24H du Mans : rencontre avec ToutouSeul
Parmi les 80 solistes ayant participé cette année aux 24h du Mans, peut-être avez-vous remarqué un étrange patineur déguisé en chien ! Chaussé de patins ordinaires qu'il exploite sans grande technique, on pourrait croire à un gag. Mais Daniel Ménager ne fait pas -que- plaisanter : il passe la barre des 400km et vient taquiner le top 10. RollerEnLigne est allé lui secouer les puces...
Par
alfathor

1. Tout d’abord, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Daniel Ménager, mais aux 24H du Mans, on me connait sous le pseudo de TOUTOUSEUL (jeu de mots que tout le monde n’a pas encore compris après 3 participations). J’ai 55 ans et je suis breton (de Rennes).
2. Quel pratiquant de roller es-tu ?
Après avoir appris à patiner (en 2004 je crois), je me suis mis à la randonnée….de plus en plus longue, jusqu’à participer aux 24H. J’ai fait aussi 3 ou 4 courses Open, mais bof…
3. Depuis quand participes tu au Mans en solo ?
J’ai 3 participations solos à mon actif : 2007, 2008, 2009.
En 2006, j’ai participé dans une équipe de copains, pour observer, reconnaitre les lieux …en vue de participer en solo dès que possible
4. Comment t’es venu l’idée de participer ?
J’ai connu l’épreuve en voyant un animateur de mon club avec un tee-shirt des 24H. Aussitôt je me suis dit « voilà ce qu’il me faut ! », mais j’ai déchanté quand j’ai appris que c’était une épreuve en relais. Plus tard, j’ai appris qu’un gars l’avait fait seul, puis qu’une catégorie solo était créée. Habitué aux longues épreuves en solitaire, ma participation tombait sous le sens.
« J’adore faire le plouc ! »
5. Ton déguisement et ton air jovial, ne passent pas inaperçus !
Mon « déguisement » est tout à fait adapté car il est léger : un vieux tee-shirt et un short sont bien suffisants au mois de juin (je m’habille un peu plus la nuit). « L’habit ne fait pas le moine » fait partie des proverbes que je mets en application. J’adore faire le plouc ! J’y suis d’ailleurs parfois contraint. En roller, par exemple, je ne suis pas très « technique » (euphémisme), je fais ce que je peux et je qualifie mon patinage de « technique approximative de plouc » !
[8wd] : (Rires !) Oui oui, je te confirme, sur la piste, ta technique est..Disons…Déroutante !
6. Mais pour autant, tu viens taquiner les 10 premiers en passant les 100 tours ! Quels sont tes objectifs ?
Oui, il y a, au bout du compte, un contraste entre mon allure générale et le résultat… Ça j’adore !!! Un peu comme l’humoriste qui raconte d’énormes conneries le plus sérieusement du monde.
Dans une épreuve comme le Mans, je n’ai pas vraiment d’objectif chiffré: c’est le meilleur moyen de ne pas être déçu même si c’est le jeu de faire mieux que son « record ». Par contre j’aurais atteint un objectif bien plus intéressant si quelqu’un venait me voir en me disant » De te voir faire le Mans solo m’a donné envie de le faire, je l’ai fait, c’est super. »
En fait mon objectif n’est pas kilométrique : mais plutôt de faire une expérience qui sorte de l’ordinaire, d’y prendre du plaisir…jusqu’au bout. Eviter de souffrir, de se faire mal. Je ne suis pas maso. Le sport doit avant tout aider à rester en bonne santé. Et puis Il faut rester digne : je pense n’avoir jamais passé une ligne d’arrivée « cassé ». Je trouve que c’est, disons, …indécent, de voir dans quel état finissent certains. Cela est parfois qualifié de « courage », personnellement, je mettrais plutôt le mot « connerie ».
7. Pour arriver en forme après 24h, tu arrives donc bien préparé ?
« Faire les choses sérieusement….sans se prendre au sérieux ». C’est un peu mon principe. Donc je me prépare, je m’entraine. Cela me préserve en bonne santé je crois. Il est inconscient d’arriver non préparé sur une épreuve. Il arrive parfois que sur un pari, un mec va courir un marathon sans préparation… Je trouve cela idiot. Donc oui, je me prépare sérieusement…en évitant que ce soit une corvée. Je ne me mets pas trop de contraintes (pas de régime alimentaire draconien, par exemple)
« J’arrive au Mans en ayant roulé environ 3500 bornes depuis janvier. »
8. Un entrainement sérieux mais sans contraintes, c’est quoi pour toi ?
Uniquement de l’endurance. (Effort long de faible intensité) Je ferais sans doute une meilleure perf en faisant du fractionné, des côtes etc… Mais ça m’emmerde. Si je me prenais au sérieux, j’en ferais…
Je fais du roller le samedi, le dimanche martin, parfois un peu le soir quand les jours rallongent. L’idée est de faire, dans ces sorties, une sortie longue par mois.
La sortie de janvier est de 120 km. 150 en février, 180 en mars, 200 en avril, et 250 début juin. Bien sur en plus des sorties longues, il y en a de plus courtes… par exemple une sortie de 100 bornes qualifiée de « longue » en janvier est « moyenne » en avril.
J’arrive au Mans avec environ 3500 bornes depuis janvier.
9. [Stupéfait] Je comprends mieux tes résultats au Mans !
Mais ce n’est pas tout : le vélo tient une bonne place. Je fais notamment les brevets qualificatifs du Paris Brest Paris (ou leur équivalent).
Donc : en mars un 200 bornes, en avril un 300, en mai un 400 (départ à 18h: nuit sur le vélo) et en juin un 600. Pour ce dernier : départ à 6h le samedi matin, vélo toute la journée, toute la nuit (presque pas de sommeil) et arrivée le dimanche…quand je peux.
A noter que je fais parfois « rebouillir la marmite». Un exemple ? Samedi 11 avril 2009 : 300 km en vélo, le lendemain, 200 en roller.
10. Tu me disais que tu avais une grosse expérience en vélo ?
Oui, la liste est longue :
- 6 Paris Brest Paris, c’est à dire à tous depuis 1987 (l’épreuve -de 1200km- n’a lieu que tous les 4 ans)
- Les 9 Diagonales de France en solitaire (traversée de la France sans aucune assistance). Je les ai toutes faites en solo sans pratiquement jamais coucher dans un lit… Les plus courtes font 1000 km et la plus longue 1440. Cela représente 4 jours et 4 nuits en ne dormant qu’une heure et demi à deux heures par tranche de 24 heures…
- 2 tours de France randonneur en solo. Plus de 5000 km chacun, à une moyenne de 220 km par jour. Le parcours suit les côtes et les frontières françaises
- J’ai aussi passé plus de 400 cols différents, et acquis des titres « de gloire » comme « Galérien du Ventoux » (monter 4 fois le Ventoux dans la journée), « Grand maitre des fêlés du grand Colombier » (4 fois l’ascension du grand Colombier* dans la journée) ou encore « Baron du Soulor » (3 fois le col du Soulor dans la journée)
*col considéré comme l’un des plus durs de France…1 passage à 22%
…bon, j’arrête !
11. [Atterré] 24h roller en solo, c’est une promenade de santé pour toi alors ?!
En fait, 24 heures c’est un peu court… Ce que j’aimerais faire ? Les 48 heures du Mans rollers ! Oui oui sans déconner !
« Ce que j’aimerais faire ? Les 48H du Mans rollers ! »
12. Ton expérience en vélo doit t’apporter une grande maitrise sur la nutrition de l’effort ?!
Concernant la nourriture, c’est simple : les salades (riz nouilles patates) des soupes de légumes (divers gouts) et des fruits. Des fromages blancs pour tapisser l’estomac. Et puis je sais que pendant les efforts longs on peut avoir des envies de femme enceinte ! Je connais mes envies, elles défient les lois de la diététique sportive: saucisson, rillettes…
Le principe: manger avec envie et appétit un bon casse dalle est plus efficace que la énième barre énergétique avalée à contre coeur et agressant mon estomac. Pour la boisson : exit les boissons dites énergétiques, elles me font exploser l’estomac. Je bois beaucoup d’eau, de lait. Je prends des boissons aux gouts variés (ice tea) et je m’hydrate beaucoup avec les fruits aqueux (kiwis, nectarines…) Je réserve le coca aux dernières heures de course (à partir de 13h environ). Hydratation par la peau (épongeage des bras et de la nuque)… C’est toujours ça de moins à faire pour l’estomac…
Des astuces, il y en a plein !
13. As-tu un staff impliqué dans ton projet sarthois ?
Mon staff ? Je n’ai que ma femme, infirmière de métier. (Epaulée cette année par mon fils qui a voulu « venir voir » son vieux père « pas si ridicule que ça ») La façon que j’ai de courir fait que je n’ai pas besoin de staff… « Qui va doucement va longtemps » ou « qui veut aller loin ménage sa monture » sont les deux dictons qui guident ma conduite. En conséquence:
- Je ne force pas, donc pas de problèmes musculaires, pas besoin de kiné.
- Je ne me fais pas d’ampoules, ni de frottement : pas besoin de pansement (un tout petit la première année à cause de la pluie).
- Ne « forçant » pas, je ne suis pas fatigué, donc presque pas besoin de dormir (entre 20 et 30 minutes sur la zone moquette). Ma femme me réveille.
- Marchant à l’économie, je mange très peu. La nuit, ma femme va dormir me laissant ma pitance dans mon petit seau de plage !
- Je m’arrête très peu. Les deux dernières années, je ne suis pas sorti une seule fois de la piste. Si j’avais un staff, il s’emmerderait c’est sûr !
Donc là aussi, je fais les choses sérieusement car j’ai tout ce qu’il faut….sans me prendre au sérieux avec 5 ou 6 personnes autour de moi.
14. Quel matériel avais-tu au Mans ?
J’en utilise 2 paires, car j’alterne. En gros je fais deux tiers de la distance avec des vieux Salomon en 5×84. Mais je suis bien incapable de te dire la référence, c’est des « où je suis bien dedans » !
L’autre tiers de la distance est fait avec des Rollerblade 4×100 (en 2007 et 2008). En 2009 je les ai remplacés par des K2 radical (« modèle femme « , parait-il, hi hi hi ! ) J’avais mis 4 roues de 84.
Je ne connais pas grand chose au matos, je cherche des patins CON-FOR-TABLES: c’est le seul critère. Comme je ne suis pas très « technique » (tu l’auras compris) je ne prends que des chaussures « hautes » …
[8wd] : tes Salomon sont des Pilot V10, et les Rollerblade des Speedmachine 8
« Mon palmarès est varié, fait de chiffres mais aussi de découvertes, d’émotions, de rencontres… »
15. As-tu d’autres projets ?
Pour 2010, je n’ai pas encore de projet. Je ne referais pas le Mans en solo…peut-être en duo ??? Je vais m’entretenir en faisant une série de brevet vélo (Pré qualif de Paris Brest) En 2011 : Paris Brest Paris et peut-être le Mans solo (comme en 2007) En fait le projet est de garder la forme et les formes : « ne pas trop grossir »… Je mène ce projet depuis l’âge de 15 ans…
Il est vrai que si je me suis maintenu, c’est que je me suis toujours fixé des objectifs…variés, car je m’ennuie assez vite. Mais je me suis constitué un fond, et mes diverses expériences font que je m’adapte assez bien aux différentes épreuves d’endurance.
Au fil du temps j’ai composé un « palmarès » varié, fait de chiffres mais aussi de découvertes, d’émotions, de rencontres…
16. Et après ces expériences, quel regard portes-tu sur l’épreuve des 24h roller ?
Je suis étonné de la méconnaissance des patineurs concernant l’endurance: beaucoup s’étonnent de mes perfs à 55 ans !!
Il faut savoir que la moyenne des participants à un Paris-Brest-Paris est de 50 ans environ. On commence à demander l’âge à quelqu’un quand on pressent qu’il a passé les 70 ans. Les plus anciens (peu nombreux il est vrai) ont 80 ans !! Alors 55 ans, je fais figure de gamin, non ? Et en gérant bien, j’ai encore de belles perfs à réaliser, non ?
Liens utiles
Site des Diagonales
Site du Paris-Brest-Paris
Photos : LaCrevetteàRoulettes, Pierre Goyet, & Franck Räker (fr-foto.de)
Chicken solo
16 octobre 2009 at 1 h 15 minantoineberlin
16 octobre 2009 at 0 h 34 minAlfathor
15 octobre 2009 at 14 h 38 minc'est toujours un plaisir de te croiser a la rando du jeudi.
Alain Schauber
15 octobre 2009 at 14 h 17 minEn diminuant la durée des séances à l'approche de l'objectif, et en y incorporant du fractionné, on décuplerait la 'caisse' de cet homme hyper-endurant, et les 110/115 tours seraient probablement atteint! c'est extraordinaire de voir quelqu'un dépasser les 100 tours en 24h au Mans (420km) avec cette philosophie.
84Only
15 octobre 2009 at 12 h 56 minSous des apparences modestes et anodines, on peut saluer un sacré client de l'ultra !!