igor… Mais je fais fi de ce manque d’information car j’estime pouvoir voir venir. La montée du Dunlop devient un calvaire et consomme beaucoup de ressources mentales. Je n’en peux plus et pourtant il faut continuer, patiner encore, monter encore, descendre encore, monter encore…
Environ 2 heures passent ainsi et voilà que je porte mon avance à quatre tours sur le patineur du club d’Arras. Je ne dois pas être le seul à souffrir et bien que ça me paraisse horrible, ça m’aide à tenir. Tu parles d’un foutu paradoxe ! J’en profite alors pour m’arrêter auprès de mon staff afin de me gaver de Nutella et d’embarquer le plus de bonbons possibles dans la poche arrière, ça soulagera le moral. Je passe également par la case « toilettes » des paddocks et cela fait un bien fou. Je repars sur les conseils d’un certain Bruno qui me déconseille de rester inactif trop longtemps. En effet les muscles ont déjà refroidi et ça fait bizarre, j’ai désormais mal à de nouveaux endroits restés jusque-là plutôt tranquilles. Misère de misère…
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille
La douleur, non, cette nouvelle douleur s’estompera au bout de deux tours, une fois que les muscles auront chauffé à nouveau. Et ça, ça fait plaisir. De la douleur qui diminue, j’ai l’impression d’halluciner tellement ça me paraît peu probable. Et pourtant… C’est avec Sixties, d’Argenteuil que je vais faire la plupart des tours suivants. Il roule à une allure trop élevée pour moi à chaque montée et m’oblige à serrer les dents à chaque foutu Dunlop. Je tiens bon, il le faut, il ne faut PAS craquer !
Une nouvelle incroyable
On approche de la dernière heure de course et mon poisson-pilote prend une pause. Qu’à cela ne tienne je finirai à mon rythme, rythme tellement lent que tout le monde me double ou presque… Un autre Antoine va m’accompagner sur deux tours mais je n’en peux plus… Une nouvelle incroyable tombe alors : Igor s’est arrêté et j’ai désormais 7 tours d’avance ! Indescriptible, mon état est indescriptible. Je suis empli de sentiments et émotions qui se contredisent, s’entrechoquent, dans le chaos qu’est le reste de ma psyché. Puis-je exulter ? Je le mérite, non ? Ne serait-ce pas exagéré ? Surtout sur l’arrêt de mon adversaire ?
Avant de franchir la ligne
Je m’en fiche, la victoire n’a jamais été aussi proche et c’est la seule chose qui compte désormais. Je monte cette fichue pente une DERNIERE fois et me pose dans l’herbe à l’ombre de l’arche Dunlop. Il est 15h00. Plus qu’à attendre 16 h et je pourrai aller franchir la ligne. Être assis ici fait du bien : j’ai de l’eau, je suis à l’ombre et voilà Margot qui m’amène une boîte Haribo par l’intermédiaire d’un photographe qui traversera la piste pour me la donner. Mille fois merci !
Au fil des minutes, l’endroit se remplit d’équipiers ou de solos souhaitant franchir la ligne ensemble. Pour ma part je discute de ci de là avec différents patineurs et patineuses. Claude est également là, de l’autre côté de la barrière, en mode « piéton ». Il est désormais 16 h, je resserre les patins et pars pour mon 139ème tour, au ralenti. Je ne souhaite pas franchir la ligne avant le premier au scratch et en refaire ne serait-ce qu’un de plus. Le circuit me sort par les yeux et il est plus que temps que cela cesse…
J’en profite pour passer à l’endroit où j’ai perdu mes lunettes plus tôt dans la journée, il y 8 heures de ça. Le peu de morceaux que j’en retrouve sont dans un tel état que c’est irrécupérable, tant pis. Je repars et j’entends au niveau du S du garage bleu l’impatience du speaker qui a hâte de me voir franchir la ligne d’arrivée. Ça y est, la ligne est en vue, les derniers hectomètres sont interminables car j’ai peine à réaliser ce que j’ai fait aujourd’hui et hier. Le drapeau à damiers est là, c’est fait : je remporte l’édition 2018 des 24 h Le Mans dans la catégorie solo !
Joie et délivrance
La joie qui m’emplit est trop grande pour moi (déjà que je ne suis pas très grand) et c’est avec un simple sourire que je vais pouvoir l’exprimer. Il ne me reste sans doute plus assez de sel et d’eau pour pouvoir verser une larme. Contrairement à ma mère cachant son émotion derrière ses lunettes teintées, une fois la ligne franchie. J’étais venu pour la 1ère marche du podium et l’objectif est accompli, il n’y a rien à ajouter… Juste en profiter.
Remerciements
Plusieurs personnes méritent d’être remerciées dans cette aventure ô combien exceptionnelle pour moi et je n’essaierai même pas de faire court, parce qu’elles le méritent, toutes :
- Vincent et… Vincent : deux médecins dont le talent n’a d’égal que leur compétence dans leurs domaines respectifs. Sans eux, je ne serais pas là.
- Mon staff exceptionnel composé de Véronique, Margot, Jean-Claude, Christophe. Pas un ravitaillement en course n’a été raté ! L’on peut rajouter Bruno, pour le coup de main sur les chronos, notamment.
- L’équipe du R.S.D.B. pour le draft essentiel à deux reprises et d’une manière générale tous ceux qui m’ont aidé en me coupant le vent et/ou en me poussant. Ainsi que tous les patineurs et patineuses m’ayant encouragé d’une manière ou d’une autre. On trouve Nicolas, Pierre, Emma, Guy, Xavier, Christophe, Sophie, Sylvie, Marie-Noëlle, Claude, Simon, Igor, Patrick, Karine, Antoine, Sessem, Flo, Sixties, Cubanisto, l’équipe PSA (dossard n°1) et tous ceux dont j’ignore le nom.
- Mes entraîneurs et entraîneuses, qu’ils m’aient enseigné pendant une heure ou une décennie car il y a un peu de vous en chacune de mes foulées. Dédicace à Sabina, Alexandre, Christian, Alexandre (encore un), Pierrot, Alexis, Pascal, Alice, Nicolas, Guy, Maxime, Thibaut, Mike et Thibaut (bis).
- Derniers mais non des moindres : la Tribu Roller et l’armada de personnel derrière l’organisation des 24 h Le Mans de roller.
A lire également
Photographes : Franck Baucher, Vincent Lecourt, Franck Depping