Le skating rink du Luxembourg / Bals Bullier (paris)
Le skating rink du Luxembourg ou "bal Bullier" ouvrit ses portes au 9, carrefour de l'observatoire, sous l'impulsion des Etablissements Bullier et de Charles Goodwin.
Par alfathor

Les hauts et bas du skating rink du Luxembourg / bal Bullier / skating de la Closerie des Lila
En 1876, en pleine période de mode du patinage à roulettes, les skating-rinks fleurissaient à Paris, en province, et à travers le monde. Le skating rink du Luxembourg ou « bal Bullier » ouvrit officiellement ses portes1 les 15/16 avril 1876. Il se situait sur la rive gauche, à la Closerie des Lilas. Il ouvrit ses portes au numéro 9, carrefour de l’observatoire, sous l’impulsion des Etablissements Bullier et de Charles Goodwin. Ainsi, l’endroit était très fréquenté par les étudiants. Son directeur fut monsieur Henri Boutin, qui était déjà secrétaire2 et administrateur du Skating Rink des Champs-Elysées3. Un dénommé Mallard en aurait été le cogérant4.

Des travaux d’agrandissement
L’établissement connut un succès rapide et devint exigu, selon le journal La Liberté5. Le journal Le Corsaire6 du 8 juin 1876, indique d’ailleurs que des travaux d’agrandissement ont permis de faire passer la surface de patinage à un total de 1.100 m².
Le matériel à disposition des patineurs
Les clients se chaussaient de patins Plimpton . En outre, les patins étaient fabriqués et fournis par la maison Goodwin, fabrique de machines à coudres, 166, quai Jemmapes.
Description de l’établissement
Les bals Bullier possédaient une salle de danse qui fut convertie en skating. Elle jouxtait un jardin dont la fraîcheur était appréciée par les clients. Les Grands Magasins du Louvre et les Magasins de la Paix procurèrent l’ameublement du Skating du Luxembourg. L’une des travées de la salle fut bitumée sur une étendue de 300 mètres… « d’une façon qui laisse à désirer ». Les petites dames du quartier Latin s’y donnent rendez-vous.

Horaires et tarifs
Ouvert tous les jours :
- Le mardi, mercredi, vendredi et samedi de 9h00 du matin à 23h00 le soir
- Le dimanche, lundi et jeudi, de 9h00 à 18h00 (jours de bal)
Tarifs d’entrée7
- 1 franc, sauf les jours réservés (mardi de 20h00 à minuit : 3 francs)
- Abonnement à 20 francs par mois ou à 5à francs par trimestre
Le mot de l’Organe des Skating Rinks sur le skating des Bals Bullier
« Ah, si vous aimez la jeunesse et la folie, venez ici. Eh, ne faut-il pas se retremper parfois à ces sources de la joie et de l’oubli : » Ne sois pas trop sage » écrivait Montaigne sur les murs de sa chambre. Mais rentrons dans notre spécialité . Le rink est considérable : il occupe tout l’espace couvert où l’on danse les jours de bal. Les patins sont irréprochables. L’illumination est brillante, l’orchestre endiablé.
Du jardin spacieux que vous connaissez, le coup d’œil est ravissant. Les astronomes du voisinage passent, dit-on, la nuit à contempler les étoiles ; Bullier est un observatoire où vous en verrez d’autres, et avec plus de détails. Supériorité incontestable. On skatine ferme au Luxembourg. La hardiesse est femme, elle aime les jeunes gens. »

Localisation du rink8
L’emplacement actuel du skating-rink du Luxembourg correspond aux 31 à 39 avenue Georges Bernanos, Paris.
Antérieurement, l’établissement se situait Séminaire de Chartreux, puis en 1838 bal La Chartreuse et enfin en1847 bal La Closerie des Lilas-Jardin Bullier.
La vie animée du skating-rink du Luxembourg
Des courses de patinage à roulettes
Les courses de patinage faisaient partie des animations qui suscitaient un grand intérêt chez les patineurs et le public. La direction en organisa donc régulièrement, dont un pour la fête d’indépendance9 des Etats-Unis le 5 juillet 1876, une autre10 le vendredi 15 juillet 1876 avec deux champions anglais, un américain et quatre français. Le 16 juin11, les concurrents luttaient pour une récompenses de 100 francs et les concurrentes pour une prime de 50 francs.
Le vendredi 16 septembre 1876, l’établissement organisa plusieurs courses12 pour les hommes et les femmes. En voici les classements !
Première course (hommes)
1er prix : une paire de patins pour Monsieur Etienne
2e prix : une médaille de bronze pour Monsieur Breton
Seconde course (dames)
1er prix : une paire de patins pour Madame Madeleine Duguet
2e prix : une médaille de bronze pour Mademoiselle Anna
Troisième course (en arrière)
1er prix : une médaille d’argent pour Monsieur Bowles
Quatrième course (professeurs)
1er prix : une médaille d’argent pour monsieur Albert Guérault
La direction réitéra avec d’autres courses13 le vendredi 6 octobre 1876 :
Première course (hommes)
1er prix : une paire de patins pour Monsieur Watson
2e prix : une médaille de bronze pour Monsieur Adolphe
Seconde course (dames)
Prix : une médaille d’argent pour Madame Louise
Troisième course (Bagues au chronomètre)
Prix : Objet d’art remporté par Monsieur Dupré
D’autres courses eurent également lieu le vendredi 13 octobre, avec six concurrents au départ. Les participants pouvaient remporter une médaille d’argent et une médaille de bronze.
Comme dans de nombreux skating-rinks, un orchestre accompagnait les patineurs. D’autre part, des exibitions étaient organisées. La direction sollicita notamment les patineurs américains Charles Franks et sa fille « Baby » Lilian (photo ci-dessous).

Les déboires du skating rink du Luxembourg
Des polémiques financières et musicales
Le journal l’Organe des Skating Rinks du 17 septembre 1876 indiquait l’existence d’un différend entre la direction du Skating-Rink du Luxembourg et la société des compositeurs de musique (un équivalent de la SACEM contemporaine ?). Monsieur Henri Boutin s’indignait du montant trop élevé des redevances demandées par cette société.
Faillite et liquidation judiciaire
Le 17 mars 1877, le Tribunal de commerce de la Seine (Paris) rend un jugement14 déclarant la faillite de Boutin et Cie, en liquidation judiciaire, à compter du 26 janvier 1877. Le journal Le Droit15 du 23 août 1877 fait référence à une reddition des comptes le 28 août 1877. L’établissement était alors dirigé par messieurs Hécaon, Boutin et compagnie16. Une nouvelle faillite de Boutin et Cie apparaît dans Le Messager de Paris17, effective le 11 janvier 1878.
Il semble toutefois que l’endroit continua d’être investi gratuitement par les patineurs, au moins jusqu’en 1911, à en croire un article du journal l’Humanité18. Monsieur Lépine, homme d’affaires et préfet de police, en interdit l’accès au grand dam des habitués des lieux. Le journal sous-entend qu’avec cette action, Lépine servait les intérêts des skating-rinks privés, en la qualifiant « d’acte de complaisance ».
La seconde vie du skating – Le Bullier-Nouveau et sa fin
On a patiné à deux reprises au Skating Bullier. Tout d’abord en 1876, puis de 1910 à 1914 où la guerre mit fit à l’activité du Bullier-Nouveau.
L’ancien emplacement du rink correspond à l’actuel Centre Jean Sarrailh (Université de Paris).
Galerie d’image du rink



Pour aller plus loin
Sources
- La Patrie, 16 avril 1876 (Retronews) ↩︎
- Le Figaro, 15 mai 1876 (Retronews) ↩︎
- Le XIXe siècle, 15 avril 1876, p. 4 (Retronews) ↩︎
- Le Nain Jaune, 6 août 1876 (Gallica) ↩︎
- La Liberté, 30 avril 1876 (Gallica) ↩︎
- Le Corsaire, 8 juin 1876 (Retronews) ↩︎
- L’Entr’acte, 27 juillet 1876 (Gallica) ↩︎
- Source : Sam Niewizski ↩︎
- La Tribune, 5 juillet 1876 (Retronews) ↩︎
- Le Pays, 15 juillet 1876 (Gallica) ↩︎
- Le Corsaire, 15 juin 1876 (Retronews) ↩︎
- Organe des Skating Rinks, 17 septembre 1876 (Gallica) ↩︎
- Organe des Skating Rinks, 7 octobre 1876 (Gallica) ↩︎
- Gazette des Tribunaux, 16 avril 1877 (Gallica) ↩︎
- Le Droit, 23 août 1877, (Retronews) ↩︎
- Journal Officiel de la République Française, 28 février1877, p. 38 (Retronews) ↩︎
- Le Messager de Paris, 13 janv. 1878, p. 4 (Retronews) ↩︎
- L’Humanité, 4 novembre 1911, p.3 (Retronews) ↩︎
Tous nos remerciements à Xavier P. pour les illustrations supplémentaires de la galerie et à Sam Nieswizski pour les informations complémentaires.