Interview : Philippe Niepceron, des quads en 100mm

Des quads… avec des roues de roller en ligne

Depuis quand fais tu du roller ?

ça fait un peu plus de 15 ans, j’ai commencé avant d’avoir le bac en 88. J’allais souvent à Montparnasse et au Trocadéro. Je faisais surtout de la randonnée à rythme soutenu et souvent les rares courses qu’il y avait à l’époque. Ensuite j’ai fait de la descente et un peu de danse en loisir pour me faire plaisir.

Quel métier exerces-tu ?

Je suis ingénieur en informatique.

Quand t’es venu ce concept ?

Il est très ancien, au tout début quand j’ai commencé le patinage, je pensais déjà à mettre des grandes roues sur mes quads. Je me rappelle même d’avoir fait un prototype, il y a 15 ans, avec des cales en bois que j’avais ajouté sur des platines de Taïwan et des roues de caddies. J’avais fait 10 mètres avant que ça se casse en deux, donc j’avais abandonné l’idée.

J’y suis finalement revenu par la descente. J’en ai fait plusieurs années, à Lausanne, à Tignes. Je n’ai jamais voulu passer au patin en ligne, je ne trouvais pas ça fun et ludique. J’ai donc toujours fait les compétitions en quad. J’ai vite remarqué que les gens montaient des roues de plus en plus grosses comme le 76mm, 80mm, 84mm, et moi j’avais toujours mes roues de 65 mm.
Petit à petit, j’ai cherché de plus grandes roues comme celles de Longboard en 70 mm et 72 mm et j’ai finalement monté des roues de 76 mm et à faire les descentes comme ça.
Certes, j’allais plus vite, mais je ne pouvais plus slider, et comme en descente, sans slider, tu ne peux rien faire, c’était un peu la galère. A force de chercher une solution pour mettre des roues de plus en plus grosses, je me suis dit que la seule solution était de mettre des roues sur le côté. C’est seulement après que j’ai commencé à patiner sur le prototype. Je me suis rendu compte que c’était un patin agréable à patiner et que cela avait peut être vocation à être commercialisé, ça fait 2 ans que je travaille dessus. J’ai réfléchi à un brevet, j’ai fait de nombreux protos et le projet abouti.
La version finale a été dessinée sur pc avec des logiciels de simulation de résistance de matériaux, etc. Ce fut plusieurs mois de travail juste pour la platine et les trucks.

Tu fabriques les patins toi-même ?

Non, Je les ai dessiné d’un bout à l’autre en CAO/DAO, Ils sortent au moulage tel que je les ai conçus. Je les fais fabriquer en france.

Tu as trouvé des gens pour te soutenir ?

Oui, j’ai surtout pu avoir une subvention à l’innovation de la région île de France. J’ai d’autres demandes en cours. J’ai aussi été aidé par une école à Alençon.

Il y a un réseau de distribution ?

J’ai pris contact avec les shops d’île-de-France. Ils sont emballés par l’idée, mais il reste la mise en pratique. Pour la province et l’étranger, je n’ai encore rien fait.

A ton avis, ce produit est destiné à quel usage ?

Le principal usage qui en découle est le fitness, quand tu mets le pied dedans, le patin est bas, souple, tu passes bien le gratton, le pavé. Il y a deux cibles : Les quadeurs d’avant, qui cherchent un quad qui reste un quad, mais avec plus de vitesse. L’autre cible : les pratiquants fitness, qui vont avoir un temps d’adaptation. Ils auront une approche plus ludique, un patin confortable et qui va vite.

A quel prix seront commercialisés tes rollers ?

Le prix public est fixé à 200 euros sans la chaussure avec des roues de bases en 100 mm, les roulements, la platine. La platine seule devrait être vendue à 150 euros.

Est-ce que tu penses les commercialiser un jour avec des chaussures ?

Si je trouve un accord avec un fabricant c’est fort possible, mais pour l’instant je ne suis pas spécialement outillé pour faire les montages. Je préfère que chacun fasse selon son envie, c’est comme cela que ça se passe dans le quad. La semaine dernière, par exemple, j’ai fait venir un patineur artistique qui a monté ses bottines, ça ne me serait jamais venu à l’idée de faire un truc pareil. Chacun fait comme il le sent, chacun son patin.

Quelles innovations technologiques mets-tu en avant ?

Il y a plusieurs innovations : On a d’abord le mode de fixation : il n’y a que deux vis de fixation avec une contre-plaque. C’est plus rapide à monter et à démonter. Plus besoin de se faufiler entre les roues et les trucks. Les angles d’attaques sont asymétriques. L’angle d’attaque plus élevé sur le truck avant que sur le truck arrière, on a plus de maniabilité, on engage plus dans les courbes.
La position des roues de chaque coté de la chaussure donne une garde au sol très très basse malgré le diamètre des roues. Cela permet notamment d’envoyer des slides.
Pour finir, on trouve le fameux truck à billes. Ce système est complètement nouveau en patin. L’usure des chaussures est donc plus limitée qu’avant. De plus, le truck est super compact et ultra-bas. C’est une vraie rupture avec le passé.

Beaucoup de personnes l’ont testé ?

Wayne Gordon est venu la semaine dernière de Londres pour faire de la danse, j’ai également eu des retours positifs de RollerFr, sinon je les utilise moi-même avec depuis un an. Cet été, j’ai roulé pendant 3 mois près de 20km par jour pour tester la résistance des roues, des roulements, des billes. Ce sont des roulements classiques, montés sur des roues de trottinettes, moins cher que les roues de roller. Ceux qui veulent mettre du 688 ou des roues plus cher peuvent le faire, mais cela fait rapidement exploser le prix. Je veux que cela reste un produit grand public et efficace avec lequel les gens se fassent plaisir.

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Texte : Alfathor
Photos : Alfathor