1857 – 1912 : la grande époque des skating rinks

Par | Publié le 29 décembre 2017 | Mis à jour le 12 avril 2024 | Catégories : Toutes | Sous-catégories : Histoire du roller | 6091
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Roller rinks, skate rinks, skating rinks ou encore skating rings, les appellations varient selon les pays et les époques. Ces lieux ont vu le plus grand essor que le roller ait jamais connu. REL vous propose une plongée dans ces années fastes et révolues du patinage à roulettes…

grande mode skating rinks

Les skating rinks : des hauts lieux qui ont fait l’histoire du patin à roulettes

Les ancêtres des skating rinks

Avant l’apparition des skating-rinks, les patineurs déployaient leurs talents dans les espaces plats des villes, dans des gymnases ou dans des écoles comme celle de Robert John Tyers à Londres (Angleterre) en 1823, de Robillon à Bordeaux (France) en 1824, de Jean Garcin en 1828 ou encore de Legrand / Constant en 1849 à Paris sur la Place de la Concorde.

Roller Skating en 1876
Roller skating en 1876

1857 : les premiers skating-rinks sortent de terre en Angleterre

L’histoire des skating-rinks débute au milieu du XIXe siècle. Les premiers rinks publics auraient ouvert en Angleterre en 1857 avec le Strands of London et le Floral Hall de Covent Garden à Londres. Selon Morris Traub, l’un des premiers historiens du patin à roulettes, ils auraient vu le jour suite à l’engouement suscité par les représentations des ballets de Giacomo Meyerbeer avec « Le Prophète » et de Paul Taglioni avec « Les Plaisirs de l’Hiver », en 1849. Les patins utilisés dans ces lieux étaient alors des modèles avec des roues en métal et en ligne, réparties du talon à la pointe du pied. Ces patins grossièrement finis étaient peu maniables.

1863 : l’année du tournant

Cependant, c’est l’invention des patins traditionnels à essieux en 1863 par James Léonard Plimpton aux Etats-Unis qui aurait donné un élan sans précédent au patinage, non seulement par l’ingéniosité de ses patins mais surtout par son sens du commerce ! Plimpton vendait uniquement ses patins aux propriétaires de patinoires qui les louaient ensuite à leurs clients (Nieswizki, 1991, p.25). Il aménagea aussi de nombreuses patinoires à travers les Etats-Unis, en particulier sur la côte Est. L’un des plus célèbres est le Plimpton Building de New-York (photo ci-dessous).

Le Plimpton Building de New-York
Le Plimpton Building de New-York

Le skating rinks investissent aussi les campagnes

Quelques entrepreneurs américains se lancèrent dans des tournées des zones rurales, allant de ville en ville, du sud des Etats-Unis et du Midwest avec des parcs de location de patins pour proposer cette activité. Ils se coordonnaient souvent avec des cirques et improvisaient une patinoire sur les surfaces lisses disponibles.

Pour la somme de 25 à 50 cents, les adultes comme les enfants pouvait prendre part à des courses, des concours de danse et autres jeux amusants. Des robes spécialement conçues pour offrir davantage de liberté de mouvement aux patineuses ont vu le jour à cette période.

Les skating rinks : des Etats-Unis à l’Europe

Durant la décennie de 1870, la mode du patinage franchit l’Atlantique des Etats-Unis vers l’Europe et en particulier la Grande-Bretagne. Plimpton ouvrit le Crystal Palace de Londres en 1865. C’est à cette période qu’apparut véritablement le nom de « skating rink ». Les patins en ligne et les patins traditionnels cohabitaient encore, jusqu’à ce que les patins à essieux supplantent complètement les patins en ligne. En 1876, on ne comptait pas moins d’un soixantaine de patinoires dans Londres et sa banlieue.

Bal masqué roller
Un bal masqué en patin à roulettes

La France ou encore l’Allemagne virent leurs premiers rink sortir de terre. Des nations comme l’Australie furent également touchées par cette vague sans précédent. Nombre de ces établissements étaient ouverts par des Américains et des Anglais. les directeurs, les employés et même le matériel étaient souvent d’origine étrangère, notamment du matériel Plimpton et Winslow.

Les skating-rinks : des lieux de sociabilité et d’expression des clivages sociaux

Plimpton considérait le patinage comme une activité noble et aux standards moraux élevés. Il cibla particulièrement la clientèle riche et distinguée, comme au Crystal Palace où la piste accueillait l’aristocratie Britannique.

Les skating rinks possédaient souvent un sol en érable dur, en ciment, ou en asphalte. En revanche, les plus aisés, les plus luxueux et les plus aristocratiques offraient à leurs clients fortunés un sol en marbre. Progressivement, les skating rinks délaissèrent les surfaces en asphalte qui fondaient durant l’été au profit de revêtements en lamelles de bois qui offraient une excellente surface de patinage.

Certains établissements s’adresseaient particulièrement aux étudiants. D’autres plus huppées comme le Prince’s Ground n’étaient accessibles qu’aux membres du Club de Cricket et de Patinage sur Glace. Le Prince’s Club de la Hans-Place, près de Sloane Square accueillait des centaines de membres chaque jour : des membres du parlement, des soldats de la garde, des Lord Chancellor.

Tenue correcte exigée !

Sam Nieswizski indique que la tenue vestimentaire des skating-rinks répondait à des règles précises : veston, redingote, chapeau melon ou haut de forme pour les hommes, jupe longue raffinée pour les dames, chapeau à plume.

Progressivement et comme pour de nombreux autres sports et loisirs, la pratique se répandit des milieux les plus aisés vers les couches les plus populaires. 

D’autres skating-rinks parisiens comme celui du Bal Bullier, au Carrefour de l’Observatoire, accueillaient plutôt les étudiants du Quartier Latin. Les débutants se dirigeaient souvent vers la Skating Ecole de la rue de Rome.

Les skating rinks : des lieux de sociabilité

Parmi les exemples français, la description qui en est faite dans le journal « La Vie Flamande Illustrée » du 23 novembre 1910 est emblématique. Le journaliste A. Sorgel y croque de façon assez caricaturale les portraits types des pratiquants : la femme trentenaire en recherche d’un amant, la jeune fille venue goûter aux joies de la glisse sous l’œil de sa chaperonne, le vieux monsieur qui a envie de côtoyer la jeune génération. Selon le rédacteur : 1% des pratiquants sont là pour le sport, 4% pour médire, 15% pour être à la mode, 25% pour accompagner, 55% pour chercher une aventure !

Glimpses of life at the National - a fashionable skating rink - district of Columbia
Glimpses of life at the National – a fashionable skating rink – district of Columbia

La fièvre des skating rinks en France

L’Anglais Spiller contribua au développement des skating rinks en Grande-Bretagne et en France. Il créa à Brighton et à Londres des terrasses en ciment durci. Il construisit un skating rink à Boulogne-sur-Mer dans son établissement balnéaire. Peu après, d’autres établissements virent le jour, plus au sud, dans les cités où la culture anglaise exerçait son influence comme Bordeaux ou Arcachon :

« En février 1876, Bordeaux convertit en Skating-Rink la belle salle du théâtre Louit. Arcachon suivit immédiatement l’exemple et eut un skating avenue de la gare, puis rue Molière. »

L’avenir d’Arcachon – dimanche 24 novembre 1907.

Dans son ouvrage Rollermania, Sam Nieswizski explique la soif de luxe et de plaisir de la bourgeoisie suite à la défaite de 1870 contre la Prusse.

« Les premiers skating rinks s’adressaient à une clientèle aisée et arrivaient à point nommé »

Sam Nieswizski – Rollermania, 1991

18 novembre 1875 : Ouverture du Skating-Rink du Cirque des Champs-Elysées

« Un nouvel établissement de sports vient d’ouvrir ses portes aux Parisiens. Le Skating-RInk a été inauguré avant-hier au Cirque des Champs-Elysées. »

Le Sportsman – 20 novembre 1875

L’ouverture d’une patinoire dans l’Ancien Cirque de l’Impératrice sur le rond-point des Champs-Elysées en novembre 1875 permit aux patineurs de profiter d’un confort luxueux avec des illuminations électriques, encore rares à l’époque. La journée du mercredi était réservée aux visiteurs les plus nombres. Le skating du Cirque aurait été ouvert par plusieurs sociétés dont une appartenait à Charles Goodwin, un homme d’affaire américain, fabricant de machines à coudre et de patins.  William Morris, propriétaire de plusieurs skating-rinks en Angleterre ferait aussi partie des commanditaires de la société qui exploite le Skating-rink du Cirque des Champs-Élysées.

Il se situait près de l’église Saint-Philippe-du-Roule (il fallait l’inventer ! ). Ce rink a été dessiné par les architectes français Chatenay et Roux. Il s’avère « lent » comparé aux précédents. L’endroit ressemble plus à un club anglais ou américain qu’à une patinoire public. La surface de roulage este construit en bois vernis.  Il abrite une salle de style russe, ainsi que des annexes avec des cabinets de lectures et des salons d’une grande élégance. Toutefois, les visiteurs y sont admis certains soirs de la semaine.

Selon le journal « Paris Illustré – Appendice pour 1876 » (p. 28)

« Le Cirque des Champs-Elysées a été transformé, dans sa partie supérieure, en une vaste salle pourvue d’un plancher bitumé sur lequel, avec des patins à roulettes, on peut se livrer à l’exercice du patinage »

Entrée du Skating Rink du Faubourg Saint-Honoré (le Monde Illustré du 22 juillet 1876)
L’entrée du Skating Rink du Faubourg Saint-Honoré

1876 : Le Skating Rink du Faubourg-Saint-Honoré

« Les rinks abondent à toutes les extrémités de Paris, et l’on s’y ébat à qui mieux mieux. Le Skating Club, seul, est au centre de la capitale, il s’est installé, il y a quelques mois au n°30 de l’aristocratique et riche faubourg Saint-Honoré. […] Il ne suffit pas de payer pour passer le portique pittoresque […] il faut, pour les lundis, mercredis et vendredis, avoir une carte personnelle que délivre le comité formé à cet effet à toute personne honorable. […] Les mardis et samedis sont réservés à la société du Skating-Club, dont le comité, choisi parmi les membres de l’Union, du Jockey-Club et du Cercle des patineurs, représente la fine fleur du monde comme il faut. Les jeudis et dimanches, il n’est exigé aucune carte ni aucune formalité, cependant, pour conserver à la réunion son caractère de bon ton, l’entrée est refusée à toute dame qui n’est pas accompagnée. » 

Source : Le Monde Illustré n°1006 – 11 juillet 1876

Le skating rink du Faubourg Saint-Honoré proposait des patins Plimpton à ses clients.

23 avril 1876 : Inauguration du Skating Palais à Paris

L’ouvrage Paris after the Dark (1895-1905) fait référence à plusieurs skating rinks parisiens dont le fameux Skating Palace ou Skating Palais : 

« C’est la folie des patinoires à Paris. Et ce Skating Palais est l’un des meilleurs. Un orchestre de premier ordre a été engagé, et, en plus de l’ordinaire du patinage, il y a des jeux de toutes sortes sur la glace artificielle. »

Skating Rink de la Chaussée d'Antin
Affiche du skating rink de la chaussée d’Antin

Le sol du rink est réalisé par la Compagnie Générale des asphaltes de France :

« Walcker, fabricant d’articles de voyage, 3, place de l’Opéra, fournit les nattes qui ornent les murs des salons du Skating Palais, les tables en bambou, les sièges en rotin et les billards chinois. »

Espaces de loisirs de la société cosmopolite parisienne. L’influence de l’élite voyageuse, 1855-1937 – Joanne Vajda

Le journal l’Abeille indique des dimensions impressionnantes :

 » C’est là assurément que les amateurs du patinage à roulettes trouveront le dernier mot de cet agréable passe-temps, piste merveilleuse de 100 mètres de long sur 25 de large, patins signés Henry, Spiller, etc. Société du High-Life, courses sérieuses et grotesques, orchestre de 26 musiciens sous la direction de Javelot, café et restaurant admirablement installés, salle de repos, salon-galerie de tableaux de Maîtres, le tout aménagé avec un soin parfait. Au surplus, son jardin d’été suffirait à faire de ce skating Palais enchanté le rendez-vous ordinaire de tous les étrangers distingués qui viendront visiter l’Exposition. »

Journal l’Abeille du 28 avril 1878

Le 23 avril 1876, 8.000 à 10.000 personnes prennent par à son inauguration, en présence de hautes personnalités de l’aristocratie, de la bourgeoisie et du monde politique : le ministre des Finances, le ministre de l’Agriculture et du Commerce… 

30 décembre 1876 : Le Skating rink de la Chaussée d’Antin 

Il ouvre sous l’impulsion d’une compagnie anglaise. Elle investit 850.000 Francs dans le rachat du terrain de 4200 m² à la ville. Le montant des travaux s’élève à une somme avoisinante. Il est décrit comme « le rendez-vous de l’élite du demi-monde ». Ce rink est situé dans le cœur du quartier Bréda avec une entrée rue Blanche et une autre rue de Clichy, près de l’église de la Trinité.

Ce skating rink possédait une architecture moderne pour l’époque avec une charpente métallique culminant à 15,40 m de haut et 110 colonnes de fonte, selon Rollermania. Il a été conçu par l’architecte Ydée, secondé par Sotty. L’aire d’évolution s’étendait sur 1482 m². Il dispose aussi d’un promenoir large de 3,20 m qui sépare la piste des loges. Les patineurs n’avaient pas besoin de quitter la piste pour consommer une boisson. Il leur suffisait de s’accouder au bar à l’anglaise qui les servait debout. Une rotonde abritait un café.

L’ambiance des lieux

 » On est toujours sûr d’y trouver un grand nombre de dames d’une certaine classe. »

La musique y est omniprésente grâce à un grand orchestre. Il est considéré comme l’un des lieux de divertissement les plus appréciés de Paris. 

Le Monde Illustré – 22 juillet 1876 – p. 55

Dans les skating rinks, les patins de location utilisés par les patineurs du commun sont essentiellement des modèles amovibles et réglables, notamment pour des raisons sanitaires. Seuls les professionnels utilisent des modèles dont la chaussure est solidaire du châssis.

Skating-Rink de la Chaussée d'Antin - L'Illustration, 23 décembre 1876
Skating-Rink de la Chaussée d’Antin
L’Illustration, 23 décembre 1876

Ainsi, en 1876, Paris ne compte pas moins de six établissement dédiés au patinage selon le journa La Liberté du 2 mai 1876. Les plus célèvres sont celui de la Rue Blanche et de l’Avenue de l’Impératrice par les sommes faramineuses qu’ils ont coûté. Toutefois, et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les patineurs ne se cantonnaient pas aux espaces fermé. En effet, le journal précise :

« La furie du patinage est telle qu’hier, pendant la pluie, un certain nombre d’amateurs patinaient sur l’asphalte de la Place de la Concorde. Où s’arrêtera-t-ton ? « 

La Liberté – 2 mai 1876

L’éternelle « opposition » entre patinage à roulettes et patinage sur glace

 » Un homme ingénieux [NDLR : M. John Gamgee] vient de transformer un des bains flottants de la Tamise en skating ring ou en glaciarium, c’est le mot dont il se sert. Mais ce n’est pas ici le patinage avec des patins à roulettes sur une surface d’asphalte polie ; c’est le patinage avec de vrais patins sur de la glace. Ce que M. John Gamgee vient de faire dans le centre de Londres, il l’avait déjà fait à Chelsea. Dites-moi, élégants patineurs et délicieuses patineuses de nos skating-rings parisiens, ne sentez-vous pas, en lisant cela, quelque confusion d’en être encore aux patins à roulettes sur une imitation de glace ? « 

L’Univers illustré – journal hebdomadaire du 6 janvier 1877

La fin de la première mode des skating rinks

Les skating rinks essaimèrent jusqu’en orient, à Hong-Kong, ou encore Shanghaï. La mode s’essouffla pourtant à partir de 1880. Parmi les causes évoquées par Morris Traub dans son ouvrage « Roller Skating Through the Years » (1944), nous retiendrons :

  • Le nombre important d’accidents
  • L’absence d’encadrement qualifié
  • La mauvaise gestion des salles
  • Leur mauvaise fréquentation
  • Des skating rinks souvent trop petits pour évoluer en couple en faisant des figures, privilégiant la foule tournant en rond.
  • Des règlements inadaptés

Le Menestrel du 4 juin 1882 indique que le Skating Rink de Berlin :

« Il donne en ce moment des représentations d’opéra italien, passe définitivement de l’art du patin à celui de l’harmonie. On va le transformer en salle de concerts. »

Un début de réglementation voit le jour

Plimpton avait bien compris qu’il fallait encourager le patinage artistique. Il lança une récompense au mérite qui permettait au vainqueur l’accès gratuit à l’ensemble des skating rinks de la compagnie. Dès 1879, la National Skating Association of Great Britain était créée pour promouvoir, réguler et récompenser le patinage de vitesse, le patinage artistique et le hockey. Des règles furent mises en place les années suivantes pour réguler les skating rinks publics :

  • Pas d’éclats de voix
  • Pas de conduites dangereuses
  • Interdiction de salir la surface de patinage avec du tabac, des crachats ou tout autre substance
  • Pas de canes, de cordes ou tout autre article dangereux sur le rink
  • Seuls les personnes connues ou acceptables pourront accéder à la piste et se voir prêter des patins.

Il fallut toutefois un peu de temps pour que la folie du patinage reprenne de plus belles, quelques années plus tard. 

Les skating rinks les plus connus et les plus sélects de Paris

  • Le Skating du Cirque des Champs-Élysées
  • Skating rink de la place d’Eylau (future place Victor Hugo) – appartenant à la société fondée par Harding, concessionnaire de Tramway.
  • Le Skating Palais (av. Bugeaud 30-34, 55, av. du Bois de Boulogne et rue Picot)
  • Skating Rink du Faubourg Saint-Honoré (au n°130)
  • Skating Rink de la Chaussée d’Antin (15, rue Blanche, 16, rue de Clichy). 

1889 : la seconde vague de la mode du patin à roulettes et la renaissance des skating rinks

Il fallut les efforts des patrons de rinks combinés à des innovations technologiques pour voir la mode du patin trouver un nouvel élan. L’avènement des roulements à billes utilisés dans les patins à roulettes de Levant Marvin Richardson, ainsi que ses coussinets en caoutchouc permettant de redresser les essieux donnèrent véritablement un nouveau souffle à la pratique de la fin des années 1880 à la fin des années 1890. Les patins devinrent plus légers et roulèrent beaucoup plus facilement. En 1889, le patin à roulettes revient sur le devant de la scène avec l’inauguration du Palais d’Hiver en France.

Une forte demande en bois

Le prix des matières premières comme le buis explosa avec la forte demande des fabricants de patins. Ainsi, la Perse et la Turquie bénéficièrent de l’aubaine. De plus, des instructeurs professionnels furent engagés par les skating rinks, puis des démonstrations de patinage artistique en solo ou en couple furent encouragés. En outre, de nombreux livres expliquant les figures furent publiés (Morris Traub, 1944).

De nouveaux rinks plus spacieux sortirent de terre dans les grandes villes comme à Chicago avec le Casino Rink en 1884. En effet, plus de 5000 personnes s’y amassaient les nuits d’ouvertures. Il disposait par exemple d’un stock de 1500 paires, de six instructeurs dont deux femmes. L’équipe dirigeante était particulièrement attentive au bon déroulement des soirées car l’endroit accueillait le gratin de la ville. Il offrait un éclairage d’excellente qualité, de la musique.

La porte Rapp, probable entrée du Columbia Skating Rink - Musée Carnavalet - Histoire de Paris
La porte Rapp, probable entrée du Columbia Skating Rink – Musée Carnavalet – Histoire de Paris

1892 : Le Columbia Skating Rink

En France, le Columbia Elite Roller Skating-Rink ouvrit ses portes le le 21 décembre 1892. Il était tenu notamment par Ridgely et Simmons. Le rink s’installa alors dans le Palais des Beaux-Arts, au Champ de Mars. Il aurait bénéficié des infrastructures désaffectées de l’exposition universelle de 1889.

Le Columbia Skating Rink se situait non loin de la porte Rapp selon le journal L’Intransigeant du 16 février 1927. En outre, son parquet s’étendait sur 3.500 m² et l’aménagement coûta plus de 250 000 Francs.

1907/1910 : la troisième vague du patinage à roulettes et des skating rinks

American Roller Skating Rink Paris
L’American Roller Skating RInk de Paris – un haut lieu du patinage à roulettes dans la Capitale

La mode du patinage revient aux Etats-Unis aux environs de 1907. Puis, elle se répandit une nouvelle fois sur l’Europe en 1909. En outre, Paris vit sortir de terre une douzaine de skating rinks sur la période 1910-1914. (Sam Nieswizski – Rollermania, 1991).

Janvier 1910 : L’American Skating Rink

A belle on rollers by T de Thulstrup - 21 février 1885
A belle on rollers by T de Thulstrup – 21 février 1885

Une publicité de la Comœdia illustrée du 15 janvier 1910, qualifie l’American Roller Skating Rink de la Place Victor Hugo (Rue Saint-Didier) ainsi : 

« Le plus sélect rendez-vous de Paris […] La plus grande et la plus belle piste de Paris, entièrement entourée par un vaste promenoir circulaire. »

Il appartient à C.P. Crawford et F.A. Wilkins, également propriétaires du skating rink de l’Hippodrome qui a ouvert le 1er octobre 1909.

Tarifs du Skating Rink de Saint-Didier - extrait du Figaro du 16 octobre 1911
Tarifs du Skating Rink de Saint-Didier
Extrait du Figaro du 16 octobre 1911

1909 : Crawford, le roi des « skating rings »

Il est des entrepreneurs qui laissent une empreinte de leur passage. Dans le monde du patinage à roulettes, Crawford a érigé un nombre impressionnant de skating rinks, à tel point qu’il hérita du surnom de « roi des skating ».

Le roi des skating dans la capitale française

 » Où Crawford paraît ! Un nouveau roi à Paris

Crawford, le fameux multimillionnaire américain, est dans nos murs depuis hier. Presque tout le monde, le sait. Il n’y a guère que la sûreté qui l’ignore. On dit même qu’une forte personne, qui comptait beaucoup sur lui jadis, est aux nues ! Va-t-on reparler de mariages fabuleux, d’entrevues mystérieuses, de coffre-forts légendaires ?… Non ! car le Crawford qui vient d’arriver n’a rien de chimérique. C’est un « roi » en chair et en os, le célèbre roi du « Skating- ring ». Et il vient conquérir Paris, la France ; à ce sport élégant, comme il a déjà, en quelques années, conquis les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Allemagne ; Le roi américain vient se faire couronner dans la Grand’Ville.

La carrière de ce prodigieux manager, est véritablement extràordinaire : il y a deux ans, il débarquait en Angleterre, fort de sa grande fortune et de « sa merveilleuse entente des grandes entreprises. Il conquiert Londres à son sport émouvant, lance des « skating rings » dans trente des plus grandes villes du royaume, enthousiasme grands et petits… et distribue plus de cinq millions de dollars à ses actionnaires. Jamais entreprise plus colossale ne fut réalisée plus rapidement.

Ce Napoléon des affaires arrive à Paris. Et dès le 1er octobre prochain, l’immense Hippodrome, entièrement transformé, brillant de milliers, de feux, plein d’attractions rares, sera le « paradis » des amateurs de « skating ring ». Le patin à roulettes, dont il est l’inventeur, plus rapide, plus sôuple et plus silencieux que le patin à glace, émerveillera les Parisiens.

Quelques semaines plus tard, la rue Saint-Didier, en plein Passy, aura également son palais, plus somptueux encore plus select, attirant toutes les’élégantes… donc les élégants, de ce quartier aristocratique… Enfin presqu’en même temps Bordeaux, Nice, Marseille, Anvers auront leur temple du skating. Des centaines d’ouvriers y travaillent déjà.
Crawford, l’air impassible, ordonne, dirige, presse ces gigantesques entreprises qui révolutionneront nos sports élégants. Et bientôt il pourra dire come Céra :  » Veni, vidi, vici !  » 

Le Petit Journal – 17 septembre 1909

1 octobre 1909 : le skating de l’Hippodrome

Ce dernier fait parler de lui dans la presse :

« …d’un plancher spécial en érable a été à grands frais apporté d’Amérique à l’Hippodrome et pour assurer à ce plancher une surface absolument lisse, on se sert d’une machine électrique, qui, par un procédé spécial, donne une surface polie comme un miroir. »

Le Pays : journal des volontés de la France – 2 octobre 1909

Skating rinks et skating rings

« Alors, nombre de jeunes citoyens, aussi peu soucieux de faire une longue course que de payer un franc la jouissance des skating-rings de la rue de Clichy, de la Porte-Maillot ou de la rue Saint-Didier, font des dehors, des dedans et même des parterres sur la chaussée, sur les trottoirs, le long des maisons, autour des marronniers déplumés, partout. Mon ami s’avance avec précaution parmi la foule roulante et tourbillonnante. Un patineur, lancé à reculons, le heurte.
– Prenez donc garde,sapristi !
– Oh pardon monsieur. « 

Le 14 mars 1910, à l’occasion d’une réunion à Londres,  Crawford et Wilkins démissionnent :

« Des critiques très sévères ont été faites au sujet de leur gestion, surtout en Angleterre, car une dizaine de leurs établissements sont déjà en liquidation. « 

L’artiste Lyrique n°7 – avril 1910
Gil Blas / dir. A. Dumont – 15 février 1911

En novembre 1910, le Luna Park rouvre son skating rink. Il semblerait que la Première Guerre Mondiale a mis un coup d’arrêt à la construction de skating rinks. Toutefois, quelques uns subsistent durant l’Entre-Deux-Guerres.

L’Anglo American Roller Skating Rink à Lille

Les patineurs du Nord se donnaient rendez-vous à Anglo American Roller Skating Rink à Lille. Il siégait au 197 rue Nationale, Lille (en face de l’Hôtel Delannoy).

Extrait du journal « La vie flamande illustrée » du 23 novembre 1910 :

Publicité pour l'Anglo American Skating RInk de Lille en 1910
Publicité pour l’Anglo American Skating RInk de Lille en 1910

La clientèle des skating rinks évolue au fil du temps

A partir de 1922, la plume de Marcel Fournier, évoque une population de pratiquants bien moins aisée que celle des pionniers des skating rinks.

« Dans une grande salle bariolée, des gens aux vêtements pauvres, aux figures sales, se livrent à la joie de patiner et leurs mouvements sont d’ailleurs réglés de façon très adroite. Au milieu d’eux, le Poète séduit la Femme, à la grande colère de l’Homme. Et ce drame se déroule entre gens gênés par leurs patins mais conservant la dignité qui convient aux grandes épopées. La partition de M. Honnegger est nuageuse elle aussi ; en poussant l’idée vers la gaieté, il me semble qu’il n’y aura eu matière à une œuvre aussi savoureuse que les délicieuses vierges folles. « 

Le Monde Illustré – 28 janvier 1922

Le patinage s’empare inéluctablement de la rue

Un article prophétique ou clairvoyant paru dans le Figaro en 1876 annonce les évolutions à venir de la pratique du patinage à roulettes :

« Pour peu que cette mode continue, j’entrevois même le jour où l’asphalte de nos rues et de nos boulevards sera sillonné par les skatineurs… Chaussés de patins à roulettes et se tenant à la main, nous verrons chaque soir des bandes de gommeux et de gommeuses se rendre au Bois… ». 

Le Figaro, 1876

Des rinks ambulants !

Si les modes vestimentaires, les équipements et le fond musical ont changé au fil des décennies, rien n’a plus évolué que les skating rinks eux-mêmes.

Au début du XXe siècle, les surfaces d’évolution ne vont cesser de s’étendre et de s’améliorer. En outre, l’une des structures les plus populaires des Etats-Unis était un rink ambulant, qui voyageait à travers le pays, à la façon d’un cirque. Ainsi, le convoi s’arrêtait dans les petites villes qui n’avaient habituellement pas la possibilité de faire découvrir l’activité du patinage à leurs habitants. Le plancher était en général monté pour une durée d’environ un mois, voire plus. Plusieurs entrepreneurs misèrent sur ce concept et les rinks démontables ont rencontré le succès, tout en s’avérant profitables pour leurs propriétaires. Pourtant, lors de la seconde Guerre Mondiale, les skating rinks itinérants disparurent progressivement du paysage.

Avec le passage du temps, la musique jouée par orchestre a progressivement fait place à de la musique enregistrée. Puis les patins à chaussure fixe ont fait leur apparition et relégué les « clamp skates » au rang d’antiquité. Malheureusement, le plus grand conflit de l’histoire moderne marqua la fin d’une ère pour le patinage et les skating rinks dont les spacieux bâtiments furent réquisitionnés pour l’effort de guerre.

Il existait fréquemment des bars au sein des skating rinks. ils étaient bien plus fréquents que les snack bars. La plupart des rinks proposaient des bières et des boissons non alcoolisées aux patineurs assoiffés.

Publicité pour un skating rink de Boston (MA. USA) en 1906
Publicité pour le Park Square Roller Skating Rink de Boston (Massachussetts, USA)

Les roller rinks : un phénomène qui perdure aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la fièvre des skating rinks perdurent plusieurs décennies. Après la Seconde Guerre Mondiale, le baby boom s’accompagne alors d’un développement considérable du nombre de lieux de pratiques à travers le pays. En effet, les enfants y célèbrent leurs fêtes d’anniversaire et les adolescents y voient naître leurs premiers émois amoureux. Ainsi, les skating rinks sont devenus un véritable rite initiatique pour les jeunes américaines des années 50 à 80.

La révolution des roues en uréthane dans les années 70 a rendu la pratique plus agréable et les sols plus faciles à entretenir. Par la suite, la fièvre roller disco des années 70 redonna un nouvel élan aux roller rinks. Puis, la clientèle vieillissante est remplacée par des patineurs adolescents et de jeunes adultes.

La fin de la période disco et l’avènement du patin en ligne touchèrent durement l’industrie des rinks. Le retour du roller derby permit à de nombreux propriétaires de salles de trouver un nouveau débouché, en plus du roller hockey, du roller course et des compétitions de patinage artistique.

Quelques chiffres sur les skating rinks (source : Wikipedia)

  • Coût moyen d’ouverture d’un skating rink : 1 million de dollars
  • Répartition des recettes :
    • Entrées : 45%
    • Location de patins : 20%
    • Snack bar : 14%
    • Magasin spécialisé : 10%
    • Jeux : 6%
    • Divers : 5% 
1909 : Skating rink de l'Exposition Building à Pittsburg, Pennsylvanie, Etats-Unis - Photo de R.W. Johnston
1909 : Skating rink de l’Exposition Building à Pittsburg, Pennsylvanie, Etats-Unis – Photo de R.W. Johnston

Pour aller plus loin

Notre rubrique consacrée à l’histoire du roller

Les skating rinks disparus aux Etats-Unis et à travers le monde

Auteur

Alexandre Chartier

''alfathor''

Alexandre est le fondateur et webmaster de rollerenligne.com depuis 2003. C'est un passionné de roller en général, tant en patin traditionnel qu'en roller en ligne. Il aime le patinage à roulettes sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Aspirine et/ou café recommandés si vous abordez un de ces sujets !

1 réponses pour “1857 – 1912 : la grande époque des skating rinks

  1. René-Pierre Alié

    Merci pour cet article très instructif. Il m’a éclairé à propos d’un passage de l’oeuvre d’Alphonse Daudet, « Sapho », où l’on peut lire : « Ramassée sur l’asphalte du skating… » à propos de la maîtresse de l’un des personnages du roman. Les pistes de skating, vers 1880, participaient assez couramment à ce qu’on pourrait appeler la « sociabilité » de l’époque, en France.

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