Entretien avec Bernard Fonfrède, premier DTN de la FFRS

Il fallut attendre 1981 pour qu'un Directeur Technique National soit nommé à la Fédération Française de Roller. Et c'est Bernard Fonfrède qui endossa pour la première fois ce rôle clé. A l'époque, le DTN était un homme à tout faire et avec tout à construire. Entretien...

Par alfathor

Entretien avec Bernard Fonfrède, premier DTN de la FFRS
Bernard Fondrède

Bernard Fonfrède : une vie au rythme du patinage à roulettes

A quel moment avez-vous découvert le patinage à roulettes ?

Bonjour, je suis Bernard Fonfrède. J’ai découvert le patinage à roulettes à Coutras, une petite ville à moins d’une heure de Bordeaux qui compte environ 8.000 habitants. Depuis 1936 ou 1937, la discipline du rink hockey est bien implantée à Coutras. C’est le sport numéro un.

Bernard Fonfrède
Bernard Fonfrède

A Coutras, tous les gosses font du patin à roulettes un jour ou l’autre.

Bernard Fonfrède

Je devais avoir 5 ou 6 ans quand j’ai débuté le patin. C’était en 1951. J’y suis venu sans doute par le biais d’un voisin. J’ai commencé tout jeune. En 1964, le club a été Champion de France de rink hockey pour la première fois. A ce moment-là, le championnat se jouait avec des poules, demi-finales et finales. Puis, le titre se jouait sur un match.

Vous pouvez nous raconter votre première finale ?

La finale avait lieu à Paris, au gymnase Japy. Elle voyait s’affronter Coutras et Gujan-Mestras, un derby fréquent à l’époque. J’avais marqué les deux buts de la finale alors que c’était ma première année en équipe première. Je n’avais que 17 ans. Aujourd’hui, Coutras détient toujours le record du nombre de titres. En effet, l’US Coutras a été 16 fois championne de France. Personnellement, j’ai été 9 fois champion de France, de 1964 à 1977.

L'équipe de Coutras, championne de France 1964 avec Bernard Fonfrède
L’équipe de Coutras, championne de France 1964 avec Bernard Fonfrède
Source : US Coutras RH

Puis est venue l’équipe de France de rink hockey…

Je me souviens que j’ai été sélectionné pour la première fois pour un Championnat d’Europe à Lisbonne (Portugal). Ensuite, j’ai intégré l’équipe de France cadet puis junior, toujours à l’âge de 17 ans. Et je suis rentré dans le collectif senior à 19 ans. J’ai arrêté de jouer en 1977. Je n’étais pas très âgé mais j’avais souvent des blessures. J’ai terminé sur un dernier titre avec Coutras.

Comment avez-vous rejoint la fédération française de roller ?

C’est à ce moment-là, lors d’un Championnat d’Europe à Porto, alors que la fédération n’avait plus d’entraîneur de l’équipe de France de rink hockey, qu’elle m’a sollicité. C’était du bénévolat total à l’époque.

Moi qui avait promis à ma femme que les déplacements, les voyages et les entraînements étaient finis, trois mois plus tard, j’entraînais l’équipe de France.

J’ai accepté d’encadrer. J’ai alors été entraîneur de l’équipe de France de rink hockey en 1977. Mais j’avais indiqué que je ne souhaitais pas continuer plus loin que le Championnat à Porto. Il se trouve que nous avons eu d’assez bons résultats. La Fédération m’a donc demandé de continuer. Le Président de la Fédération devait alors être Monsieur Charlot. Puis, le Ministère m’a nommé Directeur Technique National en 1980-1981.

Bernard Fonfrède au Chili en 1980
Bernard Fonfrède au Chili en 1980 – source de la photo : Laurent Huvelin

Jusqu’en 1980-1981, il n’y avait donc pas de DTN à la FFRS. Quel a été le déclencheur de cette décision ?

Le Ministère a considéré que le rink hockey devenait un sport important dans les pays latins. Il avait alors accepté la demande de la fédération de nommer un DTN. En outre, à l’époque, il n’y avait pas autant de DTN qu’il y en a actuellement. Quand j’ai été nommé, il devait y avoir 22 ou 23 DTN en France en tout. Jusqu’alors, tout se faisait en bénévolat. A ce moment-là, la fédération a également embauché une secrétaire à mi-temps qui était basée à la Roche-sur-Yon, non loin du trésorier. Moi, j’étais un peu l’homme à tout faire, il n’y avait pas de permanent.

Bernard Fonfrède : quelles étaient vos missions en tant que Directeur Technique National ?

Au départ, j’étais principalement concentré sur le rink hockey. La Fédération avait cependant ses trois disciplines historiques : la course, le rink hockey et l’artistique. J’avais alors commencé par développer mes compétences sur la course qui était plus facile à aborder que l’artistique.

Comme j’étais DTN, j’allais sur tous les championnats internationaux. Je suis parti en voiture jusqu’en Italie. L’équipe de France était alors entraînée par deux bénévoles.

J’arrive sur la piste d’entraînement et je vois les deux entraîneurs bénévoles qui se tapent sur la figure. Je me dis que ça commence bien. Je vire les deux entraîneurs et je m’auto-proclame entraîneur de course ! (rires).

Bernard Fonfrède

J’étais donc à la fois entraîneur de l’équipe de France de rink hockey et de l’équipe de roller course.

Bernard Fonfrède à Vercelli en 1983
Bernard Fonfrède, Dominique Rousset, Riou et Noullet à Vercelli en 1983 – source : Laurent Huvelin

Cela devait faire beaucoup de déplacements…

Oui, d’autant plus que j’allais au moins une fois par semaine au Ministère. C’est comme cela que nous nous sommes faits connaître au niveau médiatique, au niveau communication. J’ai connu beaucoup de journalistes. Je me suis fait des amis de certains comme Dominique Le Glou, de Stade 2, Daniel Pautrat de TF1, Jean-François Renaud, rédacteur en Chef de l’Equipe. Grâce à cela, nous avions de reportages télé. Nous avions aussi négocié un article par semaine dans l’Equipe. De temps en temps des articles sur l’Equipe Magazine. Ce n’était pas le travail d’un DTN de s’occuper de la communication, mais il n’y avait personne.

L'équipe de France de rink hockey 1984 avec Bernard Fonfrède au centre au 2e rang
L’équipe de France de rink hockey 1984 avec Bernard Fonfrède au centre au 2e rang – source : Laurent Huvelin

A l’époque, il y avait donc un intérêt des médias pour le sport…

Plus qu’aujourd’hui, ça c’est clair ! Aujourd’hui, hormis les quotidiens régionaux, il n’y a quasiment plus rien. C’était une histoire de relationnel. J’avais amené des journalistes voir un derby Benfica – Sporting en rink hockey à Lisbonne. Nous sommes aussi allés voir un La Corogne – Barcelone. Puis nous avons aussi amené des gens de la mairie de Paris sur un championnat pour leur montrer à quoi cela ressemblait. En effet, nous voulions organiser un Championnat du Monde du Groupe B à Paris en 1984. La mairie de Paris y avait d’ailleurs bien investi dans du matériel. Nous avions fait une piste à Coubertin.

Bernard Fonfrède et Patrick Canel au Championnat d'Europe Vétéran en Italie
Bernard Fonfrède et Patrick Canel au Championnat d’Europe Vétéran en Italie en 1983 – source : Laurent Huvelin

Combien de licenciés y avait-il à cette période ?

Nous devions être environ 20.000 licenciés. Le rink hockey et la course avaient à peu près autant de licenciés, et un peu moins l’artistique.

Je pense que notre sport du rink hockey a régressé et c’est vraiment dommage. C’est incroyable que nous soyons tombés aussi bas alors que l’équipe nationale n’a jamais été aussi forte.

Le roller avec l’arrivée des patins en ligne, semble pouvoir se développer plus facilement.

Bernard Fonfrède : combien de temps êtes-vous resté DTN ?

Environ une quinzaine d’année.

Revenons au rink hockey et à son histoire : les premières années, l’Angleterre menait le jeu. La France était vice-championne d’Europe en 1931. Depuis 90 ans, les Bleus peinaient à rentrer dans le dernier carré. En 2021, ils sont arrivés en finale contre l’Espagne et ont perdu en prolongation. Vous avez suivi cela ?

L’explication est simple : quand nous réussissions à accrocher l’Espagne, le Portugal ou l’Italie, c’était un exploit. Eux étaient déjà des professionnels, alors que nous nous entraînions une à deux fois par semaine dans le meilleur des cas. Aujourd’hui, le 5 majeur de l’équipe de France est professionnel. La différence est là.

Selon vous Bernard Fonfrède, pourquoi le rink a-t-il du mal à prendre au niveau Français ?

Depuis une vingtaine d’années, je dirais que ce sont de mauvaises décisions au niveau national.

Si vous saviez ce que j’ai pu me battre pour faire admettre les trois disciplines du patinage à roulettes comme sport de haut niveau…

Bernard Fonfrède

J’ai travaillé de la même façon qu’au niveau médiatique. J’avais de bonnes relations au cabinet du Ministre. Je crois que j’avais amené le directeur de cabinet à Porto découvrir le sport, ainsi que le directeur des sports de la Mairie de Paris. Cela a démontré que c’était un sport de haut niveau. C’est avant tout un travail de relationnel. Il faut faire ce qu’il faut. Nous les amenions sur les événements, nous les invitions au restaurant. Il n’y a pas de miracle.

L'équipe de France Senior de rink hockey au Championnat d'Europe 1967
L’équipe de France Senior de rink hockey au Championnat d’Europe 1967

Quels étaient les avantages du statut de haut niveau à ce moment ?

Quand j’étais DTN, les joueurs internationaux de rink hockey et les coureurs bénéficiaient de bourses mensuelles, d’athlètes de haut niveau. Le fait que nous soyons devenus sports de haut niveau permettait aux salariés d’être payés malgré leur absence professionnelle, ils continuaient d’être payés car le ministère remboursait l’entreprise. Cela a un peu amélioré les résultats, mais il faut commencer la formation des athlètes jeunes pour que cela se mette en place. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. A la course, ce fut sans doute le plus simple pour avoir des titres de Champion du Monde. En rink hockey, c’est plus compliqué, un seul joueur de classe mondiale ne suffit pas.

Je me souviens d’un reportage national sur FR3 qui durait une demi-heure. Il avait été réalisé lors du Championnat du Monde de course a eu lieu à Grenoble en 1987. Médiatiquement, nous avions plus de couverture qu’il n’y en a aujourd’hui. Je trouve triste que cela ait pu décliner autant. C’est dommage car il y a vraiment des moyens, tant au niveau technique qu’administratif. Je le comprends difficilement.

J’ai tout arrêté brutalement à cause d’un conflit avec le président de la Fédération de l’époque, M. Hubert Beignon. A ce moment, je suis allé voir Roger Bambuck qui était alors ministre des sports et je lui ai dit :

Je m’en vais. Je me casse.

Bernard Fonfrède

Et je suis parti.

Le conflit est parti du fait que j’avais obtenu du CREPS de Talence que nous préparions les patineurs course avec des préparateurs physiques. Le centre d’entraînement national était à Bordeaux. Le président Beignon souhaitait alors que ce soit à la Roche-sur-Yon. Je suis parti, j’ai démissionné, je ne suis pas revenu sur ma décision, bien qu’ils m’aient rappelés.

A partir de quand le CREPS a-t-il été utilisé par les patineurs ?

Je dirais avant Grenoble, aux environs de 1985. Nous y faisions notamment des test physiques sur tapis roulant.

Bernard Fonfrède, qu’avez-vous fait après avoir été Directeur Technique National ?

Le poste de DTN était passionnant. Après avoir été directeur technique, j’ai été responsable d’un centre commercial à Coutras, près de chez moi. Le directeur du Leclerc de Coutras était un de mes amis. J’ai fait pas mal de choses durant ma vie. Mon premier emploi était employé de banque. Puis, après, j’ai été dans la politique. j’étais assistant parlementaire de Robert Boulin, Ministre et député-maire de Libourne, non loin de Coutras. J’ai aussi travaillé dans l’agro-alimentaire dans une société qui faisait des produits de la mer.

Comment voyez-vous l’avenir du rink hockey et du patinage en général ?

J’ai peur pour le rink hockey, pour différentes raisons : je trouve que l’interprétation des règlements par l’arbitrage français est compliqué. Avant, j’allais régulièrement en Argentine, j’assistais à des matchs à San Juan. Je trouve qu’en France nous sifflons beaucoup de fautes. Je vais vous citer l’exemple d’un match de coupe d’Europe récent à Coutras, entre Coutras et des Italiens, arbitrés par des Portugais. Malgré un score très serré et très engagé, il n’y avait que 5 fautes d’équipe de part et d’autre. Alors que sur un match de Coupe de France, il est fréquent de voir 12 à 15 fautes de chaque côté. Le jeu est sans arrêt arrêté, haché. Je n’arrive plus à lire et à comprendre les décisions. Cependant, c’est vrai que c’était plus violent à mon époque. Une faute d’équipe peut être sifflée sans arrêter le jeu. Parfois, il faut laisser jouer, surtout s’il y a un avantage.

Pour moi, l’avenir du rink hockey viendra d’Amérique Latine avec le Chili, la Colombie, l’Argentine. En Europe, le rink hockey se concentre autour de l’Espagne et du Portugal. Voir seulement 5 équipes dans un Championnat d’Europe, je trouve cela catastrophique. A mon époque, il y avait une douzaine d’équipes. L’Asie ne progresse pas beaucoup, mais j’ai bon espoir pour le rink hockey Africain avec l’Angola, le Mozambique, d’anciennes colonies Portugaises.

Et le rink féminin ?

C’est peut-être l’avenir ! De mémoire, il y avait cinq filles de Coutras dans l’équipe Championne du Monde en 2012 !

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Je trouve que le rink régresse. Il n’y a que très peu de créations de clubs. Il y a quelques territoires forts comme la Bretagne ou le Nord. Autour de Bordeaux, il y avait 7 ou 8 clubs autour de Bordeaux dont au moins 3 à Bordeaux même ! J’espère qu’il trouvera une nouvelle dynamique.

Merci à vous Bernard Fonfrède !

Pour aller plus loin

Photos : Laurent Huvelin et US Coutras RH

FFRS DTN bernard fonfrede directeur technique national
Auteur
Alexandre Chartier 'alfathor'

Bonjour à tous, je suis Alexandre Chartier, fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Le site a vu le jour officiellement le 11 décembre 2003 mais l'idée germait déjà depuis 2001 avec infosroller.free.fr. Le modeste projet d'étude est devenu un site associatif qui mobilise une belle équipe de bénévoles. Passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne, j'étudie le patinage à roulettes sous toutes ses formes et tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez l'un de ces sujets !

Photographe
Laurent Huvelin 'laurent.huvelin'

Ancien gardien International de rink hockey des années 70/80, passionné de l'histoire de mon sport et créateur de la page Facebook "Souvenirs de roulettes, en train d'écrire un livre sur l'histoire de mon club La Vendéenne.

1 response to “Entretien avec Bernard Fonfrède, premier DTN de la FFRS”

  1. ROBERT BIENNE
    27 janvier 2022 at 18 h 35 min
    Bernard Fonfrède est réellement une figure du rink hockey français et son analyse de la discipline est objective. Pour l'avoir affronté en tant que joueur et rencontré comme DTN, j'apprécie le personnage et le félicite pour sa carrière et je respecte l'homme.

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