L’évolution et la segmentation du marché du roller depuis 1995

Par | Publié le 23 décembre 2021 | Mis à jour le 3 janvier 2024 | Catégories : Toutes | Sous-catégories : Roller et société | 23536
| Tags : marché du roller chiffre d'affaire roller ventes roller business roller

Après une période faste dans les années 1990 avec le boom des roller en ligne, le marché du roller a connu de nombreux soubresauts ces trente dernières années. Les patins traditionnels semblent désormais avoir le vent en poupe. L’équipe de ReL vous propose ses hypothèses…

marché du roller

Le marché du roller et du patin à roulettes : de l’âge d’or à l’âge de raison

La seconde moitié du 19e siècle : les prémices du marché du patin à roulettes

Le marché du roller connaît des alternances d’euphorie et de déclin depuis la fin du 19e siècle. La production de patins à roulettes à l’échelle industrielle remonte à la période 1863-1880 où Plimpton inonda le monde à ses patins à essieux. En 1849, un premier frémissement avait déjà été observés grâce à l’invention de Legrand qui fit grand bruit à Paris, à Londres et dans d’autres capitales Européennes. Par la suite, le début du 20e siècle marqua l’avènement des patins cycles ou paticycles et le retour en grâce des skating rinks.

patin convertible de James Leonard Plimpton de 1866
patin convertible de James Leonard Plimpton de 1866

Les années 70-80 : la fièvre disco

La seconde Guerre Mondiale a mis un coup de frein important au développement du patinage à roulettes à travers le monde. Il faut attendre le courant des années 70 et le début des années 80, avec l’arrivée des roues en uréthane pour que la pratique du « quad » revienne sur le devant de la scène.

En pleine période disco, des lieux de pratique intérieur rouvrent dans le monde, plus particulièrement aux Etats-Unis. Le cinéma fait la part belle au patinage. En 1975, Rollerball de Norman Jewison secoue la critique avec un film violent de science-fiction dystopique. Puis vient Roller Boogie de Mark L. Lester en 1979. Plus proche de nous, en 2005, le film Roll Bounce rend hommage à cette période. En France la Main Jaune ouvre ses portes en 1979, à la Porte de Champerret à Paris. Elle fermera en 2003. Elle fut le lieu de tournage du film La Boum qui vit les débuts de Sophie Marceau en 1985, la même année que Subway avec quelques scènes impressionnantes dans le métro.

La vague des années 1990 : une « mode » qui dura plus de 10 ans

Un déclencheur les grèves de 1995

Les années 90 ont été un âge d’or pour le roller en France, en particulier à partir des fameuses grèves de 1995 qui ont paralysé le pays pendant plusieurs semaines. Ces grèves firent office de catalyseur mais ne constituaient pas pour autant l’unique raison du retour en grâce du patinage à roulettes. En effet, ce regain d’intérêt n’a été rendu possible que grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux comme le polyuréthane qui offrirent un surplus de confort et de performance aux rollers.

roller saga hors serie
Hors série de Roller Saga

Le nombre de paires vendues à cette période avoisinait les 2 millions d’unités contre quelques dizaines de milliers au début de la décennie.

La presse en parle

Entre 1990 et 2000, le roller possède plusieurs magazines spécialisés (Roller Saga, RollerMag, Crazy Roller et d’autres). Au delà de ces revues, la presse généraliste aborde régulièrement la question de la « mode du roller ».

Les grandes marques surfent la vague

De grandes sociétés investissent dans la communication, les sponsors sont encore bien présents dans cet univers jeune et dynamique.

Nombre d’entre vous se souviendront des éditions du Wanadoo Roller, du Tatoo roller skating tour de 1996 à 1998 du soutien de France Télécom à de grands événements, de Salomon organisant des compétitions de Freeskate au Trocadéro pour promouvoir ses derniers produits…

Comment expliquer le déclin du marché du roller entre 2005 et 2019 ?

La concentration du marché du roller

Les grands fabricants d’équipements de sport se sont intéressés au roller à un moment ou à un autre. Nous pensons notamment à Nike qui a racheté Bauer en 1997 et l’a cédé en 2008. La firme Adidas a également possédé la firme Salomon jusqu’en 2005 avant la céder à Amer Sports. Nous aurions pu faire de bonnes affaires sur l’équipement si quelques uns d’entre eux avaient prolongé leur action dans l’univers du roller !

Un roller Step In de Hypno
Un roller Step In de Hypno

La concentration du marché est un phénomène classique et inéluctable : quand trop d’acteurs sont présents sur un marché trop petit ou en perte de vitesse, il s’opère une sélection « naturelle », où seuls les plus solides survivent.

Dans le cas du roller, quelques exceptions viennent mettre la règle à l’épreuve. Ce ne sont pas toujours les plus stables financièrement qui sont restés en vie. En effet, dans le cas de Salomon, la marque a été cédée par Adidas qui a cessé la production de roller pour des questions de rentabilité financière, afin de se concentrer sur des activités plus rentables… au grand dam de nombreux pratiques et boutiques spécialisées ! Pourtant, il semblerait que le roller était encore dans le vert à cette époque chez la firme annecéenne mais juste pas assez rentable.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

Les moules de patins et des marques comme Xsjado semblent avoir été cédés à d’autres marques. En outre, Xsjado a intégré TheConference (Powerslide). Par ailleurs, des moules de roller agressif semblent avoir atterri chez Décathlon ou Roces.

Xsjado Dustin Werbeski
Xsjado Dustin Werbeski

De nombreuses autres marques se sont éteintes, d’autres encore ont été absorbées. Par exemple, la marque de roller de Tecnica est rentrée dans le giron de Rollerblade. Mais en fait, le groupe Tecnica est plus gros que Rollerblade. Tecnica a juste gardé le nom de la marque qui était plus emblématique. A l’époque où Rossignol a cessé de produire des rollers, la marque iséroise appartenait à Quiksilver qui l’avait progressivement rachetée depuis juillet 2005. Puis, elle l’a cédé le 13 novembre 2008 à la holding Chartreuse & Mont Blanc pour se défaire de ses activités de sports d’hiver.

Une forte présence historique des marques de ski

Nul besoin de trop chercher pour réaliser que les marques de skis et d’articles de sport d’hiver étaient historiquement très investies sur le marché du roller. En effet, Salomon, Rossignol, K2, Rollerblade (Groupe Nordica) ou encore Roces figurent en haut de la liste.

La raison est simple : les compétences technologiques pour produire des skis, des patins à glace ou des rollers sont assez similaires. D’autre part, une société qui réalise son business sur la saison hivernale a tout intérêt à se diversifier pour occuper la saison estivale. Le roller a donc semblé être une opportunité intéressante pour ces marques à un instant T. Par ailleurs, les principaux sous-traitants basés à Montebelluna (Italie) disposaient eux aussi des compétences nécessaires pour ces productions.

A partir de 2005 et jusqu’à 2019, le marché du roller a reculé et stagné. Nombre de commerciaux nous confessaient sans difficulté que le roller était devenu la 5e roue du carrosse de leurs groupe, tant son chiffre d’affaire ne représentait que quelques pourcents en comparaison avec la mine d’or blanc des produits de sports d’hiver.

La diminution des investissements en recherche et développement et en communication

Difficile de ne pas penser que le fait que le roller ne soit qu’une partie infime de grands groupes freine la dynamique de recherche développement et la communication. En effet, ces postes ont souffert de la diminution des investissements des grandes marques qui se sont souvent contentées de renouveler leurs gammes d’année en année en changeant quelques couleurs et des variations de prix.

La marque Oxygen a beaucoup innové dans les années 1990
La marque Oxygen a beaucoup innové dans les années 1990

Nous pouvons dégager des causes intrinsèques et des causes extrinsèques.

A une époque où le marché était encore en progression, une part substantielle des bénéfices des grandes marques était réinvestie et compensée par l’augmentation des ventes. A cette période, les Grandes Surfaces Spécialisées diffusaient largement les produits des grandes marques dans leurs linéaires. S’y trouvaient même quelques modèles plus haut de gamme.

Un marché du roller arrivé à maturité

Une fois que le marché est arrivé à maturité et a commencé à stagner, les grandes marques ont dû ralentir leurs investissements, leur communication et leur sponsoring. Elles ont également été confrontée à une nouvelle concurrence de la part des Grandes Surfaces Spécialisées qui ont développé leur propres produits. Les GSS ont proposé une offre alternative en entrée de gamme, coupant ainsi les grandes marques traditionnelles de leur principale cible et d’une partie non négligeable de leur réseau de distribution. En effet, la force des GSS réside essentiellement dans la densité de leur réseau de distribution qui maille l’ensemble du territoire. Privées de leur principal client, les grandes marques se sont retrouvées avec le couteau sous la gorge.

Vue intérieur du shop Nomade Nantes
Vue intérieur du shop Nomade Nantes

Les chaînes de production des rollers se délocalisent de l’Europe pour l’Asie

A cette période, les fabricants de roller ont progressivement délocalisé leur production vers les pays de l’Est dans un premier temps, puis vers l’Asie. D’ailleurs, le marché s’est développé dans les pays asiatiques, en léger décalage avec l’Europe, ce qui a permis de réduire l’impact de la baisse du marché Européen et Nord-Américain. Toujours est-il que les ventes en Europe ont chuté. à la fin des années 2000. Par voie de conséquence, un grand nombre de magasins et des shops spécialisés ont dû mettre la clé sous la porte durant cette période. Imaginez qu’il existait une douzaine de shops spécialisés à Paris ! Il se comptent sur les doigts d’une main en 2021.

Si l’on regarde bien 3 exemples concrets :

  • K2 est une grande marque d’outdoor très active sur les sports d’hiver
  • Rollerblade, après avoir été acheté par le groupe Benetton, a été cédé au groupe Nordica, également très présent dans l’univers de la montagne
  • La part du roller chez Fila est négligeable en comparaison avec le chiffre général par les autres activités

Toutes ces marques ont été très actives à leurs débuts en déposant de nombreux brevets. Aujourd’hui, plus frileuses, elles laissent le champ libre d’autres concurrents « pure player » comme Powerslide ou FR Skates.

Quelques marques se distinguent et tirent leur épingle du jeu

A l’heure actuelle, d’ailleurs, l’innovation et la R&D ne sont portées que par des firmes récentes uniquement axées sur la glisse urbaine.

Powerslide

Après être arrivé sur le marché du roller par l’entrée de gamme voilà une vingtaine d’années, Powerslide a progressivement diversifié ses activités, élargit ses gammes et monté en gamme.

Aujourd’hui PS distribue l’ensemble des marques de street de la Conference. L’entité exploite aussi de nombreuses licences et de marques renommées telles que Matter. Tous les segments de marché sont couverts dans un grand nombre de disciplines, du milieu au haut de gamme : freeride, vitesse, slalom, hockey… et même le tout-terrain !

Le Smartskate de Salomon, une des dernières innovations de la marque
Le Smartskate de Salomon, une des dernières innovations de la marque annecéenne

Seba et FR SKates

Dans la même logique, on peut également souligner la montée en puissance de Seba devenu FR Skates. La société française a élargi son offre, commençant par le slalom, allant vers le freeride, puis le fitness, la descente et les patins enfants. Aujourd’hui, FR Skates soutient le circuit des World Slalom Series et travaille au développement du Skate Cross avec les WSX. Bref, la firme de Sébastien Laffargue est active et cherche à développer son marché. Elle distribue notamment des marques telles que Luminous pour les roues lumineuses ou encore Gyro.

A une autre échelle, EO Skates travaille depuis près de 20 ans à la conception de ses platines de course en carbone. Des concurrents comme Bont ou Powerslide investissent désormais sur ce marché de niche haut de gamme. Nul doute que dans quelques années elles représenteront une part plus importante du marché. Des firmes comme Bont ont fait un choix différent : celui de diversifier leur portefeuille d’activité dans le cyclisme.

Une mode en remplacerait-elle une autre ?

Les autres glisses urbaines, concurrentes du roller

On ne peut parler du « déclin » relatif du roller sans aborder la question de la concurrence avec d’autres pratiques. L’arrivée des trottinettes est assez emblématique. La trottinette a également grignoté une partie du marché, en particulier chez les plus jeunes. Les enfants sont prescripteurs mais les parents sont obligés d’arbitrer dans leurs dépenses.

En cela, si la trottinette a sauvé nombre de boutiques spécialisées qui ont senti le vent tourner, le roller s’est trouvé face à un concurrent de taille depuis une vingtaine d’années. Les trottinettes se sont vendues par palettes entières dans les grandes surfaces spécialisées à la fin des années 2000… au moment même ou le roller a reculé.

Désormais, la trottinette suit le même chemin que le roller avec une montée en gamme progressive, surtout depuis l’arrivée des modèles électrique.

Dans la même logique, toute l’armée des nouveaux moyens de locomotion électriques comme le vélo ou les gyropodes ont sans doute fait un peu d’ombre au roller.

Ellen Page et Drew Barrymore dans Whip it!
Ellen Page et Drew Barrymore dans Whip it!

Et à partir de 2019… un renouveau du roller ?

Qui aurait crû que les confinements successifs auraient pu doper la pratique du patinage à roulettes ? L’arrivée du roller derby avait déjà donné un coup de fouet au patin traditionnel en 2009 avec la sortie du film Bliss/Whip it. Puis, quelques années plus tard, Soy Luna faisait de même : la série sud-américaine faisait grimper les effectifs de la FFRS de plus de 12.000 licenciés en une année. La tranche des 6 à 12 ans rechaussait les patins à roulettes. Le regain ne dura toutefois que deux à trois ans, le temps de diffusion des saisons de la série à la télévision.

Soy Luna
Soy Luna

Puis, vinrent les confinements liés à la pandémie de COVID19. Ils agirent comme des accélérateurs d’un retour de la roller-dance, en conjonction avec quelques vidéos d’influenceuses aux Etats-Unis qui redonnèrent l’envie de chausser à nombre de patineuses. Des titres réputés comme l’Express parlent du « grand retour du quad« . La marque Flaneurz se fait davantage connaître et crée même une gamme plus accessible avec sa marque Slades. Le marché s’envole en Europe, particulièrement aux Pays-Bas et en Allemagne. La France connaît elle aussi un renouveau… mais personne n’a vraiment anticipé la tendance. Les marques n’ont plus de stock, les shops enragent de ne pas pouvoir répondre et tout le monde jusqu’à quand l’embellie va pouvoir durer.

Comme aurait dit la mère de Napoléon Ier, Letizia Bonaparte, après les victoires militaires de son fils :

“Pourvu que ça dure !”

Patins Slades by Flaneurz attachés et détachés
Patins Slades by Flaneurz attachés et détachés

Pour aller plus loin

Rachat de la marque Salomon d’Adidas par AMER Sports Corporation
Quiksilver conclut la vente de Rossignol
Le marché de la glisse se professionnalise

Photos : droits réservés – Article du 29 mai 2012 mis à jour le 23 décembre 2021

Auteur

Alexandre Chartier

''alfathor''

Alexandre est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com depuis 2003. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez un de ces sujets !

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2 réponses pour “L’évolution et la segmentation du marché du roller depuis 1995

  1. florian

    Bonjour,
    serait il possible d’avoir une update 2014 sur le marché, en effet le roller derby à relancé le quad, décathlon à sorti les sneak in, des marques anglaises comme rio ou sfr occupent le marché du quad jouet/fashion 80, moxy redynamise aussi le marché du quad.
    merci

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